La prison et ses mots

La prison et ses mots

L’aumônerie œcuménique des prisons accompagne un groupe de bénévoles qui rendent régulièrement visite aux personnes détenues à Champ-Dollon, à La Brenaz et à Curabilis. Les bénéficiaires sont souvent des personnes qui n’ont pas de famille ou d’autres connaissances ici à Genève. Ainsi, dans ces «oasis de miséricorde» – pour utiliser une image chère à notre pape François – se tissent des rencontres pétries d’humanité,  au bord de ces puits où il nous est donné de partager nos respectives soifs. Francine nous livre ici son témoignage.

Par Francine Bouchet, Visiteuse bénévole
Photos : DREt le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25, 40-41)

Au désert, derrière le mur de l’enceinte l’oasis, comme une promesse, attend le voyageur fatigué.

Derrière le mur de la prison, c’est la souffrance qui attend le visiteur. Elle transpire dans les couloirs qu’ils soient vétustes ou fraîchement construits. Il s’agira de la cueillir, de la respirer, de l’accueillir.

La souffrance est bien là dans la petite salle qui précède le parloir. Ici se prépare la rencontre dans le cœur de chacun : celui d’une mère, d’un père, d’un frère ou d’une amoureuse. Les enfants sont souvent agités pressentant l’importance du moment qui suivra.

Puis, les serrures claquent et les portes s’ouvrent. Il faudra patienter encore un peu avant d’apercevoir les détenus.

Pas précipités, visages radieux, étreintes fortes, le temps de la visite a commencé. Le temps suspendu de la souffrance.

Les regards, les sourires, les mains qui s’effleurent, les mots qui dévalent sont les signes du partage.

Ecoute Israël…

Le lien avec mon prisonnier est comme posé sur la petite table qui nous sépare. Un lien sans enjeu puisque nous ne nous connaissons pas, que nous n’avons pas d’histoire commune. Un lien complètement libre qui se construit au fil des visites.

La visiteuse que je suis reçoit un chapelet de mots qui concernent la vie au quotidien, les conflits, le souvenir de la famille, l’inquiétude du jugement… Je tente d’attraper au vol la patience, la confiance, l’espérance.

Sur le chemin du retour, mes pensées se décantent doucement. Il reste le meilleur, le cadeau que je viens de recevoir de Celui qui veille sur chaque instant de ces rencontres.
« Seigneur, des abysses de l’enfer de Champ-Dollon, tu m’as tendu une torche. Je l’ai saisie pour éclairer le chemin qui mène à toi. Notre rencontre, délicieuse par ta grâce, me vivifie et me fortifie dans ton amour. Puisse cette lumière guider d’autres pas, éclairer d’autres doutes à Champ-Dollon.
Ton amour nous porte et nous transporte hors de toute nuit, hors de tout enfer. Dieu de lumière et d’amour remplis ce lieu de ta généreuse présence. Amen. »

(Prière d’une personne détenue à Champ- préparée et lue à l’occasion du Chemin de Joie – mai 2015.)

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