Un modèle malgré elle

Un modèle malgré elle

Professeure de droit, férue de course à pied, Astrid Epiney est la première rectrice dans l’histoire de l’Université de Fribourg. Une petite révolution dans cette institution plus que centenaire. Rencontre avec une femme aux multiples talents.

Par Myriam Bettens
Photos : UnicomTout est calme dans le bâtiment principal de l’Université de Fribourg. Seules les mesures de distanciation sociale et le marquage au sol rappellent l’agitation de ces derniers mois. A l’étage supérieur, Astrid Epiney, veille sur l’antre du savoir, désert en ce début de soirée. Première professeure de droit à l’Université de Fribourg et également première rectrice dans l’histoire de cette même institution, la Valaisanne d’adoption n’en tire pourtant pas de mérites personnels. « Cette position est probablement due à des circonstances favorables », note-t-elle. En d’autres termes, elle se trouvait « là au bon moment ». Par ailleurs, la rectrice souligne qu’il est très important que des femmes ayant accédé à des postes à responsabilités servent de modèles à d’autres jeunes femmes. Plus encline à rire d’elle-même que des autres, la professeure de droit ajoute avec humour : « Je ne me décrirais pas moi-même comme un modèle. »

Affiches sexistes et propos blessants

Malgré sa modestie, le Conseil d’Etat fribourgeois l’a remerciée « d’avoir accepté de mettre ses compétences au profit de (l’) Alma Mater (ndlr, l’Université) » et a salué « l’élection d’une femme à cette haute fonction […] ». La rectrice relève tout de même que le ratio hommes/femmes dans l’engagement de nouveaux professeurs n’est « pas si mal », cela place l’Université dans le rang des bons élèves en termes d’égalité de genre. La responsabilité de l’institution est donc de favoriser l’égalité à tous les échelons par des recommandations d’engagements et des mesures de prévention. Néanmoins, « les structures et mécanismes induisant des biais de genre restent très présents et personne n’est immunisé contre cela », affirme Astrid Epiney. Elle illustre notamment son propos par un exemple issu de son expérience personnelle. En novembre 2017, elle se retrouve sous le feu des critiques suite à la décision d’augmenter la taxe universitaire. « Au final du ressort du Conseil d’Etat », précise-t-elle. Mais « si un homme avait occupé mon poste, je ne pense pas qu’on aurait retrouvé des affiches sexistes dans les toilettes ou que certains des adjectifs utilisés à mon encontre auraient été employés », assure-t-elle encore.

Des cours et des courses

La fronde contre Astrid Epiney n’a toutefois pas été généralisée puisqu’elle a été réélue en 2018 pour un second mandat. En tant que rectrice, elle assume en grande majorité les tâches administratives liées à sa position. Cela tout en conservant une charge d’enseignement en droit, à raison d’un cours au semestre d’hiver et un séminaire pour celui de printemps. Lors de ses rares soirées de libres, elle consacre souvent ce temps à la rédaction d’articles de droit pour diverses revues scientifiques. Lorsqu’on la questionne sur son emploi du temps, elle lance d’un air taquin : « Je n’arrive jamais avant midi ! » Toute plaisanterie mise à part, c’est au sport qu’elle s’adonne sur le temps de midi, afin de s’aérer l’esprit et de se maintenir en forme « à (son) âge avancé ». Ni Morat-Fribourg, ni marathon de New York, mais plutôt quelques courses de montagne auxquelles elle participe volontiers en situation normale (ndlr, en référence au coronavirus). Autre talent caché de cette native de Mayence : l’orgue. Elle joue de cet instrument depuis plus de trente ans. « Le projet pour la retraite serait de reprendre les grandes fugues de Bach », révèle-t-elle. En attendant, sa paroisse profite de ses talents de musicienne. Mais gageons que c’est à l’Université qu’elle continuera à mettre les différentes voix au diapason.

La rectrice lors du Dies academicus de 2016.

Un emploi du temps réglé comme un métronome

→ 8h Arrivée au rectorat. Echanges avec le personnel du secrétariat sur les dossiers en cours

→ 8h15 Réunion avec le secrétaire général

→ 8h45 Entretien avec la directrice académique 

→ 9h15 Appel téléphonique à son homologue bâlois concernant un projet de collaboration scientifique  

→ 9h30-12h Rédaction de courriels et affaires courantes

→ 12h-13h Course à pied

→ 13h-13h30 Repas pris sur le pouce

→ 13h30-14h30 Rédaction d’articles et communiqués pour le rectorat

→ 14h30 Rencontre avec un doyen pour discuter des dossiers en cours

→ 16h Réunion avec tout le rectorat ou rédaction d’articles de droit pour des revues scientifiques

→ 20h La rectrice regagne son domicile