Pour moi, Dieu est-il père, mère ou ni l’un ni l’autre ?

 

PAR CHARLES-PASCAL GHIRINGHELLI | PHOTO : LDD

La place des femmes et des hommes fait débat aujourd’hui dans de nombreux domaines, qu’ils soient domestique, professionnel, politique, culturel et forcément ecclésial. Faut-il donc «démasculiniser» un Dieu patriarcal et dominateur, question posée en ce début d’année par plusieurs organes de presse?

Relevons au passage qu’au sein de l’Eglise nous vouvoyons la Vierge Marie (« Je VOUS salue Marie… » et que nous tutoyons Dieu (« Notre père, qui ES aux cieux, que TON nom soit sanctifié… », ceci depuis Vatican II pour la seconde pratique 1. Voilà notamment l’un des signes de profond respect des femmes par l’Eglise.

Mais revenons au débat « femme – homme ». C’est, à mon avis et avant tout, une question posée au sein de notre monde occidental. Beaucoup d’intellectuels, lorsqu’il s’agit d’une préoccupation sur un mode de vie essentiellement en cours sur le quart Nord-Ouest de notre mappemonde, en font souvent un problème censé concerner la planète entière. Est-ce une nouvelle forme d’ethnocentrisme, voire de racisme ? Faut-il déboulonner, bille en tête, la première statue venue, car elle n’est plus en ligne avec nos opinions du moment ?

Il est, en effet, inquiétant de juger les faits historiques à l’aune de la morale, des valeurs peut-être, à la mode. Surtout de vouloir l’imposer à la terre entière. Le faire, n’est-ce pas devenir ainsi de nouveaux iconoclastes 2 qui n’auraient rien à envier aux talibans qui détruisirent les gigantesques Bouddha de Bâmiyân 3. Doit-on maintenant reprocher à Michel-Ange d’avoir reproduit sur les voûtes de la Chapelle Sixtine un Dieu blanc, âgé et barbu ?

Il n’en demeure pas moins que, chez nous, la question est compréhensible et qu’il s’agit certainement de donner aujourd’hui et à chacun, femmes et hommes, les places, rôles, missions, fonctions, professions les plus adéquats et respectueux des uns et des autres et en adéquation avec leurs aspirations naturelles réciproques. Et c’est heureux de voir des sages-hommes dans les maternités, des sapeuses-pompières dans nos casernes, etc. !

De manière plus concrète, Dieu, qui transcende toute détermination limitative, voit-il ombrage qu’une femme ou un homme le considère comme féminin, masculin, ou indéterminé ? Ne pouvons-nous pas penser qu’un Dieu d’Amour n’y voit aucun problème et accepte toute « orientation » de nos prières, aussi maladroites soient-elles ?

Plus fondamentalement, pour nous chrétiens, la Bible est la Parole de Dieu. C’est Lui qui a inspiré ses rédacteurs, prophètes, évangélistes. Ces derniers ont-ils subit un esprit « patriarcal », influencé par leur environnement ? Assurément non, puisque les religions pratiquées, hormis le judaïsme, en Terre Sainte à ces époques, par les Gréco-romains, les Cananéens, etc. étaient polythéistes avec autant de dieux que de déesses !

Dieu s’est-il soudain levé du mauvais pied pour inspirer ces textes en se présentant au travers de pronoms masculins, et encore plus en s’incarnant en Jésus-Christ qui n’était point femme ? Certains auteurs expliquent cela par le fait que Dieu crée « en dehors » de lui comme engendre un homme et non pas « en dedans » de lui comme engendre une femme. Ainsi le théologien réformé Paul Wells précise : La distinction « père » et « mère » à propos de Dieu dans le langage est celle qui existe entre le théisme biblique et le panthéisme. Dans le théisme biblique, le Dieu est transcendant, Créateur, instaure une séparation entre lui-même et le monde ; dans le panthéisme, le monde existe en dieu et dieu existe dans le monde et de conclure appeler Dieu « ma Mère » est une hérésie qui conduit au panthéisme païen 4.

Aussi, n’en déplaise aux zélotes d’un féminisme outrancier, je préfère que nous laissions la liberté aux chrétiens de voir en Dieu qu’ils prient un être masculin, féminin ou indifférencié en toute sincérité, humilité, voire maladresse !

1 Adopté pour cette prière liturgique (l’Ave Maria est une prière
de dévotion) par l’Eglise en janvier 1966, dans le sillage du concile Vatican II, tenu entre 1962 et 1965.

2 Du grec « eikonoklastês » : briseur d’icône, d’image. Qualifie une personne qui est contre les traditions et les habitudes du passé.

3 Haut-relief excavé dans une falaise située en Afghanistan,
(patrimoine mondial de l’UNESCO) détruit en mars 2001

4 Paul Wells, « Dieu : masculin et / ou féminin ? », La Revue réformée
no 217, Aix-en-Provence, mars 2002, pp. 31 et 33

Vitraux de frère Eric de Taizé…

… église Saint-Hyppolite, Grand-Saconnex (Genève)

PAR AMANDINE BEFFA | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

L’église Saint-Hyppolite, au Grand-Saconnex, abrite quatre vitraux réalisés par frère Eric de Saussure. Fils de pasteur, l’artiste est né à Genève en 1925. Il a étudié les Beaux-Arts à Paris et Florence avant d’entrer dans la Communauté de Taizé parmi les huit premiers frères. Il crée alors un atelier de vitraux à l’origine de nombreuses œuvres dans le monde.

Les verrières que l’on peut observer dans la nef de l’église Saint-Hyppolite mettent en couleurs quatre grands personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament : saint Jean l’Evangéliste, saint Pierre, le prophète Isaïe et Moïse.

Moïse tient dans ses mains les Tables de la Loi. A ses pieds, se trouvent un agneau et l’inscription : « Que ma loi soit toujours sur vos lèvres. » L’animal peut rappeler que Moïse a été berger avant que Dieu ne se révèle à lui à travers le buisson ardent.

La phrase semble inspirée du début du livre de Josué : « Ce livre de la Loi ne quittera pas tes lèvres ; tu le murmureras jour et nuit, afin que tu veilles à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit : alors tu feras prospérer tes entreprises, alors tu réussiras. » (Jos 1, 8) Est-ce un choix étonnant alors que les épisodes concernant Moïse ne manquent guère ? Pas nécessairement. Ce sont les paroles par lesquelles le Seigneur s’adresse à Josué après la mort de Moïse. Le peuple d’Israël est désormais confronté à la délicate tâche de vivre sans celui qui l’a guidé hors du pays d’Egypte.

Mais, ce qui compte réellement, ce ne sont pas les personnes que le Seigneur peut choisir pour effectuer une mission particulière à un moment précis. Ce qui compte réellement, c’est ce que Moïse présente entre ses mains : la Parole. Nous n’avons peut-être pas la chance d’avoir côtoyé de grands prophètes, d’avoir eu une révélation divine dans un buisson ardent ou d’avoir pu rencontrer le Christ en personne. Mais c’est la même Parole qui nous est donnée aujourd’hui. Et cette parole, nous sommes invités à la garder sur nos cœurs et sur nos lèvres.

Luda et Dacha, nées là-bas

Luda et Dacha, c’est le nom qu’elles portaient, quand elles étaient dans leur pays, quand elles étaient des petites filles, Luda en Ukraine et Dacha en Russie. Puis les jours ont passé, elles ont grandi, elles ont voyagé et un jour, la vie les a menées en Valais. Elles ont changé de nom, elles ont perdu leur «petit nom» et pris le nom qui figure sur les papiers officiels: Lyudmyla et Daria. Nous nous sommes retrouvées les trois, en marge de la fête interculturelle de Martigny et ces deux femmes, nées là-bas, ont beaucoup à nous dire…

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE BESSON | PHOTOS : DR

Lyudmyla

Je m’appelle Lyudmyla Barkova. Je suis née à Lvov en Ukraine et cela fait 20 ans que je vis à Martigny. J’ai deux enfants de 19 et 15 ans. Je me suis bien intégrée : j’ai appris la culture, la langue. En Ukraine, j’ai fait une formation universitaire de professeur de sport et ici j’ai travaillé à l’école primaire, pour les cours de gym et de natation et actuellement je suis maître-nageur à la piscine de Martigny. Je travaille aussi avec Mahamadou (service de l’intégration) pour l’organisation de soirées. C’est important qu’on puisse vraiment vivre ensemble avec les personnes de toutes ces nationalités installées à Martigny. Voilà ma vie…

«Nous sommes tous différents et on peut tellement apprendre avec des personnes d’autres cultures !»

Daria

Je m’appelle Daria. Je suis née à Moscou. J’ai mon diplôme universitaire en finance et crédit, obtenu en Russie. Actuellement, j’habite à Martigny depuis 9 ans. Je travaille à Verbier. Je suis mariée et j’ai deux enfants de trois et six ans. J’adore mon travail car j’ai beaucoup de collègues de nationalités et de langues différentes. J’essaie de rester en contact le plus possible avec mes parents en Russie. Ils sont âgés et depuis cinq ans ils ont la tutelle de mon neveu, 15 ans, et ma nièce, 11 ans, suite au décès de ma sœur. Normalement je vais les voir une à deux fois par an pour les aider et pour garder ce lien. Malheureusement c’est devenu très difficile maintenant.

