Depuis petit, on nous répète: «N’oublie pas ceci, n’oublie pas ça… Ha! Tu as oublié ton agenda…; tu as oublié de faire ta fiche… Tu as oublié de faire signer ton examen!» Et si les oublis avaient la formidable fonction de nous protéger, comme des vaccins, de ce qui, par moment, s’avère trop lourd, trop effrayant?
Par Valérie Pianta
Photo: ulysse-invictus.comIl y a les oublis chroniques et comiques… les clés, la lumière, fermer la porte, la liste de commissions. Ces oublis de gestes et d’actes qui nous rassurent sont des repères temporels – comme de petits réverbères sur notre route quotidienne – que nous ne supportons pas de ne pas vérifier. Si souvent, nous croyons avoir oublié. Nous avons besoin de revenir en arrière et nous faisons rire la galerie !
Cela mis à part, oublier est aussi sûrement une grâce qui nous est donnée pour nous permettre de survivre à certains événements douloureux, à certaines désillusions. Tout n’est pas utile, nos sacs à dos de vie seraient trop lourds à porter. Si nous ne pouvions pas oublier, nous traînerions des wagons de regrets, de peines qui ne serviraient à rien. Heureusement, notre conscience oublie afin de nous alléger. Entre mémoire et oubli, les choses s’ordonnent, se rangent discrètement selon les nécessités personnelles et contextuelles.
Inutile de vouloir absolument penser à tout… Oublier, n’est-ce pas aussi une forme de lâcher-prise sur toutes les contraintes que nous nous imposons ? Oublier souvent est parfois vécu comme un handicap par la personne qui en est la première victime, à moins qu’elle ne prenne cette singularité avec humour. Oui, c’est cela ! Quel humour ne faut-il pas envers nos failles, du lâcher-prise face à ce besoin irrépressible d’être irréprochables. Rions et oublions que nous oublions notre téléphone, notre portefeuille, nos clés, nos gants, notre écharpe et Dieu sait quoi encore.
Oublions donc ce qui n’est pas essentiel, ce qui encombre, entrave la vie et les relations. N’oublions pas de dire : « Je t’aime. » N’oublions pas de regarder l’autre avec tendresse et amour… dire et regarder… dire ou regarder, mais ne pas oublier ! N’oublions pas d’être attentifs à ne pas écraser ces petites fleurs – les ne-m’oubliez-pas ! Ne nous couchons pas le soir en disant : « J’ai oublié de lever les yeux pour voir le ciel, les étoiles ! »