Et la lumière fut!

Et la lumière fut!

Noël,
Ecoute la lumière qui chante en dansant.
Noël, lumière de la mémoire
Noël, lumière de l’avenir
Noël, lumière du présent
elle est en toi
et ne se voit pas
Noël, écoute la lumière.

Hyacinthe Vuillez
Tiré de Au petit matin, Les Amis de Crespiat, 2010 

Par Pascal Bovet
Photos : Jean-Claude Gadmer

Reflets lumineux à l’église du couvent de la Fille-Dieu à Romont.
Reflets lumineux à l’église du couvent de la Fille-Dieu à Romont.

Au premier matin, Dieu, n’y voyant rien, appela la Lumière, et la lumière fut. Puis il eut quantité d’idées lumineuses pour se faire un monde, celui que nous voyons, ou presque.

Et que faisons-nous chaque matin ? Pour certains du moins: chasser les ténèbres en pressant sur le bouton de la lumière et c’est le jour. Et le soir, le contraire, d’une main distraite, on presse sur l’interrupteur et c’est la nuit.

Nourriture de la vie

Des leçons de physique et chimie, peut-être vous reste-t-il ce mot de photosynthèse, procédé chimique par lequel une plante vivante transforme la lumière reçue en sucre en dégageant du CO2. La lumière est un élément vital de notre survie, de la naissance à la mort. Bien avant de connaître ce mécanisme, la tradition chrétienne a associé la lumière à la nouveauté du baptême, si bien qu’aux premiers siècles les baptisés étaient surnommés « les illuminés », c’est-à-dire ceux qui ont reçu la lumière.

Mesure du temps

Accrochés à nos montres et pendules, nous comptons en minutes et en heures. « Nous avons vu son étoile en Orient. » Et l’astronome scrute le ciel où le temps et l’espace se marient : il compte en années-lumière, sachant que la lumière rayonne, dans un espace vide, à la vitesse de 360’000 km à la seconde, une année correspond à environ 10’000 milliards de kilomètres.

Et d’où venons-nous ? L’univers scientifique se propose toujours de remonter aux origines et pour l’instant, le big bang passe pour une explosion géante, sans matière apparente. Les années lumière prétendent nous situer dans une histoire qui nous précède et nous dépasse.

Le mode artistique

Les artistes ont l’art d’extérioriser  ce qui est intime à eux-mêmes : faire venir au jour ce qui est caché en eux. L’Eglise a largement contribué à cette expression par ses édifices et ses mécènes. Les musées en sont un reflet.

Tirer profit de la lumière est bien l’ambition qui met tout artiste à l’œuvre : sortir des ténèbres et rendre sensible ce qui ne l’est pas  de manière claire, le faire exister et le livrer aux regards des autres ; il arrive même que l’on parle alors de création.

Architecture

L’église de Mogno, au Tessin, création de l’architecte Mario Botta.
L’église de Mogno, au Tessin, création de l’architecte Mario Botta.

L’évolution des édifices religieux a conditionné le traitement de la lumière. Le passage du style  roman au gothique, grâce à la maîtrise de nouvelles techniques, a évidé les murs et fait place aux  fenêtres que l’art du vitrail s’est empressé de colorer : avec la lumière, la couleur.

Les murs mêmes sont devenus parois de verre dans la cathédrale de cristal de Los Angeles.

Plus près de nous, l’architecte Mario Botta est le maître d’œuvre de la cathédrale d’Evry qui se distingue par une cheminée ou puits de lumière. On lui doit également plusieurs églises au Tessin : leur forme est au service de la lumière; il est fidèle en cela à l’un de ses illustres prédécesseurs, Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier.

Peinture

De l’Annonciation à Marie à la Pentecôte, la lumière accompagne les disciples de Jésus sans occulter  les heures sombres. Rembrandt, le maître des clairs-obscurs, se met lui-même en scène aidant les bourreaux à élever la croix du Christ. On surprend aussi Jérôme Bosch à exprimer la mort même  par le passage dans un tunnel lumineux. Noël et Pâques sont  liés par la lumière dans la nuit : celle des anges apparaissant aux bergers, et celle qui illumine le tombeau vide. Et le feu d’artifice de la Pentecôte clôt le cycle : aux témoins d’être lumière pour le monde.