La guerre à l’heure de la récréation. – (Daria) Ma vie a beaucoup changé depuis le 24 février, je me sens moins en sécurité… La Suisse est un pays neutre, mais je sens maintenant que tout le monde n’est pas tolérant et compréhensif. Ma fille qui a six ans a eu un problème à l’école, deux jours après le début du conflit avec l’Ukraine. A la récréation, un garçon avec qui elle s’entend très bien habituellement lui a dit que tous les Russes sont méchants et que son grand-père est mort à la guerre (donc mon père…). C’était tellement blessant ! Plusieurs enfants qui étaient autour ont dit la même chose : « Tous les Russes sont méchants ! » Quand elle est revenue de l’école, elle est venue vers moi et m’a dit : « Maman, je dois te dire quelque chose » et j’ai eu mal au cœur parce que je savais ce qu’elle allait dire… Avant, je m’étais demandé s’il fallait lui parler de la guerre, mais je n’ai pas pensé qu’à six ans elle serait concernée… A cet âge, elle ne regarde pas les informations et elle n’a pas besoin de savoir tout ce qui se passe autour de nous. Puis les choses se sont arrangées, j’ai téléphoné à la maman de ce garçon, le lendemain ils ont fait la paix. Par la suite, mon mari a écrit à la maîtresse de ma fille. La maîtresse a pu en discuter en classe pour parler aux enfants de cette situation et leur rappeler la tolérance et l’amitié. J’apprécie la compréhension et la tolérance de cette enseignante. C’est vraiment une bonne solution de parler aux enfants, il faudrait que cela se fasse dans toutes les écoles. Il faudrait leur dire que nous ne sommes pas responsables de ce qui se passe dans le monde, nous ne décidons rien, c’est comme ça…

« Au sommet il y a des dirigeants, ils font des erreurs, mais nous, nous sommes des humains, nous avons une âme et c’est ça qui va nous sauver.»

Au travail. – Au travail mes collègues me posent beaucoup de questions, mais moi je ne suis pas politicienne. J’ai mon propre avis mais je n’ai pas de solution, personne ne sait ce qu’il faut faire, je ne peux que donner mon avis. Et je me rends compte que tout est très difficile à comprendre pour ceux qui sont loin des réalités russe et ukrainienne.

Ne pas alimenter le conflit. – (Lyudmyla) On est spécialiste de notre histoire, de notre culture, on peut raconter ce que cela veut dire de vivre chez nous. La vie n’a pas toujours été facile, spécialement en Ukraine pour les femmes seules avec leur enfant ou pour les personnes âgées. On peut donner notre petite opinion sur ce qui se passe parce qu’on connaît la base. Mais quand les gens qui ont écouté quelques phrases dans les médias et n’ont jamais visité ni la Russie, ni l’Ukraine, commencent à se mêler de ça et d’alimenter le conflit à leur manière, c’est dommage… On n’a pas besoin de toute cette excitation, maintenant, on a besoin de paix entre les Russes et les Ukrainiens. C’est triste de penser à la richesse de cette terre ukrainienne, cette si bonne terre qui est en train d’être déchirée.

Je reçois beaucoup de soutien au travail, et de la part de mon entourage. La première semaine, c’était un vrai choc émotionnel, même si je suis ici, ma famille est là-bas. Les Russes et les Ukrainiens sont tellement liés que cela ne parait pas réel, pas possible.

«Je voulais dire aussi un immense merci à toutes les personnes de Suisse qui ont envoyé des vêtements, de l’argent en Ukraine, merci pour leur générosité !»

Frères et sœurs, d’une même culture. – Je suis Ukrainienne, mon pays est en souffrance, mais avec les Russes nous sommes frères et sœurs. Nous sommes tous des Slaves, on a la même culture, et j’espère que les gens là-bas, vont commencer à agir quand ils vont se rendre compte combien on est proches… j’espère…

Nos deux nations ont une culture tellement riche ! On ne peut pas supprimer tout cela, faire souffrir encore ce peuple. Toutes ces sanctions qui sont prises contre la Russie punissent d’abord le peuple, les plus pauvres qui risquent de mourir de faim. J’espère que tous les dirigeants pensent aux peuples. Cela fait des années qu’il y a des problèmes, c’est aussi à nous de bouger, de manifester, car si on ne parle pas, c’est comme si on accepte tout cela et cela ne peut qu’empirer la situation.

La même personne. – (Daria) J’aimerais vous dire que la personne à l’intérieur n’a pas changé : je suis la même qu’avant le conflit, toujours la même personne… Ma fille est si gentille cela m’a fait tellement mal au cœur de la voir souffrir… Il faut déjà que la paix revienne entre nous, qu’il y ait moins de conflits, qu’on reste amis, et aussi que cette guerre se termine le plus vite possible. Il faut penser au futur de nos enfants, on est inquiet pour eux.

Derniers messages. – (Lyudmyla) Dans ce désespoir, il y a toujours un espoir : il nous faut croire, prier pour l’Ukraine et pour la Russie. N’oublions pas la force de la prière, la lumière qu’on a en nous, il faut la cultiver.

Chacun doit commencer à changer soi-même – faire de belles actions – s’aimer encore plus et rayonner de cet amour pour soi et pour les autres. Il y a du chemin à faire et notre conscience doit évoluer : nous sommes tous « peuple de la terre »…

(Daria) Les gens qui prennent les mauvaises décisions, ont malheureusement trop peu à perdre, contrairement aux millions de gens qui doivent se taire. A notre niveau, nous ne pouvons que nous soutenir et espérer un jour être entendus.

Guerre en Ukraine
Communiqué des Eglises

Les Eglises remercient vivement tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui s’engagent pour venir en aide à la population ukrainienne et aux centaines de milliers de personnes qui fuient les hostilités. Elles invitent à persévérer dans cet élan de solidarité par tous les moyens possibles et à l’accompagner par une prière incessante pour la paix.

Les Eglises encouragent ceux et celles qui pourraient contribuer à l’accueil des réfugiés ukrainiens en Valais à prendre contact avec la Hotline mise en place par le canton au 079 765 70 95 ou 027 606 48 74 ou encore par e-mail à entraide2022valais@admin.vs.ch

Sont recherchés :
➯ des logements, dans l’idéal indépendants, ainsi que des hébergements collectifs ;
➯ des bénévoles pouvant offrir du temps et faire du lien avec les personnes accueillies.

Les Eglises se montrent reconnaissantes pour l’accueil généreux qui sera fait aux personnes arrivant dans nos villes
et villages. Les renseignements se trouvent aussi sur le site : https://www.vs.ch/web/entraide2022https://www.vs.ch/web/entraide2022

MERCI à chacun.

La Fête-Dieu à Fribourg

Événement phare du paysage religieux fribourgeois à la fin du printemps (60 jours après Pâques), la Fête-Dieu s’inscrit dans une histoire pluriséculaire. Perturbée par la pandémie en 2020 (messe chez les sœurs de Montorge et bénédiction depuis Lorette) et en 2021 (messe en comité réduit à l’église du collège Saint-Michel), la procession de la Fête-Dieu va marquer son grand retour en 2022 si la météo est clémente. C’est l’occasion de revenir dans ces quelques lignes sur l’histoire de cette fête.

PAR SÉBASTIEN DEMICHEL | PHOTOS : DR, JEAN-CLAUDE GADMER

La Fête-Dieu, également appelée Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, est d’origine médiévale. Elle procède d’une vision mystique d’une religieuse, sainte Julienne de Cornillon, près de Liège en 1246. Dans une révélation du Christ, elle voit une lune étincelante dont il manque un morceau, signifiant l’absence dans l’Église d’une solennité dédiée au corps et au sang du Christ. En 1264, suite à un miracle eucharistique (du sang jailli d’une hostie consacrée), la fête est étendue à toute l’Église et institutionnalisée par le pape Urbain IV. La fête de l’Eucharistie enveloppe ainsi par une adoration annuelle de l’hostie le rite quotidien de la messe.

Le développement de la liturgie eucharistique est toutefois bien antérieur. Au IVe siècle, Cyrille de Jérusalem réfléchit déjà aux changements qu’opère la consécration sur le pain et le vin. À la même époque, saint Ambroise évoque une conversion miraculeuse des espèces eucharistiques. Entre le IXe et le XIe siècle, l’Église remplace le pain levé par du pain azyme (non levé) et au XIIe siècle, le rite de l’élévation est introduit. La Fête-Dieu prend naissance en parallèle des réflexions de saint Thomas d’Aquin sur la métaphysique de la transsubstantiation, seule explication autorisée du mystère eucharistique. Le pain et le vin deviennent véritablement corps et sang du Christ. Ainsi, la Fête-Dieu n’a rien d’une génération spontanée, mais se greffe sur les développements eucharistiques contemporains. Saint Thomas compose d’ailleurs à cette époque le célèbre Pange lingua dont les premières lignes renvoient au mystère eucharistique : «Chante, ô ma langue, le mystère du corps glorieux et du précieux sang que versa, rançon du monde, le fruit d’un ventre généreux, le Roi des peuples.»

