Indispensables retraités

Indispensables retraités

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, la vieillesse n’est plus synonyme de privation et de pauvreté, mais plutôt un ensemble de compétences à découvrir, à acquérir et à partager. Aussi dans le domaine de la foi.

Par Calixte Dubosson
Photos : PxhereNous sommes entrés dans la société à quatre générations. Le temps des arrière-grands-parents est arrivé, comme celui des arrière-petits-enfants. Les temps changent, toujours plus vite. Beaucoup de mamans travaillent, et les grands-parents, en tous cas ceux qui sont à la retraite, sont souvent d’un grand secours pour garder les petits, les amener et les chercher à la crèche et à l’école, et pour s’en occuper durant une partie des vacances scolaires. Ils font aussi le lien entre plusieurs générations puisqu’ils s’occupent parfois encore de leurs propres parents. Comme le souligne Marie-Françoise Salamin rédactrice de « Trait d’Union », de la Fédération valaisanne des retraités, leur rôle est important : « Au-delà du temps passé à rendre de précieux services à leur famille et à la société, ils transmettent leur savoir issu de leur longue expérience dans une multitude de domaines. »

Un regard positif

L’espérance de vie a fait un bond de quinze ans en quelques décennies. Pour la plupart, la vieillesse n’est plus synonyme de privation et de pauvreté. La retraite n’est plus une fin de parcours, mais un ensemble de compétences à découvrir, voire à acquérir. Le retraité d’aujourd’hui et de demain se sent compétent même s’il accepte d’être partiellement « dépassé » dans quelques secteurs, comme celui de l’informatique. Il se reconnaît « le droit de vivre toutes les dimensions de la vie sociale », comme l’écrit Jean-Pierre Fragnière, auteur de « Bienvenue dans la société de longue vie » 1: « Citoyen, partenaire d’une relation affective, consommateur, actif, etc., – Touche pas à mon bulletin de vote ! Touche pas à mon permis ! Ne te mêle pas de mes affaires. Je fais ce que je veux de mon argent ! » 

En outre, les aînés prennent le temps de voyager ou de réaliser ce que la vie active ne leur avait pas permis de faire, faute de temps et d’argent. Ils contribuent ainsi à l’essor de l’économie. Ils sont aussi garants d’une continuité dans les traditions. Dans les communautés religieuses, ce sont souvent les « octogénaires et les nonagénaires qui assurent l’animation de la prière commune », les plus jeunes en étant parfois empêchés par leur ministère que la raréfaction des vocations alourdit fortement. Dans nos assemblées dominicales, beaucoup ironisent en disant que c’est la réunion des cheveux blancs ! Tout en regrettant que les jeunes ne se sentent plus concernés par l’eucharistie ou la prière communautaire. Bertrand, un paroissien octogénaire, indique qu’il faut se réjouir du fait « que les aînés maintiennent par leur présence cet espace qui est signe d’espérance et de foi en l’avenir ».

1 Jean-Pierre Fragnière, Bienvenue dans la société de longue vie, Ed. à la Carte, Sierre, 2016

Proposer la foi

Il est certain que le climat d’amour vécu entre grands-parents et petits-enfants offre un climat favorable pour que soit proclamé l’essentiel du message évangélique, à savoir : « Dieu est Amour… tu es aimé de Dieu. » Mais souvent nos aînés souffrent de voir que le relais n’est pas pris au niveau de la pratique dominicale, par exemple. La souffrance des grands-parents qui apprennent que leurs petits-enfants ne seront pas baptisés est souvent palpable. Que faire, si ce n’est proposer la foi. Un couple de retraités qui a désiré garder l’anonymat témoigne : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », nous dit Jésus et ainsi nous essayons d’aimer nos petits-enfants avec patience, tendresse, gentillesse, miséricorde et pardon. Nous avons vécu avec eux le silence d’être dans une église. Avec eux, nous avons allumé un lumignon et nous avons prié pour un de leurs copains malades ou pour la paix dans le monde. Ils sont très sensibles à ce qui se passe dans le monde. Ils se rendent compte aussi que nous allons à la messe et ont demandé occasionnellement de venir avec nous. Dans un certain sens, la seule Bible qu’ils peuvent lire, c’est nous. »

Un renfort pour le bénévolat

Le constat est aujourd’hui aussi amer que général : les sociétés qui organisent une manifestation ont de plus en plus de peine à trouver des personnes bénévoles qui se mettent gratuitement au service d’un projet passager ou durable. « Est-ce le résultat de l’augmentation du coût de la vie ou d’un phénomène de société qui va vers un individualisme toujours plus prononcé ? » demande Léonard, chauffeur bénévole de Transport Handicap. La réponse est difficile. Toujours est-il qu’une fois de plus, les retraités sont là pour suppléer aux carences sociales. On les voit donner des cours de français aux réfugiés, par exemple. Certains s’engagent à faciliter les nombreuses démarches d’étrangers qui veulent obtenir la nationalité suisse. Ils ne comptent ni leur temps, ni leur peine pour réunir les éléments d’un dossier fort complexe et quasi incompréhensible pour ceux qui ont fui leur pays en recherche d’une patrie meilleure. Jean-Pierre Fragnière synthétise : « L’altruisme, la générosité, la fraternité, l’amitié, la compréhension de l’autre, l’empathie : c’est ce dont nous voulons le plus et dont nos sociétés riches sont les plus pauvres. »

Solidarité entre les générations

Bien sûr, tout n’est pas si simple car le grand âge pose souvent des problèmes insolubles en matière de santé. Pour Xavier, aide-infirmier, tous les débats actuels sur l’euthanasie ou sur le suicide assisté montrent que c’est bien « l’augmentation de l’espérance de vie qui amène chacun à faire des choix qui sont souvent dramatiques ». Aujourd’hui, beaucoup plus qu’auparavant, ces enjeux questionnent la conscience des individus et des sociétés. Prolonger la vie, oui, mais pour une vraie qualité de vie. Actuellement, nombre de problèmes sociaux et sanitaires ont été délégués à des institutions spécialisées. Les services sociaux aident, voire assistent, les cliniques et les hôpitaux, les foyers pour personnes âgées. Cependant, selon Marie-Claude, enseignante à la retraite, « rien ne remplacera la présence de proches qui les écoutent, qui leur procurent cette affection dont elles ont tant besoin » au risque d’épuiser physiquement et psychiquement ce que l’on appelle aujourd’hui, les « proches-aidants ». Cette solidarité nécessaire et indispensable doit être bien gérée. Plusieurs cantons ou communes ont pris des mesures pour permettre à ces proches de souffler et de ne pas compromettre leur santé, ce qui demande du recul pour éviter les pièges.

Défi du XXIe siècle

Promouvoir la qualité des relations entre les générations et les solidarités mises en œuvre au quotidien, éviter l’apparition de ghettos sociaux au sein de la société, tel est le défi majeur du XXIe siècle. Le chantier est long et permanent. Il vaut la peine d’y travailler tous ensemble.[thb_image lightbox= »true » image= »3706″]

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