Le thème de la création abonde  en soleils, lunes et étoiles, thème réactualisé par le Cantique de la Création de frère François (d’Assises) qui loue Dieu par le frère soleil, louange que ne reniera pas un autre François, notre Pape.

Le vitrail, entre architecture et peinture, pousse à l’extrême le jeu des ombres et des lumières par la couleur. Le maître verrier Eltschinger se met au service de la lumière pour lui donner tous ses moyens d’exprimer la beauté (voir encadré).

Symboles liturgiques

La tradition liturgique de l’Eglise catholique met en évidence la lumière lors de la fête des bougies, la Chandeleur (ou Présentation de Jésus au Temple, 2 février). Le baptême reste signe et moyen d’une nouveauté : durant les premiers siècles chrétiens, les baptisés étaient appelés les illuminés (voir plus haut). Le cierge pascal à côté d’un baptistère et un cierge remis au baptisé nous le rappellent : lumière confiée et lumière reçue. La lumière brille encore après le dernier souffle lors des funérailles, qu’accompagnait un chant d’autrefois : Lux aeterna, luceat eis Domine ! Que la lumière brille pour toujours sur eux, Seigneur !

La lampe du sanctuaire ou lampe dite éternelle rappelle la présence du Christ dans l’eucharistie, gardée au tabernacle. La piété mariale s’extériorise souvent par des processions avec bougies et dans des lieux de recueillement, une bougie prolonge la prière du fidèle.

Les lumières de l’esprit

Sous l’appellation « siècle des Lumières », on regroupe penseurs et philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles ; la Renaissance, puis la Réforme ont façonné un nouveau cadre de pensée.

Le développement des observa­tions scientifiques, le grand progrès accompli dans la connaissance du monde que Galilée a rendu célèbre, ont mis à la mode des conceptions du monde nouvelles, à côté des croyances religieuses et entrant parfois en concurrence ou conflit avec elles. Le mouvement de la Réforme lui-même s’est considéré comme la lumière après les ténèbres (Post tenebras lux).

Le Concile Vatican II redonne au Christ tout son éclat : le Christ est la lumière des peuples (Lumen gentium 1). Elle éclaire tous les hommes venant en ce monde (Jean 1, 9). Et si chacun et chacune est lumière du monde, posé sur le lampadaire, alors la maisonnée est lumineuse.

Visite chez Michel Eltschinger, maître verrier, à Villars-sur-Glâne

michel-eltschingerPropos recueillis par Pascal Bovet
Photo : DR

Maîtriser la lumière en y mêlant la couleur, telle est la mission du verrier. On fait appel à lui quand des conditions sont posées : telle église existante ou à rénover, tel édifice que l’on veut mettre en valeur. Et souvent sur la base d’un projet élaboré par un artiste peintre… Les croquis doivent prendre forme à taille réelle et prendre vie par la couleur, nourrie par la lumière.

La meilleure lumière, ce n’est pas la plus forte: c’est celle que l’on rencontre quand il y a une légère brume qui garde la lumière, sans éblouir ni l’étouffer. La lumière des pays du Nord est la plus favorable. La lumière brute dilue la couleur.
Il s’agit donc de la domestiquer.

La technique de la dalle de verre est aussi intéressante par le contraste qu’elle implique entre les joints noirs ou sombres et les parties de verre coloré ; il ne laisse pas passer la lumière mais il en vit. Elle nous oblige à voir intérieurement car l’extérieur disparaît.

Par contre, le vitrail classique filtre la lumière, sans supprimer le décor au-delà du vitrail : il est passage ou pont avec l’extérieur.

C’est mon travail de choisir le verre produit en usine, de découper les pièces nécessaires en exploitant même leurs défauts, les nuances de couleur, les bulles d’air prisonnières, l’épaisseur de la plaque de verre, autant de variantes qui donnent vie au vitrail.

Bibliographie : « Les amitiés de couleur. Michel Eltschinger : soixante ans d’art verrier. » Editions Zénobie, Fribourg 2013.

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