La diffusion du rite

La solennité de la Fête-Dieu se diffuse en Occident durant la première moitié du XIVe siècle. Elle consiste d’abord en un office chanté propre au jeudi suivant la Trinité, puis s’accompagne rapidement d’une longue procession en plein air. Le pape Clément V confirme l’institution de la fête qui devient populaire et se développe en procession dans les rues des cités. Le Saint-Sacrement, placé dans l’ostensoir, est au cœur de cette liturgie d’adoration qui glorifie le Corps du Christ au milieu des hommes.

La Fête-Dieu est introduite dans le diocèse de Lausanne en 1322. On ne connaît pas exactement la date de la première procession à Fribourg, mais la première attestation remonte à 1425. Cette année-là, le Conseil de la ville produit un document qui règle un conflit de préséance entre corporations devant le Saint-Sacrement, prouvant que la procession est déjà bien établie. Puis, le rite perdure sans grands changements durant les siècles suivants et s’incorpore aux institutions.

Les époques moderne et contemporaine

« Le jour et les hommes peuvent se lever, fêter le corps mystérieusement présent d’un Dieu fait homme : sur terre, l’état de ciel est proclamé. » C’est par ces mots que Claude Macherel et Jean Steinauer, auteurs d’un ouvrage de référence sur la Fête-Dieu, caractérisent la solennité. La journée débute par un réveil de la ville en fanfare, le grondement du canon à l’aube et la diane (chant d’usage militaire) jouée par l’Union instrumentale. Depuis 1643, la procession est précédée d’un tir d’artillerie. Jusqu’à la fin des années 1960, elle part de la cathédrale et fait le tour de la ville de manière circulaire avec quatre reposoirs aux quatre points cardinaux. Depuis lors, elle chemine du collège Saint-Michel (où est célébrée la messe) à la cathédrale Saint-Nicolas.

Le cortège est formé de cinq groupes avec en son centre l’évêque qui porte l’ostensoir, entouré par les thuriféraires, les gardes suisses et la Confrérie du Très-Saint-Sacrement. Fondée en 1653, cette dernière est formée de membres d’anciennes familles patriciennes de la ville, vêtus d’habits noirs et de gants blancs et équipés d’une lanterne armoriée. Parmi les autres groupes, il convient de mentionner les fanfares, les autorités ecclésiastiques, civiles et académiques, les sociétés d’étudiants, les chœurs paroissiaux, divers ordres (Malte, Saint-Sépulcre), les premiers communiants et enfin les fidèles qui referment la marche. Huit coups de canon rythment les étapes de la célébration entre le commencement de la messe à Saint-Michel et la fin de la cérémonie à la cathédrale, en passant par la bénédiction aux reposoirs.

Ainsi, la Fête-Dieu constitue un événement majeur de la vie religieuse fribourgeoise. Fruit d’une tradition pluriséculaire, cette fête constitue un prolongement de la célébration eucharistique. Comme le soulève la Congrégation pontificale pour le culte divin et la discipline des sacrements, l’Hostie est portée en procession en dehors de l’église afin que le peuple chrétien « rende un témoignage public de foi et de piété envers le Saint-Sacrement ».

Solennité de la Fête-Dieu le 16 juin 2022

à Fribourg à 9h dans la cour du collège Saint-Michel (par temps sec), plus d’informations sur : https://fete-dieu.ch/fr.html

à Givisiez à 10h à l’église, procession par beau temps.

à Villars-sur-Glâne à 10h à l’église, suivie de la procession du Saint-Sacrement, avec la participation des communiés du mois de mai. À l’arrivée à la cabane du Platy, il y aura un temps de prière qui sera suivi du traditionnel temps de convivialité autour d’un repas canadien.

Pour davantage d’informations voir le site de l’UP Saint-Joseph :

www.upsaintjoseph.ch

Pour plus d’informations, voir:

➤ MACHEREL, Claude; STEINAUER, Jean, L’état de ciel : portrait de ville avec rite : la Fête-Dieu de Fribourg (Suisse), Fribourg, Méandre, 1989.

➤ MULHAUSER, Johann ; GADMER, Jean-Claude, Dieu en fête. Regards sur la procession de la Fête-Dieu à Fribourg, Fribourg, La Sarine, 2009.

Précarité en Valais

Lucie est une femme particulière et haute en couleur. Elle le dit elle-même. Originale, rigolote, décalée avec un humour remarquable et un fantastique entregent, elle dégage une joie et une simplicité désarmantes. D’origine française, épouse de John, tous deux vivent à Granges en compagnie de leur troupe de lapins et chat. Artiste aux yeux grands ouverts sur le monde avec une option préférentielle (re)marquée pour les pauvres, Lucie Athimon a ouvert récemment une page FaceBook intitulée «Précarité Valais». Elle nous en parle.

PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL TORNAY | PHOTOS : DR

Lucie, comment t’es-tu décidée à ouvrir cette page FB ?

C’est en croisant la route d’une personne SDF en ville de Sion, qui dormait dans une tente en plein mois de décembre, que je me suis dit qu’il fallait agir sérieusement. J’avais déjà créé un groupe de don alimentaire, mais ça n’avait pas pris. J’ai donc décidé que j’y mettrais plein d’amour et d’énergie, pour donner un peu de lumière à ceux qui sont dans la tempête.

Comment cette page t’est-elle utile ?

Je reçois des demandes d’aide de personnes dont je n’aurais jamais eu connaissance sans cette page. Il y a aussi de généreux donateurs. Je fais régulièrement des appels aux dons, ou alors, si je vois quelqu’un faire la manche, je le dis sur le groupe, afin que les gens puissent aller aider cette personne s’ils le souhaitent. Je tiens à souligner que les gens qui me demandent de l’aide restent anonymes.

Que constates-tu dans les relations que tu as avec des personnes fragilisées ? De quoi manquent-elles le plus ?

Tout le monde peut se retrouver en situation précaire, et ce, pour beaucoup de raisons. Je suis souvent frappée par l’intelligence des gens. Nous avons des discussions très intéressantes et à cœur ouvert. Il m’arrive souvent de me sentir toute petite à côté d’eux.

Je remarque cependant que les personnes en situation précaire ont tellement été malmenées par la société, qu’elles en ont bien souvent perdu l’estime de soi. Il est important qu’elles sachent que moi, je crois en eux comme jamais ! Je suis profondément convaincue que leur avenir est beaucoup plus radieux qu’il n’en a l’air.

As-tu fait, toi aussi, l’expérience de la précarité ? Comment cela ?

Oui, quand j’avais environ 20 ans, je me suis retrouvée moi aussi sans domicile fixe. Je n’ai jamais dormi dans la rue, mais dans un foyer où l’on pouvait rester deux semaines au maximum. Le matin, on était mis dehors jusqu’au soir, mais le personnel était fabuleux ! Au début, j’avais encore un travail, mais je l’ai rapidement perdu. On m’a ensuite trouvé une place dans un foyer pour femmes et là, il n’y avait pas de durée maximale et je pouvais y rester toute la journée si je voulais. Il n’y avait pas d’horaires et j’avais ma propre chambre.

Comment relies-tu ta foi avec tes engagements et ton mode de vie ?

Toute ma vie repose sur ma foi ! Si je n’aide pas mon prochain, alors quel genre de catholique suis-je ? L’Amour est le fondement même de la religion. « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait », dit Jésus (in Mt 25, 31-46). Eh bien, moi, j’ai envie de répandre la lumière et l’Amour de Dieu. Mon mari me soutient et m’accompagne, ce qui est primordial.

J’ai l’habitude de dire que la religion est le tuteur de l’esprit. Faisons-la vivre ! Jésus n’a pas été sacrifié sur la croix pour nous voir pleurer ou pour nous voir nous faire la guerre ! Aidons-nous et aimons-nous !

L’Eglise est dans une phase d’écoute universelle dans le cadre du synode souhaité par le pape François, selon toi, quels sont les lieux où l’Eglise doit progresser ?

J’aurais beaucoup de choses à dire, mais je trouve que la religion n’est pas assez vivante et qu’il manque de proximité avec les gens d’Eglise. Vivons la Foi ! Rencontrons-nous pour discuter, pour faire des activités, pour faire vivre Dieu ! Nous sommes en 2022 et les églises se vident. Pourquoi ? Peut-être parce que nous pouvons y mettre plus d’énergie, plus d’Amour, plus de bienveillance ! Je suis convaincue que Dieu veut nous voir en joie, occupés à faire le bien, plutôt que de critiquer comment la voisine était habillée à la messe ce dimanche. Soyons unis et solidaires !

Vous voulez donner un coup de main ou en savoir davantage au sujet de « Précarité Valais » ? 
➯ Rendez-vous sur la page FaceBook de Lucie : Précarité Valais

Accueillis par une fresque

Une magnifique fresque biblique orne le mur d’entrée du local du groupe de jeunes depuis le mois de février, soulignant son caractère religieux. Bénédicte, membre du groupe, nous présente ce projet.

