L’histoire sans fin

Par Nicolas Maury
Photo : Jean-Claude Gadmer
De la Théogonie d’Hésiode à la cosmologie contemporaine en passant par Les Métamorphoses d’Ovide, la quête des origines a fait couler beaucoup d’encre. Les modèles scientifiques modernes font écho aux mythes anciens, empruntant toutefois des chemins distincts : la physique fondamentale et l’imaginaire.
Le modèle du Big Bang en est une illustration. Décrivant plus ou moins bien la formation des atomes, des étoiles, des galaxies ainsi que l’expansion de l’Univers, il reste muet à propos de l’Origine avec un grand « O », celle qui précède l’Espace et le Temps einsteiniens. Le « Mur de Planck » marque la limite en amont de laquelle la science avoue son ignorance. Pour traverser cette frontière, il faut emprunter la passerelle que constitue la métaphysique, qui par nature se situe « au-delà de la physique ».
Et la foi catholique ? Pour elle, l’Univers n’est pas le fruit du hasard, mais d’une Création. Là où les formules mathématiques butent sur un point d’interrogation, la théologie affirme le mystère d’un Dieu à l’origine de tout, dépassant la compréhension humaine tout en l’interpellant.
Les équations permettront-elles un jour de « taguer » la face cachée du Mur de Planck ? J’ai dans l’idée que la quête des origines restera une histoire sans fin.
Le Mur de Planck

Depuis l’élaboration en 1927 de la théorie du Big Bang par l’Abbé Georges Lemaître 1 (1894-1966), les physiciens n’ont eu de cesse de chercher à remonter le temps et à comprendre la formation de l’Univers telle que l’on peut se l’imaginer suivant cette célèbre théorie.
Par Pierre Guillemin | Photos : DR
Un échange a eu lieu en 1981 entre le Pape Jean-Paul II et le célèbre astrophysicien Stephen Hawking. Selon le souverain pontife, Dieu aurait choisi la manière dont l’Univers devait commencer.
Mais selon Etienne Klein2 « nous n’avons ni la preuve que l’Univers a une origine ni qu’il n’en a pas eu ». Et surtout, « vouloir prouver l’existence de Dieu à partir de la science, c’est déconsidérer l’un et l’autre ». En effet, « si Dieu était le résultat positif d’une enquête rationnelle menée par la communauté des chercheurs, il n’aurait plus que le statut d’une connaissance […].Prétendre prouver scientifiquement l’existence de Dieu serait aussi faire preuve de naïveté à l’égard de la science elle-même. Car, si elle devenait capable de livrer une conclusion aussi définitive à propos de ce qui est a priori hors de ses champs d’action et d’investigation, cela impliquerait qu’elle aurait terminé sa propre construction, au point de pouvoir trancher toutes les questions qui se posent à nous, y compris celles qui ne sont pas scientifiques. Or, la physique, pour ne citer qu’elle, n’est pas du tout achevée. Elle bute notamment sur la contradiction formelle qui existe entre deux théories fondamentales, la relativité générale et la mécanique quantique ». C’est donc à une forme de mur contre lequel la science bute : le Mur de Planck.
Un concept fascinant
Le Mur de Planck est un concept fascinant en physique théorique qui nous plonge dans les premiers instants de l’Univers. Le terme se réfère à la plus petite échelle de temps possible, appelée le temps de Planck, qui est environ 10–43 secondes après le Big Bang. A cette échelle, les lois de la physique telles que nous les connaissons s’effondrent et une nouvelle physique dominée par la gravité quantique pourrait entrer en jeu.3 Si, en nous appuyant sur la relativité générale d’Einstein, nous remontons le temps jusqu’à ce temps de Planck, et donc si nous essayons de nous projeter aux limites de ce temps de Planck par l’intermédiaire des modèles de relativité générale et des modèles quantiques, alors les quatre interactions4 sont unifiées, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent en même temps. Or, l’unification de ces quatre interactions fondamentales est impossible en utilisant la relativité générale d’Einstein ou la physique quantique : ces théories sont donc incomplètes et ne sont valables que quand la gravitation et les effets quantiques peuvent être étudiés séparément.
Une question fondamentale
Ce concept du Mur de Planck tire son nom du physicien allemand Max Planck (1858-1947), le père de la mécanique quantique. L’idée du Mur de Planck est intimement liée à la théorie du Big Bang. Selon notre compréhension actuelle, l’Univers a commencé à partir d’un état extrêmement dense et chaud. En remontant le temps jusqu’à l’instant du Big Bang, nous atteignons un point où notre compréhension classique de la physique cesse d’être valide – c’est le Mur de Planck. Au-delà de ce mur, nous entrons dans un domaine de spéculation théorique où les effets de la gravité quantique doivent être pris en compte. Mais cela reste du domaine de la théorie : comment en effet pourrait-on vérifier la validité d’une telle approche ? En d’autres termes, il faudrait pouvoir remonter au moment même où l’Univers tel que nous le connaissons se serait construit. Si cela est possible, qu’y avait-il donc avant ? C’est une question absolument fondamentale car nous ne connaissons pas dans notre Univers de système aussi grand ou aussi petit possible qui se soit créé à partir de rien (Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »).
C’est donc bien face à un mur que les physiciens se heurtent pour expliquer parfaitement ce Big Bang et peut-être avant ce Big Bang.
Nouvelles théories
A cette échelle de 10–43 secondes après le Big Bang selon la théorie, l’énergie et la courbure de l’espace-temps atteignent des niveaux si élevés que les concepts traditionnels de temps et d’espace deviennent flous. Les théories actuelles, comme la relativité générale d’Einstein et la mécanique quantique, ne sont pas en mesure de décrire ces conditions extrêmes. Pour explorer ce domaine, les physiciens cherchent à développer une théorie de la gravité quantique, telle que la théorie des cordes ou la gravité quantique à boucles pour ne citer que les plus récentes.
• La théorie des cordes propose que les particules fondamentales ne soient pas des points, mais des objets unidimensionnels appelés « cordes ». Ces cordes vibrent à différentes fréquences pour donner naissance aux diverses particules observées. Une des implications de cette théorie est l’existence de dimensions supplémentaires au-delà des trois dimensions spatiales et une dimension temporelle que nous connaissons. Ces dimensions supplémentaires pourraient jouer un rôle crucial dans la description de la gravité quantique. Si mathématiquement, c’est tout à fait possible, physiquement nous ne connaissons qu’un Univers à trois dimensions voire quatre en incluant le temps.
• La gravité quantique à boucles tente de quantifier directement l’espace-temps lui-même. Selon cette théorie, l’espace-temps est constitué de petites unités discrètes, ou « boucles », qui forment une trame à l’échelle du temps de Planck.
Le lien manquant
En cherchant à comprendre la création de l’Univers, en franchissant ce Mur de Planck, nous pourrions peut-être comprendre pourquoi l’Univers a évolué de la manière dont il l’a fait. Cela pourrait également nous éclairer sur la nature fondamentale de l’espace, du temps et de la matière.
Mais comprendre la création de l’Univers c’est aussi former les modèles pour en expliquer l’origine. L’Univers a-t-il une origine ? C’est-à-dire, qu’y avait-il avant l’Univers ? Aucune théorie actuelle ne peut l’expliquer et il est très possible que nous n’y arrivions jamais.
Mais si la science se nourrit de questions et y répond parfois, ne manque-t-il pas à ces théories ce lien si particulier que nous appelons Dieu ? Surtout, n’oublions pas les paroles de Jésus (saint Jean 8, 23) : « Vous, vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde. »
1 Essentiel, juin 2023.
2 Essentiel, septembre 2024.
3 La gravité quantique cherche à unifier la physique quantique, c’est à dire une physique probabiliste, et la relativité générale qui est une approche causale de la physique, basée sur la gravité et le temps.
4 Electromagnétisme, interaction faible qui décrit les forces s’appliquant dans le cas de la fusion nucléaire, interaction forte qui décrit les interactions au sein du noyau atomique et gravitation.

