Entre ciel et terre

Entre ciel et terre

La dépression, le burnout, la solitude et le suicide sont des problématiques bien réelles dans le monde agricole, bien que souvent sous-estimées. Car c’est un monde où l’on a appris à travailler sans se plaindre. Maria Vonnez, aumônière et paysanne diplômée, vient apporter une écoute et un soutien à ces passionnés de la terre en détresse.

Par Myriam Bettens
Photos: Thierry Porchet, DRUne première sonnerie retentit, une seconde, puis une troisième. Le répondeur s’enclenche, personne au bout du fil. Deux tentatives infructueuses plus tard, c’est la voix chaleureuse de Maria Vonnez qui m’accueille, mais elle ne semble pas situer la raison de mon appel. A la mention de l’article en cours, la mémoire lui revient : « Je vous avais complètement oubliée, s’excuse-t-elle. Je suis à l’école d’agriculture de Granges-Verney durant deux jours pour accompagner les futurs agriculteurs. » Habituellement vers 14h, cette assistante pastorale pour le monde agricole est déjà au volant de sa voiture. Elle sillonne les routes du canton de Vaud à la rencontre des passionnés de la terre en quête d’une oreille attentive.

Accepter de se faire du bien

Passionnés par leur métier, les exploitants agricoles font trop souvent primer le travail au détriment de leur bien-être.

Suite à une vague de suicides dans le canton de Vaud en 2015, le projet « Sentinelle Vaud – Promotion de la Vie » est né afin de mettre en place un dispositif pour accompagner et soutenir les exploitants en difficulté. « Généralement, une personne a vu que quelqu’un n’allait pas bien et nous contacte », indique-t-elle. Ces « sentinelles » peuvent être des conseillers agricoles, des épouses, des grand-mères ou même le vétérinaire. Pascale Cornuz, pour l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, et Maria Vonnez, pour l’Eglise catholique, prennent ensuite le relais. « Aujourd’hui les agriculteurs sont beaucoup plus seuls qu’avant. Parfois ils ne voient personne de la journée, alors ils ruminent leurs idées noires », développe l’aumônière. Passionnés par leur métier, les exploitants agricoles font trop souvent primer le travail au détriment de leur bien-être : « Ils ne se permettent pas de se faire du bien », affirme-t-elle. Le burnout, la dépression et les idées suicidaires existent toujours, mais sont devenus moins tabous grâce à l’écoute attentive de Maria Vonnez et de sa collègue. « La preuve, ils nous acceptent et se confient », lance-t-elle encore.

En route vers l’autre

Chaque matin elle téléphone donc à ces agriculteurs en détresse. « Ce matin à 8h15, j’ai appelé un agriculteur qui n’allait pas bien. Il a déjà tenté de mettre fin à ses jours », raconte-t-elle pudiquement. « Ils apprécient que je prenne de leurs nouvelles. Partager avec une autre oreille leur fait du bien », ajoute la paysanne diplômée. Ensuite vers 9h, elle s’installe au volant de sa voiture pour rendre visite aux exploitants avec lesquels elle a fixé un entretien. Ce temps de trajet est aussi pour Maria Vonnez l’occasion de confier au Christ les situations difficiles de ces agriculteurs. Souvent l’entretien se prolonge jusqu’en fin de matinée. Aux alentours de 11h30, l’aumônière regagne son domicile pour se restaurer et reprend ensuite le chemin d’une seconde visite. Puis, lorsque l’agriculteur a terminé le gros de son travail à 17h, l’aumônière reprend du service par téléphone.

Entouré du vivant

Ces tranches de vie ne ressemblent peut-être pas à L’amour est dans le pré, mais recèlent aussi leur part de joie. « Beaucoup me disent par exemple combien leurs épouses sont fantastiques », note-t-elle. Puis elle conclut par quelques mots tirés du film Au nom de la terre : « Les paroles du réalisateur du film, Edouard Bergeon, disant que l’agriculteur est entouré du vivant, m’ont beaucoup touchée. Je trace un parallèle avec notre ministère qui consiste à rencontrer le vivant (en parlant de l’humain, ndlr) afin de l’aider à retrouver le chemin de ce qui le fait vivre. »

Temps forts d’une journée

8h –> Premier entretien téléphonique de la journée

9h-11h30 –> L’assistante pastorale prend la route pour se rendre sur les lieux de ses visites, soit chez des agriculteurs/trices soit à l’école d’agriculture

11h30 –> Retour à la maison pour manger avant de reprendre la route

14h –> Après-midi dévolue à d’autres rencontres avec les agriculteurs ou des entretiens téléphoniques

17h –> Coups de fil à des agriculteurs rencontrés en entretien afin de prendre de leurs nouvelles

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