En quête de sens ?

L’Essentiel propose aux Evêques des diocèses de Sion et de Lausanne-Genève-Fribourg, à l’Abbé territorial de Saint-Maurice et à leurs représentants de s’exprimer sur le sujet de leur choix.

Michel Racloz, représentant de l’évêque pour la région diocésaine Vaud | Photos : cath.ch, Pixino

Peut-être êtes-vous parmi le grand nombre de personnes en recherche de ce qui peut donner du goût à l’existence et, si possible, une joie profonde. Ou avez-vous des proches, des collègues dans cette situation…

La vie actuelle nous propose à la fois de multiples opportunités, mais également « des pièges ». A mes yeux, un des premiers et des plus redoutables de ceux-ci est la confusion entre ce qui est de l’ordre des besoins et ce qui relève du désir, compris comme élan de vie. Les besoins fondamentaux sont assez vite identifiables : être en bonne santé, avoir un toit, se nourrir, se sentir en sécurité. Malheureusement, un pourcentage important de la population ne peut déjà pas les satisfaire. Etre attentif à autrui et se faire proche de celui qui souffre peut être un chemin d’humanisation mutuelle.

La manière de répondre à ces besoins peut être très variée et relève de sa propre culture. Les multiples messages qui nous parviennent par tous les canaux cherchent à nous influencer et à nous attirer vers certains produits. Nous sommes très, trop sollicités et tout va en s’accélérant. De plus, il y a une tendance à faire croire que des objets et des styles de consommation seront des réponses adéquates aux désirs profonds comme l’amour, l’amitié, la reconnaissance, la réalisation de soi…

Aussi je suggère de prendre du recul, d’être au calme, de ralentir pour s’offrir les conditions d’être à l’écoute de ses aspirations profondes et de ses valeurs essentielles. Le silence, la méditation, le dialogue et la prière sont des atouts essentiels pour « désensabler » notre source intérieure et pour rencontrer Celui qui désire nouer une alliance avec nous. Il nous accompagne dans notre recherche de nos dons propres que nous pouvons partager. Tout en étant attentif aux besoins de base, Jésus nous ouvre un horizon de vie pour combler nos désirs profonds. Nous laisserons-nous bousculer et inspirer par l’Esprit Saint pour vivre chacune et chacun notre vocation spécifique ?

Kairos – le temps favorable

Par Boleslaw Bieniek, curé des paroisses d’Anniviers | Photo : LDD

Aujourd’hui l’Eglise catholique surtout en Europe est confrontée à une grave crise du clergé et à une encore plus grave crise du christianisme. Des études sociologiques nous montrent que de nombreuses raisons ont abouti à ces deux crises. Je suis convaincu que le plus gros problème est l’identité fondamentale de la vocation sacerdotale et par conséquence son rôle dans la société moderne marquée par Chronos et même à l’intérieur de l’Eglise. Le même problème touche nos baptisés, qui sont sacramentalisés mais pas du tout évangélisés. La conséquence est la naissance au centre de l’Eglise d’un groupe appelé par les sociologues NONS. Ce sont des personnes indifférentes, découragées par la religion et en manque de confiance envers l’Eglise institutionnelle. Pour le bien de l’Eglise, je pense qu’il faut réorienter notre modèle pastoral de la paroisse territoriale vers la paroisse personnelle, comme un centre pour la vie spirituelle et sacramentelle où on prie, on cherche et on trouve le sens de la vie. Pour cela, il faudrait adapter la formation des futurs prêtres pour qu’ils deviennent des compagnons de route (à l’image du Christ sur le chemin d’Emmaüs), des conseillers spirituels, des ministres de l’eucharistie, des bergers et des confesseurs. 

Les laïcs pourraient réveiller l’Eglise traditionnelle de sa sieste en se voyant confier un plus grand espace dans la pastorale et ainsi devenir le pont solide entre la société moderne et une Eglise vue comme une communauté dans laquelle on peut trouver le ressourcement spirituel et la vie sacramentelle. Pour moi, l’image de l’Eglise comme une maison où tout le monde se sent très en sécurité et où on trouve les réponses aux questions existentielles, morales, théologiques et philosophiques est à mettre en pratique.