et Jean-Paul II leur a permis de discuter
de l’origine de l’Univers.

de la mécanique quantique. De ses travaux,
est conceptualisée l’ère de Planck, période
de l’histoire de l’Univers au cours de laquelle
les quatre interactions fondamentales
sont unifiées.


Création et Big Bang? (Genèse 1, 1-2)

Par François-Xavier Amherdt
Photo : DR
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague. » Le premier verset de la Bible ne dit donc pas que le Seigneur disposait d’un matériau préexistant. Tout était sans consistance et sans subsistance, comme un chaos, un « tohu-bohu » (c’est de l’hébreu de ce verset que vient l’expression). Car telle est notre foi (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 296-298) : nous croyons que Dieu n’a besoin de rien d’antérieur ni d’aucune aide pour créer. Et la création ne provient pas de la substance divine, comme une émanation qui sortirait de manière « nécessaire ». Non, Dieu crée « de rien » et en toute liberté.
Si le Seigneur avait tiré le monde d’une matière préexistante, qu’y aurait-il eu alors d’extraordinaire ? Un artisan humain façonne ce qu’il veut lorsqu’on met à sa disposition un matériau. Au contraire, c’est la puissance divine qui se manifeste précisément du fait qu’il part du néant pour faire tout ce qu’il veut et y projette (Théophile d’Antioche).
C’est le Créateur du monde qui est à la source de toute réalité et qui a constitué l’espèce humaine, ainsi que le reconnaît la mère des sept fils dans le deuxième livre des Maccabées, au moment où ceux-ci sont prêts à s’offrir en sacrifice par respect pour la Torah : « Mon enfant, regarde le ciel et la terre, vois tout ce qu’ils contiennent, et sache que Dieu les a créés de rien, et que la race des hommes est faite de la même manière. » (2 Maccabées 7, 28)
A la question : qu’y avait-il « avant » le Big Bang, la Bible et le Credo répondent donc : Dieu
Trinité. C’est pour cela que le Seigneur peut aussi, par l’action de l’Esprit Saint, donner la vie de l’âme à des pécheurs en leur conférant un cœur pur (Psaume 51(50), 12) et également le souffle au corps des défunts par la Résurrection, « lui qui donne la vie aux morts et appelle le néant à l’existence » (Romains 4, 17). Il existe ainsi un parallèle total entre la création initiale de l’homme et la recréation de la chair,
des cieux nouveaux et de la terre nouvelle (Apocalypse 21, 1) lors de la Résurrection pour la vie éternelle.
En outre, puisque Dieu a pu faire resplendir la lumière dans les ténèbres par sa Parole (Genèse 1, 3), il est aussi à même de transmettre la lumière de la foi à celles et ceux qui l’ignorent et se meuvent loin de lui (cf. 2 Corinthiens 4, 6).
Un discours évolutif

Par Thierry Schelling
Photo : DR
Premier round
Léon XIII affirme en 1893 que « la théologie ne tire pas ses principes des autres sciences, mais immédiatement de Dieu par la révélation […] et ne reçoit rien de ces sciences, comme lui étant supérieures, mais elle les emploie comme étant ses inférieures et ses servantes ». Et d’exiger des biblistes qu’ils acquièrent « une véritable compétence scientifique de façon à surpasser leurs adversaires sur leur propre terrain ».
Second round
En 1943, Pie XII affirme qu’en 50 ans, on a mieux compris encore les Ecritures grâce : aux « fouilles scientifiques », une « méthode plus sévère et un art perfectionné par l’expérience », la « découverte de monuments écrits » et de « papyrus » ainsi que la « meilleure connaissance de la littérature et les institutions publiques » de l’époque du Christ ! Apprendre les langues bibliques, aller dans le « moindre détail » de l’Ecriture, user de la « critique textuelle », autant de méthodes à intensifier pour mieux connaître la Bible qui font écrire à Papa Pacelli que « les questions soulevées au temps de Léon XIII contre l’authenticité, l’antiquité, l’intégrité et la valeur historique des Saints Livres […] se trouvent aujourd’hui débrouillées et résolues ». Progrès il y a eu, grâce aux sciences…
Troisième round
En 1965, le Concile Vatican II encourage les exégètes « de s’efforcer […] de pénétrer et d’exposer plus profondément le sens de la Sainte Ecriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de l’Eglise ». Le dialogue devient la norme entre sciences et théologie et la « divine condescendance » des « aspects humains […] et divins » de l’Ecriture est à poursuivre sans cesse.
Quatrième round
L’interprétation de la Bible dans l’Eglise (1983) rassemble ce quasi-siècle de déclarations papales sur la Bible en insistant que l’exégèse « doit communiquer [le sens des Ecritures] à son destinataire qui est toute personne humaine » contemporaine.
Le baptême comme un plongeon
Chaque mois, L’Essentiel propose à un ou une représentant(e) d’un diocèse suisse de s’exprimer sur un sujet de son choix. Mgr Jean-Marie Lovey, évêque du diocèse de Sion, est l’auteur de cette carte blanche.
Par Mgr Jean-Marie Lovey, évêque du diocèse de Sion
Photos : cath.ch/Bernard Hallet, unsplash

