Cheminant

Cheminant

«Un parcours bien au-delà de mes attentes et de mes espérances», témoigne Maude Tedeschi, la trentaine, qui va recevoir, à la Vigile de Pâques, les trois sacrements d’initiation chrétienne à Renens après un «chemin apaisant», confie-t-elle. Autrefois réservé «aux incultes et aux païens», le catéchuménat est devenu un véritable phénomène d’Eglise. Qui sont ces adultes qu’on appelle «catéchumènes»? Eclairage.

Par Thierry Schelling
Photos : Maude Tedeschi, Nicolas Chassot, 
Thérèse HabonimanaA y regarder de plus près, les concepts de la dogmatique chrétienne sont faits… pour les adultes : incarnation, résurrection, rédemption… On a besoin de ressources intellectuelles pour décortiquer et expliquer, ainsi que de vécu pour discerner l’Esprit à l’œuvre dans notre quotidien. Mais témoigner de sa foi et en vivre au travers des missions de l’Eglise que sont la liturgie (célébrer), la diaconie (servir) et la martyrie (ou formation continue) sont des réalités plus accessibles au quidam qui cherche du sens à sa vie, sa mort, ses amours et ses souffrances. Car c’est bien une rencontre avec le Christ que promet et promeut le catéchuménat. Tout en abordant les concepts !

Presqu’un phénomène d’Eglise, autant que les JMJ, le catéchuménat s’est (ré)organisé dans nombre de diocèses principalement urbains et notamment européens : on assiste à des cortèges d’adultes demandant d’être initiés à la religion chrétienne, ou de compléter ce qu’ils n’ont pas vécu, comme, très massivement, la confirmation.

Un parcours qui est « souvent initié à la suite d’un des grands événements de la vie, naissance d’un enfant, décès d’un proche », nous explique Pauline Friche, responsable pour le diocèse de Sion, ou encore par « des étudiants en quête de sens, des étrangers qui découvrent le christianisme ici », précise Thérèse Habonimana, responsable du catéchuménat à Genève.

Une aventure

Nicolas Chassot est en deuxième année de catéchuménat.
Nicolas Chassot est en deuxième année de catéchuménat.

« Instruit de vive voix » – étymologie du mot grec catéchumène –, le participant est embarqué sur un chemin, une aventure : « Devenu adulte, j’ai ressenti le besoin de m’approcher de Dieu, alors qu’enfant, je ne pensais qu’à jouer dehors », confie Nicolas Chassot, en deuxième année de catéchuménat, à Bussigny. Cette route, entre 15 et 24 mois suivant les disponibilités, est ponctuée de rencontres : « De fait, j’ai cotoyé plein de personnes avec des parcours différents du mien et des approches différentes de la foi », raconte Nicolas Chassot ; et la première compte beaucoup puisqu’elle a lieu en tête-à-tête avec un des membres de l’équipe du catéchuménat, « afin de discerner l’authenticité de leur demande et leur présenter la proposition de l’Eglise », explique Katia Cazzaro Thiévent, responsable du catéchuménat du canton de Vaud. Les cheminants participent aussi à des célébrations où ils croisent notamment l’évêque, voire le curé de sa paroisse de domicile. Non négligeable, le fait que les proches et les amis des cheminants sont eux aussi concernés par le choix des candidats : « Je peux dire que j’ai tout réappris », constate Luca Salomone, époux de Maude Tedeschi qui a commencé son catéchuménat il y a deux ans, lui l’enfant baptisé, ayant fait sa première communion, confirmé au sein de la Missione cattolica italiana de Lausanne. Et d’expliquer : « Partager ce que nous avons vécu les deux, avec mes parents, par exemple, qui sont d’une autre génération et qui portent un autre regard, a été et est encore enrichissant. Parcourir ce chemin avec Maude a renforcé notre couple, a apporté une spiritualité accrue et nous a fait découvrir des facettes méconnues de notre personnalité. » Pour les catéchumènes se crée comme une communauté, au moins durant le temps du catéchuménat. « Ils se sentent moins seuls dans leur démarche », qui va de pair avec le fait de « creuser leur relation au Christ », rajoute Katia Cazzaro Thiévent. « Et plus tard, confie Nicolas Chassot, j’aimerais pouvoir montrer le ou les chemins à suivre à mes enfants. » Surtout qu’il rejoindra sa compagne à… San Diego, en Californie !

Katia Cazzaro Thiévent, responsable du catéchuménat du canton de Vaud.
Katia Cazzaro Thiévent, responsable du catéchuménat du canton de Vaud.

Construire une communauté

Un souci de base, qui est aussi celui de notre décennie : comment construire une communauté – le sens du mot Eglise – quand on vit dans une société plus qu’atomisée, individualiste et à la carte, et y incorporer les néophytes ? « De nombreux liens sont tissés : paroisses, pastorales spécialisées, aumônerie universitaire, etc., précise Katia Cazzaro, même si ces liens sont laissés entre les mains des cheminants. » Mais « plus le lien avec la communauté aura été développé lors du cheminement catéchuménal, plus il aura des chances de persister par la suite », rassure Pauline Friche. A Genève, c’est à l’ordre du jour, explique Thérèse Habonimana : « C’est une des orientations nouvelles du Vicariat genevois : comment renforcer l’accompagnement des catéchumènes dans les UP. » Un obstacle de taille pour une bonne continuation reste aussi l’emploi du temps des concernés : « Les candidats rencontrent des difficultés accrues pour venir régulièrement aux réunions en raison de la situation tendue du monde du travail ou de leurs situations familiales (enfants en bas âge, études à l’étranger) », révèle Katia Cazzaro. En paroisse, « les nouveaux sont souvent happés par le programme cantonal, et on ne les revoit plus », se plaint un confrère prêtre qui préfère rester anonyme. « Certes, la qualité du parcours est inestimable ; mais je ne connais pas le catéchumène, si ce n’est lors d’une entrevue, d’ailleurs encouragée par les responsables. Mais il est d’abord nourri lui, c’est sa foi qui est boostée, et il se crée même des liens avec les autres catéchumènes… mais après sa confirmation, invisible, absent de la communauté. »

Il n’empêche, à la question de l’après, Maude se réjouit : « J’espère faire preuve d’autant de générosité que j’en ai reçue jusqu’à maintenant et être à la hauteur de ce que représente cet engagement pour moi. En dehors d’être bien accueillie par la communauté et de faire plus amplement sa connaissance, c’est plutôt moi qui souhaiterais savoir ce qu’elle attend de moi. »

Enfin, les responsables sont unanimes : « Vivre notre foi en accompagnant les autres, c’est un cadeau et une expérience fantastique. Ça me rend humble, mais heureuse ! » confie, souriante, Thérèse Habonimana. « Ils nous font avancer sur notre propre chemin aussi », conclut-elle. Il y a donc foule en direction d’Emmaüs…

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