La crise actuelle est une sorte de carrefour avec la possibilité d’une grande ouverture qui aboutira sûrement dans la douleur à une nouvelle forme de christianisme mature. Le Christianisme secoué, réveillé, touché par cette mauvaise passe pourra agir comme un médecin blessé, qui guérira le monde dont il fait partie et c’est une chance réelle pour l’avenir avec la forte conviction que : l’amour et la réconciliation sont les seules forces qui unissent sans détruire. La réforme de l’Eglise devrait être basée surtout sur la théologie spirituelle et avoir ses racines dans l’Evangile, où on trouve une proposition de vie en harmonie avec soi-même, avec la nature et avec Dieu. 

Cette crise c’est aussi un Kairos, ce qui signifie la Chance, pour la société moderne marquée par Chronos (le matérialisme) qui cherche un solide point de repère afin de construire un bon avenir. Kairos, c’est aussi la chance pour l’Eglise de semer de bons grains pour transformer la société de consommation en société « Fratelli Tutti » (tous frères). Kairos, c’est enfin la chance pour ceux qui sont appelés à devenir prêtres de soigner dans l’« Hôpital de campagne » tous les blessés quelles que soient leurs blessures en étant des Bons Bergers de l’Evangile. 

Jeux, jeunes et humour – mai 2023

Par Marie-Claude Follonier

Question jeune

Que fête-t-on le 31 mai ?
L’Eglise commémore la Visitation, autrement dit la visite de Marie, enceinte de Jésus, à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean-Baptiste. Les deux femmes et les deux enfants qu’elles portent « tressaillent de joie ». On retrouve déjà là les trois dimensions constitutives de la Bonne Nouvelle annoncée 30 ans plus tard par Jésus : une charité attentive aux besoins des autres, la joie d’un cœur ouvert au projet de Dieu et la reconnaissance de la mission du Christ.

par Pascal Ortelli

Humour

Il est deux heures du matin. La police, qui effectue sa ronde nocturne, aperçoit sur la voie publique un homme titubant. Arrivés à sa hauteur, les policiers lui demandent ce qu’il fait là à cette heure tardive :

– Je vais assister à une conférence sur les méfaits de l’alcoolisme.

– Une conférence ? A deux heures du matin. Qui peut organiser une conférence à une heure pareille ?

– C’est ma femme !

par Calixte Dubosson

Faut-il comprendre la baisse des vocations ?

Par l’abbé Willy Kenda | Photo : Marie-Paule Dénéréaz

Il y a plusieurs vocations : il faut d’abord considérer celle de l’Église (Mt 16, 18) – dont l’étymologie même signifie « appelée » –, puis celle de tout baptisé (1 Co 1, 2 ; Ep 4, 1.4), avant d’envisager sous ce vocable un engagement personnel dans un état de vie particulier (1 Co 12, 4-13).

De ce point de vue, prier pour les vocations, c’est d’abord et avant tout faire confiance à celui qui a dit : « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » (Luc 12, 32)

C’est le courage de prier l’Esprit Saint qui sait agir efficacement avec la faiblesse des faibles et la petitesse des petits, afin qu’il renouvelle son Église, sa famille des petits et des humbles ; c’est en même temps le courage de ceux qui acceptent de se laisser bousculer par le Seigneur dont l’Esprit souffle où et quand il veut, le courage de ceux qui refusent de s’enfermer dans un modèle unique d’être Église !

La baisse des vocations est donc très compréhensible, à condition de ne pas restreindre ce mot « vocation » aux seules vocations des prêtres et des religieux, longtemps considérées comme les seules véritablement dignes de ce nom.

C’est certainement le mystère de renaissance de l’Église par son divin époux qui a dit : « C’est pourquoi, mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur. Et là, je lui rendrai ses vignobles, et je ferai du Val d’Akor (c’est-à-dire « de la Déroute ») la porte de l’Espérance. Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d’Égypte. » (Osée 2, 16-17)

Soldat de la paix

Il est des métiers qui sont bien plus que des métiers. Des emplois dont le niveau d’exigence et les contraintes sont tels qu’ils requièrent, chez ceux qui les choisissent, une bonne dose de foi… Nicolas Rey partage son expérience à la SWISSINT, l’Armée suisse engagée pour des missions de maintien de la paix.