La baisse de la pratique religieuse n’est pas à démontrer ! Ce fait indique-t-il la baisse de la spiritualité dans notre monde occidental ? J’ai lu qu’un théologien attirait l’attention sur un phénomène de société qui se répand de plus en plus et qui montre que la soif de spiritualité est bien présente. Il s’agit de cette coutume qui consiste à se faire nageur sauvage en se plongeant dans l’eau froide. Certains praticiens témoignant qu’ils trouvent par cet exercice réconfort, renouveau intérieur et spiritualité !
Chez les chrétiens tout commence par un plongeon. Le rite devenu parfois tellement symbolique risque de nous le faire oublier, mais le baptême est littéralement un plongeon. Saint Paul le signale clairement aux Romains (6, 4-23). Si se plonger dans l’eau froide exprime l’enfouissement dans la mort du Christ pour témoigner de la résurrection en remontant des eaux, – ce que les baptistères antiques permettaient de bien comprendre –, alors le geste serait chargé d’une forte spiritualité. Mais est-ce bien l’intention de ces « nageurs sauvages » de nos lacs et rivières d’hiver ?
En marquant les 1700 ans du concile œcuménique de Nicée en 325, les religions chrétiennes veulent offrir à leurs fidèles un autre bassin rafraîchissant ; un lieu où se replonger avec tout son être et son histoire. Il s’agit de retremper cœur, mémoire et dynamisme de vie dans la foi de l’Eglise dont le baptême demeure le lieu source. Tout commence au baptême, tous les ministères s’y enracinent et tout en découle. Les croyants qui proclament le Credo de Nicée et essayent d’en vivre témoignent de l’unité pour laquelle le Christ a tellement prié. Bien plus qu’une forme de spiritualité, le plongeon et le maintien régulier dans les eaux du baptême, c’est-à-dire dans la foi de la communauté croyante, est l’enjeu vital pour demeurer chrétien. Le Symbole de Nicée dit : Je reconnais un seul baptême (plongeon) pour le pardon des péchés.
Jeux, jeunes et humour – mars 2025
Par Marie-Claude Follonier
Mot de la Bible
C’est une bible
Un ouvrage de référence
La Bible contient tout ce qu’il est nécessaire de savoir sur Dieu et Jésus-Christ. Le mot « bible » sans majuscule et par métaphore, se dit d’un ouvrage essentiel dans lequel on peut trouver toutes sortes de renseignements indispensables pour quoi que ce soit. Il s’agit d’un ouvrage de référence dont on ne peut se séparer, qui a quasiment une valeur sacrée.
On entend parfois aussi l’expression être la bible de… c’est-à-dire être la référence indispensable.
Le mot bible vient de la ville de Byblos, qui contrôlait le commerce de papyrus, la plante à partir de laquelle on a fabriqué les premiers livres.
Par Véronique Benz
Humour
Dans un cinéma l’ouvreuse accueille un couple venu avec leur bébé.
Elle ne voit pas ça d’un bon œil et redoute que l’enfant se mette à pleurer durant la séance. Elle les met en garde en disant : « Si l’enfant pleure, vous devrez quitter la salle.
Evidemment on vous remboursera ! » Une demi-heure après le début du film, le mari se penche vers sa femme :
– Qu’en penses-tu ?
– Ce film est archinul !
– Tu as raison, secoue donc le petit.
Par Calixte Dubosson
K d’école
La religion serait-elle par définition un outil de soumission des femmes qui les renverrait à leurs trois K ? (Kirche, Küche, Kinder). La réponse est un peu plus nuancée. Entretien avec Sarah Scholl, spécialiste des mutations du protestantisme et du catholicisme en modernité.
Par Myriam Bettens | Photos : Jean-Claude Gadmer

Que pensez-vous de l’assertion invoquant la religion comme appareil de soumission des femmes ?
Le religieux n’est pas par essence uniquement un outil de contrôle. A chaque moment de l’histoire, un double mouvement s’opère : soumission et émancipation. C’est clair, les Eglises ont été au service de l’ordre social au travers des pasteurs et prêtres desquels la population recevait les mots d’ordre moraux. Mais on voit aussi que des femmes s’émancipent grâce au christianisme. La vie religieuse, par exemple, constitue une possibilité au XIXe siècle, et déjà avant, d’échapper au modèle des trois K. La mission, par ailleurs, leur a permis de vivre quasiment comme des aventurières. Le christianisme est donc aussi une voie pour trouver des formes de libertés.
Justement, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, les femmes exerçaient de vraies responsabilités religieuses, même au sein de l’Eglise catholique (notamment dans le système monastique). Pourquoi ce revirement ?
La relégation des femmes se décide assez vite, déjà avant le Moyen Age. Le resserrement est très rapide, mais cela n’empêche pas à une organisation féminine du religieux de se mettre en place. Dans les congrégations et aussi dans la société, car elles avaient un certain pouvoir religieux sur leur famille et leur réseau. Les mystiques sont aussi écoutées, à condition de rester dans le giron de l’Eglise et son orthodoxie. Ce qui change au XIXe siècle, c’est la vision de la femme dans la société, fondamentalement rattachée à sa famille, avec la division et la spécialisation des tâches qui lui sont dévolues.
En même temps, le retour de la femme à sa cuisine et à l’éducation des enfants avait une légitimation quasi divine…
Oui, exactement. Lorsque naît cet idéal des trois K en Europe, dont l’âge d’or se situe entre 1850 et 1950, il y a vraiment l’idée que c’est voulu par Dieu, mais ce n’est pas le seul argument. Cela s’insère aussi dans une logique d’organisation et de progrès de la société, qui n’est pas perçue comme un mouvement conservateur. Les tâches maternelles sont considérées comme positives et reconnues socialement. Néanmoins, la vision de cette « vocation » n’est jamais statique, comme un ordre immuable, car il y a toujours des transformations. C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle ce discours est si précaire.
Quel rôle jouent les chrétiens dans le développement et le maintien de ce modèle ?
L’investissement du protestantisme dans l’idéal familial contemporain est très fort. Dans les sociétés qui passent à la Réforme, le monde monastique n’existe plus et c’est dans le monde séculier que le projet divin s’organise. Cette perspective renforce encore le rôle de la femme éducatrice, spécialement au XIXe siècle. Il va même se « professionnaliser » [ndlr. écoles ménagères ]. Le christianisme, dans son ensemble, devient dans le courant du XXe siècle, gardien du temple familial. Attaquées sur tous les fronts [ndlr. socialisme, sciences et sciences humaines], les Eglises s’emparent du bastion restant : les questions morales avec une emphase particulière sur la famille et les rôles différenciés. Cette construction des trois K, issue de la seconde moitié du XIXe siècle, est très ancrée, puisqu’elle a survécu aux guerres, aux totalitarismes et aux révolutions culturelles de la fin du XXe siècle. Cet idéal est toujours là, comme un fantôme qui plane sur nos vies.
Dos au Mur
Les imposantes silhouettes des Réformateurs sont sculptées dans la rochedu Mur des Bastions. Mais de réformatrices, en a-t-on déjà entendu parler ? Pas si sûr. Un ouvrage paru pour les dix ans des éditions Labor et Fides répare cette regrettable erreur. Réformatrices. Douze voix de femmes protestantes, XVIe-XXIe siècle, un ouvrage collectif, dirigé par Sarah Scholl et Daniela Solfaroli Camillocci, présente les portraits, mais aussi des extraits de la production théologique de ces femmes « portées par la Réforme et porteuses de son esprit ».
Bio express
Sarah Scholl est historienne du christianisme, de la laïcité et de la sécularisation. Enseignante à la Faculté de théologie de l’Université de Genève, elle est spécialiste des mutations du protestantisme et du catholicisme en modernité, ainsi que des rapports entre religion, politique et société en Suisse aux XIXe et XXe siècles.
Vitraux de Jacques Cesa, église Saint-Joseph, Rossens

