Servir l’autre pour servir Dieu

Servir l’autre pour servir Dieu
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Aigle (VD), octobre-novembre 2020

Texte et photo par Jean-Bastien Mayoraz 

« Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. » (Mat 25, 40)

Ce passage de l’Evangile peut nous amener à penser que servir l’autre est un « devoir » inhérent à la vie chrétienne. Cependant, une telle conception comporte deux dangers. Le premier est de réduire la notion du service à des fins intéressées, c’est-à-dire en vue d’obtenir ou de ne pas perdre quelque chose, comme l’approbation de Dieu ou, tout simplement, son « ticket d’entrée » au ciel. Servir l’autre dans le sens d’un devoir nous amène finalement à ne servir personne d’autre que nous-même. Le deuxième danger est d’envisager qu’en servant l’autre, Dieu nous aimera davantage. Or, avec un tel raisonnement, nous réduisons Dieu à notre amour conditionnel et limité, et Dieu est beaucoup plus grand que cela, Il est Amour sans limite. Inutile donc de servir son prochain dans l’espoir de gagner l’Amour de Dieu, puisque nous l’avons déjà dans son infinité, malgré tout ce que nous faisons ou ne faisons pas ! Servir l’autre ne doit, par conséquent, pas être compris comme un devoir chrétien ou une condition pour que Dieu nous aime, mais comme la conséquence inévitable de son Amour pour nous et de notre amour pour Lui.

Servir l’autre implique également de renoncer à certains concepts propres à la rationalité humaine, comme l’efficacité, le rendement ou l’utilité. Ces notions qui nous sont si chères dans le contexte professionnel risquent, en effet, de dénaturer la gratuité du service et d’en supprimer la dimension essentielle. Dieu ne demande pas de « comptes » ou de « chiffres verts », Il demande simplement un cœur aimant, avec toutes les conséquences qui en découlent. A cette fin, évitons de nous convaincre que nous sommes capables de disposer d’un cœur aimant par nos propres forces, comme nous pouvons, par exemple, contracter un muscle. Avoir un cœur aimant demande, au contraire, un lâcher-prise de notre part, puisqu’il requiert avant tout de se laisser aimer par Dieu. Ce n’est qu’en nous laissant aimer profondément par Lui, que nous pourrons alors aimer un peu plus comme Lui. Plus nous nous laisserons bronzer par son Amour infini et inconditionnel, et plus nous pourrons, consciemment ou non, le diffuser autour de nous, que ce soit à travers notre regard, nos paroles ou nos actes. Ce n’est que rempli de l’Amour de Dieu que nous pourrons aimer véritablement l’autre. Et ce n’est qu’en aimant véritablement l’autre que nous servirons Dieu.