Jeûner?

Jeûner?
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Aigle (VD), mars-avril 2020

Par Vincent Lafargue | Photo: DR

Le jeûne est un pilier de notre foi chrétienne, tout comme pour les Juifs et les Musulmans, ainsi que pour la plupart des grandes religions du monde. Il est recommandé notamment comme une action déterminante au temps du Carême. Mais est-il toujours bien compris ?

Le chocolat ? Mauvaise pioche !
J’entends souvent, au moment du Carême, des gens se priver du petit carré de chocolat quotidien « parce que c’est bon ». Se priver de ce qui est bon n’a rien à voir avec un jeûne. Cela vient de la mauvaise compréhension du péché capital lié à la nourriture et qu’on a catastrophiquement traduit en français par « gourmandise », alors que dans toutes les autres langues, il s’agit de la « gloutonnerie ». Ce qui est mal, c’est d’abuser, à l’excès, de ce qui est bon. Et non pas d’aimer ce qui est bon ! Sinon, comme Dieu est bon, cela reviendrait à dire qu’il ne faut pas aimer Dieu !

Si vous vous privez de chocolat parce c’est bon, vous n’avez – pardonnez-moi – strictement rien compris à la démarche du jeûne.

Un moins pour un plus
Jeûner, c’est d’abord se priver de quelque chose qui nous éloigne de Dieu. Et s’en priver pour se rapprocher davantage de Dieu à travers une action qui remplace cette privation. Un moins pour un plus, en quelque sorte.

Si tel ou tel repas nous éloigne de Dieu parce qu’il est pour nous l’occasion d’excès de table, il est bon de jeûner parfois d’un repas. Mais faisons quelque chose de ce temps ou de l’argent que nous aurions mis dans ce repas. C’est le sens de nos pochettes de Carême qui recueillent l’argent que nous aurions mis dans autre chose. Si nous jeûnons toute une semaine pour l’exploit ou pour maigrir, nous risquons bien de passer à côté de la démarche spirituelle (et de reprendre aussi vite les kilos perdus, d’ailleurs).

Rappelons que le droit canon précise que seuls sont tenus au jeûne alimentaire les personnes majeures et seulement jusqu’à soixante ans (canon 1252). Le Catéchisme de l’Eglise Catholique précise, lui, au numéro 2043, que ce commandement de l’Eglise qu’est le jeûne « nous prépare aux fêtes liturgiques et nous dispose à acquérir la maîtrise sur nos instincts et la liberté du cœur ». Mais le jeûne ne concerne pas forcément la nourriture !

Jeûner d’autre chose que de nourriture
Un célèbre poème propose, si nous voulons jeûner, de commencer par jeûner de paroles blessantes, de critiques, de mécontentements divers, de ressentiment contre notre prochain, de rancune, d’égoïsme, de pessimisme, de préoccupations et d’inquiétudes inutiles, d’occupations superficielles, de paroles futiles ou calomnieuses, et même de jugements dans notre cœur.

Ce jeûne-là vous fera passer un sain Carême et sera profitable aux autres. Bien plus que de vous priver de ce petit carré de chocolat qui fait toute la saveur d’une journée.

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