Violence domestique: deux femmes sur le terrain

Mon rêve : devenir éducatrice

Johanne Carron, 42 ans, vit à Arbaz. Mère de 2 enfants, elle a toujours été une femme pleine de vigueur et très engagée. Il lui tient à cœur de nous parler de sa trajectoire personnelle en lien avec l’humain et notamment de la mission de la Fondation l’EssentiElles dont elle est à l’origine et qui a trouvé depuis 2011, un bel ancrage en Valais au cœur du réseau d’aide aux victimes de violences.Propos recueillis par Pascal Tornay
Photo : DR

Depuis toute petite, j’embrassais le rêve de devenir éducatrice sociale. J’ai donc entrepris, durant deux ans, des stages et des remplacements à la Castalie. Par la suite, j’ai suivi trois ans de formation à l’Institut d’Etudes sociales (IES) à Genève. C’est à ce moment-là que j’ai eu des contacts avec des femmes qui ont vécu la violence conjugale. 

Par ailleurs, durant cette formation, j’ai travaillé 5 mois durant au Foyer « Au Cœur des Grottes ». Il s’agit d’un foyer d’hébergement avec accompagnement psychosocial, destiné à une trentaine de femmes seules ou avec leurs enfants, momentanément confrontées à une situation de précarité dont, pour certaines, la violence dans leur couple. Cette expérience a été très dure, mais ça a été pour moi une révélation. Plus tard, alors que je faisais un stage dans un foyer pour adolescents on m’a dit : « Si tu as réussi à travailler ici alors tu pourras travailler partout. » Ce qui m’a toujours poussée en avant et qui me donne cette fougue : c’est le désir d’être en relation, c’est l’amour de l’humain, l’humain qui que ce soit et d’où qu’il vienne. Je n’aurais jamais voulu travailler dans un bureau…

A mon retour en Valais, je me suis questionnée sur ce qui existait dans notre canton. Avec deux amis Jenny Brochellax Xu et Julien Debons, nous avons donc décidé de créer la fondation l’EssentiElles. Au départ, nous nous sommes demandés quels étaient les besoins réels. Il a été assez rapidement clair que c’est dans le domaine de la violence psychologique qu’il fallait agir car rien n’existait. Certaines personnes témoignent : « J’aurais préféré que mon conjoint me frappe. Les marques sont plus convaincantes que les insultes que je subis dans le silence », explique Johanne. Un comité a vu le jour et a commencé le travail sur le terrain avec divers professionnels de la santé et du social. 

En parallèle, j’ai travaillé à la FOVAHM durant 4 ans puis au Centre ORIF pendant 10 ans. Je suis également l’heureuse maman de deux enfants. Depuis la naissance de mon deuxième enfant en décembre 2018, je travaille comme coordinatrice de la Fondation l’EssentiElles et du programme Sortir ensemble et se respecter qui propose des cours de prévention de la violence conjugale auprès des jeunes. 

Parfois ma fille aînée me rappelle à l’ordre : « Maman, t’en as pas marre de la Fondation ? » Et ça, c’est le signal clair que mon amour de l’humain doit être offert en priorité pour mes plus proches… Alors on part se promener toutes les deux !

Au service de l’humain

D’origine genevoise, Colette Sierro Chavaz vit à Fully et est mère de famille.
D’un caractère entreprenant, avec de multiples expériences à son actif notamment dans le travail social, son amour pour l’être humain et en particulier des plus fragiles, l’a toute sa vie poussée à s’approcher des personnes pour partager leur richesse et leur humilité, au-delà de leurs difficultés quotidiennes.
Par Colette Sierro Chavaz
Photo : DR

Je travaille en tant qu’éducatrice sociale au sein de l’Association des Vacances Familiales. J’effectue également des supervisions en travail social. Ma vie de femme mariée m’a donné la joie d’avoir 4 enfants, majeurs aujourd’hui. J’ai suivi une première formation sur le lieu de mes origines à Genève. Puis quelques années au Pérou dans un projet avec E’changer m’ont permis de vivre une expérience humaine inoubliable. Avec mon mari, nous avons vécu trois ans au sein d’ATD Quart monde, en Suisse et en France. Ensuite mon engagement dans différents services sociaux en Suisse m’ont permis de partager avec des gens, leur richesse et leur humilité, au-delà des problèmes quotidiens.

Aujourd’hui et pour quelques mois encore j’ai la présidence de l’association du Point du Jour, lieu d’accueil dans le Bas-Valais pour les femmes victimes de violences domestiques avec ou sans enfants. En 2020, nous fêterons les 20 ans d’existence de cette structure et en 2019 nous avons atteint plus de 1000 nuitées pour l’année en cours. Ces temps, la plupart des journaux nous transmettent des informations en lien avec les violences domestiques et toutes sortes de statistiques.

Ce que nous voyons lorsque les femmes arrivent au Point du Jour, c’est l’état de stress post-traumatique dans lequel elles se trouvent. Leur état émotionnel est très perturbé, l’agitation ou l’apathie dont elles font preuve demande une attention particulière. L’empathie, la bienveillance et le professionnalisme de la part de l’équipe qui travaille au Point du Jour sont de qualité. Durant les premiers jours, souvent les femmes ne mangent plus, leur sommeil est compromis et elles sont à l’affût de tous les bruits non identifiés. Les prises  de médicaments, après constats médicaux, leur permettent d’atténuer leurs angoisses dans un premier temps.

Il se peut aussi qu’elles arrivent sans aucun habit ni bagage, pour elles comme pour leurs enfants. Nous faisons fréquemment appel au vestiaire paroissial de la paroisse de Martigny.

Il y a quelque temps déjà nous avons accueilli une jeune femme avec son bébé de 6 mois. Elle se nourrissait de Coca Cola et ne dormait plus, son fils s’arrachait les cheveux, il était très désécurisé. Cette jeune femme a profité rapidement de l’ambiance reposante et sécurisante du Point du Jour. Elle nous a fait part de son problème d’alcool et a demandé de l’aide. Elle a fait appel aux AA (alcooliques anonymes) et s’est rendue aux soirées de partage. Quelque temps après, elle a rejoint son domicile conjugal et nous n’avons plus eu de nouvelles de sa part.

La semaine passée, une femme est revenue avec ses 3 enfants, pour la troisième fois. Elle a décidé de ne pas retourner à son domicile et est en train d’organiser son déménagement avec l’aide des services sociaux. 

Le problème de la codépendance fait que des femmes retournent de nombreuses fois auprès de leur conjoint avant de prendre une décision définitive. Il est fréquent que des femmes écrivent au personnel du Point du Jour après un séjour effectué dans la structure. Elles sont reconnaissantes de ce qu’elles y ont vécu. Merci à elles pour la confiance qu’elles nous témoignent.

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