Par Amandine Beffa | Photos : Jean-Claude Gadmer
Si l’église de Rossens a été construite en 1874, c’est en 1985 qu’ont été installés 13 vitraux de l’artiste gruérien Jacques Cesa.
Quatre baies forment un cycle sur le mystère pascal. La particularité est d’avoir lié les thématiques avec les quatre éléments : Crucifixion – Eau ; Résurrection – Terre ; Ascension – Air ; Pentecôte – Feu.
Traditionnellement, les quatre éléments décrivent ensemble la totalité de l’univers. Il existe des représentations anciennes de la présence des quatre éléments au pied de la Croix. Ils symbolisent la douleur de toute la Création à la mort du Christ.
1. Eau – Crucifixion
Saint Jean écrit dans la Passion : « Mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. » (Jean 19, 34)
L’eau est présente dans les rites catholiques, c’est l’eau du baptême : symbole de mort et de vie.
2. Terre – Résurrection
Dans le contexte de la Résurrection, la terre évoque le tombeau. Matthieu mentionne explicitement l’élément terrestre : « Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. » (Matthieu 28, 2)
3. Air – Ascension
Nous lisons dans les Actes des Apôtres : « Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. » (Actes 1, 9)
L’air évoque aussi la douce présence de Dieu qui ne s’impose pas. Elie rencontre Dieu ni dans l’ouragan, ni dans le feu, ni dans le tremblement de terre, mais dans le murmure du silence (1 Rois 19, 11 – 12).
4. Feu – Pentecôte
Il s’agit probablement du lien le plus évident : « Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. » (Actes 2, 3)
Le feu, symbole de la Puissance de Dieu, c’est aussi un des modes de présence du Saint-Esprit.
L’émission Passe-moi les Jumelles avait consacré un reportage à Jacques Cesa, accessible sur PlayRTS.
Horace Bénédict de Saussure, naturaliste suisse

Par Pierre Guillemin | Photo : DR
Horace Bénédict de Saussure (1740-1799) est un scientifique, naturaliste, géologue et alpiniste suisse, connu pour ses contributions pionnières dans plusieurs domaines scientifiques. Né à Conches, près de Genève, chrétien convaincu par la beauté de la Nature, il étudie à l’Académie de Genève, où il se spécialise dans les sciences naturelles, avant de devenir, à seulement 23 ans, professeur dans cette même Académie.
Il est totalement un homme des Lumières refusant le « trop spéculatif » et cherchant par les moyens de la raison scientifique à comprendre la Nature, en particulier la géologie des montagnes, et à s’émerveiller de la Nature et de la Création au travers de ses nombreuses publications et livres.
Saussure est très connu pour ses travaux et observations en géologie. Il a mené des études approfondies sur les Alpes, leurs constitutions et leurs caractéristiques physiques et chimiques. Son ouvrage majeur, les Voyages dans les Alpes, publié en plusieurs volumes entre 1779 et 1796, est une référence dans le domaine. Il y décrit de manière détaillée la géologie, la botanique et la météorologie des régions alpines, posant les bases de l’étude scientifique des montagnes et des éléments les composant. D’un point de vue scientifique, sa théorie visionnaire sur les « refoulements horizontaux » qui ont provoqué la formation des Alpes, établit les fondements de la tectonique des plaques qui ne sera formalisée et décrite qu’au XXe siècle.
Outre ses contributions à la géologie, Saussure est également célèbre pour avoir inventé plusieurs instruments scientifiques toujours utilisés de nos jours, comme l’hygromètre, utilisé pour mesurer l’humidité de l’air, l’héliothermomètre ancêtre du capteur solaire moderne, l’anémomètre qui mesure la vitesse du vent. Ces instruments scientifiques, il les a inventés parce qu’il en avait tout simplement besoin pour réaliser ses études scientifiques, notamment dans l’étude de la formation des montagnes, des roches mais aussi les variations de pression en fonction de l’altitude.
Passionné par l’exploration alpine, il joue un rôle clé dans la conquête du Mont Blanc. Mais contrairement à l’idée reçue, s’il gravit effectivement les pentes de la célèbre montagne, il est le troisième homme à en avoir atteint le sommet en 1788, après avoir, stimulé par son désir de mieux comprendre la géologie de la région, offert dès 1786 une récompense à quiconque atteindrait le sommet du Mont Blanc. Cet événement marque le début de l’alpinisme moderne.
Aider les gens à prier

« Par sa musique, l’organiste doit élever les âmes des fidèles vers Dieu », confie Philippe Marchello. Organiste amateur passionné et passionnant, il considère que l’organiste n’est pas d’abord un musicien de concert, mais un artiste au service de la liturgie.

