Par Thierry Schelling
Photo: DRPapes et conciles n’ont pas condamné les apocryphes en tant que tels mais ont prohibé leur usage liturgique. Le point de départ serait le Décret de Gélase, écrit – au moins pour la partie sur les apocryphes – aux alentours de 500. Y sont listés auteurs et œuvres condamnés comme hétérodoxes ; puisque par éponymie le décret est dit « de Gélase » – évêque de Rome de 492 à 496 –, son influence n’a pas été négligeable au cours des siècles suivants.
Jusque-là, par contre, les communautés chrétiennes naissantes lisaient quantité de textes, et pas seulement ceux qui deviendront « canoniques » trois siècles plus tard. Les apocryphes d’aujourd’hui, nullement traités de la sorte alors, participèrent à la formation des premières expressions dogmatiques et disciplinaires de ce qui deviendra l’Eglise chrétienne (disciples du Christ) et catholique (dans le sens d’universelle) 1.
Textes « redécouverts »
Une fois le canon catholique des Ecritures définitivement fixé – ce sera en 1546 à Trente lors du Concile –, ce sont les biblistes qui « redécouvrent » au cours du XXe siècle l’utilité d’analyser les apocryphes pour, anecdotiquement, en voir leur publication en deux volumes dans… la Pléiade en 1997 et 2005 ! Et parmi les théologiens, Joseph Ratzinger ne s’est pas privé, devenu pape en 2005, d’agrémenter ses remarquables catéchèses du mercredi de mentions, voire de citations tirées des apocryphes, en bon exégète qu’il était.
Ainsi, alors que Damase Ier peut refuser la grâce à l’évêque d’Avila Priscillien, condamné – le premier, dit-on, dans l’histoire de l’Eglise – pour hérésie (il sera exécuté en 385), c’est-à-dire pour avoir nourri sa foi et sa pratique de textes non conformes, plus de 1600 ans plus tard, Benoît XVI peut inclure dans ses catéchèses bibliques… des textes qui ont coûté la vie à des « frères en épiscopat ». Sic transit gloria mundi !
1 Comme le rappelle un expert en la matière, Enrico Norelli, professeur émérite d’histoire du christianisme des origines à la Faculté de théologie de l’Université de Genève de 1988 à 2017.