«Ensemble, faisons vivre l’Eglise»

«Ensemble, faisons vivre l’Eglise»

Ils étaient une centaine de bénévoles de l’unité pastorale Nyon-Terre Sainte à se retrouver pour le forum sur le bénévolat sur le thème «Ensemble, faisons vivre l’Eglise» samedi 1er février à Nyon. L’occasion de tisser des liens et, pour les responsables, de remercier chacun pour son travail qui construit l’Eglise.Par Geneviève de Simone-Cornet
Photos: Walter Hauser 

Ce forum était l’aboutissement d’un an et demi de réflexion sur le bénévolat menée dans notre unité pastorale (UP) par Fabiola Vollenweider Gavillet, ancienne de l’Equipe pastorale. Il voulait rassembler les bénévoles de l’UP, nourrir et stimuler leur réflexion et les inviter à célébrer dans la joie et la reconnaissance sur le thème « Ensemble, faisons vivre l’Eglise ».

Tout a commencé par un repas offert aux bénévoles – il y avait 110 inscrits – dans les salles sous l’église de la Colombière servi par les « tabliers rouges », les salariés de l’UP : un moment de convivialité pour resserrer les liens ou faire connaissance.

Puis trois invités ont aidé les bénévoles à réfléchir, dans la salle de paroisse, au sens de leur engagement, à reconnaître sa valeur et à faire des suggestions et des propositions : l’abbé Joël Pralong, supérieur du séminaire de Sion à Givisiez (FR), Isabelle Vernet, coordinatrice du Département bénévolat de la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC), et Cédric Pillonel, secrétaire général de la FEDEC.

Pratiquer l’amour charité

L’abbé Pralong a prononcé deux interventions sur « Le bénévolat, un appel de Dieu à vouloir prendre soin de la communauté », invitant ses auditeurs à s’interroger sur le bénévolat et sur le sacerdoce baptismal, qui fait de chaque baptisé un prêtre, un prophète et un roi. Puis, à partir de la parabole des talents, à prendre conscience que pour Dieu l’essentiel c’est d’aimer, non de calculer et d’être dans la course à la performance. Il a vite conquis son public par sa simplicité et son humour.

Bénévolat ? Le mot vient du latin « benevolus », « bonne volonté » : « C’est vouloir du bien et faire du bien à l’autre indépendamment de ce que l’on ressent pour lui ». Pour le pape François, c’est plus qu’éprouver du plaisir en présence de l’autre, plus que se faire du bien. Ce n’est ni l’éros, l’amour captatif qui vise la reconnaissance, ni la philia, l’amitié, l’amour où on se fait du bien mutuellement. Mais l’amour charité, l’amour évangélique, « gratuit comme une lampe qui éclaire, le seul qui bâtit la communauté, où nous sommes donnés par Dieu les uns aux autres ». C’est, a dit le prêtre valaisan, « poser des actes de bien, des actes de volonté indépendamment de ce que nous ressentons pour l’autre (sympathie ou antipathie) » et ainsi « rendre Dieu présent dans tout ce que nous faisons ».

Cet amour se manifeste de cinq façons : bénir autrui, ce qui libère de la rancœur ; prier pour ceux qui nous persécutent, faire du bien à ceux qui nous haïssent ; pardonner à nos ennemis, vider notre cœur des amertumes ; rendre le bien pour le mal ; faire du bien à autrui.

Prêtres, prophètes et rois

Cet amour a été répandu dans nos cœurs au baptême : « Mon Moi humain s’emboîte dans le Moi divin comme une poupée russe et mon action est alors reliée au Moi divin qui se manifeste par trois fonctions : royale, sacerdotale, prophétique. »

Car le baptisé est roi, « il a un pouvoir, une autorité, une force pour faire régner la justice, la paix et l’harmonie. La fonction royale est d’abord de se gérer soi-même, de mettre de l’ordre dans sa vie selon l’Evangile pour gérer son groupe de manière humaine et chrétienne en ne cherchant pas seulement le résultat, le bon fonctionnement, le rendement, mais le bien des personnes – la paroisse n’est pas une entreprise qui doit faire du chiffre », a affirmé l’abbé Pralong. C’est cette fonction que mettent en valeur les bénévoles qui ont des postes à responsabilité, « appelés à prendre soin de ce qu’il y a de plus fragile en l’autre».

