Autolimitation

Autolimitation

PAR JEAN-PASCAL GENOUD | PHOTO : PIXABAY

L’immense penseur et écrivain russe, Alexandre Soljenitsyne, au soir de sa vie, donnait trois conditions qui lui paraissaient nécessaires à l’avenir de l’humanité. L’une d’entre elles, il l’appelait autolimitation, se référant à la longue tradition chrétienne.

Il est évident que notre monde s’est emballé dans une frénésie de consommation, rendue possible par les révolutions industrielles et technologiques des derniers siècles. Longtemps cela a paru être de l’ordre d’un formidable progrès, dans une sorte d’ivresse devant les possibilités offertes par le développement stupéfiant de la science et de la technique.

Le XXIe siècle devait toutefois marquer un tournant. Prise de conscience douloureuse que les ressources de notre planète de sont pas infinies et que la hausse du niveau de vie d’une bonne partie du monde s’accompagnait de tout un cortège de fléaux redoutables. Pollution engendrée par l’activité économique, perturbations repérées dans les équilibres climatiques, perte de la biodiversité s’additionnent pour assombrir un avenir devenu plein de risques.

Dans ce contexte, la sagesse du vieux sage russe ne peut que nous interpeller, lui qui, des décennies à l’avance, prônait le principe d’autolimitation. Je peux faire trois voyages par année, mais je peux aussi choisir de n’en faire qu’un, que je prépare avec d’autant plus de soin et que je risque d’apprécier avec davantage de goût. Je peux céder à la tentation des sirènes de la publicité pour avoir l’ordinateur ou le téléphone portable dernier cri, mais je peux y résister librement. Je peux décider de faire moins de kilomètres avec ma voiture pour une occupation de mes loisirs plus en qualité qu’en quantité.

Devrais-je tomber dans un christianisme tristement puritain ? Avec au ventre, la peur de vivre pleinement et une mauvaise conscience permanente ?

Le Carême pourrait être au contraire ce temps d’une réflexion pour une joyeuse exigence. Le temps d’un engagement pour dépenser moins afin de vivre mieux. Avec la joie morale de conjurer un avenir menaçant. Nous serions alors les témoins d’un Dieu qui ne nous a pas voulus tout-puissants, mais capables de vivre intensément et solidairement nos limites humaines.