PAR BÉNÉDICTE SAHLI
PHOTOS : CHARLOTTE OBEZ

L’idée de repeindre l’entrée du local, initialement grise, a germé très tôt lors du réaménagement des lieux. Plusieurs soirées se sont succédé durant lesquelles différentes idées ont été proposées jusqu’à finalement déboucher sur la composition actuelle. Lorsqu’elle a été soumise aux graffeurs, elle n’était encore qu’une ébauche, leur laissant ainsi une certaine liberté.

Les personnages de la fresque

Jésus, au centre, nous accueille les bras ouverts, accompagné de Marie à sa gauche en hommage à l’église de Nyon, Notre-Dame de l’Immaculée Conception. A sa droite, un jeune gravit les marches et nous invite à le suivre. Tous trois sont représentés sur fond de collines verdoyantes à l’aspect régional et de montagnes enneigées. Surplombant le paysage, une phrase prononcée par l’abbé Jean-Claude Dunand lors de la bénédiction des lieux : « Tout devient possible lorsque le courage de la jeunesse s’allie à la force de Dieu. »

La fresque a été réalisée par un membre de la Pastorale Animation Jeunesse et par un de ses amis, tous deux graffeurs professionnels, venus de Lausanne. Les jeunes présents le 12 février, jour de la réalisation de la fresque, ont pu s’essayer à la bombe de peinture.

Une fresque en évolution

Des éléments continuent à être ajoutés à la fresque au fil des rencontres du groupe. Des personnages marquants de la chrétienté vont prendre place chronologiquement d’Adam et Eve à ceux de nos jours en passant par Abraham, Marie-Madeleine ou encore saint Thomas d’Aquin. Ceci laisse à chacun l’opportunité d’illustrer les figures qui l’inspirent dans sa foi ou d’en découvrir de nouvelles grâce aux discussions que ce projet suscitera.

Une autre changement, qui perdurera aussi longtemps que de nouvelles personnes rejoindront le groupe, sera de marquer un pan du mur de l’empreinte de leur main et de la signer. Ceci afin que chacun puisse laisser une trace de son passage au sein du groupe.

 

Jeux, jeunes et humour – mai 2022

Par Marie-Claude Follonier

Question d’enfant

Pourquoi fête-t-on l’Ascension un jeudi ?
Tout simplement parce qu’elle est célébrée 40 jours après Pâques qui tombe sur un dimanche. Je vous laisse faire le calcul ; on arrive forcément sur un jeudi. Derrière cela, il y a toute la symbolique du nombre 40, temps d’attente et de rencontre avec Dieu au désert – pensons au Carême ou à Moïse – revivifié ici par la Résurrection de Jésus qui apporte du neuf dans notre relation à Dieu.

par Pascal Ortelli

Humour

Un handicapé sur chaise roulante conversait avec ses amis d’infortune au sujet d’une innovation dernier cri rajoutée sur sa chaise roulante électrique. Elle était en effet équipée d’un GPS. 
– Vous voyez, dit-il, si je me trompe de rue, automatiquement, comme pour les voitures, j’entends une voix qui me dit : « Faites demi-tour, dès que possible. »
– Génial ! répartit l’un d’eux.
Quelque temps plus tard, un ami rencontre l’heureux propriétaire de cette chaise révolutionnaire et lui lance : 
– Alors, ton GPS, toujours au point ?
– Non, je l’ai enlevé !
– Ah bon, pourquoi ?
– Chaque fois que je passais devant le cimetière, j’entendais : « Vous êtes arrivé, vous êtes arrivé… »

par Calixte Dubosson

En librairie – mai 2022

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Je me suis laissé aimer…
Brigitte Bédard

« Nous n’incarnons en rien l’image du bon chrétien, si cela signifie être parfait, sans faille et marcher droit. Hugues et moi, nous nous savons profondément pécheurs – la lecture de ce livre vous en convaincra – incapables d’aimer et de se laisser aimer, comme Dieu nous y invite. Ce que nous savons cependant, et qui fait que, finalement, nous sommes de bons chrétiens, dans le vrai sens du terme, c’est l’expérience d’être au quotidien démesurément et infiniment aimés de Dieu. En voici les preuves… » Avec une joie de vivre et un humour débordants, Brigitte Bédard nous entraîne dans le ménage à trois que forme son couple avec le Seigneur. 

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Pourquoi Padre ?
Les prêtres de Padreblog

Qu’arrivera-t-il aux non-croyants après leur mort ? Pourquoi les prêtres ne sont-ils pas mariés ? Comment parler de la Providence de Dieu avec tout le mal qui arrive en ce monde ? Toutes ces questions et bien d’autres, les prêtres de Padreblog (des prêtres actifs sur les réseaux sociaux) y répondent de façon claire et précise chaque semaine sur KTO, avec un succès d’audience qui ne se dément pas. Nombreux sont ceux qui souhaitaient voir ces questions-réponses mises à l’écrit. C’est chose faite : voici un formidable outil de formation personnelle et d’évangélisation !

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Zita, courage et foi d’une impératrice
Gaëtan Evrard

Le destin de la dernière impératrice d’Autriche, qui, à la suite de son mari, pourrait être béatifiée est conté avec bonheur dans cette BD. Traversant tout le XXe siècle avec un courage édifiant, Zita seconda d’abord son époux l’empereur Charles d’Autriche dans son combat pour sortir l’Europe du premier conflit mondial. Veuve à 30 ans, pauvre et exilée, elle se voua à l’éducation de ses huit enfants et soutint la résistance antinazie lors du second conflit mondial. Après un très long exil, le retour de Zita en Autriche, en 1982, fut un triomphe. Une figure de femme à la foi exemplaire qui peut susciter des actions héroïques en ces temps troublés par la guerre.

Editions du Triomphe

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Je ne les ai pas laissés seuls
Nicole Gillouard

Dans ce lieu de soins tendu vers l’efficacité qu’est l’institution hospitalière, Nicole Gillouard tente de faire entendre sa note discrète. Elle n’est ni soignante ni prêtre. Sa mission est d’être là, sans objectif, disponible pour celles et ceux qui le souhaitent, à l’écoute de leur demande et de leurs capacités. Avec pudeur et tact, elle dévoile les visages de celles et ceux qu’elle a accompagnés pendant ses dix années de mission au sein du CHU de Rennes. Une expérience humaine intense au contact de la fragilité et de la souffrance, mais aussi teintée d’instants d’une beauté lumineuse.

Editions Nouvelle Cité

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Chrétien dans un monde qui ne l’est plus ?

La société de consommation, les nouvelles technologies, mais surtout le relativisme font qu’il est de plus en plus difficile de diffuser la vérité chrétienne. Dans un monde gouverné par l’émotion, le chrétien peut-il proposer une sagesse qui demande du recul par rapport au vécu?

PAR CALIXTE DUBOSSON | PHOTOS : PIXABAY, PXHERE, FLICKR, DR

«Etre dans le vent: une ambition de feuille morte!» Cette métaphore de Gustave Thibon, écrivain et philosophe français, signifie qu’être informé de la dernière mode et la suivre est une recherche, un désir de quelqu’un vide et sec intérieurement. Autre citation, celle de Sören Kierkegaard, écrivain, poète et théologien danois: «Qui épouse l’esprit du temps sera vite veuf!» Enfin: «A force d’être dans le vent, on finit par attraper des rhumes», ajoute l’écrivain français Jean Dutourd.

Ces auteurs me sont venus à l’esprit en voyant l’évolution des phénomènes sociétaux dans le monde et en Suisse. Lors des votations qui concernent les mœurs (solution des délais, fécondation in vitro, mariage pour tous), il apparaît que l’Eglise ou ses représentants sont systématiquement désavoués. Ce qui donne l’impression que le chrétien qui suit les orientations et les recommandations des autorités de son Eglise vit dans un monde étranger à la société actuelle. Il se sent désorienté et tombe souvent dans un profond désarroi. Est-il en phase avec les réalités du moment? Est-il dans l’erreur quand il affirme ses convictions qu’une étude attentive de la Bible et de la tradition lui ont léguées? Malgré les désillusions et les déconvenues, aurait-il raison contre tous?

Toutes ces questions taraudent l’esprit de celles et ceux qui vont à l’encontre des idées reçues, ce qui fait dire à un paroissien: «L’opinion publique majoritaire regarde les choses de façon superficielle. Prenez l’exemple du mariage pour tous. Il est évident que les gens ne se sont posé qu’une seule question: doit-on permettre aux couples homosexuels de se marier civilement? Bien sûr que oui. Comment répondre non dans un monde qui veut l’égalité à tous les niveaux? Par contre le droit de l’enfant, la PMA et bientôt la GPA demandaient une vraie réflexion que peu ont entreprise.»

«Un abîme plutôt qu’un fossé»

Commentaire de calixte dubosson

Souvent dans mes allées et venues au village, je rencontrais une jeune fille fraîchement majeure. Un jour, nous avons bu un café ensemble au bistrot du coin. La conversation nous amena à parler de la gestation pour autrui.

