Laudato si’ (Loué sois-tu)

Laudato si’ (Loué sois-tu)
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Vallée d’Illiez (VS), avril 2020

Texte proposé par Arlette Antony | Témoignage et photo par Lionel Avanthay

De l’encyclique du pape François aux pâtes alimentaires de Lionel Avanthay

Connaissez-vous Lionel Avanthay? C’est un enfant du pays. La tête au ciel et les pieds sur terre, il produit des pâtes alimentaires commercialisées sous le nom de Laudato si’. Surprenant?… Intrigant?… Je vous invite à faire connaissance avec ce jeune homme « bien dans ses bottes » et à le suivre sur son chemin de vie, hors des sentiers battus.Bonjour à tous,

Quelle joie et quel honneur que de pouvoir m’adresser à vous, habitants de la vallée. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis le fils d’Alain et Danièle Avanthay. Né en 1985, j’effectuai ma scolarité à Val-d’Illiez, avant de débuter un apprentissage de cuisinier dans le canton de Vaud. A peine mon diplôme en poche, je fis une profonde expérience de l’existence de Dieu, à la suite de laquelle je partis vivre quatre ans dans une communauté religieuse, certain que la seule manière de pouvoir répondre pleinement à l’amour de Dieu était de m’engager dans les ordres. Mais quatre ans plus tard, ma grande tristesse et un sentiment d’inaccompli me firent comprendre que là n’était pas ma vocation : je pris alors la route de Rome où je servis deux ans comme Garde suisse. Je travaillerai ensuite six ans dans les chemins de fer. 

Ayant toujours le désir de vraiment mettre en pratique ma foi [et bien avant que Greta Thunberg ne soit canonisée de son vivant], j’étais de plus en plus dérangé de prier pour le monde entier, alors que mon mode de vie, en particulier mon alimentation, générait certaines des souffrances des personnes pour lesquelles je priais. En effet, acheter par exemple des tomates qui viennent d’Espagne, produites dans des conditions inhumaines pour économiser quelques francs sur celles que j’aurais pu acheter aux paysans du coin, à mon prochain en somme, me paraissait de plus en plus inconcevable et incohérent. 

Une année plus tard sortit la lettre encyclique du pape François Laudato si’, qui fut une révélation pour moi. Sa lecture me permit de mettre des mots sur mon intuition. Pour la résumer très succinctement, le Pape y explique que l’Occident, pour vivre au quotidien, a une partie de la planète qui travaille pour elle. « Economie de marché, dans un marché mondial », me disais-je. Cela serait le cas [et ça l’est sans doute parfois] si, pour ce faire, nous ne devions pas exploiter les travailleurs et les ressources pour consommer toujours plus. Je me suis alors renseigné par exemple sur les conditions de travail dans les champs de coton en Inde, ou sur le mode de production des jouets fabriqués en Chine. Le constat est clair : nous, Occidentaux, participons à l’exploitation de la terre et avons des esclaves qui travaillent silencieusement pour nous. Cela me semblait, et me semble toujours, une réalité bien plus importante et surtout plus tangible que le réchauffement climatique. 

Cela était devenu une évidence qu’il me fallait agir à mon échelle ; je ne pouvais continuer sans rien changer à ma vie, alors même que j’étais nourri par les hauts principes de justice, de solidarité et de charité que promeut l’Eglise. Je pris les résolutions suivantes : consommer le plus possible local et essayer d’avoir un mode de vie plus sobre. Mais cela ne suffisait pas, il me fallait faire quelque chose qui aille au-delà de moi, qui serve aux autres, à la société. 

Aussi, je pris mon bâton de pèlerin et partis faire le tour des communautés religieuses du canton de Fribourg, en leur rappelant que les moines et divers mou­vements d’Eglise sont à la source de bon nombre de nos techniques, institutions et de notre mode de vie d’aujourd’hui (techniques agricoles, enseignement, soins, recherche…). [Pour prendre un exemple, le monastère d’Hauterive : dès le XIIIe siècle, les moines excellaient
dans le travail de la laine, laine qui était ensuite transformée en draps d’une telle qualité que l’on fabriquait des bateaux en basse-ville de Fribourg pour transporter ces draps jusqu’en mer du Nord !] Je les invitais par là à se remettre à l’œuvre, afin de trouver des techniques modernes et viables d’agriculture et d’artisanat. Mais les monastères semblaient s’être passé le mot, car je ne reçus alors qu’une réponse unanime : « C’est une très bonne idée mais nous ne pouvons nous y engager, nous prierons pour toi. » Je finis par tomber sur une communauté italienne, les Focolari, qui me répondirent la même chose, alors que je leur proposais de fabriquer des pâtes avec des produits de la région, de bonne qualité (c’est-à-dire non arrosés de produits phytosanitaires), et payés au prix juste. Mais eux rajoutèrent : « Si tu veux, nous avons une cuisine que nous pourrions te louer pour faire ces pâtes. » Ce fut le déclic : je devais m’y mettre moi-même. Ce ne sont pas les grandes théories qui font avancer les choses.  Je me suis donc mis, dès le 4 octobre 2016, jour de saint Fran­çois d’Assise, à fabriquer des pâtes. 

Trois ans et demi plus tard, après beaucoup d’essais et de tergiversations, et surtout après la rencontre de celle qui m’inspire à faire toujours mieux et qui sera ma femme en mai, je commence à pouvoir en vivre. En effet, j’ai une septantaine de points de ventes dans la région de Fribourg et les premiers en Valais. Entre temps, l’abbaye cistercienne d’Hauterive m’a contacté pour me demander d’être leur cuisinier trois matinées par semaine et pour voir comment nous pourrions ensemble concrétiser l’encyclique. J’ai donc déplacé mon lieu de production dans ce lieu chargé d’histoire et encore bien vivant malgré le peu de frères.

Voilà comment, humblement, j’essaye de changer le monde, en y apportant ma goutte d’eau [ou devrais-je dire ma pâte], en essayant d’apporter des solutions concrètes aux problèmes d’aujourd’hui, et en m’efforçant de vivre ma foi à l’image de Dieu qui fait ce qu’Il dit.

« Et le Verbe s’est fait chair »…

J’invite celles et ceux qui veulent en savoir plus, et surtout déguster mes pâtes, à visiter mon site www.laudatosi.ch

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