Par Myriam Bettens | Photos : Jean-Claude Gadmer, DR

« L’ONU est une organisation assez peu versée dans la religion. »

Lorsqu’on parle de vocation, on pense plutôt à la prêtrise. Les métiers de l’armée ont-ils aussi une valeur vocationnelle ?
Pour ma part, cela a d’abord été un sens du devoir et une volonté de pouvoir expérimenter quelque chose de nouveau, mais je n’ai jamais ressenti cela comme une vocation. La question de faire de ma vie une succession de mission pour l’armée s’est posée, mais ce n’était pas une option. De plus, il faut rester humble, car même si à notre échelle nous essayons de rendre le monde un peu meilleur, sur le terrain il n’est pas toujours évident d’y discerner la présence divine. 

On entend souvent que militaire et chrétien sont deux termes (ou deux statuts) inconciliables. Qu’en pensez-vous ?
Le saint patron de l’infanterie est saint Maurice. Plusieurs autres saints sont associés aux métiers militaires, donc je ne crois pas que cela soit incompatible. Il y a toujours eu un lien entre la notion de combat et le christianisme, bien que l’idée même de violence n’entre jamais, à mon sens, en ligne de compte. Elle est en tout cas quelque chose qu’on se refuse.

De quelle manière la volonté de Dieu s’accomplit-elle quand on est militaire ?
C’est assez… dichotomique (rires). Si nous faisions sa volonté, il n’y aurait pas besoin de soldats de maintien de la paix. En même temps, on pourrait voir une sorte d’intention divine, de pouvoir participer à notre petite échelle à rendre le monde un peu meilleur.

Le drapeau suisse, sous lequel vous officiiez, est une référence claire à la croix christique. Est-ce que cela a de l’importance pour vous ?
Cela a soulevé quelques interrogations, surtout au Moyen-Orient. Je me suis demandé comment cela allait être reçu auprès de nos partenaires musulmans. J’avais l’inquiétude que ces interlocuteurs nous voient en « croisés », mais cela n’a jamais été le cas. D’une part, parce que nous œuvrions sous la bannière de l’ONU et d’autre part, car les Suisses ont une réputation d’ouverture et d’intérêt pour l’autre, tout en essayant d’éviter le « faux pas culturel ». Même si pour moi la foi reste quelque chose de très personnel, l’importance symbolique est autant de nature historique que religieuse.

Etait-il possible de vivre ou de partager votre foi dans l’exercice de vos fonctions ?
Par principe, nous n’abordions pas tellement les questions de foi. Les gens étaient très pudiques à ce sujet, quand bien même nous y étions continuellement confrontés dans les pays où nous étions missionnés. A dire vrai, l’ONU ne permet pas vraiment de vivre sa foi… c’est une organisation assez peu versée dans la religion pour des raisons évidentes.

Les zones de conflits sont des lieux éprouvants physiquement et moralement. En quoi votre foi était-elle une ressource ?
Les voies du seigneur peuvent parfois sembler difficilement explicables ou justifiables, mais elles m’ont amené à grandir. Lors des missions, il y avait des moments éprouvants et aussi de la solitude, mais sentir que Dieu m’était personnellement présent m’a permis de tenir un peu mieux.