Par Véronique Benz | Photos : Georges Losey, DR
Après des cours de piano, Philippe Marchello poursuit ses études musicales par l’orgue. « A l’âge de 15 ans, mon maître d’apprentissage m’avait permis de prendre une demi-journée par semaine de congé pour pouvoir suivre les cours au conservatoire. J’ai grandement apprécié ce privilège. »
D’abord organiste dans son village natal de Fétigny, il est entré « par la petite porte » comme organiste à Estavayer-le-Lac. « J’ai commencé par jouer pour quelques messes, puis pour des sépultures. De fil en aiguille, je suis devenu l’organiste titulaire. » Cela fait plus de trente ans que Philippe Marchello œuvre au sein de la paroisse d’Estavayer-le-Lac.
« Actuellement, je n’accompagne le chœur mixte Saint-Laurent plus que deux fois par mois. Il y a une baisse des célébrations, car moins de prêtres. Nous avons également constaté que c’était un engagement conséquent pour les membres vieillissants de la chorale. Le troisième dimanche, pour honorer un souhait de l’équipe pastorale, nous faisons chanter la foule, le directeur Jean-Louis Raemy comme chantre animateur et moi à l’orgue. Enfin, nous, essayons : l’assemblée ne chante que très peu ! Souvent, la quatrième messe du mois, je la joue comme soliste. »
Son activité d’indépendant permet à Philippe Marchello de se libérer facilement pour les enterrements. Les concerts, seul ou avec le chœur, parfois avec un orchestre ou d’autres musiciens, font partie de la charge de l’organiste. « Comme amateur, c’est toujours un challenge de travailler avec des musiciens professionnels. J’ai la sensation de devoir me surpasser. C’est motivant. » Etre organiste c’est aussi, selon Philippe Marchello, savoir se réinventer par la découverte de nouvelles œuvres.
L’organiste de la collégiale Saint-Laurent s’est également formé à l’improvisation au conservatoire de Fribourg dans la classe de Jean-Louis Feiertag. « L’improvisation permet à l’organiste de capter l’ambiance de l’église et de recréer le climat du moment, d’introduire ou poursuivre un chant de la chorale. Je trouve que cela devrait être une matière obligatoire. L’organiste est là pour aider les gens à prier. La musique doit élever l’âme, la conduire vers la transcendance. Lorsqu’à la fin d’une célébration, vous réalisez que, modestement, vous avez contribué à la mise en relation entre les fidèles et Dieu, c’est un véritable cadeau. »
Une des grandes souffrances de Philippe Marchello est l’appauvrissement de la culture musicale. « Je vois le répertoire qui s’affaiblit, notamment dans les recommandations venant de la pastorale. Le souhait de la pastorale est que les chœurs chantent de moins en moins en latin. La pastorale a l’impression de suggérer des choses dans l’air du temps, plus au goût des jeunes, mais souvent cette musique est de mauvaise qualité », relève-t-il. « L’organiste peut s’appuyer sur un répertoire d’environ six siècles ayant comme base le chant grégorien. C’est tout de même rare pour un musicien. »
« Jouer de l’orgue est ma passion, mon moteur, mon quotidien… En apprentissage, à l’âge de 15 ans, je me levais déjà à 5h du matin pour jouer de l’orgue avant d’aller au travail. Cette passion ne m’a jamais quitté et j’espère qu’elle ne s’arrêtera jamais ! »
Vos moments préférés de la journée ou de la semaine
Le matin, je me réveille à 5h, je lis mon quotidien La Liberté, puis je fais mon bureau, je me mets à l’orgue pour préparer les prestations importantes et les concerts. Le soir, vers 21h, je me couche fatigué, content du devoir accompli. Le dimanche matin, à la messe, mon jeu d’orgue est le fruit du travail de la semaine. C’est gratifiant !
Quel est votre principal trait de caractère ?
Je suis perfectionniste, entier et franc.
Un livre que vous avez particulièrement aimé
Je suis passionné d’histoire, par conséquent j’aime les romans historiques. Je lis également beaucoup de revues musicales.

Une personne qui vous inspire
Jean-Sébastien Bach. C’est pour moi un modèle qui a porté la musique à son plus haut niveau. J’apprécie son acharnement au travail, son inlassable passion pour la musique, son perfectionnisme, sa foi et son inspiration au divin.
Une prière que vous aimez
Ma prière est le « Je vous salue Marie ». J’ai une spiritualité très mariale. J’aime me mettre sous la protection de notre maman du ciel.
Philippe Marchello
• Plâtrier-peintre indépendant, il a pris la succession de son père et de son grand-père dans l’entreprise qu’ils ont fondée.
• Organiste depuis l’âge de 15 ans
• Formation au conservatoire de Fribourg, classe de Klaus Slongo
• Depuis 1993, organiste titulaire de la collégiale Saint-Laurent à Estavayer-le-Lac
• Membre de l’Abbaye Notre-Dame-du-Mont-Carmel ou Confrérie du scapulaire
En librairie – mars 2025
Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin
Des livres

Je crois en Dieu
Paul-Adrien d’Hardemare
Qu’est-ce que croire en Dieu ? Comment lui parler dans la prière ? Pourquoi le mal existe-t-il ? C’est quoi, un sacrement ? Que se passe-t-il à la messe ?
Comment être chrétien ? Autant de questions auxquelles ce livre tente de répondre, pour expliquer aux jeunes adultes en quête de sens ce qu’est la foi catholique.
Un parcours de formation complet qui peut aussi être utilisé en parcours catéchuménal. Avec des QR codes pour accéder à des vidéos en ligne.
Editions Mame

La foi chrétienne
Collectif
Actuellement, nombreux sont les nouveaux chercheurs de Dieu qui découvrent le Christ et l’Eglise catholique à l’âge adulte. Ce livre est pour eux, comme pour les chrétiens de longue date qui souhaitent consolider et progresser dans la connaissance du Christ, de la Bible et de ce que nous dit l’Eglise depuis 2000 ans. Comment lire la Bible ? Qu’est-ce que cela change d’être catholique ? Et surtout pourquoi tant de mal et de souffrance si Dieu est bon ? C’est à toutes les questions essentielles pour nos vies que répondent seize auteurs, prêtres ou laïcs, tous riches d’une pédagogie confirmée et d’une expérience de terrain.
Editions Artège

Foi – Espérance – Charité
Raniero Cantalamessa
De Péguy à Botticelli, d’Irénée de Lyon à Beethoven, de Kant à Henri de Lubac, Raniero Cantalamessa, ce fils de saint François, explore peinture, poésie, gospel et philosophie : toutes les cordes humaines sont ici utilisées pour entrer en harmonie avec la voix du Seigneur à sa créature. Ce « traité contemporain des vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité », solidement ancré dans le magistère catholique, se veut une proclamation de la foi commune aux traditions protestante et orthodoxe à l’horizon du bimillénaire de la Rédemption en 2033.
Editions EDB

Youcat pour les enfants
Le Youcat pour les enfants nous invite à entrer dans la compréhension de la foi de l’Eglise catholique. Rédigé dans un langage simple, il est destiné aux enfants de 8 à 12 ans. Grâce à ses illustrations amusantes, il suscite questions et découvertes et permet un dialogue passionnant sur Jésus, les sacrements, la prière, etc. Les enfants et accompagnateurs y trouveront en outre des informations intéressantes sur chacune des questions. Ce livre a été testé auprès d’enfants pendant plusieurs années, examiné par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à Rome, préfacé par le pape François.
Editions Mame
Pour commander
- A la librairie de Saint-Maurice:
librairievs@staugustin.ch ou +41 24 486 05 51 - A la librairie de Fribourg:
librairiefr@staugustin.ch ou +41 26 322 36 82 - Sur notre shop en ligne:
librairie.saint-augustin.ch
Comme un lombric
Par Thierry Schelling | Photos : DR

