Marie, Mère de l’Eglise et modèle de communion

Marie, Mère de l’Eglise et modèle de communion

Le Père dominicain Benoît-Dominique de La Soujeole, professeur émérite de dogmatique à l’Université de Fribourg et professeur invité à l’Angelicum à Rome, a donné une conférence dans les salles sous l’église de la Colombière jeudi 19 mai sur «Marie, Mère de l’Eglise, modèle de la communion des saints». Ceci dans le cadre du thème d’année de l’Unité pastorale (UP) Nyon-Terre Sainte, «Nous sommes Eglise».

PAR GENEVIÈVE DE SIMONE-CORNET
PHOTOS : PHILIPPPE ESSEIVA, BRIGITTE BESSET

C’est avec un humour contagieux, et devant une trentaine de paroissiens, que le dominicain français Benoît-Dominique de La Soujeole a expliqué d’où vient le titre de Mère de l’Eglise donné à Marie, son sens et sa pertinence pour les catholiques. Il a souligné en ouverture que «Marie est fondamentalement mère», que «toute sa personne est constamment engagée dans une relation de maternité, une relation dans laquelle et par laquelle elle donne la vie à partir d’elle-même et hors d’elle-même».

Dans un premier temps, il a posé quelques jalons historiques, rappelant que la première maternité de Marie, définie par le concile d’Ephèse en 431, est d’être Mère de Dieu, sa vocation étant de mettre au monde «Dieu le Verbe s’incarnant en elle et par elle sous l’ombre de l’Esprit saint». Et que c’est autour de cette réalité que sont disposés les autres aspects du mystère marial: l’Immaculée Conception, «proclamée parce que les catholiques le croyaient et pas le contraire», la virginité et sa présence du début à la fin de l’œuvre de salut accomplie par son Fils, de Cana au pied de la croix et à la Pentecôte.

Au deuxième millénaire chrétien, a relevé le conférencier, on a développé des liens entre le mystère central et des mystères subordonnés. La théologie catholique a ainsi considéré que le Christ et l’Eglise, son corps dont nous sommes les membres, «forment comme une seule personne». Conséquence: «Si le Christ tête et l’Eglise corps forment comme une seule réalité spirituelle, alors la Mère de la tête – Marie – est aussi la Mère du corps, la Mère de l’Eglise».

Mots neufs, réalité ancienne

Un titre marial authentifié récemment, a précisé le Père de La Soujeole, par le concile Vatican II dans le chapitre 8 de la Constitution dogmatique «Lumen gentium» dont le titre est «La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Eglise». «Le concile, a souligné le conférencier, a explicitement fait le lien entre le mystère du Christ et celui de l’Eglise, plaçant Marie en relation profonde avec les deux: Mère de la tête, elle est aussi Mère du corps parce que tête et corps ne font pas deux mais un».

Lors de la promulgation de la Constitution, le 21 novembre 1964, le pape Paul VI a décrété que «Marie serait désormais honorée et priée aussi par le titre de Mère de l’Eglise». Les Pères conciliaires se sont alors levés pour acclamer la Vierge Marie sous ce titre. Un titre qui, s’il était neuf, exprimait, a poursuivi le Père dominicain, «l’acquis du second millénaire de la vie de foi du Peuple de Dieu». Puis la réforme liturgique a introduit des messes en l’honneur de Marie dont la messe de Marie, Mère de l’Eglise.

Un amour accompli

Dans un deuxième temps, le conférencier a commenté la collecte, la prière qui ouvre la messe de Marie, Mère de l’Eglise, et qui en donne le sens doctrinal : « Dieu de miséricorde, notre Père, ton Fils unique, en mourant sur la croix, a voulu que la Vierge Marie sa Mère soit aussi notre Mère. Nous te prions afin que, soutenue par son amour, ton Eglise ait joie de donner naissance à des enfants toujours plus nombreux, de les voir grandir en sainteté et d’attirer à elle toutes les familles des peuples. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur ».

L’adresse, « Dieu de miséricorde, notre Père », place d’emblée la célébration « dans l’histoire du salut qui est l’œuvre de l’amour miséricordieux de Dieu. C’est un amour qui pardonne, qui répare, qui relève » à partir, ici, du pied de la croix, où Jésus donne à Marie Jean comme fils et à Jean Marie comme mère. « C’est donc lors de l’accomplissement total et parfait de l’œuvre confiée au Christ qu’intervient au cœur de la Passion cette maternité de Marie sur tous les hommes appelés à être disciples du Christ », a précisé le Père de La Soujeole. Et la maternité de Marie « est la forme accomplie de son amour. C’est un amour qui donne et soutient la vie et qui fait de l’Eglise, qui reçoit cet amour, une mère à son tour » en nous donnant la vie divine, la vie de la grâce.