L’armée cherche à augmenter de 40 % les effectifs de l’aumônerie. Pensez-vous que les jeunes recrues sont encore sensibles à la dimension spirituelle ?
La dimension spirituelle décrite comme telle, je pense que non. Par contre, l’utilité de l’aumônerie et du soutien spirituel est indéniable. Même si les recrues ne considèrent que rarement que ce soutien est de l’ordre du spirituel. J’ai payé mes galons de capitaine en pleine crise Covid, avec du service ininterrompu. En d’autres termes, personne ne pouvait quitter la caserne. Durant cette période, l’appui de l’aumônerie a été inestimable. Cette orientation spirituelle permet à l’aumônier un rapport beaucoup plus vrai avec les gens. Un psychologue va s’attacher à l’aspect clinique, alors que l’aumônier travaille avec la pâte humaine…

(Auto) bio express

A 31 ans et après un cursus de latiniste helléniste au Collège Saint-Michel de Fribourg, je me suis installé à Genève depuis une dizaine d’années, où j’ai fait mes études en relations internationales (Bachelor et Master). Au bénéfice d’une formation d’officier (capitaine), j’ai pu prendre part à des missions de promotion de la paix en Bosnie-Herzégovine (EUFOR) et au Moyen-Orient (UNTSO), avant de rentrer pour reprendre le commandement d’une compagnie d’infanterie. Je me tourne maintenant vers les métiers de la police.

Vitrail de Jules Schmid, église catholique de Charmey, Fribourg

La chapelle semble rayonner, peut-être pour symboliser l’influence que Nicolas a exercée.

Par Amandine Beffa | Photo : Jean-Claude Gadmer

Le verrier fribourgeois Jules Schmid a réalisé plusieurs vitraux pour l’église catholique de Charmey. Une première série date de 1938 et une deuxième de 1960, ce qui peut expliquer les différences de style. 

Le vitrail représentant saint Nicolas de Flüe comporte deux registres. Dans la partie basse, le saint est représenté revêtu d’une robe de pèlerin. Il tient un chapelet dans une main et un bâton dans l’autre. C’est ainsi qu’il se serait présenté devant sa famille au moment de faire ses adieux en 1467 pour devenir ermite.

La Suisse du XVe siècle est incertaine et en proie à de nombreux conflits. Pour Nicolas, Dieu est le Dieu de la paix. C’est cette conviction qui l’anime alors qu’il sert dans l’armée. On raconte qu’il combattait l’épée dans une main et le chapelet dans l’autre. 

Le saint est analphabète, ce qui n’empêche pas les puissances européennes de lui envoyer des émissaires pour bénéficier de ses conseils et de sa sagesse. L’épisode le plus marquant est représenté dans la partie haute du vitrail. Le 21 décembre 1481, après plusieurs années de discussion, la Diète de Stans s’apprête à prendre l’épée pour résoudre une querelle qui dure depuis quatre ans. Un conseiller se rend auprès de Nicolas qui lui remet un message de paix à destination des Confédérés. Le texte est consultable sur internet. Il se conclut ainsi : « Gardez-vous de divisions : elles vous détruiraient. Aimez-vous les uns les autres, Confédérés, et que le Dieu tout-puissant vous garde en sa bonté, comme Il l’a fait jusqu’à aujourd’hui. » Beaucoup sont convaincus que le saint a sauvé la Suisse ce jour-là. 

Dans le haut du vitrail, en arrière-plan des Confédérés se serrant la main, la chapelle semble rayonner, peut-être pour symboliser l’influence que Nicolas a exercée sans jamais quitter son ermitage.

Le visiteur attentif notera que le vitrail comporte la mention Bx Nicolas de Flüe. La raison est extrêmement simple. L’œuvre a été réalisée en 1938 et Nicolas de Flüe a été canonisé en 1947. 

La foi vécue avec joie

Des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Rencontre avec le séminariste du diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg, Rémi Steinmyller. 

Rémi Steinmyller.

Par Rémi Steinmyller | Photos : DR

Au moment de rédiger cette carte blanche, la Suisse romande compte plus de 400 inscrits qui se rendront au Portugal en juillet prochain. 

Quel est leur désir profond ? Vivre un événement dans la foi, c’est-à-dire une expérience communautaire. Ce que ces jeunes vont découvrir sur place c’est que leur foi, qui peut parfois être mise entre parenthèses pendant l’année, peut être vécue avec joie. Les JMJ seront la grande respiration annuelle dont chaque croyant a besoin. Une retraite spirituelle, lors d’un voyage qui mène loin de chez soi : c’est ce qu’on appelle un pèlerinage. Jésus n’était-il pas constamment sur les routes ? Il entraîne derrière lui une foule innombrable ; à Lisbonne c’est lui qui rassemble des centaines de milliers de personnes ! Si certains y vont pour la fête, ils se rendent vite compte que Dieu mène la barque et qu’il les appelle à le rencontrer. Nombreux sont ceux qui, bouleversés par la joie qui transpire de l’événement, se rendent compte que l’Eglise resplendit de la diversité de ceux qui en font partie.

