Sur le parvis du temple

A la Pastorale des Milieux ouverts, l’Eglise remplit pleinement son rôle prophétique, d’une part, en interpelant l’Etat et la société sur la grande précarité. Et d’autre part, en ne réduisant pas les personnes à leurs étiquettes, tout en les rendant acteurs du changement.

PAR MYRIAM BETTENS 
PHOTOS : PASTORALE DES MILIEUX OUVERTS

Les framboises du potager font le bonheur des petits comme des grands. 

« A Genève, si l’on est pauvre, c’est parce qu’on n’a pas réussi ou qu’on est à l’aide sociale. En bref, on est un poids pour la société », détaille Inès Calstas concernant le regard porté sur la grande précarité. Elle poursuit : « Il y a beaucoup de culpabilité et de honte, alors que la grande précarité n’est jamais un choix ! » Provoquée bien souvent par « des accidents de la vie, de grandes cassures, voire même des injustices sociales », cette misère s’est matérialisée dans les interminables files d’attente pour des biens de première nécessité, lors de la crise Covid. Les Genevois ont-ils pour autant pris conscience que derrière la façade d’une des villes les plus riches du monde se cache une vraie détresse ?

« Il est certain que cela dérange et questionne beaucoup. On peut vite tomber dans le refus de cette réalité ou la critique en se donnant des réponses pour éviter de se confronter à cette grande précarité. La question est de savoir comment réagir à cette misère ? Est-ce qu’on se barricade ou on choisit d’essayer de faire quelque chose pour changer la situation ? » A la Pastorale des Milieux ouverts, on a choisi la seconde option en rendant les personnes en situation de grande précarité acteurs de ce changement.

Par le biais de « cercles de conversation », toutes les activités de la pastorale ont été choisies et planifiées ensemble. L’atelier couture permet d’acquérir des compétences dans ce domaine et de vendre les créations sur la boutique en ligne de la pastorale. Les potagers urbains, quant à eux, offrent l’opportunité de partager la récolte tout en faisant connaître ceux qui vivent la précarité au quotidien. Outre cela, la pastorale « essaie de trouver des partenariats avec des associations ou des entreprises pour donner un espoir de sortie de la grande précarité. Ces personnes sont motivées et capables. Le rôle de l’Eglise est aussi de déceler l’immense potentiel que ces personnes possèdent ».

Au service, mais comment ?

Une chose que la Pastorale des Milieux ouverts accomplit et dont on ne se rend pas compte ?
Inès Calstas : Une des choses que l’on ne sait peut-être pas concerne les mendiants. J’ai vu certaines de ces personnes mendier à genoux à la rue de Lausanne. Actuellement, elles ont un emploi. Je n’affirme pas qu’elles soient complètement sorties de la précarité, il ne faut pas se méprendre. La Pastorale des Milieux ouverts n’est pas une baguette magique qui fonctionne sans effort. Par contre, je crois qu’il est possible de sortir des personnes de la grande précarité, si on n’y met les moyens, de la bonne volonté, que l’on croit en Dieu et dans l’être humain. Nous avons relevé ces personnes qui mendiaient à genoux. Aujourd’hui elles sont debout.

Quel « service » apportez-vous aux Genevois, de manière générale ?
IC : Nous renflouons les caisses de l’Etat ! (rires). Nous avons un système pour les personnes en grande précarité et très endettées. Elles peuvent effectuer un travail bénévole à la ville de Genève ou auprès d’associations. En contrepartie, nous recevons de l’argent de fondations et de personnes qui croient en nous. Par ce biais, nous pouvons payer des dettes, qui autrement auraient été transformées en jour de prison. Ce procédé coûte cher à l’Etat et brise des personnes. Dans cette démarche, nous acceptons aussi en stage des jeunes soumis à un travail d’intérêt général ou lors de l’exécution d’une peine sous forme de surveillance électronique [bracelets, ndlr.]. Les stagiaires sont donc parfois des personnes à qui nous évitons la prison.

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