Du pain et des jeux

Du pain et des jeux

Pratiquement chaque année, des événements sportifs de dimension mondiale envahissent l’univers médiatique. Championnat du monde de ski, de hockey sur glace, d’athlétisme, Mondial de football, Jeux olympiques pour ne citer qu’eux font penser que nous sommes revenus à la maxime de la Rome antique: «Panem et Circenses» (du pain et des jeux). 

Par Calixte Dubosson
Photos: Ciric, DR
Bien que toutes les manifestations sportives d’envergure apportent leur lot de corruption, d’injustice et de démesure, il n’en demeure pas moins que leur but premier est de rassembler les peuples autour de joutes pour mieux se connaître et s’ouvrir
à d’autres cultures en favorisant la paix mondiale. « Il est en tout cas plus sain de se confronter amicalement avec comme espoir de décrocher des médailles que de vivre les confrontations que nos ancêtres ont vécues en Europe dans les deux guerres mondiales du siècle passé et qui ont fait des millions de mort et d’infirmes », nous confie un ancien skieur.

Le sport comme véhicule de valeurs

Usain Bolt en prière après une victoire.

En cela l’idéal évangélique du partage et de l’ouverture aux autres est bien présent. Le sport véhicule des valeurs diverses, positives ou négatives selon la façon dont on les vit. 

Pour le côté positif, voici ce qu’en pense Jacques Ferran *, ancien rédacteur en chef de L’Equipe, a propos du football : « Qu’affirme l’homme en jouant au football ? Seulement son agressivité, sa volonté de puissance et de domination ? La joie de jouer est tissée d’autre chose. Elle est faite de dépense physique, de goût de lutte, de maîtrise des gestes, d’exercice de l’intelligence, d’esprit de solidarité aussi… Le football, c’est la rencontre d’autrui : mon pouvoir s’arrête au tien, donne-moi ce que tu peux et j’en ferai autant ; le troisième prendra de nous ce que nous possédons de meilleur, le transmettra au quatrième, y ajoutant sa force… Si parfois la puissance prend le pas sur la finesse ou l’élan sur la générosité, il n’empêche que toutes nos fonctions trouvent à se manifester sur un terrain. »

Pour le côté plus sombre, il y a bien sûr l’utilisation des événements sportifs comme propagation du racisme à l’occasion des Jeux olympiques de Berlin en 1936 patronnés par Hitler ou comme propagande par la dictature argentine lors du Mundial de 1978. Plus près de nous, les cas d’insultes racistes à l’égard de joueurs africains dans les championnats de football européens ne cessent de se multiplier et la presse s’en fait régulièrement l’écho. Le vocabulaire aussi laisse à désirer. Les journalistes emploient souvent des expressions comme « cela ne pardonne pas », ce joueur manque d’agressivité « il aurait pu tuer le match », « Shaqiri crucifie Manchester United avec un doublé », « Marcel Hirscher écrase la concurrence ». L’agressivité, le crime, le refus du pardon, la crucifixion, qui sont des réalités négatives, deviennent des valeurs positives dans l’univers sportif. Tout le monde comprend bien que l’intention reste au niveau de la métaphore mais insidieusement, les mentalités sont imprégnées et amènent à voir l’autre dans la vie de tous les jours comme un concurrent à abattre.

* Jacques Ferran (1920) comme journaliste spécialisé a joué un rôle de premier plan dans l’évolution du sport, et notamment du football. Il a en particulier participé activement à la création de la Coupe d’Europe des clubs de football et du Ballon d’or.

La célèbre « Main de Dieu » de Maradona en 1986 au Mexique.

L’Eglise au milieu du village

L’Eglise reste attentive à la vie du monde et elle ne manque pas d’être présente lors des grands rassemblements sportifs, tels la Coupe du monde de football ou les Jeux olympiques. Lors des JO de Rio en 2016, 200 volontaires catholiques ont été recrutés et formés pour évangéliser autour des sites olympiques. « Il s’agissait de présenter la culture catholique aux touristes, supporters et athlètes présents à Rio de Janeiro. Concrètement cela s’est réalisé par la célébration de messes en différentes langues dans la zone sud, qui a accueilli le plus grand nombre de visiteurs pendant la compétition », relève Roberta Felix, responsable de l’animation spirituelle sur le site. Et les paroisses proches des sites olympiques sont restées ouvertes, pour accueillir le plus de monde possible. Des symboles renforçant le lien entre l’Eglise et le monde des sports ont aussi été présents, comme les drapeaux olympiques et para-olympiques bénis par le Pape lors des JMJ 2013 ou la croix et l’icône de la paix, qui marquent la présence de l’Eglise lors des événements sportifs mondiaux. 