Mais ne nous berçons pas d’illusions, la grande effervescence vécue va retomber. Eh quoi ? Regardons l’évangile: alors que Jésus a disparu aux yeux des apôtres et que ceux-ci retournent à leurs occupations, il faudra que Pierre se lève au milieu des disciples, pour proposer d’aller à la pêche. 

De même, il en faudra quelques-uns parmi les pèlerins de retour de Lisbonne, qui se lèvent et qui disent : « Allons ! Et engageons-nous pour Jésus-Christ. » Comment ? Il faudra créer des petites communautés vivantes qui prient. Il faudra ici des témoins qui donnent leur vie au Christ pour continuer de vivre ce qu’ils auront vécu auprès du Seigneur là-bas. Si nous souhaitons que l’esprit des JMJ continue, il faut s’engager là où le Seigneur nous le demande. 

Etre pèlerin, cela consiste, de retour chez soi, à témoigner du voyage, à se souvenir des rencontres dans lesquelles nous avons vu le Seigneur et surtout à faire advenir le règne du Christ en s’engageant à un événement dans lequel la foi est impliquée. Comme Marie, levons-nous et partons en hâte vers les lieux dans lesquels le Seigneur nous appelle. 

La prière, au-delà de la méditation

Eckhart von Hochheim.

La pratique de la prière, ses liens avec la méditation sont décrits et analysés dès les débuts de l’ère chrétienne. Saint Jérôme (347-420) écrit : « Le moine se reconnaît non à ses paroles et ses discours, mais à son assise en silence. » 

Mais cette « méditation chrétienne », qui peut prendre la forme d’une attitude contemplative, se situe toujours dans l’attention du croyant à la présence de Dieu comme le précise le théologien Eckhart von Hochheim (1260-1328) : « Il est très doux pour un ami d’être près de son ami. Dieu nous assiste et demeure près de nous, constant et immuable. »

Cependant, si la prière peut utiliser les méthodes de la méditation, elle prend de nombreuses formes : parole et silence, méditation sur un texte et simple disponibilité, solitude et communauté. Bien des polarités de ce type structurent le champ de la prière chrétienne.

Les bienfaits de la méditation

La science s’intéresse à la méditation en cherchant à montrer ses effets sur nos comportements, nos perceptions de notre environnement. Il apparaît ainsi que la méditation apporte de nombreux bienfaits essentiellement sur nos perceptions mentales et psychologiques :

• La méditation favorise le bien-être mental.

• La méditation stimule le cerveau.

• La méditation réduit la douleur.

Il est démontré qu’à l’issue de cinq séances de 20 minutes de méditation, la plupart des participants ont remarqué une diminution significative de leur niveau de stress au quotidien, d’anxiété, de dépression, de colère et de fatigue, et une meilleure attention. Par ailleurs, ils ont vu leur comportement s’améliorer sur le plan émotionnel, cognitif et social.

Prière silencieuse

Concrètement, l’attention portée dans la foi à la présence de Dieu se trouve facilitée par l’énonciation intérieure du Nom de Dieu. Origène (185-253) nous le rappelle lorsqu’il écrit : « Aujourd’hui encore le nom de Jésus apaise les âmes troublées, réduit les démons, guérit les maladies ; son usage infuse une sorte de douceur merveilleuse ; il assure la pureté des mœurs ; il inspire l’humanité, la générosité, la mansuétude. »

En présence de Dieu, ce que nous sommes est plus important que ce que nous faisons, « Dieu est le Dieu du présent, disait Eckhart von Hochheim. Tel il te trouve, tel il te reçoit, tel il te prend. » C’est dans cette relation de personne à personne entre le croyant et Dieu que réside la spécificité de la méditation chrétienne.

