Fin de vie: que dit l’Eglise?

Fin de vie: que dit l’Eglise?

Choisir le thème de la fin de vie, c’est traiter du moment le plus sensible de la vie de chaque être. Pour le chrétien, ce devrait être une étape sereine, vécue dans la foi et l’accompagnement de l’Eglise. Mais dans une société davantage imprégnée de choix individualistes, et avec un vent favorable pour le suicide assisté, le sujet se complexifie. Petit vade-mecum de questions qui taraudent les esprits et auxquelles l’Eglise doit répondre.

Par Claude jenny
Photos : Ciric, DR
Résumons ce que l’Eglise dit aujourd’hui sur ce thème si délicat de la fin de vie.

Suicide assisté : c’est non

L’Eglise dit clairement son opposition au suicide assisté (lire la rubrique « Bible » de l’abbé Amherdt en page VI). Le pape l’a dit aussi : on ne tue pas la vie ! On doit accompagner la fin de vie (lire l’article « Theo » de l’abbé Schelling en page VIII) : « Je ne peux pas concevoir le suicide assisté », disait Mgr Jean-Marie Lovey en réponse à une religieuse valaisanne qui prône publiquement le contraire. « L’Eglise prend fait et cause pour la vie avec le respect et la dignité totale de l’être humain quel que soit son état. En contribuant à banaliser la mort et le suicide des personnes, on donne un signal contraire », explique l’évêque du diocèse de Sion 1. « Le suicide assisté est un acte gravement contraire à la loi divine. C’est un homicide contre soi-même », lâche l’abbé Jean-Michel Moix, vicaire à Champéry. Une voix discordante existe, celle d’un prêtre belge, l’abbé Gabriel Ringlet, qui s’exprime régulièrement en Suisse romande. Il a publié un livre sur le sujet 2.

La Conférence des évêques suisses (CES) a mandaté sa commission d’éthique pour travailler à la rédaction de directives que les évêques devraient étudier durant leur session d’automne. Le nouveau président de cette commission, François-Xavier Putallaz, a accepté de s’exprimer à titre personnel. Pour ce professeur de philosophie à l’Université de Fribourg, « c’est inacceptable, car un suicide est toujours un drame. Le fait qu’il intervienne avec Exit n’y change rien. « C’est une violence contre soi-même, contre Dieu, et surtout contre les autres », ajoute-t-il. « La vie est un don qu’il ne nous appartient pas de supprimer », corrobore l’abbé Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion. Il y voit un enjeu de société. « Chaque personne, quel que soit son âge ou son état, doit se sentir utile, valorisée. Jusqu’à la fin », ajoute l’abbé Maillard.

1 « Nouvelliste », 25.2.2016
2 « Vous me coucherez nu
sur la terre nue », Albin Michel, 2015

Soins palliatifs : c’est oui

Les soins palliatifs aident à soulager la douleur physique.
Les soins palliatifs aident à soulager la douleur physique.

Si l’Eglise condamne le suicide assisté, elle dit oui aux soins palliatifs. « Car ce n’est pas supprimer la vie. C’est soulager la souffrance pour permettre de consentir à la mort. C’est éthiquement tout différent », explique François-Xavier Putallaz. L’évêque de Sion estime aussi que « ce n’est pas la même chose de donner une substance à quelqu’un pour apaiser ses souffrances ou lui donner une boisson létale qui entraînera la mort. Le but de la sédation est de maîtriser la douleur et la souffrance, pas de donner la mort. » 1

Le but des soins palliatifs étant d’éviter la souffrance physique, encore faut-il que l’accompagnement de la personne souffrante ou en fin de vie soit de qualité. C’est là que se situe le véritable enjeu.

Lorsqu’une personne entre dans un EMS, c’est pour y vivre la dernière étape de sa vie. « C’est notre mission de lui offrir un accompagnement global qui soit rempli de compétences », dit Philippe Genoud, directeur de la Maison Saint-Sylve, à Vex. « Nous avons  sensibilisé tous nos collaborateurs à cette mission. Pour qu’ils comprennent que c’est aussi une humanité qui vient à eux. Et qu’il importe de donner sens à ce qu’ils font », explique-t-il.

« Notre rôle est d’offrir la meilleure alternative au suicide assisté, donc un accompagnement de qualité, y compris au moyen des soins palliatifs. Nous arrivons à de bons plans de soins. Tout le personnel a été sensibilisé et formé à cet accompagnement de fin de vie qui implique évidemment des soins médicaux, mais aussi une démarche empathique, une écoute active, une démarche altruiste », commente le directeur de Saint-Sylve. Une question s’impose : tous les EMS garantissent-ils en termes de compétences cet accompagnement de qualité ? D’où l’importance de la formation. « Toute l’équipe de la pastorale de la santé va suivre une formation sur ce thème », annonce François Vallat, responsable de la pastorale de la santé pour l’Eglise fribourgeoise.