Mais comment cette vie nous parvient-elle et devient-elle nôtre ? Elle a sa source en Dieu et nous est donnée grâce à l’Incarnation. « L’humanité de Jésus, parce qu’elle est unie dans sa personne même au Verbe éternel, est elle-même remplie de toute la grâce, de l’Esprit saint en personne, et c’est dans cette humanité unique que tout le salut pour tous les hommes réside et c’est par elle qu’elle se communique à tous », a expliqué le conférencier.

Le tableau de Berna s’est rempli au fil des conférences et des saisons.

Un double rôle

Et Marie dans tout cela? Par sa proximité avec le Christ, elle occupe «une place intermédiaire entre le Christ et nous dans les deux sens: Marie intervient auprès de son Fils pour nous, c’est son intercession, et elle intervient auprès de nous pour nous montrer le Christ, c’est son exemplarité». Comme à Cana.

Marie est ainsi médiatrice «dans les deux sens: ascendant quand elle s’adresse au Christ pour nous; descendant quand elle s’adresse à nous de la part du Christ. C’est l’ensemble de cette activité mariale qui constitue sa maternité, car tout ce que Marie fait est en relation avec la vie de la grâce à communiquer, à être effectivement reçue, au besoin réparée et toujours nourrie». Si cette maternité, a relevé le Père de La Soujeole, concerne chacun de nous, elle a une dimension ecclésiale: Marie est Mère de chaque fidèle et de la communauté formée par les fidèles et les pasteurs. Comme une mère l’est de chaque enfant et de la famille. Son double rôle d’intercession et d’exemple «concourt à ce que la grâce du Christ porte en nous, de façon inséparablement individuelle et communautaire, tous ses fruits».

Mère de l’Eglise, Marie l’est par deux actes majeurs: l’intercession et l’exemple. Par le premier, elle se fait notre avocate, intervenant auprès d’une autorité, Jésus, «en faveur de quelqu’un qui dépend de cette autorité et qui en attend un bienfait». Ainsi, «Marie intercède de façon générale en demandant au Seigneur sa grâce pour nous, et plus particulièrement – car comme Mère elle connaît bien ses enfants – les grâces particulières qui nous sont nécessaires (grâce de fidélité, grâce de repentir, grâce de force,…) ». Une intercession « parfaite » de sorte que, «lorsque nous prions Marie en sollicitant son intercession, nous sommes d’emblée placés dans la bonne direction!», a précisé le conférencier.

«Le deuxième acte par lequel Marie exerce sa maternité est son exemplarité»: elle nous apprend, par son exemple, à vivre de la grâce filiale reçue au baptême. Comment? Par quatre attitudes: l’écoute, la prière, le don de la vie et l’offrande.

De l’écoute à l’offrande

La Vierge est d’abord celle qui écoute : « Elle a reçu la Parole de Dieu avec foi et l’a gardée dans une méditation constante lui permettant d’aller toujours plus profondément dans l’intelligence des desseins de Dieu pour y participer de toujours plus près », a souligné le Père de La Soujeole. En cela, elle est l’exemple de l’Eglise « qui reçoit, garde, scrute et accomplit la Parole de Dieu ». Et chaque chrétien « est invité à recevoir – écouter au sens biblique – la Parole de Dieu pour en vivre ».

Puis la Vierge est celle qui prie: elle demande quelque chose à Dieu. Que demander à Dieu? «Ce qu’il veut nous donner à condition qu’on le lui demande.» Mais quoi? Les demandes contenues dans le Notre Père, qui «embrassent tous les aspects de notre vie». Marie a prié le Notre Père, l’Eglise le prie «pour y scruter l’action de Dieu, à laquelle il nous associe».

La Vierge donne la vie: elle a mis au monde le Verbe de Dieu et, par son intercession, «elle ne cesse de l’accomplir en nous» et pour l’Eglise. «Elle nous montre que la vocation chrétienne s’accomplit dans le don de la vie: la vie du corps, la vie de l’esprit, la vie de la grâce.»

Enfin, Marie est la Vierge de l’offrande. S’offrir, a expliqué le conférencier, «est le terme, l’accomplissement, le but unique de toute vie humaine: disposer de soi, par amour, pour se donner à Dieu». Le Christ et Marie se sont ainsi offerts à Dieu. Et l’Eglise, depuis deux mille ans, entraîne ses enfants sur ce chemin, en particulier lors de la messe.

En conclusion le Père de La Soujeole a constaté que «quand nous célébrons Marie avec le titre de Mère de l’Eglise, nous sommes invités à ressaisir le mystère ecclésial dans toute son ampleur (tous les états de vie), dans l’identité radicale de tous qui réside dans le baptême, dans les relations vitales par lesquelles nous recevons la vie de la grâce et la transmettons à notre tour». Ainsi, «Marie est d’une importance considérable pour rencontrer le Christ, comprendre sa Parole, recevoir sa grâce, vivre le chemin d’accomplissement ainsi offert».

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