Je lui parlai de l’animateur français Marc-Olivier Fogiel qui s’est marié avec son compagnon et qui a «commandé» deux enfants nés aux Etats-Unis, d’une mère porteuse, pratique illégale en France. Avant que je puisse dire ma totale réprobation de la GPA, elle m’adressa cette parole qui me laisse sans voix encore aujourd’hui: «C’est inadmissible que la France interdise cette pratique!» J’ai immédiatement compris que nous n’étions plus du même monde et que le fossé qui me séparait d’elle était plutôt un abîme.

Le courage d’être chrétien

«Défendre les principes fondamentaux demande aujourd’hui du courage.»

Mgr Jean-Marie Lovey

«Défendre les principes fondamentaux demande aujourd’hui du courage. Ce n’est pas parce que le vent souffle dans telle direction que toute la barque doit suivre le mouvement»: ainsi s’exprimait Mgr Jean-Marie Lovey lors d’un entretien au Nouvelliste1. Le chrétien serait-il donc un être courageux? Si l’on prend pour modèle le Christ, la réponse ne fait pas de doute. L’épisode de la femme adultère, par exemple, où il fait front contre toute l’intelligentsia de l’époque. Plus encore quand le Seigneur met les pieds dans le plat : « Au temps du prophète Elie, il y avait beaucoup de veuves en Israël. Pourtant, Elie n’a été envoyé vers aucune d’entre elles mais bien à une veuve étrangère de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon. A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, alla son chemin.»
(Lc 4, 25-28)

A la suite de son maître, le chrétien est amené à défendre des valeurs. Mais il faut d’abord dire qu’il y a une distinction essentielle à faire avant d’aller plus loin. Le chrétien d’aujourd’hui est très divers. Il y a celui qui se rend à l’église pour baptiser ses enfants ou pour se marier, mais qu’on ne revoit plus dans les autres évènements de la vie ecclésiale. Il y a celui qui s’informe sur les valeurs du christianisme en développant une conscience chrétienne éprouvée. Il y a celui qui s’engage sur le plan social ou sur le plan politique et qui vit sa foi dans un rapport direct avec Dieu sans médiation ecclésiale. Il y aurait encore tant d’autres catégories que l’on ne peut évoquer dans un si bref article. Il semble toutefois que d’après les statistiques, les opinions minorisées par les résultats des votations se trouvent dans le camp des pratiquants réguliers compris ici en tant que fidèles à la messe du dimanche et aux sacrements. Nous ne sommes plus à l’époque où le curé dictait les intentions de vote aux fidèles et c’est tant mieux. Ce n’est donc pas de lui que viendrait l’inspiration principale. D’ailleurs, une de mes connaissances m’a reproché mon silence en vue de la votation du mariage pour tous. Je lui ai répondu que dans mes conversations, j’ai clairement affirmé mon opinion, mais que le faire du haut d’une chaire serait pour moi une sorte de violation des consciences en profitant d’une audience qui n’est pas faite pour ça. Ce serait d’ailleurs plus contre-productif qu’autre chose.

1 NF 08.09 2021.

Le monde actuel

Maintenant que nous avons mieux défini l’adjectif de chrétien, il convient de le situer dans la perspective qu’il vit dans un monde qui ne l’est plus. La philosophe française Chantal Delsol n’y va pas par quatre chemins. Pour elle, nous assistons à la fin de la chrétienté. Le constat est sans appel. Et pourtant, il est teinté d’espoir ou d’espérance pour les chrétiens. Je ne parle pas du christianisme, qui n’est pas une religion perdue et qui continue à se déployer. La chrétienté, c’est la civilisation dans laquelle le christianisme apporte ses lois et ses mœurs. Et c’est ça qui est effacé depuis les années 50… D’après elle, au fil des ans, la chrétienté aurait été remplacée par le cosmothéisme: «Il s’agit d’une nouvelle croyance. Lorsque la chrétienté s’efface, elle n’est pas remplacée par rien. Il reste un pourcentage non négligeable de chrétiens. Mais les autres ne tombent pas dans le néant, ils se mettent à croire en d’autres choses. C’est une adoration du monde. C’est ce qui se développe avec l’écologie, qui est en train de devenir une religion. Cela fait partie des nombreuses tendances qui tendent à remplir le vide.»2

Ce constat semble se vérifier dans les conversations du «Café du commerce». J’entendais mes voisins de table disserter sur l’écologie. Aujourd’hui, ce n’est plus les dix commandements qui nous aident à faire un examen de conscience. Il faudra s’examiner sur le nouveau dogme qui a lui aussi ses règles: tu ne voyageras plus en avion, tu ne laisseras plus couler l’eau quand tu te laves les dents, tu n’imprimeras plus tes documents numériques, etc. Voilà les nouveaux péchés et pour ceux-là il n’y aura aucune absolution. Par contre, tricher, mentir, tromper son conjoint deviennent des péchés secondaires!

2 Chantal Delsol, La fin de la Chrétienté, octobre 2021.

«La chrétienté est finie en tant que civilisation. Je ne parle pas du christianisme, qui n’est pas une religion perdue et qui continue à se déployer. La chrétienté, c’est la civilisation dans laquelle le christianisme apporte ses lois et ses moeurs.»

Chantal Delsol

Relativisme et émotion

Selon le philosophe Zygmunt Bauman, il n’y plus de bien commun, ce qui gouverne la politique est désormais l’émotion.

Un autre constat est posé par Rod Dreher, journaliste et écrivain américain dans son livre Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus?3 L’auteur affirme que le monde n’est plus chrétien à cause de l’avènement de la société de consommation, des nouvelles technologies et du relativisme. «Tout cela fait qu’il est de plus en plus difficile de vivre avec la vérité chrétienne dans le monde. Dans une société de plus en plus individualiste coupée de la tradition, la seule autorité qui apparaisse comme justifiée est le moi. C’est ce que le philosophe Zygmunt Bauman appelle la société liquide. Il n’y a plus de bien commun, ce qui gouverne la politique est désormais l’émotion.»

Combien de fois n’entendons-nous pas dans les interviews, le mot relativement? «Le taux de probabilité est relativement faible. La tendance est relativement en hausse. » Et la réponse aux questions est souvent: «Oui et non.» Difficile dans ces conditions de faire émerger une vérité! Pourtant, si l’on prend la question de l’existence de Dieu, il faudra dire oui ou non. L’un aura tort, l’autre raison. Il n’y aura pas de juste milieu.

Rod Dreher affirme que le monde n’est plus chrétien à cause de l’avènement de la société de consommation.

Rod Dreher ajoute: «Je crois que les chrétiens doivent aller dans le monde. Mais dans un monde postchrétien, hostile au christianisme, je crois qu’il faut avoir une foi solide, appuyée sur une formation intellectuelle. On ne peut pas aller au combat désarmé!»

«Soit on est dans le vent, soit on crée le courant», disait souvent le regretté Mgr Joseph Roduit. N’y a-t-il pas ici un
vent d’optimisme que tout baptisé conscient de sa responsabilité dans l’avènement d’un monde plus juste et fraternel est invité à faire souffler? Comme le dit le psaume 36, 3-4: «Fais confiance au Seigneur, agis bien, habite la terre et reste fidèle; mets ta joie dans le Seigneur : il comblera les désirs de ton cœur.»


3 Artège.

Alexandre Frezzato: un Martignerain chez les Dominicains !

Né en 1992 d’un père d’origine italienne et d’une mère valaisanne, Alexandre Frezzato a grandi à Martigny. Il est passé par le Collège de Saint-Maurice et le Collège des Creusets à Sion. Après une année de service civil comme éducateur au Foyer Don Bosco à Sion, il commence l’Université à Fribourg en 2013 en philosophie et histoire, puis l’année suivante en philosophie et théologie, au moment où il opère «un retour à la foi». Alexandre Frezzato, frère dominicain, a prononcé ses vœux définitifs le 12 février dernier: «Un don total à Dieu pour la vie», résume-t-il… Il est aussi, depuis peu, adjoint de la représentante de l’évêque pour la région diocésaine de Fribourg francophone.

PAR GRÉGORY ROTH, CATH.CH (TEXTE ADAPTÉ) | PHOTO : CATH.CH

A la veille de prononcer vos vœux définitifs, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Je suis totalement serein. Car, dans le concret de ma vie au quotidien, je sais à quoi je m’engage. J’ai eu six ans pour vivre, expérimenter et éprouver ce qu’est une vocation dominicaine. Ce sont six ans de fiançailles, en quelque sorte. J’ai attendu que le fruit soit mûr et que je sois en eaux calmes pour prendre ma décision. La pandémie a également fait retarder le processus. En fait, la pandémie m’a permis de me poser plus sérieusement la question. Et de conclure que je ne donne pas ma vie à l’Ordre dominicain parce que ma vocation sera utile, mais plutôt, parce que c’est ce que Dieu veut pour moi.

Qu’est-ce qui vous fait tenir dans la foi, sur ce chemin de vie consacrée ?

C’est lié à mon caractère et à ma personnalité. Dans tout ce que j’ai fait, peu importe le domaine, j’ai toujours cherché une sorte d’absolu, à aller au bout des choses, sans témérité, mais de manière un peu jusqu’au-boutiste. Si Dieu est la plus grande réalité vers laquelle on peut tendre, quels moyens puis-je me donner pour être le plus disponible à son service ? Pour moi, la réponse a clairement été la vie consacrée : donner tous les aspects de mon existence pour l’amour de Dieu, au service du prochain.

