Evangélistes et auteurs du Nouveau Testament

Les auteurs du Nouveau Testament représentés par Rubens.

Situer les auteurs des écrits du Nouveau Testament permet d’entrer plus profondément dans leur intelligence.

Par François-Xavier Amherdt
Photos : DR, cath.ch/R. Zbinden

Un Evangile à quatre voix

C’est une chance de disposer de quatre témoignages sur Jésus-Christ, comme les quatre voix composant la polyphonie d’un chœur. Chacun d’eux est inscrit dans un milieu d’origine différent et s’adresse à une communauté autre. Commençons par le plus ancien.

L’évangile de Marc : la foi persécutée (écrit vers 65-70 ap. J.-C.)

D’après les traditions rapportées par des écrivains des 2e et 3e siècles, Marc aurait rédigé son évangile à Rome pour des chrétiens d’origine païenne menacés par la persécution de l’empire. Les fidèles ne connaissaient pas certaines coutumes juives, c’est pour cela que le texte marcien les leur explique longuement (comme les ablutions avant les repas, Mc 7, 3-4).

Ces anciens païens étaient considérés comme éloignés de Dieu. Mais le 2e évangile insiste au contraire sur l’étonnante proximité que le Seigneur leur manifeste, lui qui en Jésus vient au-devant de ceux qui étaient rejetés par la pensée juive. Ce n’est donc pas du tout surprenant si le premier à affirmer la foi dans le Fils de Dieu au pied de la croix est un centurion romain (Mc 15, 39).

Les membres de la communauté de Marc sont confrontés à des moments difficiles. Ce compagnon de Paul, appelé aussi Jean-Marc, est devenu confident de l’apôtre Pierre à Rome. Il leur présente de ce fait une foi qui conduit à prendre des risques.

Le Jésus de Matthieu : le nouveau Moïse (écrit vers 75-85 ap. J.-C.)

Si l’évangile de Matthieu est placé en premier dans l’ordre des synoptiques (à regarder en parallèle), c’est qu’il est le plus « vétérotestamentaire » des quatre. Il a été écrit vraisemblablement pour des baptisés d’origine juive, habitant en Syro-Phénicie (l’actuel Liban).

Il est traditionnellement attribué à l’apôtre qui porte son nom, l’un des douze, primitivement un collecteur d’impôts. Dans le document matthéen, Jésus est figuré comme le nouveau Moïse qui, sur le mont du nouveau Sinaï, livre la nouvelle Loi : « Vous aviez appris dans la première Alliance… Eh bien moi, je vous dis dans l’Alliance nouvelle… » (Mt 5, 21-48) 

Le Christ est venu accomplir et non abolir la Torah (5, 17-19). Il propose les cinq discours du nouveau Pentateuque (les cinq rouleaux de la Loi) : le sermon sur la montagne (5-7) ; celui de la mission (10) ; des paraboles (13) ; de la communauté (18) ; et de la fin des temps (24-25). Pour un juif devenu chrétien, c’est porter sa propre tradition à son aboutissement à travers la Passion et la Résurrection du Christ. En même temps, Matthieu souligne l’affrontement violent du Rabbi de Nazareth avec les autorités de son pays : la tension demeurait vive, à la fin du premier siècle, entre les disciples de Jésus et ceux du judaïsme.

L’œuvre double de Luc (évangile écrit vers 75-85 ap. J.-C.)

L’auteur du 3e évangile était médecin d’origine païenne. Il fut le compagnon de Paul dans ses voyages. Il en décrit abondamment les péripéties sur tout le pourtour de la Méditerranée, comme un Evangile prolongé, par cercles concentriques (les Actes des apôtres, dédiés à tout amoureux de Dieu ou « Théophile »).

La communauté où son message a pris naissance était formée principalement d’anciens païens, de culture grecque, vivant hors de Syrie-Palestine. Certains étaient miséreux et méprisés. C’est pourquoi le texte lucanien traite régulièrement de la béatitude des pauvres et de la miséricorde du Seigneur à laquelle s’ouvrir par la prière fervente. Il insiste aussi fortement sur l’universalisme de la Bonne Nouvelle : elle est offerte à tous les êtres humains, sans
distinction ni exclusion.

