Au Liban, l’espérance malgré tout

Au Liban, l’espérance malgré tout
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, UP Nyon-Founex (VD), mars-avril 2021

Le groupe missionnaire a reçu une lettre de Noël de Sœur Jocelyne Joumaah, supérieure générale de la congrégation des Sœurs du Bon Service de Jabboulé, au Liban, qui prennent soin d’orphelins. Cette lettre, que nous reproduisons ci-dessous, témoigne de chrétiens pleins d’espérance malgré les difficultés quotidiennes. Un projet soutenu par le groupe missionnaire.

PAR SŒUR JOCELYNE JOUMAAH
PHOTOS : DR

Amis, joyeux Noël ! Noël n’est pas un moment qui passe. Noël, c’est un état qui nous accompagne lorsque des personnes ont besoin d’un rédempteur, c’est le désir qui habite chacun de nous d’un monde meilleur, c’est Dieu qui se penche à chaque instant sur notre misère pour nous en relever. Dieu a créé la lumière pour qu’elle parle de lui, la lumière du monde, il s’est incarné et est présent à chaque instant, surtout là où les besoins sont les plus grands.

Et notre région a grand besoin de Dieu : en effet, de nombreux événements qui ont touché le pays au cours de l’année écoulée ont accru les traumatismes chez nous, provoquant des niveaux de stress élevés. Nous avons eu des séquelles émotionnelles et physiologiques qui se sont traduites sur notre lieu de travail (colère accrue, irritabilité, performan-
ces réduites, difficultés de concentra-
tion, …). Mais nous essayons toujours de nous relever, de secouer la poussière pour que tout cela n’ait pas un impact trop fort sur notre mission, nos enfants et nos
proches.

Aux côtés d’un troupeau menacé

Chers amis, je vous envoie mes vœux de ce coin de terre le plus ténébreux, mais en même temps le plus illuminé par la joie et la convivialité que les gens s’apportent les uns aux autres, la Bekaa du Nord.

Comment ce passage des ténèbres à la lumière se fait-il chez nous ? Loin des projecteurs, de nombreuses associations déploient de gros efforts pour alléger les souffrances des plus démunis. Plus du tiers des Libanais vivent avec quatre dollars par jour, 10% avec deux dollars seulement. Dans notre région, deux tiers des habitants vivent avec deux dollars par jour; beaucoup de nos connaissances ne disposent même pas d’un dollar par
jour.

C’est pourquoi nous, religieuses de Notre-Dame du Bon Service, avons décidé, une fois de plus, de ne pas abandonner le troupeau aux loups qui le menacent de tous côtés. Nous avons lancé un appel à plusieurs organismes de bienfaisance : ils ont répondu et nous ont soutenues en nous faisant parvenir des colis de toutes sortes. Et si je vous écris cette circulaire, c’est pour partager avec vous les efforts faits et la joie vécue durant cette saison.

Des vêtements pour l’hiver

Notre premier projet fut de distribuer, dimanche 20 décembre, 150 colis aux familles à Jdeideh, Fakiha, Ras Baalbeck, Deir El Ahmar, Ain et Jabboulé. Des représentants des organismes de bienfaisance ont participé à cette action.

Les responsables de l’orphelinat ont organisé une fête pour les enfants et le Père Noël leur a offert des cadeaux qu’ils n’avaient jamais reçus dans leurs familles. A nos voisins syriens dans la détresse, nos soeurs qui travaillent dans le domaine social ont donné des vêtements d’hiver. Nous avons organisé une fête pour leurs enfants à qui nous avons offert des anoraks et des pantalons pour la saison de Noël.

Des amis sont venus me parler de quatre familles pauvres dans le village voisin d’Aïn. Elles ont des enfants handicapés qui passent leur temps allongés sur une vieille couverture, sans chauffage en hiver. Après avoir entendu cela, je suis allée chercher des tapis et des matelas au couvent, puis je les leur ai envoyés. J’ai aussi pu prélever une somme d’argent sur notre budget pour leur procurer du mazout afin qu’ils puissent se chauffer un certain temps.

Et comme le Bon Dieu nous demande de nous donner au maximum, il nous a envoyé à travers les gendarmes des nouveau-nés trouvés dans les poubelles et les rues. Maintenant, nous prenons soin de deux petites filles de cinq et six mois. Un jour, l’une d’elles a dû être opérée subitement suite à des problèmes intestinaux. Après une longue journée, j’ai dû courir à Beyrouth avec une autre soeur pour l’amener à l’hôpital de Baalbeck. Nous avons attendu toute la nuit jusqu’à ce que l’opération soit terminée.

Une joie partagée

A l’école, les élèves craignaient d’attraper le coronavirus. La mise en place des mesures sanitaires nous a demandé beaucoup d’efforts. Les enfants, eux, ne pensaient pas pouvoir se réjouir à Noël. Nous avons commencé par décorer les classes. Nous leur avons appris des chants de Noël ; nous avons mis de la musique à leur arrivée en classe et pendant la récréation.

Quand nous leur avons annoncé qu’ils pouvaient mettre leurs habits de Père Noël, certains n’ont pas cru qu’il était encore possible de faire la fête, d’autres ont sauté de joie, une lueur de vie a brillé dans leurs yeux, ils ont compris qu’avant de nous quitter pour les vacances de Noël, nous allions goûter une fois encore à la joie que nous avions l’habitude de vivre en cette saison.

Après le départ des élèves, les professeurs se sont rassemblés avec les religieuses à la chapelle pour vivre une messe. Nous avons rendu grâce pour tout ce que nous avons pu faire durant le premier semestre et pour demander à Dieu la force et la sagesse afin de rendre l’année 2021 plus fructueuse et plus bienfaisante que 2020. Nous avons prié pour tous nos bienfaiteurs et tous ceux qui dans ce pays soutiennent l’éducation et les enfants, souvent oubliés par les chefs d’Etat et ceux qui ne cherchent que le profit et la renommée.

Pendant ce temps, quelques sœurs préparaient le buffet qui nous a rassemblés ensuite. Nous nous sommes souhaité une bonne fête de Noël. C’était notre première réunion depuis le début de l’année.

Merci à vous

Au nom de tous les élèves, au nom de leurs parents, au nom des professeurs et du corps administratif de l’école, je m’adresse à vous, chers amis, avec les plus profonds sentiments de reconnaissance. Si nous pouvons continuer notre travail, c’est grâce à vos efforts et votre soutien. Si je partage la vie de chez nous avec vous, c’est parce que vous en faites partie même si vous êtes éloignés de nous géographiquement. Mais vous venez nous rejoindre dans ce dont nous avons besoin pour donner à notre vie le goût de Noël.

Que l’Emmanuel soit lumière pour toute l’humanité blessée. Qu’il assouplisse nos cœurs souvent endurcis et égoïstes et qu’il fasse de nous des instruments de son amour. Qu’à travers nos pauvres visages, il donne son sourire aux enfants du monde entier, à ceux qui sont abandonnés et à ceux qui ont subi des violences. Qu’à travers nos faibles bras, il soigne les malades. Par notre fragile compagnie, qu’il soit proche des personnes âgées et de celles qui sont seules, des migrants, des marginalisés. En ce temps de fête, qu’il donne à tous sa tendresse. Et qu’il illumine les ténèbres de ce monde.

 

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