Une Etoile dans les étoiles !

Une Etoile dans les étoiles !

Mirka Dessauges, astrophysicienne d’Aigle

PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVIE BLUMENTHAL
PHOTOS : SYLVIE BLUMENTHAL, DR

Qui est Mirka ?

Je viens de Slovaquie et suis arrivée en Suisse, à Aigle, avec mes parents et ma sœur en 1984, où j’ai grandi et étudié. Attirée par le ciel, j’ai profité de la chance d’être proche des montagnes et d’être dans une ville sans trop de pollution lumineuse, pour observer le ciel. Je suis docteure en astrophysique depuis 2003 ; j’ai la chance d’avoir un poste de maître d’enseignement et de recherche en astrophysique à l’université de Genève, tout en habitant Aigle. J’ai ainsi pu rester dans ma région tout en exerçant le métier qui me passionne. Je suis mariée et maman de petites jumelles.

En quoi consiste votre métier ?

Le métier d’astrophysicien, qu’on appelait autrefois astronome, est très ancien. Déjà avant Jésus Christ, les gens observaient les astres dans le ciel pour comprendre la place de l’homme et de la terre dans l’univers. Ils étaient à la fois astronomes et philosophes. Actuellement, on étudie la physique de tout ce qui nous environne – planètes, étoiles, systèmes plus gros qu’on appelle galaxies et la formation et l’évolution de ces astres dans l’univers.

Qu’est-ce qui vous a motivée à choisir cette voie ?

Vers 10-11 ans, j’ai regardé tout à coup le ciel et j’ai vraiment eu envie de connaître et comprendre les étoiles. De plus, je pense qu’on aimerait bien savoir si la vie se trouve uniquement sur Terre ou non – des questions fondamentales qui n’ont pas encore de réponses aujourd’hui. Depuis la découverte des exoplanètes, on sait qu’actuellement il y a énormément de planètes orbitant autour d’autres étoiles que le soleil et on essaie toujours de comprendre s’il peut y avoir aussi de la vie. Vu leur grand nombre, il y a des milliers de possibilités.

La science place la création du monde à partir du big bang ; en tant que chrétienne, comment arrivez-vous à concilier science et foi ?

En astronomie, ce n’est pas trop difficile. C’est vrai qu’on arrive à expliquer énormément de choses. Tous les phénomènes observés dans l’univers – gravitation, effets quantiques, relativité générale, etc. – sont régis par des lois physiques scientifiquement expliquées, ce n’est pas du hasard. On a aussi des preuves observationnelles d’un big bang. On peut remonter jusqu’à quelques minutes /secondes après le big bang et expliquer ce qui s’est passé ; on ne peut donc pas en douter. Malgré tout, il reste de la place pour beaucoup de mystères ; par exemple, on sait que le big bang a eu lieu, mais pas ce qui l’a déclenché. Est-ce que le temps s’est créé à ce moment ou existait-il déjà avant ? Je dirais que dans ma carrière en astronomie, je n’ai pas de problème avec la foi chrétienne, car il reste ce mystère de la genèse de l’univers qu’actuellement on ne peut pas expliquer et qu’on n’arrivera probablement jamais à expliquer.

Après, au quotidien, la vie scientifique, c’est bien ; mais, si on veut grandir dans l’amour – on peut l’appeler christianisme, taoïsme, bouddhisme, islam, etc. – dans un monde où vivent plus de 8 milliards de personnes, il faut trouver une ligne de conduite, une morale importante, chrétienne ou autre, qui va au-delà de la science. C’est un fait d’expliquer la médecine, la biologie ou l’astronomie ; mais je pense que pour l’esprit humain, on a besoin de plus et cela, la science ne l’apporte pas forcément.

Pour observer les planètes il faut beaucoup de patience. Est-ce que vous arrivez à appliquer la même rigueur dans la pratique de la foi et comment la transmettez-vous ?

J’ai longtemps été une catholique très pratiquante, surtout grâce à mes parents. J’ai même fait partie des Focolari. Actuellement, avec moult occupations et mon métier très prenant, je ne suis plus assidue à la messe. Mais mes filles ont beaucoup de plaisir à aller à la catéchèse. J’essaie de leur transmettre ma foi en les éveillant à l’émerveillement face à la beauté de ce monde, lors de nos balades en montagne ou en observant le ciel, la nuit. On est très sensible au problème de la conservation de cette planète, ce cadeau qui nous a été confié. Comment la préserver ? Aimer son prochain même s’il n’est pas très agréable, trouver cette force dans l’Amour pour pouvoir pardonner, ne pas rendre le coup qu’on reçoit, sont des valeurs importantes qu’avec mon époux, nous essayons de vivre en famille. On se rend compte que pour une de nos filles, c’est important d’avoir Dieu dans la vie – cette tierce personne qui est là, à qui elle parle de ses soucis, à qui elle se confie. Avec Dieu, elle sait qu’elle n’est pas seule, même dans les moments difficiles, car Il est toujours présent.

Préserver la planète : est-ce que cela a un impact au niveau de l’astronomie ?

Non ! L’écologie ou l’effet de la sauvegarde de la planète en soi n’influence pas le reste de l’univers. On peut même dire qu’actuellement, le fait que la température augmente et qu’il y a des effets de serre sur la terre, c’est complètement indépendant du cycle solaire. Il est vrai que sur une très longue échelle géologique, des périodes chaudes et froides ont toujours existé. Mais actuellement, il y a une très forte accélération de ce phénomène d’augmentation de température, non par effet géologique, mais à cause de l’industrialisation et de l’activité humaine. Néanmoins, cela n’impacte pas encore l’observation des étoiles partout sur la terre. Par contre, la tendance actuelle d’envoyer de nombreux satellites en orbite gâche l’observation du ciel en créant des parasites dans nos images. C’est de nouveau l’impact humain, et vu qu’on est majoritairement tributaire de rester sur terre pour observer le ciel, ça peut devenir problématique.

Avez-vous un message à faire passer à nos lecteurs ?

Oui, un message en lien avec l’écologie, la préservation de notre monde. Je suis fondamentalement persuadée que l’univers est suffisamment vaste pour qu’il y ait de la vie ailleurs. Mais c’est impossible d’aller vers ces mondes, car ils sont simplement trop lointains. Même avec le développement scientifique, jamais on ne pourra atteindre une autre planète hors du système solaire et on ne pourra y vivre. Je dirais donc : prenons soin de ce qui nous a été offert et qui est là, à côté de nous, parce qu’on ne pourra pas voyager vers un autre monde. Ceci passe par notre comportement quotidien – le partage, la modération et aussi par une éducation chrétienne. Je crois qu’être chrétien, ça va avec le fait de vouloir rester humble et ne pas abuser de ce qu’on a.