Solidarité dans la rue

Solidarité dans la rue

Responsable de la pastorale des milieux ouverts à Genève, Inès Calstas est aussi coordinatrice du pôle solidarités. De quoi bien occuper ses journées… 

Texte et photos par Nicolas MauryA deux pas de la gare Cornavin à Genève, Inès Calstas entre dans le temple de la paroisse protestante de Montbrillant. Employée par l’Eglise catholique romaine, elle y a pourtant son bureau. « Un cadeau de la vie », explique-t-elle, dégustant son café. « Je collaborais beaucoup avec la pasteure du lieu qui m’a annoncé un jour qu’un espace s’y libérait. Après avoir parlé avec son conseil, elle m’a dit : « Inès, nous aimerions que tu sois là. » Ce site abrite aussi la communauté œcuménique des personnes handicapées et celle des sourds et des malentendants. Tout ce regroupement fait sens. »

D’origine urugayenne, Inès porte une double casquette. Ce matin, c’est celle de responsable de la pastorale des milieux ouverts qu’elle a coiffée. « Au début des années 2010, le terme employé était encore « pastorale de rue ». Quand j’ai commencé à travailler en Eglise, on m’a demandé de faire quelque chose avec les Roms. Puis s’est posée la question de savoir s’il fallait se limiter à cette population ou opter pour une plus grande ouverture. Personnellement, je préférais cette seconde solution, laquelle s’est finalement mise en place. »

Lieu d’accueil

Tout en donnant cette explication, Inès se lève pour saluer deux nouveaux arrivants : Alexander et Helena. « Deux personnes sur qui je peux compter », souligne-t-elle. Comme tous les lundis, elle se met ensuite en route pour rejoindre l’Oasis, un lieu d’accueil pour personnes en situation de rue situé dans le quartier de la Servette. 

Le déroulement de la journée est bien rodé. « Sur le coup des 8h15, un petit déjeuner est préparé à l’intention de tous les cabossés de la vie qui nous rejoindront. On ne sait jamais combien on sera : 45, 60… parfois jusqu’à 80. »

A 9h, une séance de groupe permet de définir la répartition des rôles. « La particularité de l’Oasis, c’est que les personnes en situation précaire prennent elles-mêmes des responsabilités, tout comme d’autres bénévoles d’ailleurs. » Car la structure propose de multiples services: prendre une douche, trouver de nouveaux vêtements, faire des lessives ou encore partager un dîner. « Autant d’éléments qu’il faut organiser, même si les choses sont désormais bien rodées », détaille Inès.

Mélange des populations

Après la prière en commun à 12h commence, à partir de 12h30-13h, le repas. Puis suivent les tâches de nettoyage et de rangement, avant un débriefing à 15h. « Nous sommes souvent en contact avec les instances sociales de la Ville. Au départ, elles nous avaient dit qu’il ne fallait pas mélanger les populations. L’expérience tirée de nos quelques années d’activité a montré que ce n’était pas le cas. Tout le monde s’entraide, même s’il peut y avoir des frictions ou des crises. Si c’est le cas, on fait en sorte de discuter pour résoudre les problèmes. »

Hormis ses contacts avec les plus démunis, Inès passe une partie de son temps à faire du travail de bureau. « A Genève, vivre dans la rue revient presque à être dans l’illégalité. Vu qu’il n’y a pas de statistiques, on ne sait pas combien de gens sont concernés. La Ville dit environ 500, Caritas avance plutôt 1000 à 1500. Une partie de mon job consiste à leur fournir un soutien administratif. Comment faire pour avoir un abonnement de bus si on n’a pas d’adresse ? Comment recevoir du courrier ? Comment faire appel à l’assistance juridique ? » Autant de situations auxquelles Inès apporte des réponses au cas par cas. 

Lorsqu’elle a commencé son activité en Eglise, Inès travaillait avec les Roms. Depuis, son champ d’action s’est élargi.
Lorsqu’elle a commencé son activité en Eglise, Inès travaillait avec les Roms. Depuis, son champ d’action s’est élargi.

Construction en marche

Mais elle effectue aussi un travail de médiation, souvent avec la police. « Un jour, un jeune homme a été condamné pour avoir volé de l’argent dans une cassette à journaux. Nous avons été voir le journal et convenu d’un arrangement. Bricoleur, il a réparé et nettoyé plusieurs cassettes en ville. La plainte a été retirée. » 

Parfois, la journée se prolonge en soirée, car Inès est aussi coordinatrice du pôle solidarité. « Je m’occupe de tout ce qui touche à la diaconie dans l’Eglise, ce qui inclut aussi les personnes en situation de handicap, les sourds et les malentendants. Comme le dit ma fille, c’est génial pour aller dans les réunions ! Aimant le contact avec les gens, je perçois mon métier comme une construction en marche. Souvent, on pose des pierres et on se dit qu’on ne verra pas la cathédrale finie. Mais parfois, les choses vont plus vite que prévu. Ces avancées au quotidien sont précieuses. »

Une journée bien rythmée

7h30 –> Arrivée au bureau
8h15 –> Petit déjeuner à l’Oasis
12h –> Prière communautaire
13h –> Repas
15h –> Débriefing de la rencontre
Dès 16h –> Réunions diverses et tâches administratives

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