Ce qui est essentiel dans cette longue tradition d’assise silencieuse, ce n’est pas la pratique, encore moins ce qui pourrait apparaître comme des techniques, c’est la présence du Christ. C’est Lui qui donne sens à la pratique, c’est le don de son Esprit qui fait grandir l’union avec Lui.

Jusqu’à tout perdre par amour

Portrait d’Anne Pak-Agi. Elle est l’une des cent-trois martyrs de Corée.

Parmi les martyrs, nombreux sont ceux qui ont dû tourner le dos à leur famille et couper les liens avec elle pour suivre le Seigneur. La Coréenne Anne Pak-Agi était l’une d’entre eux.

Par Myriam Bettens | Photo : cbck

« Avez-vous encore beaucoup de vies à vivre ? », ont demandé les geôliers à Anne Pak-Agi face à son apparente insensibilité de cœur. En effet, son mari et son fils avaient été libérés alors qu’elle continuait à croupir en prison. « Il suffit d’un mot pour que vous fassiez de même. » Ce « mot » devait prendre la forme d’une apostasie et la Coréenne en rejette l’idée même : « J’ai décidé de garder ma foi et de mourir pour elle. » Une foi alors réprimée dans la Corée du XVIIIe siècle.

En 1836, elle est arrêtée en même temps que son mari et son fils aîné. Son époux avait alors de nombreux alliés à la cour. Ces derniers les incitent à apostasier pour éviter l’emprisonnement et la peine capitale. Après de multiples tortures, son mari et son fils cèdent. Anne Pak-Agi, quant à elle, reste ferme dans sa foi. Le juge alterne douceur et sévérité pour la faire ployer, en vain. Des morceaux de sa chair sont méthodiquement retirés, jusqu’à mettre ses os à nu, mais elle campe sur ses positions.

Ses proches lui rendent visite chaque jour et la supplient d’apostasier pour recouvrer sa liberté, au lieu de quoi celle-ci leur répond : « Pour quelques jours de votre vie, vous exposerez-vous à la mort éternelle ? Au lieu de me demander de transgresser, vous devriez m’exhorter à rester ferme. Revenez plutôt à Dieu et enviez mon bonheur. »

Après trois ans de prison, Anne Pak-Agi a été condamnée à mort par décapitation. Le 24 mai 1839, « pour avoir lu des livres erronés et porté des images diaboliques », elle a été emmenée à l’extérieur des murs de la ville avec huit autres catholiques afin d’y être exécutée. Anne Pak-Agi a été canonisée le 6 mai 1984 sur la place Yoido, à Séoul, par le pape Jean-Paul II.

Vocation par métier

Par Myriam Bettens
Photo : Jean-Claude Gadmer

« Ecoute en toi le paysan, l’artiste, l’homme de loi ou de science, l’ingénieur ou le marin, l’homme d’affaires ou le prédicateur de la Parole. Si tu as questionné ainsi et écouté ainsi, je suis certain que tu trouveras qui tu es », écrivait Paul Ricœur en 1946 à ses élèves. Attardons-nous sur ce que représente pour nous le fait d’« avoir la vocation ».

Dans le monde séculier, lorsqu’on parle de vocation, on pense plus volontiers à un métier dont on va faire profession. Notez bien ce dernier terme : « profession ». A ce titre, la langue allemande emploie le qualificatif de Beruf et celui-ci ne signifie rien de moins qu’un « appel » ! Pour nous chrétiens, cet appel demeure et de mille manières différentes. 

N’oublions pas qu’outre le sacrement de l’ordre, l’Eglise institue tout autant celui du baptême, du mariage et par extension la famille, socle de toute communauté ecclésiale. Nous pouvons donc déjà être prêtres, prophètes et disciples là où nous sommes, dans nos maisons. Car si cette vocation-là s’éteint, rien ne rayonnera plus au dehors et si ce n’est pas moi qui donne à mes enfants la vocation de servir le Seigneur, qui d’autre le fera ?

Les Vendredis saints de nos vies

Mgr Morerod constate, en examinant la vie des saints, qu’ils ont presque tous eu « des nuits de la foi ».

