La solitude de nos prêtres

Par vœu, par choix ou par nécessité, la solitude se vit comme une compagne agréable ou comme une souffrance au quotidien. Que ce soit le jeune en recherche de partenaire pour la vie ou la personne âgée ayant perdu son conjoint, nombreux sont ceux qui expérimentent le silence et l’absence à la place d’une relation suivie et complémentaire. Au moment où ce thème est abordé dans la rubrique «éclairage» de notre magazine, il nous a semblé important de donner la parole aux prêtres qui desservent notre secteur pour qu’ils partagent avec nous quelques réflexions sur leur «solitude».

Par l’Abbé Gildas tchibozo

Dire que le prêtre est seul, cela me dérange un peu ; et pourtant, c’est quelquefois la réalité.

Au sens théologique du terme, il est bien vrai que le prêtre n’est jamais seul. Avant de s’en aller vers son Père,
Jésus faisait cette promesse aux disciples: «… Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.» (Mt 28, 20)

Par ailleurs, l’Apôtre Paul affirme dans sa Lettre aux Galates (5, 20): «Si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.» Donc, en réalité, le prêtre ne devrait jamais se sentir seul ou solitaire. Il est sans doute isolé, du fait qu’il incarne une réalité, que je qualifierais de «mystique», qui gêne les gens de notre époque.

Me sentir seul et isolé, oui, cela m’est pourtant arrivé plusieurs fois ! Je donne juste deux témoignages.

Le premier, c’est quand on m’affecte pour aller d’une paroisse à une autre. Là, je me rends compte que je suis seul, et que je dois y aller seul !

Le deuxième témoignage, c’est surtout après les grandes célébrations paroissiales. L’église est remplie de fidèles (à la sortie de la messe, les paroissiens attendent volontiers pour des échanges, ou même pour l’apéro). Mais, quelques minutes après, la paroisse est vide et je me rends compte que je dois retourner seul à la cure, dans ma chambre. Malgré la présence des confrères prêtres, je me sens seul ; et c’est sans doute aussi leur ressenti. Chacun se sent seul face à lui-même. Néanmoins, en reprenant mes esprits, je culpabilise de me laisser gagner par un tel sentiment, alors que j’ai pleinement conscience que le Christ est en moi et il est avec moi de façon permanente, que j’appartiens à un corps sacerdotal, à une famille biologique, et aussi ecclésiale qui m’entourent. Pourtant, je suis seul ! Alors, j’ai compris il y a fort longtemps que la solitude du prêtre ne se trouve pas dans le fait de son état de vie, comme célibataire, mais plutôt dans son état d’être, en tant que configuré au Christ, seul à Gethsémani, seul sur la croix. Depuis lors, je vis ma solitude avec beaucoup de joie, surtout grâce à la bienveillance des paroissiens qui comprennent mes limites humaines.

Par Joseph Voutaz

Pour moi il y a une bonne et une mauvaise solitude.

La mauvaise solitude correspond à l’isolement et à la fatigue. Elle est un cercle vicieux qui me plonge dans l’activisme. Même si je croise du monde, le cœur reste vide. Le remède consiste à prendre du temps en face de Dieu pour lui confier ma vie et mon cœur.

La bonne solitude correspond au ressourcement. Dans mon ministère, je croise
tant et tant de visages que j’ai parfois besoin de prendre du recul. Etre seul, prendre du recul, prier, ça fait du bien : Jésus prenait lui même des temps prolongés de prière.

J’ajoute que la vie communautaire (pas toujours facile cependant !) est un cadeau inestimable qui fait que je ne me sens jamais vraiment seul !

Par René-Meinrad Kaelin

En complément des articles de Joseph et de Gildas, qui parlent davantage de leur vécu, je vous donne un regard vertical, spirituel sur la solitude du prêtre.

Par rapport à tant et tant de personnes qui vivent dans une profonde
solitude et qui en souffrent tant et plus, je pense que la solitude du prêtre est très différente.

D’abord, elle est CHOISIE :
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. »
Cette solitude n’est pas stérile… elle nous permet de porter du fruit et d’être écouté-exaucé par le Père.

Cette solitude est HABITéE. Le prêtre, fidèle à son engagement, peut dire comme Jésus :
« Je ne suis jamais seul ; le Père est toujours avec Moi. » (Jn 8, 16)

Et il y a la promesse merveilleuse du Christ à Pierre :
« Pierre se mit à lui dire ; Voici, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi, quelle sera donc notre part ? » Jésus leur dit : « Je vous le dis en vérité, il n’est personne qui, ayant quitté, à cause de moi et à cause de la bonne nouvelle, sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou sa mère, ou son père, ou ses enfants, ou ses terres, ne reçoive au centuple, présentement dans ce siècle-ci, des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des terres, avec des persécutions et, dans le siècle à venir, la vie éternelle. » (Mt 17, 27-29)

La promesse : recevoir au centuple, présentement dans ce siècle-ci, des frères, des sœurs, des mères… des enfants…

Je pense ici, à la communauté qui nous entoure et qui nous porte : la communauté bernardine de ma famille religieuse… la communauté de la famille paroissiale… Il y a aussi toutes les personnes avec lesquelles nous nouons un profond contact par le biais du ministère sacerdotal.

NON NON, je ne suis jamais seul avec le Seigneur, mon Bon Pasteur… !

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