Le baptisé est aussi prêtre : « En participant à la prière dont le sommet est l’eucharistie et en offrant, en union avec le Christ, ses contrariétés quotidiennes pour sauver des âmes ». « Ce geste d’offrande est celui des malades, des handicapés, des souffrants, des personnes âgées qui, au lieu de se replier sur eux-mêmes, deviennent féconds pour le monde. La fonction sacerdotale se révèle le mieux dans « les visiteurs de malades, ceux qui sont engagés pour les plus pauvres, qui ont conscience qu’eux aussi sont blessés. On ne peut ramasser le blessé sur le chemin que si on a été soi-même ramassé ». Comme chez les personnes qui décorent l’église ou préparent les liturgies.

Enfin, le baptisé est prophète : « Il éprouve la douleur de l’autre, pose une parole, un geste qui encouragent. » En conclusion de la première partie, l’abbé Pralong a invité chacun à « être le parfum de l’Eglise qui apaise ».

Ne pas se comparer aux autres

Dans un deuxième temps, il a relu la parabole des talents pour en dégager la logique. Gare à une lecture moralisatrice qui « engendre la course à la réussite, à la performance, à l’esprit de comparaison, à la jalousie » ! « Que l’on soit un camion-citerne ou un dé à coudre, l’essentiel est d’avoir aimé, d’avoir au moins essayé, car Dieu regarde le travail, la bonne volonté, le don de soi et non le résultat. »

« Ai-je reconnu que je n’ai pas tous les talents ? Je peux exister par mon engagement, mais est-ce que je laisse passer Dieu ? », s’est interrogé le conférencier. « L’important est d’être bien dans son talent » et d’avoir conscience que « nos vrais talents naissent de nos blessures ». Et puis, nos talents, « ce sont les autres qui les reconnaissent » !

En conclusion, l’abbé Pralong a proposé plusieurs points de réflexion concrets. « Ce n’est pas le nombre de cordes à son instrument de musique qui compte, c’est la caisse de résonance afin que chacun donne un son mélodieux », et mes talents, je les fais résonner par la charité. Emerveillons-nous : s’émerveiller « c’est reconnaître l’identité de l’autre, c’est l’antidote au soupçon ». « Nous ne sommes pas jugés par Dieu, c’est nous-mêmes qui nous jugeons : Dieu est un Père avec qui nous pouvons dialoguer, non un patron qui commande. » Tous nous sommes fils et filles de ce Dieu, « capables de Dieu, capables d’amour, de réflexion profonde, de don de soi ». « A partir de là, on peut accueillir toute personne sans la juger, en portant sur elle un regard positif, car évangéliser n’est pas faire la morale ou imposer sa vérité. » Nous sommes appelés à nous laisser façonner et aimer par Dieu dans la confiance, à « aller au bout du possible et laisser l’impossible à Dieu ».

Enfin, l’abbé Pralong a mis en garde les bénévoles : « Attention : nos talents, nous pouvons les utiliser pour nous grandir et n’attendre que de la reconnaissance ! Il ne faut jamais perdre le but : représenter Dieu, le faire connaître, le laisser agir. Etre au service de sa gloire et non de la nôtre. »

L’oxygène de l’Eglise

Les participants se sont aussi retrouvés en ateliers pour s’interroger : qu’est-ce que j’aimerais donner ? Qu’est-ce que j’aimerais recevoir ? Quelles sont mes suggestions et mes propositions ? Beaucoup de bonnes idées ont surgi, soulignées par Isabelle Vernet lors de la remontée : les bénévoles voudraient donner le goût de vivre, faire sans rien attendre en retour, savoir dire non ; recevoir quelque chose qui nourrit pour aller plus loin, de la gratitude, des échanges vrais, des espaces de discussion, un soutien; ils aimeraient revivre une telle journée et savoir accueillir les jeunes et les jeunes retraités, accepter les idées nouvelles, rester ouverts, vaincre leurs peurs.