Lorsqu’il n’y a plus que le vide dans notre existence comme dans le tombeau du matin de Pâques, nous touchons peut-être là le vrai mystère de la Résurrection…celui d’une présence qui pourtant soutient encore et fait avancer. Avec l’humour qui le caractérise, Mgr Charles Morerod nous parle de l’espérance radicale que porte Pâques.

Par Myriam Bettens | Photos : Jean-Claude Gadmer

En tant que croyant, que représente Pâques pour vous ?
En tant qu’évêque, je suis aussi croyant (rires). C’est la Résurrection du Christ… qui implique également la nôtre. Il n’est pas venu ni n’est mort pour Lui-même, mais pour que nous puissions vivre et soyons avec Lui éternellement. Cela parce qu’Il nous aime.

Comment, entre un papa protestant et une maman catholique, se vivaient les fêtes de Pâques de votre enfance ?
Nous n’y mettions pas tellement l’accent. A vrai dire, je n’en ai pas de souvenir particulier. J’allais certainement à la messe le jour de Pâques, mais comme avant d’avoir vingt ans, j’ignorais que la Semaine sainte existait, cela me paraissait un dimanche comme les autres. Si ce n’est que je savais que c’était Pâques.

Nous savons ce que Pâques signifie. Or, la vie comporte aussi son lot de « petites Pâques », entendez par là de « petites morts et de résurrections ». Quelle serait une des Pâques de votre vie ?
Oh… j’espère qu’il y en a plus d’une ! Je reste marqué par ce que je pourrais qualifier de petit Vendredi saint. Je marchais sur un trottoir à Fribourg et j’ai vu que celui-ci se terminait. Je m’apprêtais à en descendre et assez curieusement je me suis dit : « Non pas maintenant. » Une fraction de seconde après, une grosse moto a passé à toute vitesse à côté de moi. Là, j’ai pensé : « Tiens, ma vie continue. »

Et de petites Pâques en tant que telles ?
Vu que c’était une non-mort, on peut la comprendre comme une forme de résurrection… L’expérience d’avoir accepté ma vocation, ça m’a obligé à vivre autrement. J’ai vraiment eu l’impression d’une irruption de Dieu dans ma vie… mais pas de manière telle que j’aurais dû commencer par être « à peu près mort » (rires). J’observe aussi des Pâques chez d’autres. Des personnes dont la vie reprend. Cela arrive par exemple lorsque les gens se confessent. Tout d’un coup, un poids se lève de leurs épaules et c’est très frappant.

En bonne protestante, je ne vais pas très régulièrement me confesser…
Vous le regretterez, certainement plus tard, (ndlr. Mgr Morerod est pris d’un fou rire communicatif). En attendant, profitez bien de la vie ! (rires)

Le tombeau vide du matin de Pâques peut aussi représenter, pour le croyant, cette tension entre présence et absence de Dieu…
Oui, absolument. Il y a des moments où on s’interroge et c’est normal dans le dialogue avec Dieu de lui dire : « Tu respectes notre liberté, c’est très bien, mais est-ce que Tu ne pourrais pas, parfois, la respecter un peu moins ? » (sourires)

Lorsqu’on Le laisse causer, est-Il plus bavard ?
Pas nécessairement. On voit dans la vie des saints qu’ils ont presque tous eu « des nuits de la foi ». Ces périodes parfois très longues marquées par l’impression que Dieu n’existe pas ou en tout cas n’est pas là. Ils interprètent ce silence en termes de : « Il veut voir si c’est Lui que nous aimons ou seulement ce qu’Il nous donne. »

Beaucoup de croyants préféreraient éliminer le Vendredi saint et ne voir que le côté festif et heureux de la Résurrection. D’ailleurs, dans plusieurs cantons, ce n’est pas un jour férié…
Oui, mais ce n’est pas l’Evangile. Il y a aussi des Vendredis saints dans l’existence humaine. Alors, une foi dont on aurait éliminé le Vendredi saint, qu’est-ce qu’elle a à dire à des gens qui se trouvent eux-mêmes dans ce Vendredi saint ? La foi donne une espérance radicale, même si on ne voit pas toujours très bien où on va. Si l’on croit que Dieu est présent, cela change la donne et ça, c’est aussi une expérience de Pâques. Cela ne veut pas dire qu’être croyant rend la vie facile.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Certainement Pâques ça… (rires)

