Par Valérie Pianta
Photo: media.ooreka.frOn assiste actuellement à une modification de l’attitude des gens face aux rituels qui accompagnent la mort ; les funérailles sont de plus en plus fréquemment célébrées dans l’intimité de la famille, voire dans la plus stricte intimité, dans une église, dans un centre funéraire ou dans les locaux aménagés des entreprises de pompes funèbres elles-mêmes. La dimension sociale est progressivement écartée. Par ailleurs, on ne fait plus systématiquement appel au prêtre pour la célébration.
Cette évolution est plus particulièrement perçue en milieu urbain. Dans un village où société civile et communauté religieuse se recoupent souvent plus largement, la sépulture est un événement qui revêt à la fois un caractère social et religieux. En effet, de près ou de loin, une large partie de la population se sent concernée par la mort d’un membre de la communauté villageoise, en raison de sa proximité avec lui. Très souvent, beaucoup ont partagé un bout d’histoire avec le défunt ou sa famille.
En ville, il en va autrement. Cela ne fait pas toujours sens de célébrer des funérailles à l’église si le défunt n’était pas croyant ou si sa proche famille ne l’est pas non plus. Après discussion avec les services funèbres, avec le prêtre, on opte alors pour une célébration dans l’intimité ou dans la plus stricte intimité. Cela met en évidence un élément qui m’interpelle : la famille ne prend plus nécessairement en compte le lien social de son défunt, aussi petit soit-il, pour laisser la possibilité aux personnes ayant, d’une manière ou d’un autre, été proches de celui-ci, de lui dire « à Dieu ». Cela n’est pas toujours bien accepté par ces personnes qui expriment parfois leur regret.
A travers un riche échange avec le responsable d’une entreprise funèbre sur les causes de cette « privatisation » des funérailles, plusieurs éléments ont été mis en évidence :
• Déclin progressif de la pratique religieuse : les gens ne participent plus à l’assemblée dominicale notamment après avoir été forcés dans leur enfance ou leur jeunesse. Ils ressentent une lassitude face aux multiples exigences que l’Eglise a posées en lien avec le baptême, le mariage… « La vie réglemente tout et l’Eglise fait de même ! », ai-je entendu.
• Parfois, des blessures liées à une relation compliquée avec tel prêtre refont surface.
• Certaines familles vivent des ruptures, des déchirures en leur sein et n’envisagent pas d’être exposées au regard de tous : comme mises à nu. La célébration dans l’intimité est alors une protection.
• Pour d’autres, l’aspect financier pèse lourd : par exemple, l’argent manque et il apparaît impossible d’honorer la présence de chacun à travers une invitation à une agape largement ouverte.
• Certains ne sont plus du tout familiers des rituels. Ils ont peur de se tromper de gestes ou d’être pris au dépourvu dans leur attitude.
• D’autres encore – parce qu’ils ne vont plus à l’église – ne se sentent plus le droit d’y aller, s’y sentent regardés et jugés ou ne s’y sentent pas accueillis avec bienveillance.
Pourtant, il arrive que, lors de ces célébrations vécues dans l’intimité, la présence d’un prêtre soit requise pour vivre un petit temps plus spécifique de prière. Celui-ci n’est présent que peu de temps mais sa présence est alors perçue comme un privilège, une respiration spirituelle.
Cela revient à constater que l’homme est et reste indéfectiblement lié à cette composante spirituelle. C’est en réalité un pan entier de notre être qui resurgit, spécialement dans les moments cruciaux de la vie… comme pour nous rappeler nos limites !
Il est intéressant de relever qu’aujourd’hui, quel que soit le type de célébration choisi par la famille du défunt ou par lui-même, la crémation des corps est demandée 9 fois sur 10. La pratique a donc beaucoup évolué aussi sur ce plan… Le feu n’est plus synonyme d’enfer, de démon. Pour conclure, interrogeons-nous : quel accueil réservons-nous à nos frères et sœurs dans nos églises, dans nos communautés du début de leur vie spirituelle à leur dernier voyage ? Notre regard est-il celui de Jésus ?