1 « Nouvelliste », 25.2.2016

Accompagner avec Exit : c’est oui

Accompagner aussi bien que faire se peut.
Accompagner aussi bien que faire se peut.

L’Eglise doit-elle accompagner une personne qui a recours à Exit ? « L’Eglise doit accompagner toute personne en fin de vie. C’est un geste d’amour, d’infinie tendresse. Donc le prêtre ou l’agent pastoral doit accompagner, et même jusqu’au bout, jusqu’à la frontière s’il en a la force. Mais il doit être d’une intransigeance absolue par rapport à l’acte », explique le professeur Putallaz. « Je dirais à la personne : comme chrétien, je ne peux pas approuver votre geste. Mais, si vous le souhaitez, je reste disponible pour continuer d’échanger avec vous, pour vous accompagner », explique Bernadette Lopez, aumônière à l’Hôpital de Morges. « Bien sûr qu’il faut accompagner. Mais c’est au choix du prêtre ou de l’agent pastoral de savoir jusqu’où il peut aller », estime l’abbé Pascal Desthieux, vicaire épiscopal pour le canton de Genève.

Célébration : c’est oui

Tout catholique qui décède a droit à une cérémonie funèbre. Y compris les personnes qui se suicident. Donc aussi celles qui recourent à Exit. Les avis sont quasi unanimes : le prêtre doit accepter. Les exceptions sont rares. « Comment il parlera du départ de la personne durant son homélie lui appartient : c’est à lui de sentir comment dire les choses au mieux », selon l’abbé Pascal Desthieux. « Il faut dire la vérité, ne rien cacher », estime le professeur Putallaz.

Onction des malades: c’est selon…

Tout catholique malade ou dont la fin de vie approche peut recevoir l’onction des malades. Le prêtre peut-il  donner ce sacrement à une personne qui recourt à Exit ? « En principe, si la personne a la ferme intention de mettre fin à ses jours, je dis non, car l’onction des malades est un sacrement de la vie, de la guérison. On ne peut pas en même temps demander l’aide de Dieu pour vivre et vouloir se donner la mort », estime l’abbé Pierre-Yves Maillard, qui précise toutefois qu’il peut en aller autrement pour une personne inscrite à Exit et qui demanderait le sacrement sans lien immédiat avec le passage à l’acte, et que le discernement est parfois délicat. « Je ne peux pas donner l’absolution à une personne qui n’a pas de repentir pour ses péchés ou pour l’intention qu’elle a de recourir à Exit. Et je ne peux conférer l’onction des malades puisque ce sacrement procure aussi le pardon des péchés. », dit quant à lui l’abbé Jean-Michel Moix.

« Il faut introduire là la notion de temporalité et bien distinguer toutes les situations. Notamment le moment où le sacrement est demandé », commente le professeur Putallaz. Pour l’abbé Vincent Lafargue, curé d’Evolène, « on ne sait jamais si la personne ne va pas changer d’avis et renoncer au dernier moment. Je peux dire à une personne qui va partir avec Exit : je vous donne l’onction pour que Dieu change votre cœur », dit-il joliment.

L’abbé Pascal Desthieux ne souhaite pas qu’il y ait une directive sur ce point car « je ne peux pas exclure de donner le sacrement. Tout dépend du cheminement de cette personne et du moment où elle manifeste ce désir ». « Il faut distinguer chaque cas. Laisser la liberté à la conscience du prêtre », conclut Cathy Espy-Ruf.

Exit recrute fort

La présence d’Exit n’est pas nouvelle. Cette organisation nationale – la plus active en Suisse romande – affiche 125 000 adhérents, dont 24 225 en Suisse romande. Elle a donné la potion létale à 216 personnes en 2016 en Romandie. « Cessons de faire grand cas de quelques cas ! » dit Cathy Espy-Ruf, responsable de la pastorale de la santé pour l’Eglise catholique de Genève. A la veille de l’été, un courant alémanique s’est manifesté au sein d’Exit visant à  élargir ses critères d’inter-vention. Aujourd’hui, il faut souffrir d’un mal incurable ou de « polypathologies invalidantes liées à l’âge ». Demain, il suffira peut-être simplement d’avoir sa capacité de discernement pour le demander. Court-on au dérapage incontrôlé ?

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