« J’ajoute un compliment au lombric qui dans la glèbe en raconte autant que la mésange dans l’aulne. » 1 Ah, la faune et la flore, ces armadas chatoyantes et enchanteresses de notre planète Terre. Que serait-elle sans ses ornements ? Que serions-nous sans insectes (sauf le moustique, on est d’accord !), girafons ou passereaux (même les moineaux genevois…) ?
Et pourtant, tout part à vau-l’eau : des espèces disparaissent, de nouvelles sont découvertes, certes, mais la fragilité de l’écosystème ne garantit pas leur pérennité, d’autant plus que les zoos ne sont plus souhaitables. Et pendant ce temps, le lombric laboure…
Deux encycliques sur le thème – première pour un pape ! – ont-elles mobilisé les troupes catholiques quant à la « sauvegarde de la maison commune » ? Dans les hémisphères nantis de sur-industrie et percluses de surconsommation, peu d’effets : la Cité du Vatican et la fameuse ex-villa d’été de Castel Gandolfo ont des programmes 100% respect de l’environnement et même une école d’apprentissage de sauvegarde de la biodiversité récemment inaugurée… Ces minuscules biosphères sont plus aisément traitables ; mais que dire de nos larges espaces verts européens ?
Quant au Sud, bien des parties pâtissent : montées de eaux pour les iliens du Pacifique ; inexorable assèchement des quelques nappes lacustres résistantes aux frontières entre déserts et forêts ; incendies ravageurs… Et je continue à mal trier mes déchets, à jeter des tonnes de plastique d’emballage de mes achats, à manger des fruits et légumes importés à grands frais (Max Havelaar est cher, quand même ?)… Les chiens aboient mais la caravane passe.
Se plonger dans l’historique de l’univers est fascinant et nous apprend que, naturellement, notre monde explosera dans 5 milliards d’années. Bon. So what ? Mais aimer son prochain – suprême commandement du Christ – concerne aussi mon proche vivant : minéral, végétal, animal. A Caïn, Dieu lança : « La voix du sang de ton frère crie de la terre à moi. » (Gn 4, 10) ; on pourrait raccourcir : « La voix de la terre crie à moi »…
1 Alexandre Voisard, Post-scriptum, Editions Empreintes, 2024.
Je sais tout sur tout, et plus encore…
Par Pierre Moser
Photo : Astrid Belperroud
En science des religions, comme dans toutes les sciences aujourd’hui, nous faisons face à nos limites en termes de savoir. Et pour cause : nonante-cinq pour cent des composants de l’univers nous sont inconnus. Entre autres, la fameuse matière noire dont on soupçonne l’existence, sans plus d’explications plausibles, en tout cas aujourd’hui. Et les scientifiques d’approuver de plus en plus cette marge de progression. Fini l’impérialisme du savoir des années soixante qui nous promettait, demain, de tout expliquer. La connaissance a repris sa place, en toute humilité, celle qu’elle aurait dû toujours avoir, parsemée de doutes, prompte à se remettre en question.
Quoique… Et si ces dérives scientistes s’était habillées de manière plus subtile ? Et si nous, laïcs, étions pris dans une forme de raison tout aussi absolue ? Et si nous, humanistes, avions pris la relève de ces raisonneurs ? Au point de débattre du sexe des anges, de leur hiérarchie et de leur vêtement… Nous savons maintenant tout sur tout. Tout doit avoir une explication rationnelle. Alors que, souvent, la vérification ne sera pas possible car il s’agira essentiellement d’interprétations : sur les mêmes textes sacrés, Satan et Jésus obtiennent deux interprétations totalement contraires (Mt 4 : 1-11, Lc 4 : 1-13). Et ces différences d’interprétation se poursuivent jusqu’à maintenant : théologie de la prospérité contre une théologie plus… sociale. Argent contre Vie… Aisance contre bonheur…
Toute croyance serait donc à proscrire ? Toute vérité serait bonne à questionner ? Nous faisons depuis toujours le grand écart entre les certitudes qui nous rassurent et les doutes qui nous font progresser. Avec, comme béquille, une superbe clé de lecture qui fonde notre foi : aime ton prochain comme toi-même, tout un programme… Chaque action qui irait à l’encontre de ce commandement devra être questionnée. Et avec le plus grand discernement : Satan essaiera toujours de nous faire prendre un mal pour un bien. C’est compliqué, mais à la portée de notre bon sens.
Mais ce n’est pas tout : notre espérance est aussi ailleurs. Dans le mystère, dans l’autre révélation de cette incarnation. La résurrection, la Trinité, le Royaume, la virginité de Marie, etc. resteront encore longtemps insaisissables. Vouloir gloser sur celles-ci, ce serait à nouveau « fabriquer » un Dieu à notre image, et ce n’est pas le bon combat.
Une proposition pour entrer en Carême
« Transmettre sa foi, oui… mais comment ? » est le fil conducteur des Rencontres œcuméniques de Carême 2025, des paroisses catholiques, protestantes et évangéliques de la région franco-suisse entre Arve et Lac.
Les Rencontres œcuméniques de Carême sont organisées depuis 47 ans par des chrétiens catholiques, réformés et évangéliques dans la région Arve et Lac. Elles ont obtenu en 2017 le label œcumenica reconnaissant la qualité de leurs thématiques.
Cette année, les conférences auront pour thématiques :
Comment dire Dieu aujourd’hui ?
La théologienne et bibliste catholique Marie-Laure Durand sera le mercredi 26 mars à 20h15 au Centre paroissial protestant, Rue de Genève 77, 1225 Chêne-Bourg.
La transmission, talon d’Achille de l’Eglise
Antoine Nouis, bibliste et docteur en théologie. Pasteur en paroisse de l’Eglise protestante unie de France pendant 30 ans. Il est conseiller théologique de l’hebdomadaire Réforme après en avoir été le directeur. Il sera présent le mercredi 2 avril à 20h15, à la salle paroissiale de Vésenaz, Chemin des Rayes 14, 1222 Vésenaz.
Découverte de la synagogue libérale Beith Gil et transmission de la foi dans le judaïsme
Par le rabbin émérite de la synagogue libérale Beith Gil, François Garaï, fondateur de la Communauté israélite libérale de Genève (GIL) et dont il a été le rabbin jusqu’en janvier 2024. Le lundi 7 avril à 20h15 à la Synagogue Libérale Beith Gil, Chemin Ella-Maillart 2, Grange-Canal.
Une proposition pour patienter jusqu’à la 10e édition du festival de films IL EST UNE FOI
En attendant la 10e édition d’IL EST UNE FOI (30 avril – 4 mai) l’Eglise catholique romaine à Genève (ECR) vous propose une conférence sur le thème de la spiritualité, au Sacré-Cœur, à ne pas manquer.
Le mercredi 19 mars à 18h30, l’ECR vous convie à la salle des fêtes du Sacré Cœur pour assister à une conférence intitulée Spiritualité et mysticisme : La mystique. Contemplation, engagement, vie. L’entrée est libre, mais il est demandé de vous inscrire auprès de : geoffroy.declaviere@ecr-ge.ch
Mariel Mazzoco (responsable des enseignements et de la recherche en spiritualité – Université de Genève) et Ghislain Waterlot (professeur de philosophie de religion et d’éthique – UNIGE) proposeront une discussion autour de la spiritualité et du mysticisme.
D’où nait une icone

