Quand «enterrer dans l’intimité» n’est pas un choix

Quand «enterrer dans l’intimité» n’est pas un choix

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur pastoral des Coteaux du Soleil (VS), novembre 2021

Enterrer dans l’intimité était déjà une pratique de plus en plus répandue ces dernières années, mais la pandémie a créé une nouvelle situation, lors du confinement, avec des mourants hospitalisés que leurs proches ne pouvaient pas accompagner et des enterrements dans une grande solitude.

PAR GABRIELLE, ANNICK, JEANINE ET LÉONIDAS | PHOTOS : MARIE-PAULE DÉNÉRÉAZ

Une situation déroutante

Perdre un proche est toujours un événement douloureux à vivre, surtout dans les jours qui entourent le décès. Mais, si l’on peut dire, la situation telle qu’elle se présentait au moment du décès de ma sœur, en automne 2020, a été rendue plus difficile par l’impact très violent de l’épidémie de Covid. A ce moment-là, la peur dominait. Il y avait de grandes restrictions pour approcher la personne qu’on savait à l’hôpital, en soins intensifs et en danger de mort. Pas d’au revoir donc. Plusieurs membres de la famille étaient en quarantaine et eux-mêmes en souci pour leur santé. Lorsque l’inéluctable a été annoncé, les visites à la crypte étaient réparties sur plusieurs heures afin que les gens se croisent le moins possible. La famille a vécu un grand moment de solitude lors de la messe d’ensevelissement, dans l’intimité, où l’absence de la famille élargie, des nombreux amis et amies, des gens du village s’est fait sentir. En temps normal nous aurions apprécié de parler avec les gens qui ont connu et aimé la défunte, de recevoir leurs témoignages d’affection et leurs encouragements. Une situation bien déroutante que nous avons pourtant dû accepter dans la confiance en Dieu.

Gabrielle

Une trop stricte intimité

Au mois de novembre, nous avons perdu notre papa. Notre maman s’en est allée en février, la séparation était trop difficile pour elle. Deux enterrements dans la plus stricte intimité. Une de mes sœurs et sa famille vivent au Canada, il était impossible pour eux de venir, c’était une douleur supplémentaire. Cette trop stricte intimité nous a empêchés de rendre l’hommage qu’on aurait aimé. A la douleur de perdre nos parents s’ajoute le désarroi d’être privés de toute possibilité de se retrouver entre proches pour se réconforter. Pas question de s’embrasser, de se passer la main dans le dos, de se serrer la main : ces gestes de réconfort, qui viennent naturellement lorsque surgit l’émotion, sont proscrits. Malgré cela, nous nous sommes sentis entourés différemment, par la prière, des cartes, des téléphones, des fleurs…

Annick

Encourager les funérailles dans l’intimité ?

Avant la Covid, la célébration dans l’intimité pouvait s’expliquer par plusieurs raisons : les raisons financières, familiales et religieuses. A cela s’ajoute la perte de repères sur la vraie vision de la vie et de la mort.

En ce temps de Covid, les enterrements dans l’intimité sont très nombreux et le seront encore davantage dans le futur. En effet, les gens ont vu qu’on peut bien simplifier le rite, y faire participer peu de gens ; néanmoins, il amoindrit l’aspect communautaire et social : l’homme est un être relationnel et le fait de se voir entouré d’amis et de connaissances aide à faire le deuil.

La liturgie pâtit de cette célébration : pas de chants, quelquefois pas de messe. Elle favorise l’individualisme, crée des frustrations en famille et nous interpelle : comment, en pastorale, favoriser les célébrations d’enterrement ouvertes au public, après la Covid ?

Abbé Léonidas Uwizeyimana

L’amour est plus fort que la mort

« La mort n’est pas la nuit, au contraire elle déchire les ombres, elle ne sépare pas,

elle unit dans le cœur de Dieu ceux qui se sont aimés véritablement. »

Pour mon mari et moi la mort n’a jamais été un sujet tabou. Nous en parlions naturellement, sans aucune peur ni amertume. Ensemble, depuis plusieurs années, nous avions noté nos souhaits pour la célébration des « à Dieu ».

Hélas, la Covid a dicté sa triste réalité. Les restrictions imposées, les gestes barrières, n’ont pas permis de l’accompagner ni de lui offrir la messe qu’il aurait souhaitée. Ce fut douloureux pour moi et toute notre famille de vivre un deuil dans de telles conditions.

Néanmoins, bien que profondément peinée par la séparation et par la manière cauchemardesque de lui dire au revoir, j’ai très vite compris que pour retrouver la paix intérieure, je devais dépasser ces émotions trop humaines et m’accrocher à l’Essentiel. Je crois aux promesses de Jésus. Donc je sais où est mon mari désormais. Le connaissant tellement bien, il me semble l’entendre me dire : « Près de Dieu, je vis heureux et comblé, ne m’attriste pas en cheminant larmoyante et déprimée. »

De plus, je perçois toujours sa présence à mes côtés, grâce au fil rouge magique qui nous relie désormais : la prière. Ainsi, avec son aide et la grâce de Dieu, je continue ma route pacifiée, confiante et sereine.

Jeanine

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