La mission en mutation

La mission en mutation

L’activité missionnaire de l’Eglise se réalise de multiples façons: nous avons connu les missionnaires qui partaient au loin proclamer l’Evangile, il s’agissait alors de «la mission au loin».

Par Pascal Bovet
Photos : Jean-Claude Gadmer, Federico Battista, Ciric
Tout près de nous, dans les diocèses et paroisses, une activité missionnaire a pour but de dire l’Evangile dans notre contexte historique et culturel. Sans nier les vertus de la mission « au loin », nous présentons ici la mission proche, locale. Ces deux dimensions répondent à la demande du Christ : Allez enseigner toutes les nations, c’est-à-dire celles disséminées sur toute la terre, comme celles qui constituent des périphéries dans nos cultures traditionnelles.

L’Eglise redit le besoin de la mission « chez soi ». Ici des frères franciscain et capucin à la rencontre de la population.
L’Eglise redit le besoin de la mission « chez soi ». Ici des frères franciscain et capucin à la rencontre de la population.

Exemple

L’Ecole des missions du Bouveret, tenue par les Missionnaires du Saint-Esprit (spiritains), ferme ses portes après un siècle d’activité missionnaire. L’école proprement dite qui formait les futurs spiritains avait déjà abandonné son activité il y a vingt ans.

Que devient la maison ? Une approche, présentée à la presse, manifeste une autre manière d’envisager la mission. Faute de pouvoir envoyer des missionnaires au loin, proposition est faite d’œuvrer dans une visée missionnaire locale. Comment ? Un devoir est dû aux missionnaires retraités rentrés au pays : ils y trouveront un gîte et une communauté des pères dans l’une des maisons.

Tibériade, la maison qui a servi d’accueil, sera entièrement modifiée intérieurement avec trois orientations : un atelier pour former des réfugiés en recherche d’emploi, un accueil des adolescents en difficulté scolaire ; ces deux finalités nécessitent un engagement de la part de l’Etat. Enfin un espace important avec services communs est réservé aux  groupes pastoraux des Eglises.

La mission de l’Eglise locale n’est donc pas négligée mais réorientée vers deux périphéries qui demandent une attention particulière et les rencontres pastorales ne sont pas déshéritées.

Abandon ou mutation ?

Ce changement de cap peut faire penser à un aveu d’échec, à une forme de désaveu du passé ou tout simplement à l’incapacité de poursuivre la mission dans sa forme actuelle.

Des causes internes à l’Eglise l’ont menée à redire le besoin de la mission « chez soi ». La décolonisation a montré les limites d’une mission trop calquée sur la politique. Le Concile Vatican II a pris en compte autant l’évolution des pensées que les réalités politiques : la mission est partie intégrante de l’Eglise, appelée à sortir d’elle-même pour livrer un message de salut. Mais les destinataires sont autant au loin dans le monde que chez nous où la foi et l’Eglise deviennent étrangères à beaucoup.

Le Père Maurice Tornay est mort en mission au Tibet en 1949.
Le Père Maurice Tornay est mort en mission au Tibet en 1949.

Traditionnellement, des missionnaires de chez nous partis « au loin » témoignent d’un zèle évangélique certain, parfois même dans des zones dangereuses, comme en a témoigné le Père Tornay de l’Abbaye de Saint-Maurice mort en mission au Tibet en 1949.

Plus récemment, on a vu le reflux de l’effort missionnaire dans la présence de prêtres ou de religieuses « de couleur » dans nos forces pastorales. Mais leur présence bienvenue ne dispense pas nos Eglises locales de tout faire pour susciter les vocations nécessaires… A long terme, que signifierait une Eglise qui n’a plus les forces de son expansion vers l’extérieur, ni celles du maintien de son niveau de vie ? En Suisse romande, nous connaissons surtout des prêtres d’origine africaine, polonaise ou vietnamienne ; le diocèse voisin d’Annecy bénéficie de prêtres venant de l’Inde et de la famille de saint François de Sales.

Visiblement, l’engagement de l’Eglise catholique va dans le sens d’une collaboration de type social, qui se dit aussi diaconie.  Les nombreux agents pastoraux actuellement engagés dans différents milieux profanes en témoignent (voir les rapports annuels de nos Eglises et leurs comptes). Leur engagement témoigne d’un déplacement de la mission. Déplacement géographique, certes, mais déplacement social, vers les périphéries, comme dirait un certain pape François.

Une communauté tibétaine bien vivante qu’avait visitée Maurice Tornay au XXe siècle.
Une communauté tibétaine bien vivante qu’avait visitée Maurice Tornay au XXe siècle.

Conséquences pour les congrégations et communautés

Les ordres religieux missionnaires ont connu leur temps de développement en harmonie avec la découverte d’un monde plus vaste que nos frontières. « Allez évangéliser », cela signifiait chez les autres, car chez nous, c’était mission accomplie. Ils ont actuellement un double devoir de fidélité : leurs membres âgés à soutenir et, quand ils sont encore en mission, préparer le temps de leur absence, une fois rentrés chez eux.

C’est aussi l’occasion pour les régions évangélisées d’apporter à leur tour leur contribution à la mission ailleurs.

Enfin, la prise en charge des zones périphériques si chères au pape François permet ou nécessite l’engagement de fidèles  bénévoles ou salariés. L’Eglise n’en est que mieux signifiée par des acteurs plus diversifiés, tous participant à la mission de l’Eglise sortant dans la rue pour apporter une Bonne Nouvelle.

Les prêtres de couleur incarnent le reflux de l’effort missionnaire.
Les prêtres de couleur incarnent le reflux de l’effort missionnaire.

Par le Père Claude Maillard, Père Blanc, Fribourg

_09w8077Le souffle de la mission demeure présent. Au Sud, la relève est bien présente avec des engagements nouveaux chaque année. Au Nord, la relève semble tarie. On s’engage alors sur les terrains nouveaux de la diaconie et autres services pastoraux.

Par le Père Pariat, supérieur des Spiritains, Fribourg

_09w8064« … Non, nous ne vivons pas un repli de la mission comme si les baptisés-missionnaires devaient témoigner de leur foi uniquement là où ils ont toujours vécu. ″Au loin″ et ″ici″ se réfèrent à des lieux géographiques. Des générations de missionnaires sont partis de leur pays, pensant que leur société était évangélisée. Un esprit quelque peu ″théocratique″ fusionnait leur identité civile et la foi chrétienne.

… Et nous, en Suisse, ne sommes-nous pas aujourd’hui un carrefour des nations ? Notre engagement missionnaire est le même soit en restant en Suisse, soit en répondant à l’appel de vivre notre baptême ailleurs. »

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