Le langage symbolique johannique (évangile écrit vers 90-100 ap. J.-C.)

Quant au dernier évangile canonique, il est dit venir du témoignage du « disciple que Jésus aimait » rencontré à plusieurs reprises dans le texte. Dès le deuxième siècle, des traditions affirmaient que c’était l’apôtre Jean, souvent associé à Pierre.

Pour ce qui est de Jean de Patmos, l’auteur de l’ultime livre de la Bible, ce n’est sans doute pas le même personnage que le quatrième évangéliste, mais il s’inscrit dans la tradition théologique de la communauté johannique. Situé généralement à Ephèse, le milieu du 4e évangile est traversé par plusieurs influences et conflits extérieurs et intérieurs, comme du reste l’Apocalypse. 

• L’influence de la philosophie grecque est indéniable. Jean ouvre son texte par un prologue sur le Logos, décrivant Jésus comme le Verbe du Père (1, 1-18).

• L’ombre de la « gnose » (ou salut par le savoir) plane sur l’évangile johannique. La véritable connaissance qui sauve, c’est l’amour de Dieu à accueillir et à traduire envers nos frères. 

• La foi juive demeure très présente à travers les grands thèmes comme l’exode, l’agneau pascal, la manne ou l’eau vive. Le 4e évangile, par le biais de déclarations en « Je suis » de Jésus, actualise des titres jusqu’ici réservés à Dieu : lumière, berger, vie, résurrection, vérité et chemin (Jn 8 ; 10 ; 11 ; 14). 

• En outre, coexistent les communautés se réclamant de Jean le Baptiseur et celles de Jésus. Si celui-ci fut disciple de Jean Baptiste, la trame johannique affirme bel et bien que c’est Jésus le plus grand (Jean 1, 29-39).

• Enfin, des querelles divisent l’Eglise primitive, ce qui amène le texte à souligner fortement l’importance de l’amour fraternel (le lavement des pieds, Jn 13, 1-20). Le style de Jean est tissé de symboles, ce que reprend abondamment l’Apocalypse à travers une série de « septénaires » (7 Eglises d’Asie, 7 sceaux, 7 trompettes, 7 fléaux, etc.), qui montrent l’accomplissement de la Révélation.

La rédaction du milieu du quatrième évangile est située généralement dans la ville d’Ephèse en Asie Mineure.
Les épîtres de Pierre sont rattachées au premier des apôtres.

Les lettres de Jean, Jacques et Pierre

Les trois épîtres de Jean, postérieures, se situent dans la même ambiance colorée par l’amour en actes et en vérité. Cette attention mutuelle permet de rejeter l’Antéchrist et de reconnaître le Fils de Dieu fait chair (1 Jn 3, 18).

La lettre de Jacques (le frère du Seigneur) nous invite à traduire notre foi par des œuvres.

Les deux épîtres de Pierre sont rattachées au premier des apôtres, dont le tombeau se situe à Rome (mort en 66). Elles s’adressent à des Eglises dans la « ville éternelle ». Elles exhortent les chrétiens persécutés à garder l’espérance comme des pierres vivantes.

Les lettres de Paul

Sans entrer dans les innombrables hypothèses à propos des écrits du 13e apôtre, on reconnaît habituellement comme étant de sa plume les lettres aux Thessaloniciens (l’espérance ultime), celles aux Corinthiens (la consolation dans l’amour), aux Galates (le salut par la foi), aux Romains (la vie dans l’Esprit) et aux Philippiens (la joie du salut), aux Colossiens (le Christ cosmique), aux Ephésiens (l’unité dans la paix) et le billet à Philémon (l’esclave disciple).

Concernant les épîtres pastorales (1-2 Timothée et Tite), elles ne sont vraisemblablement pas de Paul, mais elles décrivent l’organisation des communautés primitives. Enfin, celle aux Hébreux est plutôt une homélie invitant à marcher dans la foi vers la terre promise.

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