Par Thérèse Dysli
Photos : DR
Suite à l’excellent article « La Parole et l’image » de l’iconographe Agnès Glichitch dans le numéro de décembre, j’avais envie de témoigner de la pratique de l’iconographie au quotidien. En effet elle a très bien nommé et décrit les codes de cet art et je souhaitais pour ma part vous parler de la joie, du doute, de l’exigence et de la patience que représente la création d’une icône.
La plupart du temps c’est le sujet qui m’appelle, probablement en fonction de mes questions intérieures ; car je vais passer avec lui de longs moments, entre 3 et 6 mois, au cours desquels il me parle, me révèle des aspects nouveaux, insoupçonnés. Il se crée alors une telle complicité et intimité entre nous que j’ai de la difficulté à m’arrêter. Je trouve toujours quelque chose à peaufiner… sachant très bien que je dois pourtant le quitter pour continuer mon chemin et laisser l’icône sécher pendant 3 mois.
Il arrive également que je reçoive une commande avec un sujet qui m’est imposé et avec, parfois, la crainte de ne pas être à la hauteur… Dans ces cas-là je me dis : « Si tu reçois cette commande c’est que tu seras à la hauteur ! » … Ce qui me rappelle le tout début de l’aventure lorsque j’ai reçu l’ordre « d’en haut » d’écrire des icônes.
En effet, j’allais chercher une icône commandée chez Josette Laissue pour le départ d’une collègue de l’Aumônerie et les icônes ne me parlaient alors pas particulièrement. En arrivant dans l’atelier de cette dernière, sur le pas de porte, j’ai entendu comme un ordre : « Ecris des icônes ! » Waow, moi qui ne savais ni dessiner, ni peindre… J’entrai donc chez Josette Laissue et elle me montra la très belle icône intitulée « chemin d’Emmaüs ». Nous avons échangé un moment et je lui ai demandé très timidement : « Est-ce que vous avez des élèves ? » Elle m’a regardée alors droit dans les yeux et répondu : « Dès que je vous ai rencontrée, j’ai su que vous alliez venir. » J’ai donc débuté avec elle, il y a plus de 20 ans.
J’ai également des intuitions, selon ce qui se passe dans ma vie. La dernière s’est produite lors d’une visite au CERN organisée par un collègue de notre chorale et la prise de conscience très concrète que TOUT EST UN, que nous sommes tous constitués des mêmes particules et cela depuis la création. J’ai alors fait le lien avec une icône qu’une amie orthodoxe m’avait montrée et qui se nomme : « La Création » !
Comme l’a si bien écrit Agnès, nous travaillons de l’ombre à la lumière. Les couleurs foncées d’abord, puis, petit à petit la lumière s’introduit, jusqu’à l’éclat. Mais auparavant, après le dessin reporté, se pose la question de graver ou non. Personnellement j’aime graver, car « nos noms sont gravés dans la paume de Dieu ». Il s’agit aussi d’une certaine forme d’incarnation, l’icône est inscrite dans la matière, elle prend forme, je la fais naître.
En la gravant, je peux faire des « ratés »… que je corrige par la suite et qui s’appellent des repentis, qui symbolisent nos blessures, nos cicatrices. La Vie.
Ecrire une icône est un glorieux labeur qui procure beaucoup de joie, qui exige à la fois humilité et patience et qui implique de se laisser guider par plus grand que soi.



Pèlerins d’espérance
Chaque mois, L’Essentiel propose à un ou une représentant(e) d’un diocèse suisse de s’exprimer sur un sujet de son choix. Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion, est l’auteur de cette carte blanche.

