Panser aujourd’hui pour penser demain

Panser aujourd’hui pour penser demain

En temps normal, Rachel Wicht arpente les couloirs des hôpitaux universitaires de Genève (HUG) pour prodiguer un accompagnement spirituel aux patients hospitalisés et à leurs familles. Depuis, la pandémie de Coronavirus a chamboulé le quotidien de l’aumônière et de l’entier de l’hôpital.

Par Myriam Bettens
Photos : Myriam Bettens, Sophie Scalici

Rachel Wicht en prière au travail.

Serrer la main d’un patient, prier avec lui ou soutenir une famille en deuil, afin d’être à l’écoute de sa peine et de ses questionnements : des élans naturels pour Rachel Wicht, aumônière catholique aux hôpitaux universitaires de Genève. 

Depuis le début de la pandémie du Covid-19, tous ces rapprochements sont proscrits afin d’éviter une possible contamination. « Cette absence de contact est extrêmement difficile à vivre pour moi, mais plus encore pour les patients. » La privation de proximité se traduit aussi par une absence totale des familles, qui ne peuvent plus être au chevet de leurs proches pour une raison de sécurité sanitaire. « Nous devenons messagers de mots qui ne nous appartiennent pas. » L’aumônière illustre son propos par l’exemple de cette femme lui ayant demandé, par téléphone, de transmettre à son mari atteint du virus et dont le pronostic vital était engagé : « Je suis tellement reconnaissante pour les 60 années de bonheur passées avec lui. Je l’aime, il peut partir en paix. »

Confinement quotidien

L’aumônerie des HUG a pris la mesure du travail qui l’attendait bien en amont. « Nous avons réorganisé le quotidien pour nous rendre disponibles aux équipes de soins et aux patients à toute heure du jour et de la nuit », décrit Rachel Wicht.

Organisés par binômes, les aumôniers de garde sont soit « en première ligne », soit de renfort. Les premiers répondent aux appels des équipes soignantes et s’engagent à être sur le site le plus rapidement possible. Les seconds assurent la relève en cas de surplus d’appels.

S’ajoutent à cela des mesures d’hygiène drastiques lors de leur passage dans les chambres. Des contraintes temporaires qui, pour la majorité de la population, prendront fin avec la disparition du virus. 

Une autre catégorie de patients demeure, quant à elle, soumise au confinement et mesures d’hygiène, virus ou pas. C’est le cas dans l’unité d’oncopédiatrie, dont Rachel Wicht est l’aumônière répondante permanente. Ce service continue de fonctionner « normalement » malgré la pandémie. Il accueille de jeunes enfants et adolescents atteints de cancers et tributaires de traitements chimiothérapeutiques lourds. « Les petits patients doivent rester dans des « isolettes » (chambres d’isolement) en permanence du fait d’un système immunitaire réduit à néant par le traitement », précise-t-elle.

Le difficile deuil

Les traitements prennent du temps, les séjours hospitaliers sont fréquents et s’étalent généralement sur plusieurs mois, « il se noue alors une relation intime et de confiance avec ces patients et leurs parents », développe l’aumônière. Au début du week-end pascal, alors qu’elle n’est pas de garde, Rachel Wicht est informée par l’infirmière responsable de l’unité du décès d’un adolescent qu’elle avait accompagné durant plusieurs mois. « J’ai reçu son appel à 8h30. Le décès de ce jeune de 16 ans avait été constaté à 6h30 », raconte-t-elle sobrement. Peu avant 10h, elle se rend à l’hôpital. Le personnel a proposé à la maman que l’aumônière vienne bénir son fils et prie avec elle dans la chambre. « Vers 11h, nous avons quitté l’hôpital, et sommes allées aux pompes funèbres ensemble. Cette mère effondrée avait besoin de soutien et d’aide, pour accomplir toutes les formalités administratives liées à ce décès », témoigne Rachel Wicht. « L’écoute et l’accompagnement des familles sont essentiels, surtout en ces temps de pandémie », car les obsèques sont limitées à cinq personnes, sans possibilité de gestes de réconfort. 

Une difficulté supplémentaire à surmonter pour les familles endeuillées. C’est pourquoi, un moment de recueillement laïque sera organisé le jour des funérailles du jeune homme. L’aumônière note tout de même que la gravité ambiante en ces temps de pandémie est parvenue à raviver la flamme d’une solidarité nouvelle. « La vision de la luminosité de notre humanité m’émerveille. C’est un phare qui dirige le bateau dans lequel nous sommes tous embarqués. »
A l’écoute en tout temps » css= ».vc_custom_1589377608260{background-color: rgba(180,36,59,0.1) !important;*background-color: rgb(180,36,59) !important;} »]8h30 Appel de l’infirmière cheffe de l’oncopédiatrie des HUG.
10h Arrivée à l’hôpital pour procéder aux derniers sacrements du défunt.
11h Accompagnement de la famille aux pompes funèbres.
14h Retour à la maison

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