Quel sens donnez-vous à votre profession solennelle : un mariage, un contrat… ?

C’est une promesse et une réponse à la promesse que Dieu fait à l’Homme. Dans toutes les pages de la Bible, Dieu promet sa fidélité à son peuple et à ceux qui Le suivent. J’essaye, à mon niveau, de répondre à cette promesse le plus fidèlement possible.

La promesse d’obéissance est primordiale dans l’Ordre dominicain…

Nous faisons les trois vœux religieux : l’obéissance, la pauvreté et la chasteté. Mais au moment de prononcer la formule de profession, on ne verbalise que celui d’obéissance. Une promesse que l’on fait à Dieu, à la Vierge et au Maître de l’Ordre, représenté par le Provincial.

Depuis quelques mois, vous devez aussi « obéissance » à Mme Céline Ruffieux, la représentante de l’évêque à Fribourg. En quoi consiste cette fonction ?

L’adjoint est là pour soutenir les actions et les décisions prises par la représentante. Comme elle n’est pas théologienne de formation, elle a souhaité pouvoir compter sur un adjoint qui possède quelques compétences dans ce domaine. C’est, à mon sens, une belle manière d’intégrer un regard théologique dans les décisions pastorales. Nous essayons de trouver la manière la plus ajustée et appropriée de répondre aux situations concrètes.

Comment cela se passe concrètement ?

Céline va sur le terrain pour rencontrer des prêtres et des équipes pastorales. Généralement, à son retour, nous en débriefons. Il s’agit ensuite de réfléchir ensemble aux différentes solutions à apporter, afin qu’elle retourne sur le terrain avec du solide. Il me semble que notre binôme fonctionne bien ainsi, toujours enrichi par cet échange. Nous essayons de trouver la manière la plus ajustée, appropriée et « catholique » si je puis dire, de répondre aux situations concrètes.

Comment conjuguez-vous la vie religieuse avec cet engagement pastoral ?

Du point de vue de la vie dominicaine, je ne suis pas prêtre. Je suis encore frère étudiant et en formation. A ce stade, on confie habituellement un apostolat pour « faire ses armes », comme donner le caté à des jeunes.

Paradoxalement, ce que je fais à la Maison diocésaine implique de sérieuses responsabilités : tout simplement car j’ai accès à de nombreuses informations, y compris des dossiers sensibles. Il y a donc de vraies attentes qui supposent une vive conscience professionnelle. En revanche, ce qui est pratique, c’est que les horaires sont réguliers, ce qui me permet de composer facilement avec la licence canonique à l’Université et les différents apostolats liés au couvent.

Vitraux du Père Kim En Joong…

… chapelle Notre-Dame-de-Compassion (Martigny)

PAR AMANDINE BEFFA | PHOTO : JEAN-CLAUDE GADMER

La chapelle de La Bâtiaz à Martigny est depuis longtemps un lieu de prière et de pèlerinage pour la région. Les nombreux exvoto datant des XVIIIe et XIXe siècles qui ornent les murs de l’édifice consacré à Notre Dame de Compassion en sont un témoignage. Lors de la restauration de 2012, Léonard Gianadda1 est sollicité. Il offre alors des vitraux du Père Kim En Joong.

Né en Corée en 1940, l’artiste est élevé dans la tradition taoïste. Il étudie les beaux-arts à Séoul et enseigne le dessin au séminaire de la ville. C’est là qu’il découvre la religion catholique, notamment grâce à ses élèves. Il est baptisé en 1967 et devient dominicain quelques années plus tard. Il est connu comme le peintre blanc de la lumière.

L’œuvre de Kim En Joong est pensée comme l’irruption de la lumière dans les ténèbres. Il affirmait ainsi dans une émission sur KTO, en mai 2016: «Mon travail est d’être chasseur de ténèbres.» L’artiste fait le choix de ne pas nécessairement donner de légende ou d’explications pour laisser chacun libre de son interprétation. Il perçoit néanmoins son œuvre comme une invitation à découvrir Dieu. Il utilise son art pour prêcher, dans la lignée de ses prédécesseurs de l’Ordre des Prêcheurs qui utilisaient leurs mots. Il fait sienne une phrase de Stendhal selon qui la beauté est comme une promesse du bonheur.

Kim En Joong explique: «Les parties blanches sont importantes dans ma peinture et elles sont un héritage de ma culture coréenne. Peut-être sont-elles l’essentiel de mes créations. Ce qui compte dans une œuvre d’art, en musique, au théâtre, en littérature ou en poésie, c’est la résonance. C’est le rôle des grandes parties blanches. Cela renvoie au mystère, à l’écho en nous. […] L’espace libre n’est pas vide, mais plénitude.»2

1 Ecouter Léonard Gianadda présenter les vitraux: www.gianadda.ch/a_decouvrir_aussi/vitraux_de_martigny/kim/

2 Les vitraux des chapelles de Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2014, p. 63.

Vivre en vérité

POUR L’ÉQUIPE PASTORALE: SOPHIE DUVILLARD
PHOTO : PIXABAY

Il y a encore quelques semaines, alors que nous étions au plein cœur de la vague, au beau milieu d’une crise sanitaire interminable, nous nous demandions si nous allions finalement être submergés. Emportés dans un tourbillon vertigineux, nous avons dû chercher au plus profond de nous les forces pour ne pas sombrer. Cette crise a eu cela de bon qu’elle nous a obligés à nous questionner au sujet de ce qui était essentiel pour nous, à propos de nos modes de vie, de consommation, nos responsabilités dans les enjeux climatiques, la qualité de nos relations humaines, le sens de nos pratiques religieuses, nos désirs pour le monde de demain, nos rêves. Nous avons pris conscience de ce que nous voulions, et aussi et surtout, de ce que nous ne voulions plus. Tout en espérant que cette prise de conscience soit durable…

Notre Eglise aussi a été bouleversée. Alors que nous ne pouvions plus nous rassembler comme avant autour de la Parole et pour l’Eucharistie, nous avons dû inventer d’autres moyens pour nourrir notre foi. Beaucoup ont pris l’habitude des messes télévisées notamment et y ont trouvé de quoi répondre à certaines de leurs attentes. Aujourd’hui, les églises ont rouvert leurs portes.
Y trouvons-nous toujours ce dont nous avons besoin ? Alors que nous commençons à sortir la tête de l’eau, nous réalisons que nous avons soif. Soif de vérité.

Pour nous, chrétiens, notre vérité c’est celle du Christ ressuscité, Dieu devenu humain, mort sur la croix et revenu à la vie. Mais si c’est juste une croyance, alors cet événement ne sert à rien. Pour nous chrétiens, il ne suffit pas d’y croire, il s’agit d’en vivre.

Vivre en vérité, c’est penser, agir, être en conformité avec ce que l’on croit. Vivre dans la vérité de la résurrection, de ce qui fait de nous des chrétiens, c’est donc choisir la vie. Dans nos pensées et dans nos actes quotidiens, c’est s’éloigner du mensonge et de l’hypocrisie, c’est opter pour ce qui nous élève plutôt que ce qui nous rabaisse. C’est aussi dans notre Eglise, à l’heure du prochain synode, la remise en question de notre fonctionnement, l’examen de nos pratiques à rajeunir, la redéfinition de notre mission dans ce monde. Rêvons d’une Eglise en marche, en mouvement parmi les hommes. Une Eglise proche de leurs besoins, porteuse d’espérance. Une Eglise vraie !

Ce qui reste de la beauté

TEXTE ET ILLUSTRATION
PAR CLAUDE AMSTUTZ

Chacun de nous est à l’image de Dieu, et chacun de nous est semblable à une icône endommagée. * Cet éclairage du métropolite Antoine Bloom prend un relief tout particulier en cette période de préparation aux fêtes pascales, marquées il est vrai par la fin programmée de la pandémie, mais aussi par les nuages sombres qui pèsent sur l’équilibre géopolitique et humain aux frontières de l’Europe. L’allégresse et l’accablement.

Cette ambivalence sociétale, n’est-elle pas en quelque sorte, le miroir de notre être profond ? Il faut ainsi bien admettre que souvent – même si nous ne passons pas aux actes – la face endommagée de notre personne occupe tout l’écran, surtout face à celle, éblouissante et parfaite du Christ. Indignes, ou pas de niveau, le sommes-nous vraiment ?

Sur le chemin de ce bel Amour éternellement recommencé, si nous en restons là, nous risquons bien d’abîmer, voire d’effacer le message central du Fils de l’Homme par lequel cette histoire d’amour incarnée entre Dieu et les hommes a commencé : « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. » (Jn 17, 26)

Selon les parcours sinueux de nos existences jalonnées peut-être de blessures, de rejets ou de hontes, ce travail de réparation semble parfois bien long, voire impossible à vues humaines. Et pourtant, les Ecritures peuvent nous y aider ; l’Eglise aussi, par ses prêtres de bon conseil, voire le voisin imprévu assis près de nous à la messe, ou un ami de toute confiance. Sans oublier les sacrements de la Réconciliation et de l’eucharistie.

