L’hospice du Simplon

L’hospice du Simplon

Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), septembre-octobre 2021

À l’initiative de Formules Jeunes, un groupe de jeunes du canton de Fribourg et du Valais a participé du 26 au 30 juillet derniers à une semaine théologique à l’hospice du Simplon. C’est l’occasion pour l’Essentiel de s’exporter hors du cadre purement fribourgeois pour s’intéresser à l’histoire d’un site important pour l’histoire religieuse du Valais.

TEXTE ET PHOTOS PAR SÉBASTIEN DEMICHEL

L’hospice du Simplon se situe au sommet du col du même nom à 2005 mètres d’altitude, reliant Brigue à Domodossola. Utilisé depuis la préhistoire, le Simplon devient l’un des principaux axes de transit européen au Moyen Âge. Un premier hospice est mentionné dès 1235, dont les origines sont toutefois inconnues. Il est tenu par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem et accueille marchands, pèlerins, indigents et malades. Au XVIIe siècle, alors que l’hospice des chevaliers de Saint-Jean a disparu, Gaspard Stockalper relance l’économie locale et fait édifier un nouvel hospice en 1666 portant le nom d’Alper Spittel. Mais c’est sous Napoléon Bonaparte que le Simplon obtient le rôle stratégique le plus important. En 1800, Bonaparte ordonne la construction de la première route carrossable à travers les Alpes, devant servir de voie militaire la plus directe entre la France et l’Italie. Cette fondation est censée permettre à Napoléon d’asseoir sa domination sur l’Italie du Nord au détriment des Autrichiens. Le Simplon devient ainsi le chemin le plus rapide entre Paris et Milan.

Les chanoines du Grand-Saint-Bernard
L’hospice qui nous accueille pour notre semaine théologique (le troisième en tout) a été édifié dans le cadre des travaux napoléoniens. Le 28 février 1801, l’empereur ordonne sa construction et prévoit d’y installer 15 religieux, en l’occurrence des chanoines du Grand-Saint-Bernard qui lui ont déjà offert leur hospitalité en mai 1800. Ces derniers ne sont toutefois pas consultés et Napoléon leur impose la fondation du nouvel hospice. La construction est longue (1801-1831) : durant cette période les chanoines tiennent un hospice provisoire dans l’ancien hospice Stockalper. Après de nombreuses tergiversations liées aux coûts de l’entreprise, la première pierre de l’hospice n’est posée qu’en 1813, peu avant la débâcle de l’empereur qui interrompt les travaux et entraîne un long temps mort jusqu’en 1826. L’hospice a alors mauvaise presse, considéré comme le symbole de l’assujettissement du Valais à la France. Finalement, en 1826, les chanoines s’engagent à l’achever et son inauguration a lieu en 1831. Deux ans plus tard, l’hospice est approuvé par le Saint-Siège qui lui accorde un statut similaire à celui du Grand-Saint-Bernard.

Au tournant du XXe siècle, le tunnel du Simplon reliant Brigue à Iselle commence à être construit. Le premier train traverse le tunnel en 1906, rendant plus fonctionnelle la ligne Paris-Milan. Il n’y a dès lors plus besoin de franchir les cols alpins pour traverser l’Europe et l’hospice du Simplon voit le nombre de passants drastiquement chuter. Le projet se forme donc d’établir au Simplon une colonie de vacances pour jeunes, projet qui se réalise en 1933 et court jusqu’en 2001.

Dans l’histoire de l’hospice, le rapport à la montagne joue un rôle central. La figure du chanoine Gratien Volluz, guide de montagne nommé Prieur du Simplon en 1959, en est une bonne illustration. Ce dernier voit dans les beautés de la montagne et ses valeurs telles que le dépassement de soi, le silence et la prière, un chemin d’humanisation. Il écrit d’ailleurs une très belle prière du pèlerin de la montagne dont voici un extrait :

« Créé par amour, pour aimer, fais, Seigneur, que je marche, que je monte, par les sommets vers Toi, avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l’audace et l’adoration. » L’hospice, devenu un lieu de retraite et d’évasion face à un quotidien de plus en plus stressant, est totalement redynamisé. Depuis 1996, il est également équipé pour recevoir des familles avec des enfants en bas âge.

Un seul cœur en Dieu
L’hospice est doté d’une église consacrée en 1832 par l’évêque de Sion, meublée de stalles empire et d’un orgue et décorée des peintures murales des peintres français Nélaton et Carlin. Rénovée en 1973, l’église accueille depuis 1995 le grand Christ et quatre icônes des protecteurs du Grand-Saint-Bernard réalisées par Klaus Kegelmann. À gauche de la croix triomphante de style italo-byzantin sont représentés sainte Monique et son fils saint Augustin. Celui-ci tient une plume et un rouleau sur lequel est écrit « Cor unum in Deum » (un seul cœur en Dieu), premiers mots de la règle qu’il a donnée aux clercs de son diocèse d’Hippone vers 400 et que les chanoines du Grand-Saint-Bernard suivent aujourd’hui encore. À la droite du Christ en croix, on reconnaît à son habit de diacre et au dragon gisant à ses pieds (symbole des dangers de la montagne et des bandits) le fondateur de la Congrégation des chanoines, saint Bernard de Montjoux
(XIe siècle), ainsi que saint Nicolas de Myre, saint très populaire au Moyen Âge et que Bernard de Montjoux a choisi comme protecteur.

Actuellement, l’hospice est un bâtiment en pierre de 3 étages, bâti sur le modèle de l’hospice du Grand-Saint-Bernard. Il peut héberger jusqu’à 130 personnes et est ouvert toute l’année. Les chanoines en assurent toujours la gérance. Le Prieur actuel, François Lamon, nous a donné un enseignement sur l’accueil, vocation fondamentale de l’hospice. Accueillir, c’est prendre du temps pour l’autre, être à son écoute et chercher à comprendre son vécu, ses joies, ses peines. L’hospice accueille toutes sortes de gens : confirmands, collégiens, familles, skieurs, randonneurs, etc. Que les Romands ne soient pas dépaysés, les chanoines sont francophones bien que la région soit germanophone.

Pour aller plus loin, voir la belle chronique des chanoines : https://gsbernard.ch/simplon/apercu-historique/

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