Des sportifs qui témoignent de leur foi

Blaise Matuidi faisant le signe de croix ou Olivier Giroud remerciant le ciel à genoux après un but : ces images des deux champions du monde de football français ont fait le tour de la terre. Ce même Olivier Giroud a choisi de parler de sa relation à Jésus dans une vidéo de la Fédération française de football. Sport et religion produisent leur lot d’émotions et font vivre des expériences de communion dans la victoire comme dans la défaite. Certains athlètes essaient de vivre chrétiennement leur discipline en mettant chaque jour sous les yeux du Seigneur leurs faits et gestes.

Olivier Giroud s’est fait tatouer un verset du Psaume 23 sur le bras droit.

Foi et regard positif

La foi peut aider à traverser des épreuves comme être rélégué au rôle de remplaçant dans une équipe. C’est le cas du volleyeur brésilien Rogério Brizola Damasceno. Voici ce qu’il dit : « Pourquoi un jour se retrouve-t-on sur la touche, sans pouvoir jouer ? Etre remplaçant n’est pas toujours bien perçu. Comment aimer une personne qui ne vous fait plus confiance sur le terrain ? C’est dans ces moments-là qu’il ne faut pas cultiver l’amertume, mais continuer à avoir un regard positif sur les autres. Avec la foi ce regard reste possible. Dieu permet de garder ce regard d’amour sur les gens malgré ses blessures. » Rogério ne demande pas la victoire mais la patience dans les moments difficiles en match. « Ma prière c’est de demander à Jésus d’être calme et serein en toute situation. La paix intérieure est la chose la plus précieuse. Il faut remettre constamment son existence dans les mains de Dieu. »

La prière du skieur

Terminons par une touche régionale en publiant cette magnifique prière du skieur, du regretté chanoine Louis-Ernest Fellay, qui nous rappelle que la détente et les loisirs peuvent être source d’action de grâce et de reconnaissance envers le Créateur, lui qui a su si merveilleusement jouer le spectacle de l’amour en actes. Ce grand sportif trop tôt décédé participait régulièrement au Challenge Alfred Delavay (abbé français décédé en 1965), une compétition entre prêtres organisée alternativement en Suisse, France et Italie. Le challenge comporte du ski de fond et un slalom géant. Voici sa prière : « Sur nos skis, Seigneur, nous Te bénissons. Quand nous contemplons la splendeur des montagnes et les glaciers étincelants de neige : sur nos skis, Seigneur, nous Te bénissons. Quand nous skions, emplis de joie, dans la poudreuse aux blancheurs éclatantes : sur nos skis, Seigneur, nous Te bénissons. Quand, par la froidure bleutée de l’aube, nous traçons les pentes enneigées : sur nos skis, Seigneur, nous Te bénissons. Seigneur, protège tes amis skieurs et guide-les tous, à travers pistes et champs de neige jusqu’au sommet de ton Amour, dans la louange et l’adoration. »«J’ai demandé de la sérénité pour moi parce que je crois. Je n’ai pas demandé de marquer ou pas, j’ai demandé de la force pour affronter cette épreuve.»
Alberto Reggazzoni, auteur du 5e tir au but victorieux pour le FC Sion en finale de la Coupe de Suisse, le 17 avril 2006.

L’avis d’un curé supporter !

Photo: DR

« J’aime le FC Sion parce qu’il n’est pas toujours premier, parce qu’il perd des matchs à sa portée et qu’il gagne contre toute attente. Je plains les supporters de Young Boys, de Barcelone, de Real Madrid, de Bayern Munich. Ils me font penser aux amateurs de musique classique qui se rendent à un concert déjà assuré du résultat car, à part quelques notes mal négociées, l’excellence est toujours au rendez-vous. Sion, c’est le yoyo entre le ciel et l’enfer en passant par le purgatoire. On sera toujours surpris, on ne sera jamais blasés comme ceux qui gagnent chaque dimanche. L’émotion est toujours au rendez-vous, qui nous fait passer de la tristesse à l’euphorie et réciproquement. Au fond, le FC Sion est comme nous dans la vie. C’est pour ça qu’il est populaire et c’est pour ça que je l’aimerai toujours. »

Calixte Dubosson, Extrait du livre « 13 », NF Versus, 2016, pp. 83-84.

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