Un de mes amis m’avoua un jour être toujours contrarié et réticent avant une confession, mais toujours la joie au cœur et libéré après l’absolution… ! Il peut s’en suivre un ardent désir de recoller au regard bienveillant sur les autres, ayant fait la paix d’abord avec soi, par ce formidable élan venu du Christ Lui-même.

Si l’on nous donnait une icône endommagée par le temps, les événements, ou profanée par la haine des hommes, nous la traiterions avec tendresse, avec révérence, le cœur brisé. C’est à ce qui reste de sa beauté, et non à ce qui est perdu, que nous attacherions de l’importance. *

Tel est le regard même de Jésus qui traverse notre pays de l’ombre et nous partage cette folie contagieuse qui veut habiter chaque chrétien qui se sait enfin aimé de Quelqu’un et accepte d’être conduit, rendu meilleur par l’Esprit Saint !

* Antoine Bloom, dans : Guy Gilbert, Mes plus belles prières (Philippe Rey, 2008)

Etre chrétien dans un monde qui ne l’est plus?

Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus? Le thème du mois résonne douloureusement avec l’actualité. A l’heure où je vous écris, l’Ukraine est brutalement envahie depuis 7 jours: décréation et désolation d’un unique peuple, les Slaves orientaux, pourtant baigné de christianisme orthodoxe.

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Des propositions…

PAR MYRIAM BETTENS

Photo : DR

… pour donner du sens à son assiette et…

… aider des jeunes à rebondir en mangeant un burger

Une roulotte est installée en plein milieu de la zone industrielle de Plan-les-Ouates. On peut y manger de classiques burgers, également végétariens, et du fish and chips. Rien d’extraordinaire ? Juste de la nourriture qu’on mange sur le pouce à la pause de midi ? La différence avec un food truck classique, c’est l’absence de prix… Ici, chacun paie ce qu’il peut afin d’offrir aux plus démunis la possibilité de manger un repas chaud. L’affaire naissante parvient à tourner grâce aux dons et aux personnes disposées à payer leur repas un peu plus cher. Cerise sur le burger : Francesco Giammarresi, fondateur de l’Action populaire intercommunautaire (API) et gérant de ce restaurant roulant, propose des places de stage à des personnes désireuses de rebondir. Où les trouver : tous les jours au Champ-des-Filles 5, à Plan-les-Ouates.

… manger « gastro » tout en favorisant l’inclusion sociale

Au Refettorio Geneva, les clients financent un repas identique au leur pour des personnes qui n’ont pas les moyens de s’en offrir un décent. Concrètement, le midi, la clientèle est payante, tandis que le soir, elle est adressée au restaurant par diverses associations d’entraide genevoises telles que Partage, l’Armée du Salut, Carrefour-Rue, La Caravane sans frontières, Le Bateau Genève ou Camarada. Ce principe de solidarité gastronomique, beaucoup plus répandu en Italie et en France, avec les cafés et repas « suspendus », a été importé par Walter el Nagar. Ce dernier a ouvert le premier restaurant du genre en Suisse à la fin janvier. L’établissement est également actif dans la durabilité et le zéro gaspillage alimentaire. Pour s’y rendre : Rue de Lyon 120.

… déconstruire les stéréotypes sur la surdité

Un projet novateur de restauration, pour faire évoluer les mentalités, a récemment ouvert ses portes à Genève. Baptisé de l’onomatopée servant à décrire le bruit de moteur d’une voiture, le restaurant Vroom est entièrement géré par des personnes sourdes ou malentendantes. Inclure le handicap dans des espaces de vie, tels que les restaurants, représente ici un premier pas pour lutter contre les discriminations causées par l’inégalité d’accès à la formation et le manque d’informations. Chez Vroom, les clients sont par exemple invités à découvrir la langue des signes en échangeant avec le personnel. Tout l’espace a été conçu de manière à favoriser le contact visuel et la communication (signée ou pas). Maintenan, il ne reste plus qu’à passer à l’étape de l’expérience gustative… et visuelle. Où les trouver : Rue des Rois 13, horaires sont du lundi-jeudi : 6h30-01h, vendredi : 6h30-02h et samedi : 18h-02h.

Nettoyage de printemps

PAR MYRIAM BETTENS
PHOTOS: DR

On ne peut pas dire que les épinards soient le plat préféré des enfants… Or, le Jeudi saint on n’y coupe pas et on vous dit pourquoi.

Sous nos latitudes, le jeudi précédant Pâques est appelé Jeudi saint, logique me direz-vous. Il marque le début du Triduum pascal, c’est-à-dire les trois jours de Pâques célébrant la Passion et la Résurrection de Jésus. Il commémore aussi l’institution par Jésus-Christ du sacrement de l’Eucharistie, lors de son dernier repas avant son arrestation. Quant aux épinards? On y vient!

Ce jeudi n’est «saint» que dans les langues romanes et en anglais. Dans les pays scandinaves et en néerlandais, il sera «blanc» ou «pur», en relation à la couleur liturgique de cette fête. Dans les régions germanophones, on nomme ce jour Gründonnerstag, littéralement: «Jeudi vert». Cette appellation est attestée déjà depuis le XIIIe siècle, bien que son origine ne soit pas claire. L’explication la plus courante fait intervenir la racine latine de ce nom, Dies viridium, le «jour des verts». Il désignerait les personnes libérées de leurs péchés par la confession et l’absolution, qui étaient ainsi renouvelées, redevenues du «bois vert» selon la compréhension de l’Evangile de Luc. Cette interprétation semble n’être apparue qu’au XVIIe siècle. Plusieurs thèses s’affrontent pour expliquer l’origine de cette appellation.

Le canon du rite romain prévoit le blanc comme couleur liturgique du Jeudi saint, or il n’existait pas de réglementation en la matière avant le XVIe siècle. Il est donc possible que ce nom de Gründonnerstag soit né de l’utilisation du vert lors de la liturgie. Une autre interprétation dérive ce nom du terme greinen, les pleurs et gémissements des pénitents du Jeudi saint auraient donné, par réinterprétation étymologique populaire, Grüner Donnerstag, puis l’appellation actuelle. La dernière justification en appelle à la coutume, attestée depuis le XIVe siècle, de manger des légumes particulièrement verts et des herbes nouvelles le Jeudi saint. A la fois conforme aux prescriptions du jeûne de Carême, elle était aussi liée à l’idée préchrétienne selon laquelle cela permettait de «nettoyer» le corps des impuretés accumulées et d’absorber la force du printemps. Aujourd’hui encore, dans de nombreuses régions germanophones et en Alsace, il est d’usage de manger «la soupe du Jeudi saint» ou… des épinards accompagnés d’un œuf.

Recette: Soupe aux herbes printanières du Jeudi saint

Temps de préparationTemps d’attentePortions
30 minutes30 minutes4

Ingrédients

  • 1 oignon
  • 1 cuillère à soupe de beurre
  • 2-3 pommes de terre
  • 1 litre de bouillon de légumes
  • Une grosse poignée: d’orties, d’herbe aux goutteux, d’achillée millefeuille, de dent-de-lion, d’ail des ours, de lierre terrestre, de plantain lancéolé, d’oseille et de roquette
  • 100 ml de crème fraîche
  • Sel
  • Poivre
  • Jus de citron
  • Noix de muscade
Dans les régions allemandes, on nomme le Jeudi saint Gründonnerstag: Jeudi vert.

Préparation

  1. Emincez l’oignon et faites-le chauffer avec le beurre dans une marmite à soupe.
  2. Coupez les pommes de terre en petits morceaux, ajoutez-les aux oignons et laissez mijoter un peu.
  3. Déglacez les légumes avec le bouillon de légumes et laissez-les mijoter doucement pendant 10 minutes.
  4. Lavez les herbes et les hacher finement. Ajoutez-les à la préparation et laissez la soupe infuser pendant 5 bonnes minutes, sans la faire bouillir.
  5. Ajoutez la crème et réduisez la soupe en purée à votre convenance.
  6. Salez et poivrez puis ajoutez de la muscade et du jus de citron selon vos goûts.

Astuce

Si vous ne trouvez pas dans votre jardin ou au marché les herbes mentionnées plus haut, vous pouvez aussi les remplacer par d’autres ingrédients de cette liste dans les mêmes proportions: ciboulette, chou, épinard, persil, poireau, cresson, mâche, jeunes feuilles de cassissier ou de groseillier ou de groseillier à maquereau, jeunes feuilles de sureau noir.

L’art-thérapie… un chemin de guérison intérieure

Orange, bleu, jaune, vert, rouge… cercles, lignes, spirales, formes… joie, tristesse, colère, angoisse… déprime, perte de sens, deuil, séparation, licenciement, maladie, quête existentielle ou spirituelle… amélioration, libération, guérison, transformation, réponses, solutions… Voilà des mots clés propres à l’art-thérapie. Des termes qui reviennent souvent dans les échanges entre l’art-thérapeute, Marianne Boisset, et les personnes qu’elle accompagne dans sa pratique privée ou institutionnelle.

