Briser les a priori

Briser les a priori

En Centrafrique, trois dignitaires religieux se sont unis pour briser la spirale destructrice de la violence. Le documentaire, Sìrìrì, le cardinal et l’imam, retrace le combat de deux de ces artisans de paix pour ramener leurs semblables sur le chemin du dialogue. Entretien avec son réalisateur, Manuel von Stürler.

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS : DR

Vous affirmez ne pas être croyant, pourquoi ce film ?

Je suis convaincu qu’il ne faut pas que nous nous enfermions dans nos propres convictions et c’est un peu ce que je déplore ces dernières années. Que l’on soit écolo, provaccin ou anti, de droite, de gauche ; nous avons de plus en plus de peine à faire société. Il est important d’échanger les points de vue, même divergents. Echanger, dialoguer permet de se nourrir, car cette différence est une richesse. M’intéresser à ce que je ne connais pas a toujours été ma ligne de conduite. J’étais assez remonté face aux religions, par histoire familiale et personnelle, en même temps je ne m’y suis non plus jamais vraiment intéressé. C’était une opportunité de passer au-delà des a priori. En Centrafrique, pays ravagé par la guerre, j’ai réalisé que les seules personnes encore à l’œuvre et fortement engagées sont des religieux et religieuses. Cela force le respect.

Avez-vous trouvé une forme de foi en voyant le combat de vos protagonistes ?

Je n’ai jamais perdu foi en la vie. Ces religieux accomplissent un travail au-delà de l’entendement, comme les deux protagonistes du film qui n’hésitent pas à mettre leur vie en danger pour être à l’écoute de l’autre. Là, j’ai pu mesurer l’écart qu’il y avait entre mes valeurs et mes actions. Chez eux il y en a certainement aussi un… mais beaucoup plus réduit que le mien. Ces religieux ont un rôle absolument primordial. Cela m’a donné l’occasion de réfléchir à l’engagement religieux que certains continuent de porter en Europe. On oublie que s’ils n’étaient pas là, qui accomplirait le travail qu’ils font ?

Le point de départ de ce film vient de la rencontre avec le père Paolo Dall’Oglio…

Cela a vraiment été le début de l’intérêt pour cette question de l’engagement religieux et du dialogue interreligieux. Le père Paolo était engagé en Syrie dans ce dialogue. C’est à travers lui que m’est venue l’idée d’aborder ce sujet. Je le voyais aller à la rencontre des responsables religieux en Syrie. Pour lui cette démarche était évidente. Il fallait dialoguer pour permettre le vivre ensemble, cela quel que soit le positionnement politique, idéologique ou de foi. Malheureusement il a été tué en Syrie. J’ai donc momentanément abandonné ce sujet jusqu’à ce que je découvre « les trois saints de Bangui ».

Il y a un intérêt persistant dans le temps pour les religieux. Qu’est-ce qui vous inspire autant chez eux ?

Dans ma vision, a priori, de ces deux responsables religieux, il y a forcément antagonisme. Alors qu’en réalité, ils ont réussi à mettre en évidence ce qui les relie dans les valeurs humaines et ont décidé de se mettre ensemble pour aller de l’avant. J’y vois un parallèle avec d’autres formes de dialogue dans nos sociétés.

En quoi le combat de ces deux hommes peut-il toucher les Occidentaux dont les préoccupations se situent bien loin de la Centrafrique ?

Le conflit centrafricain représente une parabole exacerbée des problématiques du monde : la mise à l’écart des périphéries, le rapport nord-sud, l’exploitation des ressources du sud par le nord, l’infantilisation des pays pauvres, la division permanente pour mieux régner.

La visite du pape François à Bangui en 2015 a-t-elle eu une influence sur le conflit centrafricain ?

La visite a eu un impact énorme. C’était déjà une visite assez culottée en terme de sécurité. La France et les Etats-Unis, fortement représentés en Centrafrique, avaient déconseillé au Pape de venir, car ils ne pouvaient assurer sa sécurité. Il est tout de même venu. C’est un engagement fort de sa part dont l’incidence a été que pendant sept ou huit mois les armes se sont tues. Cette accalmie a permis de mettre sur pied une présidence intérimaire et de préparer l’élection d’un nouveau président.

Biographie express

Manuel von Stürler, né le 29 avril 1968 à Lausanne, est un réalisateur franco-suisse. Il a notamment été primé par l’Académie européenne du cinéma pour son documentaire Hiver nomade (2012).

Une projection exclusive dans votre salon !

Le film Siriri, le cardinal et l’imam relate le combat commun du cardinal Dieudonné Nzapalainga et l’imam Kobine Layama pour la paix en Centrafrique. Vous pouvez découvrir cette histoire « trop extraordinaire pour ne pas être racontée » à l’occasion d’une projection spéciale en e-cinéma pour les lecteurs de L’Essentiel.

Le lundi 10 janvier à 20h15

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