Je m’appelle Karen Rapin, je vais avoir 29 ans et je vis à Val-d’Illiez. Educatrice de l’enfance de profession, j’ai ensuite entamé une formation théologique. Actuellement, je conjugue ma dernière année de cours avec mon engagement à temps partiel dans l’équipe d’aumônerie de l’hôpital Riviera-Chablais.
TÉMOIGNAGE TRANSCRIT PAR F. PREMAND | PHOTO : K. RAPIN
Le rôle de l’aumônier est un rôle d’écoute. C’est se mettre à disposition et aussi en disposition ; j’essaie d’y parvenir de mon mieux, grâce à un mélange de disponibilité intérieure, de techniques apprises et d’expériences. Mon quotidien à l’hôpital est fait de rencontres avec des personnes inconnues, ce qui n’est jamais facile. Au début, j’arrivais toute « seule » vers la personne et cela se passait moins bien. Puis, peu à peu, je suis venue habitée par la foi, en ayant la conviction que Jésus m’accompagnait. La rencontre se déroule vraiment plus concrètement. S’il m’arrive de débuter une visite en ayant eu un souci ou une contrariété auparavant, je laisse ces sentiments devant la porte, afin d’être bien à l’écoute de la personne. J’en ressors apaisée et même ressourcée.
Au moment où je frappe à la porte de la chambre, je fais cette petite prière intérieure : « Sois avec moi et Tu sauras ce dont cette personne a besoin » ; j’ai aussi des entretiens réguliers avec le personnel soignant ; tout cela m’aide à poser les bons mots durant cet échange. Je rencontre tous les patients hospitalisés, peu importe leur foi, leurs croyances et bien sûr, en tant qu’aumônier, je termine assez régulièrement par une prière avec eux. Ce moment-là me semble assez important parce que c’est l’occasion de confier tout ce qui s’est dit au Seigneur.
Certaines visites restent davantage en mémoire. Je pense à un patient d’une vingtaine d’années. Je vais à cette visite pleine d’a priori par rapport à son âge. Je me dis que peut-être cela va lui faire peur quand je vais parler d’aumônier, d’accompagnante spirituelle. D’autant plus que je suis une jeune fille. Il ne va peut-être pas avoir envie de se confier, etc. On a entamé la discussion puis son repas est arrivé. J’ai pensé pour clore le laisser manger tranquillement. Je lui ai juste demandé de quoi il aurait le plus besoin pour les prochains jours et là, une brèche s’est ouverte. Les émotions sont montées en lui, il a commencé à pleurer ; on a laissé le temps nécessaire. C’est à cet instant que l’échange profond a commencé. Durant ce moment fort, j’ai fait cette prière intérieure : « Merci Seigneur pour ce que Tu me donnes de vivre parce que je ne m’étais pas attendue à partager de telles choses ! ». Cette rencontre m’est restée en mémoire parce qu’elle m’a servi de leçon par rapport à mes préjugés. Je suis aussi extrêmement touchée de la confiance qui m’est témoignée, ainsi qu’au personnel soignant.
Lors des discussions avec mes proches ou mes collègues, on me dit souvent que cela doit être difficile d’écouter toutes ces souffrances. Oui, c’est sûr que je suis touchée. Mais ce qui me frappe le plus, c’est de voir la souffrance. Là aussi, une image me reste en tête. Je me préparais à rencontrer un très jeune patient atteint d’un cancer. Au moment d’entrer la chambre, je découvre un enfant amaigri et souffrant. Cette rencontre est restée gravée en moi.
Pour maintenir cette foi en moi, j’ai vraiment besoin qu’elle soit vivifiée. Je peine à prier seule, mais je trouve de l’aide dans les moments de prières en communauté, soit lors d’une messe ou d’une animation de messe avec les jeunes où j’éprouve beaucoup de plaisir. L’écoute de la musique et le chant me permettent aussi de laisser sortir mes émotions.