Une table ronde animée par Cédric Pillonel a réuni les abbés Joël Pralong et Jean-Claude Dunand, Isabelle Vernet et Brigitte Besset, qui a témoigné de son engagement comme bénévole (voir encadré). Le curé modérateur de l’UP, l’abbé Dunand, a rappelé que « le bénévolat donne sens à l’Eglise » et souligné l’importance du sacerdoce baptismal : « Chacun a sa place et c’est le Christ qui donne la reconnaissance. » Citant le jésuite Pierre Teilhard de Chardin, il a lancé : « Le bénévolat est l’oxygène de l’Eglise. » Les questions qui ont suivi ont souligné le besoin de formation et le désir de rejoindre les jeunes pour leur donner le goût du bénévolat et leur montrer qu’on y apprend beaucoup.

Des flammes d’espérance

La messe a rassemblé les bénévoles, la communauté paroissiale et les communautés linguistiques dans l’église pour la messe de l’UP en français, espagnol et portugais. L’occasion, pour Fabiola Vollenweider Gavillet, de souligner que « l’Eglise ne peut vivre que par nous, les bénévoles », que « le bénévolat est le poumon de l’Eglise ». Elle a ensuite remercié les bénévoles « pour leur cœur ouvert à la présence du Christ et leur regard fraternel sur leurs frères ». Elle a rappelé les quatre piliers du bénévolat, représentés par quatre bougies apportées en procession et déposées sur l’autel : la formation, la célébration, la diaconie et la communion.

Dans son homélie, l’abbé Pralong, comparant notre vie à une bougie, a constaté que « nous avons tous beaucoup à donner » avec la mèche fragile de notre foi, la flamme de notre espérance et la cire de notre charité. Notre mission : « Etre dans ce monde la flamme qui redonne espoir. »

La messe s’est terminée par la bénédiction solennelle des bénévoles tandis que défilaient sur l’écran les différents domaines où ils s’engagent. L’abbé Dunand les a remerciés d’« avoir pris le temps de faire Eglise ensemble » en ce jour. Un signet leur a été remis à la sortie. Et un apéritif dans la salle de paroisse a clôturé le forum.

Une plante à arroser

Bénévole depuis presque 38 ans, Brigitte Besset a témoigné de ce qui la motive. Elle fait de la catéchèse et est engagée dans plusieurs autres activités dans la communauté de Gland. « Le plus dur, je crois, c’est cette étape, le premier pas avant la découverte, et le saut dans l’inconnu… » Un choix personnel et libre. Pourquoi est-elle toujours bénévole ? Pour « la confiance que l’on me témoigne ». La joie. La gratitude. L’amitié : « On se retrouve entre bénévoles, on organise des actions, on compare nos idées, on se met en route ensemble. »

Le temps donné « est un enrichissement personnel, un épanouissement. [… Quelle joie pour moi de voir des visages rayonnants après une célébration, un sourire après les larmes d’une personne âgée, un enfant qui s’émerveille, un merci si grand qu’il m’envahit ! ».

« Quoi de plus naturel pour moi ? Le Christ a tout donné gratuitement. Il m’invite à me mettre au service des autres comme il l’a fait. Pour moi, c’est vivre l’Evangile. » « Il y a aussi cet élan naturel du cœur que je sens très fort en moi qui m’incite à aider mon semblable, à prendre soin de lui, à organiser des rencontres, à vivre des temps de convivialité en Eglise, à écouter le prochain et ses besoins… Je sens aussi très fort que je ne suis pas seule dans ce que je vis dans le bénévolat, mais bien accompagnée. Je sens la présence du Christ à mes côtés: il me donne la force et les dons nécessaires à mes engagements. »

Le bénévolat a aussi ses peines et ses tristesses : « Il m’arrive d’être touchée, voire blessée, par une remarque, un commentaire, une décision, une attitude ; d’être frustrée et démunie. » Brigitte Besset a terminé par ce constat : « Mon engagement est fragile… comme une plante que je dois songer à nourrir et arroser. Cela implique des moments de recul, de relecture à la lumière de la Parole de Dieu. » Mais le bénévolat est avant tout « une richesse humaine, une expérience spirituelle profonde, un don de soi, un temps d’amitié et de fraternité ».

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