«Souffrir pour être sauvé?»

Entretien avec l’iman Warith Deen Mohammed avant son discours à 3000 personnes dans la mosquée de Harlem (New-York) en 1997.

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Clins Dieu sur les Contrées (VS), mars 2021

Par l’abbé Etienne Catzeflis
Photo: DR

Puisse cette page participer un peu au délicat éclairage de l’abbé Amherdt dans l’Essentiel de ce mois sur le sujet de la souffrance. Il me plaît de redonner simplement diverses considérations de Chiara Lubich 1 (CL) sur la « face cachée » de la spiritualité de l’unité, prônée par le Mouvement des Focolari.

Car c’est habituellement un « château extérieur » plutôt souriant, jovial, plein d’optimisme (certains y voient même de la naïveté), que nous observons chez les membres et dans les réalisations de cette OEuvre, connue pour son dialogue à 360 degrés avec les hommes et femmes, quelles que soient leurs religions ou leurs convictions spirituelles.

Dans une série de conseils pratiques CL précise : « On ne peut pas aimer la souffrance pour elle-même, parce qu’elle est un nonêtre (…). Par contre, c’est Jésus crucifié et abandonné que nous pouvons aimer. Il est présent en toute souffrance et en toute personne qui souffre. »

« Jésus crucifié et abandonné » est l’image qu’elle garde constamment présente à son esprit et à son coeur. Le Maître est tendu vers son « heure », celle de sa Passion (Mc 14,35), qui est celle de sa glorification (Jn 17,1) ; pour Le suivre, Il nous invite à renoncer chacun à soi-même et prendre sa propre croix, Il rappelle (non sans s’émouvoir) la nécessité que le grain de blé jeté en terre meure pour porter du fruit en abondance (Jn 12,24).

Il s’agit donc de comprendre que sa croix et sa mort à Lui sont la réalité du plus grand amour. Nous nous sommes dit : « C’est dans l’abandon que Jésus a le plus souffert. Suivons-le donc là. A l’époque, ce n’était que des mots, ensuite c’est devenu la réalité. »

Pratiquement, « comment donc nous comporter lorsque la douleur se présente ? Nous pouvons nous recueillir et dire :’ Jésus, je veux Te suivre, même sur la croix, même abandonné. Or voilà que j’en ai l’occasion. Je T’offre cette souffrance, je suis heureux d’avoir cette souffrance à T’offrir. ’ Ensuite nous nous mettons à aimer le frère, ou bien nous continuons à faire la volonté de Dieu, quelle qu’elle soit. »

Convaincue par l’expérience, elle affirme : « De fait, si on se jette à accueillir, à ‘ embrasser ’ la croix, on ne trouve pas la souffrance, mais bien plutôt l’amour : on trouve Dieu, donc la joie. (…) Essayez de vivre ainsi, vous serez surpris ! » Et elle appuie : « Aimer Jésus abandonné en essayant de le faire (…) toujours, tout de suite, avec joie. Le matin je me consacre donc à nouveau à Jésus abandonné. Je veux, si possible, L’aimer encore plus fréquemment, le faire encore plus vite et ‘ avec joie ’ ».

Il n’est pas étonnant que de telles paroles, reposant sur la Parole de Dieu et sur la constance de la pratique, aient un fort retentissement sur diverses autres spiritualités, notamment asiatiques, qui s’interrogent sur cette dimension universelle de la souffrance.

1 Fondatrice de l’Oeuvre de Marie, nom sous lequel le Mouvement a été approuvé par l’Eglise catholique. Les citations viennent toutes du petit opuscule: Chiara Lubich, La Souffrance, Nouvelle Cité, 1998, pages 9, 63, 19, 30, 34).