PROPOS RECUEILLIS PAR PASCAL TORNAY
PHOTOS : DR

Marianne, comment en êtes-vous arrivée à l’art-thérapie ?

J’aime apprendre et comprendre. J’aime comprendre et partager. J’aime partager et apprendre. J’aime les « cœur à cœur » et l’avancée des âmes sur leur chemin de Vie. Depuis toujours, la question de l’humain et de son fonctionnement me passionne. J’ai beaucoup lu et fait diverses formations en lien avec la psychologie, la théologie, la spiritualité, la relation d’aide, le cheminement personnel et l’accompagnement en fin de vie. J’ai également toujours aimé m’exprimer par la créativité. Un beau jour, tout s’est mis en place et la profession d’art-thérapeute est arrivée comme une évidence dans ma vie. Actuellement, j’ai une pratique privée dans mon atelier d’art-thérapie, l’Atelier Joze qui se trouve à Martigny et j’ai également un engagement auprès de l’Hôpital du Valais dans le service des soins palliatifs de l’hôpital de Martigny dont je suis membre de l’équipe interdisciplinaire.

Mais qu’est-ce que l’art-thérapie ?

L’art-thérapie est une méthode d’accompagnement de la personne qui propose une prise en charge thérapeutique. Par diverses techniques liées à la créativité, cet accompagnement permet une extériorisation des émotions, des sentiments, des ressentis et offre ainsi la possibilité de se reconnecter à son intériorité. Exprimer ce qu’il y a dedans permet de comprendre ce qui s’y passe. Il devient alors possible de dépasser ses blocages et de transformer en douceur ce qui demande à l’être. L’art-thérapie est un moyen efficace pour travailler ses conflits, ses questionnements, ses difficultés. Elle permet de découvrir les solutions qui restaurent la confiance et l’estime de soi en rétablissant l’équilibre perdu ou fragilisé par des circonstances particulières, telles que le deuil, la séparation ou la maladie.

Comment est-ce que ça se passe ?

L’art-thérapie propose l’expression de soi à travers divers matériaux et techniques : peinture, dessin, argile, plâtre, fusain, collage, images, conte, écriture, etc. Le processus créatif amène des prises de conscience qui permettent une transformation. Libérée des croyances limitantes, des schémas répétitifs, de ce qui l’encombre, la personne peut alors progresser plus légèrement et plus allègrement en découvrant ses potentiels pour aller vers une meilleure version d’elle-même.

Quels en sont les effets ?

Un accompagnement art-thérapeutique s’envisage dans le sens d’une quête identitaire et propose à la personne d’aller à la rencontre d’elle-même, de découvrir d’autres aspects de son être, de puiser dans ses propres ressources et d’utiliser ces nouvelles énergies pour dépasser les difficultés et avancer vers le mieux-être. Les effets mesurables sont nombreux et divers : baisse ou disparition de l’angoisse, meilleure compréhension et gestion des émotions, rétablissement de la confiance et de l’estime de soi, diminution ou disparition de certains symptômes physiques (mal de vente, de tête, douleurs diverses, etc.), apaisement, reconnexion à la joie de vivre, au mieux-être, etc. La liste n’est pas exhaustive.

A qui s’adresse l’art-thérapie ?

L’art-thérapie s’adresse à tous les âges, des enfants de 4 ans jusqu’aux personnes qui se trouvent dans le grand âge. Aucune connaissance ou compétence artistiques ne sont nécessaires. Dans ma pratique privée, je reçois des enfants, des jeunes et des adultes de tous âges. Dans l’unité des soins palliatifs où j’interviens également, je prends en charge des personnes avec des difficultés liées à la maladie ou je les accompagne dans leur fin de vie. Je suis également les familles dans leur processus de deuil. J’ai aussi eu un engagement dans un EMS auprès des personnes âgées. A plusieurs reprises, je suis intervenue dans des classes, ainsi qu’auprès d’associations.

Quand y avoir recours ?

Les demandes de prises en charge sont motivées par des difficultés qui nécessitent un soutien thérapeutique momentané : stress, déprime, manque de confiance en soi, sentiment d’abandon, difficultés relationnelles, perte de sens, détresse émotionnelle, deuil, séparation, troubles anxieux, crise existentielle, questions autour de la mort, etc.

La pandémie que nous traversons et sa kyrielle de mesures restrictives ont eu un impact négatif très fort sur tout le monde. Nous avons tous été touchés à divers degrés. Certaines personnes s’en sortent très bien, d’autres peinent : absence de motivation, d’envie de vivre… Ici encore, l’art-thérapie offre une possibilité de dire et de se dire, pour préserver la santé mentale, rétablir la confiance en soi et en la vie, se reconnecter à son essentiel.

Est-ce que des ateliers auront bientôt lieu ?

Oui, j’anime avec une amie thérapeute, Nathalie Getz, des ateliers d’écriture créative où les techniques d’art-thérapie sont utilisées pour amener une écriture spontanée. Nous explorons les grandes étapes de la vie : enfance – adolescence – âge adulte – grand âge en les parcourant sous des angles inhabituels. Nous proposons un voyage autobiographique à la quête du merveilleux qui se trouve au fond de chacune, chacun et qui attend de venir à jour par le chemin des mots.

Prochains ateliers d’écriture:
Les lundis soir de 19h à 21h30
25 avril puis 2-9 et 16 mai 2022 à Martigny
et le week-end des 11 et 12 juin 2022 à Sion
Détails et infos : www.atelierjoze.com ou 079 314 24 84

Impressionnant !

 

PAR THIERRY SCHELLING | PHOTOS : PASCAL VOIDE

Commentaire

Solidarité jamais démentie

Par Frédéric Monnin

Choqué, atteint au plus profond de ma sensibilité… Ces sentiments m’ont envahi à la vue, lors du confinement, de ces files d’attente interminables de gens démunis en quête de nourriture. A Genève !

Emu, mais certainement pas incapable d’agir, car il m’était insupportable, en tant que chrétien, de rester les bras ballants devant cette pauvreté que cette Genève si riche donnait à contempler au reste du monde. Ce virus mettait en lumière une misère que, jusqu’alors, on cachait tel une maladie honteuse.

J’ai donc pris mon téléphone, appelé quelques amis que je savais impliqués dans les distributions de nourriture aux Vernets ou au sein de la Pastorale de rue, et j’ai lancé un appel, conjointement sur ma page Facebook, et par les moyens de communications de la paroisse Saint-Paul. Et les dons sont arrivés : quelques-uns sous forme de versements d’argent, mais beaucoup d’autres en vêtements, nourriture, produits d’hygiène et cartes cadeaux.

Le plus formidable dans cette aventure ? C’est que, aujour­d’hui encore, nos fidèles sont encore et toujours solidaires des plus pauvres, et les heures sombres que nous vivons sont un appel réitéré du Christ souffrant : il a étendu ses bras sur la croix pour embrasser le monde, à nous maintenant d’ouvrir les nôtres, pour mieux accueillir nos sœurs et nos frères désemparés, privés de toit, privés de tout.

 

 

La solidarité est un acte qui révèle le cœur des donateurs et donatrices, mais aussi leur désir de pallier à la peur qui étreint, à l’angoisse qui secoue et à l’incertitude du lendemain devant les événements affligeants qui meurtrissent des voisin.e.s.

Pas une paroisse ou communauté d’Eglise n’a oublié d’ajouter sa part à l’aide et l’assistance des Ukrainiens et Ukrainiennes. Il y a peu encore, personne ne parlait de ce grand pays européen ; aujourd’hui, comme l’a dit le Nonce en Grande-Bretagne au nom du pape François : « Nous sommes tous Ukrainiens. »

D’autant plus que depuis novembre travaille parmi nous un prêtre de rite byzantin, catholique, marié, Sviatoslav Horentskyi – son portrait avait été publié dans le numéro de décembre dernier.

Curé des deux communautés ukrainiennes à Genève et Lausanne, il est également au service de l’Unité pastorale La Seymaz. Il a appris le rite romain et se lance désormais seul pour présider des célébrations dans nos églises de la région.

Il n’y aurait pas assez de pages pour décrire les élans concrets de solidarité dont vous, paroissien.ne.s,
lecteurs et lectrices, avez témoigné au cours des dernières semaines au Père Sviatoslav ; et vous serez heureux de savoir que les biens, médicaments et autres denrées non périssables, sont acheminés tant bien
que mal aux frontières auprès de qui en a besoin.

La prière de ces derniers temps a également été alimentée par le mot « Ukraine », mais aussi « Paix » !

Ce temps de Carême qui va exploser de joie dans le souvenir et la célébration de la Résurrection n’aurait pas de sens si nous ne croyions pas que « mort et résurrection » est le paradigme central de notre foi, de notre vie, de notre espérance.

Modestement, fidèlement, inlassablement, restons vigiant.e.s et solidaires, en paroles, prières, pensées et actes, avec les victimes de tous les conflits : Tigray, Myanmar, Colombie, et – malheureuesement ! – j’en oublie. Et pour faire écho aux paroles de Paul VI à l’ONU : « Plus jamais la guerre ! »

 

 

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