Anne est née à Martigny en 1979 et est titulaire d’un Master en anthropologie et sociologie. Dès sa première année de vie, elle a dû être placée dans une famille d’accueil.
Propos recueillis par Pascal Tornay
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Anne, comment vous êtes-vous construite entre deux univers familiaux ?
De ma famille de sang, j’ai reçu les cadeaux de l’érudition, de la foi et de l’humour, mais aussi les stigmates du secret, de l’alcoolisme et des troubles psychiques. Ma famille d’accueil m’a offert l’ouverture sur le monde et de multiples preuves qu’à cœur vaillant rien d’impossible, mais aussi une exigence de conformité difficile à vivre. J’ai grandi entre deux mondes opposés en tous points, avec une incertitude quant à mon sort. Cela a généré solitude, honte, incompréhension et une tendance au repli et à la rébellion.
Quels défis avez-vous dû relever dans ce contexte ?
La croyance de ne pas être digne, légitime ou acceptée s’est traduite par une recherche quasi désespérée de reconnaissance et d’amour et un mélange assez déroutant de force et de fragilité. De la force pour tracer un parcours académique et professionnel brillant afin de prouver ma valeur et de la fragilité face à la malveillance du monde. J’ai connu une succession de relations abusives au sein de la famille, du travail et du mariage.
Quel rôle la maternité a-t-elle joué dans votre parcours ?
Devenir mère m’a permis de vivre l’expérience de l’amour inconditionnel. Grâce à mon fils, j’ai renoué avec ma mère biologique et ma fille est née de manière inopinée dans les mains de ma mère d’accueil. Mes enfants sont comme le kintsugi japonais *, ils m’ont aidée à recoller les morceaux de mon histoire avec des jointures d’or.
Comment la foi s’est-elle manifestée sur votre chemin ?
J’ai toujours été attirée par le beau, le grand, l’invisible et le sens caché des choses. J’ai eu la chance de sentir la présence divine dans les moments charnières de ma vie. Dans un musée à Tokyo, je me suis retrouvée seule spectatrice devant deux violoncellistes qui jouaient Bach, Albinoni et Pachelbel sous les rayons d’un soleil éblouissant. J’ai vécu une expérience très profonde dans la Laure des Grottes de Kiev ** à la vue des moines aux corps incorruptibles. Dans la Basilique Sainte Marie-Madeleine de Vézelay s’est révélé mon destin de mère. Je me suis mariée dans la chapelle du séminaire de l’IVE *** à San Rafael (Argentine) et cet été, après m’être séparée et avoir fait l’expérience du démon, j’ai participé à des vacances en famille au séminaire de l’IVE à Viterbo, Italie où j’ai été touchée par le témoignage d’Amparo Medina que la Vierge a accompagnée pendant huit mois et qui a tellement fait écho à ma vie, par sainte Rita et l’odeur de roses émanant de son corps depuis plus de cinq siècles et par le monastère San Paolo où est apparu saint Joseph en 1871. J’ai compris, durant la messe dédiée à saint Joseph, l’amour supérieur des parents adoptifs et j’en profite pour rendre hommage à Raphy et Madeleine Martinetti pour leur amour et leur soutien infaillibles depuis janvier 1981. J’ai compris que la guérison vient de l’acceptation de tout ce qui est et du choix conscient du Bien le plus élevé.
* Le kintsugi est une méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or. Philosophiquement, c’est reconnaître la brisure et la réparation comme faisant partie de l’histoire de l’objet, plutôt que la dissimuler.
** Important monastère ukrainien orthodoxe situé sans la ville de Kiev.
*** IVE = Instituto del Verbo Encarnado.