Par Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion
Photos : cath.ch, vatican media
Nous sommes entrés dans le Jubilé de l’Année Sainte. Le pape François en a donné le thème : « Pèlerins d’espérance ». Comme cela tombe bien, dans notre monde marqué par tant d’épreuves ! Au milieu des guerres et des multiples crises, certaines voix prétendent que l’Eglise n’aurait plus rien à dire. Mais n’est-ce pas le contraire qui est vrai ? Le message d’espérance de Jésus n’est-il pas la plus belle réponse aux épreuves de ce temps ? Et les multiples questions d’aujourd’hui ne trouvent-elles pas dans l’Evangile un éclairage très actuel ?
L’espérance, écrivait Bernanos, c’est un désespoir surmonté. Elle n’a pas grand-chose à voir avec l’espoir, ce sentiment qui donne à penser que « tout ira bien ». Elle est beaucoup plus forte : elle peut donner le courage de marcher toujours, de « faire un pas dans la bonne direction », de « passer du pourquoi au pour quoi ». Comme le disait le dirigeant tchèque Vaclav Havel : « L’espérance n’est pas la conviction que quelque chose finira bien ; c’est la certitude que quelque chose a un sens. »
L’Année Sainte est une occasion privilégiée pour renouveler notre rencontre personnelle avec Jésus-Christ. Par le pèlerinage aux portes saintes de Rome, par la démarche jubilaire dans chaque cathédrale, par la prière et les œuvres de charité, une démarche spirituelle est proposée, capable de nous conforter dans cette confiance que Dieu Lui-même marche avec nous, qu’Il est présent à tout ce que nous vivons, et qu’Il veut ouvrir la porte de notre cœur pour nous faire grandir dans l’espérance qui ne déçoit pas.
Dans la lettre aux Hébreux, l’espérance est symbolisée par l’ancre jetée « au-delà du voile », dans le sanctuaire du Temple. C’est dans ce lien solide que se trouve notre confiance, quelles que soient les ténèbres, que la « petite fille espérance », comme l’appelle Péguy, pourra toujours continuer de briller.
Jeux, jeunes et humour – février 2025
Par Marie-Claude Follonier
Mot de la Bible
Beaucoup d’appelés peu d’élus
Faire une sélection délicate et drastique
Dans la parabole du festin nuptial (Matthieu 22, 1-14), Jésus prend l’image d’un roi qui organise les noces de son fils. Le banquet est prêt, mais les convives ont tous successivement décliné l’invitation sous un prétexte quelconque. Le roi décide alors d’inviter les premiers venus, croi-sés sur les chemins. Or, l’un d’eux n’a pas de tenue convenable pour entrer et se fait jeter de-hors. Certains Pères de l’Eglise ont vu dans cet habit de noces, la « parure de l’âme », la charité. Si l’on n’en est pas vêtu, l’on ne peut avoir part à la vie de Dieu qui est le banquet éternel…
« Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »
Par Véronique Benz
Humour
Dans un village, c’est toujours le même fermier qui rapporte le plus de lait à la fromagerie.
Pourtant tout le monde sait dans le village que ce fermier ne possède que quelques vaches. Intrigués, les autres paysans décident d’aller lui demander pourquoi.
– Mais comment fais-tu pour obtenir tant de lait avec si peu de vaches ?
– Bien c’est simple, le matin quand je vais traire mes vaches, pour les motiver je leur pose toujours la même question : « Alors mes petites ! Ce matin qu’est-ce que vous me donnez ? Du lait ou du steak ? »
Par Calixte Dubosson
Le rosaire du triathlonien
En 2022, Noël Pedreira s’est donné l’objectif un peu fou d’accomplir un triathlon IronMan… alors qu’il ne savait pas nager le crawl ! Outre l’aspect physique et mental, il voit dans sa démarche une composante profondément spirituelle.
Par Myriam Bettens | Photos : DR
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous entraîner pour un triathlon IronMan ?
J’avançais dans la quarantaine et souhaitais, pour mon équilibre personnel, une activité physique un peu plus soutenue. Le déclencheur a été de voir les coureurs de l’IronMan de Thoune passer sous mes fenêtres lorsque j’y habitais durant la semaine pour raisons professionnelles. Je me suis dit : « Voilà bien un endroit où personne ne m’attendrait. » (sourires)
Un endroit où on ne vous attendrait pas… c’est-à-dire ?
C’était l’été 2022 et je m’étais fixé l’objectif de terminer un IronMan en 2026. J’avais une activité physique régulière, mais je ne savais pas nager le crawl, je n’avais pas de vélo, ni de chaussures adaptées à la course à pied. Autant dire que je partais de rien. Il y avait un nouveau club jurassien de triathlon qui se formait. Je suis allé à la séance d’information et il se trouve que le président de ce club était un ancien camarade de lycée. Lorsqu’il m’a vu arriver, il a dit : « Tu es bien la dernière personne que je pensais voir ici. » (rires) Finalement, je me suis adressé à un ancien triathlète professionnel qui proposait un accompagnement personnalisé. En octobre 2022, le coach me pousse à m’inscrire à un demi IronMan en juin 2023. Puis, en début d’année, il a considéré que j’étais prêt pour un complet en juillet 2023… alors que c’est seulement en février que j’ai vraiment compris comment on nage le crawl !
Y a-t-il une composante spirituelle dans votre démarche ?
Pas seulement. Il y a la dimension de défi personnel, mais aussi conjugal et familial. Si les personnes qui partagent ta vie ne te soutiennent pas, l’idée même d’un IronMan devient irréalisable. Ensuite, entouré de centaines d’autres coureurs, qui s’encouragent et se soutiennent mutuellement : l’aspect communautaire et de communion est indéniable. Par ailleurs, il est vrai que cette démarche a rejoint ma propre pratique spirituelle. Celle-ci ne se limite pas à un lieu précis, à des sacrements, des pratiques ou des rituels particuliers. On ne peut qu’être en état d’admiration lorsqu’on nage dans le lac de Thoune face à la Jungfrau, le Mönch et l’Eiger. On se sent porté par quelque chose qui nous dépasse. Et puis, il y a vraiment cet émerveillement de voir jusqu’où le corps, temple de l’Esprit Saint, peut aller.
Peut-on parler d’autotranscendance ?
En tant que chrétien, c’est le lieu par excellence où tu vis l’incarnation. Tu « sens » ce lien unique entre corps, âme et esprit. Lors d’une de mes courses, j’ai aussi tracé un parallèle entre les mystères du Rosaire et le triathlon IronMan en essayant d’y repérer les mystères douloureux, lumineux ou encore joyeux.
Un exemple de ces mystères du triathlonien ?
Lors du dernier IronMan à Thoune, l’eau était extrêmement froide. Au bout d’une heure de nage, je ne sentais plus mes membres. J’ai presque souhaité qu’un Léviathan sorte du fond de ce lac et me tire vers le bas… me sorte de là. J’étais en plein dans mon mystère douloureux, mais il y a peu d’autres expériences humaines qui me font me sentir aussi vivant, si j’ose être aussi radical.
Un homme de fer pas pour les pieds nickelés…
Créé en 1978, l’IronMan est dans le langage commun du triathlon le nom donné à l’un des plus longs formats de la discipline. D’une distance totale de 226 kilomètres (140,6 miles), cette compétition multidisciplinaire consiste à enchaîner 3,8 km de natation, 180,2 km de cyclisme puis un marathon de 42,195 km. Les championnats du monde de cette discipline se déroulent chaque année, en alternance, à Nice et Hawaï. Depuis 2005, il existe aussi des half IronMan [ndlr. demi IronMan], de 113 km, soit la moitié de la distance d’une course complète.
Bio express
Noël Pedreira et son épouse Céline, tous deux nés en 1976, sont les heureux parents de trois garçons âgés de 14 à 20 ans. Suite à des études de théologie à Fribourg et Paris, il est engagé comme assistant pastoral pour l’Eglise catholique, dans le canton du Jura. Après quelques années en pastorale paroissiale, il change d’orientation professionnelle pour rejoindre l’aumônerie de l’armée suisse, où il est en charge du recrutement, de la formation et de la recherche.



Les ex-voto de l’ermitage de Longeborgne, Valais

Par Amandine Beffa | Photo : Jean-Claude Gadmer
Depuis plusieurs siècles, l’ermitage de Longeborgne est un lieu de pèlerinage à Notre Dame de Compassion. Ce vocable désigne Marie dans les souffrances qu’elle a endurées au cours de sa vie (selon la prophétie de Syméon Lc 2, 35) et en particulier au pied de la croix.
Compassion vient du latin Cum patior et signifie « je souffre avec ». En français, la compassion dépasse l’empathie par la volonté de venir en aide à celui qui souffre. La Sainte Vierge est ainsi non seulement celle qui a souffert, mais aussi celle qui est prise aux entrailles devant les épreuves que nous rencontrons et qui nous vient en aide par la prière.
Les ex-voto de l’ermitage témoignent des grâces reçues. La collection est un patrimoine culturel d’importance nationale. Le plus ancien date de 1662 et de nouveaux sont continuellement ajoutés.
Ex-voto vient du latin et signifie « selon le vœu fait ». Il peut s’agir d’une demande de grâce ou d’une action de grâce.
La majorité des ex-voto comprend une représentation de la grâce demandée ou reçue. Il peut s’agir :
–> d’un accident, comme cette charrette renversée dont les chevaux pendent dans le ravin ou la chute du Père René Veuthey dans la vigne ;
–> d’une maladie, comme ces personnes couchées dans des lits, entourées de proches en prière ;
–> d’une catastrophe, comme ce navire pris dans une tempête ;
–> d’une demande d’enfant, comme cet ex-voto de 1950 comprenant une représentation de la rade de Genève et des parents avec un enfant.
Notre Dame de Compassion, à qui la grâce a été demandée, est presque toujours représentée. Elle est soit avec son Fils descendu de la croix, soit le cœur transpercé de sept glaives (Luc 2, 35).
Aujourd’hui, ces œuvres témoignent de la foi et de l’espérance de ceux qui nous ont précédés ainsi que de celle de tous ceux qui continuent à confier leurs souffrances à la Vierge Marie.