Descente de croix, Collégiale Notre-Dame-de-l’Assomption, Romont

Par Amandine Beffa | Photo : Jean-Claude Gadmer

Parmi les œuvres extraordinaires de la Collégiale de Romont se trouve un décor peint du XVIIe siècle. Il représente une descente de croix qui nous invite à méditer cet « entre temps » entre la mort et la Résurrection.

La composition de l’œuvre épouse l’architecture. Le mouvement nous entraîne dans la partie haute, sous l’arc brisé, en passant de l’obscurité à la lumière. 

Dans les parties basses, les anges portent les instruments du supplice, ou Arma Christi. A la droite du visiteur, les clous et la lance (Jean 19, 23. 34). A la gauche du visiteur, la colonne sur laquelle Jésus a été attaché et le fouet (Jean 19, 1). Ces objets mettent en évidence deux temps de la Passion : d’un côté la mort et de l’autre les outrages survenus pendant les étapes du procès. 

Le second registre fait place à de nombreux personnages. Tout à droite, sainte Véronique présente le Voile de la Sainte-Face. Elle fait le lien entre la condamnation et la crucifixion. En effet, si l’épisode n’est pas attesté dans la Bible, la tradition tient que Véronique a essuyé le visage du Christ alors qu’Il portait la croix.

Aux pieds de Jésus se trouve Marie-Madeleine. Sa chevelure est particulièrement soignée. Avec elle, plusieurs des femmes représentées tiennent des mouchoirs. Elles rappellent la parole du Seigneur : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur Moi, mais pleurez sur vous et sur vos enfants. »(Luc 23, 28) Laissons-nous interroger par cette interpellation : quelles sont nos émotions devant la croix ? Sommes-nous à la place de Marie-Madeleine qui ne voit que le corps de celui qui n’est plus ? Sommes-nous comme le personnage tout à gauche (probablement le donateur) qui est certes à genoux, mais loin de la scène et loin de la lumière ? Ou sommes-nous comme Marie qui n’a pas peur de s’approcher de la réalité de la Passion. Elle porte le corps de son Fils, ne faisant pas l’économie de la mort. Mais, elle est dans la lumière.

Et là est peut-être l’apport le plus intéressant de l’œuvre. La partie la plus lumineuse est celle où se trouve la croix. L’obscurité qui a recouvert la terre (Matthieu 27, 45) se dissipe pour faire place à la Victoire. Une victoire déjà là et pas encore.

De Prague à Wislikofen

Des jeunes de divers cantons romands profitent de cet espace de liberté pour évoquer un sujet qui les intéresse. Rencontre avec la Vaudoise Malika Schaeffer. 

Malika Schaeffer.

Par Malika Schaeffer
Photos : cath.ch / Bernard Hallet, DR

Depuis près de deux ans, les catholiques du monde entier sont appelés par le pape François à vivre une démarche synodale, c’est-à-dire à cheminer ensemble (le mot « synode » vient du grec synodos signifiant « le chemin commun ») pour découvrir et discerner ce que Dieu attend de l’Eglise du IIIe millénaire. Un projet à la fois ambitieux, stimulant et porteur d’espérance dans une société dans laquelle les questions religieuses suscitent bien souvent des réactions contrastées. 

Ce « chemin commun », j’ai eu la chance de l’expérimenter de manière concrète comme déléguée en ligne et en compagnie de dix autres délégués suisses dans un ancien couvent bénédictin à Wislikofen (AG) et dans le cadre de l’étape continentale du Synode. Cette étape a réuni à Prague, du 5 au 9 février dernier, 39 régions d’Europe, 150 participants (dont 3 Suisses !) et plus de 500 délégués en ligne pour échanger et débattre autour de l’avenir de l’Eglise. 

Ce condensé d’expérience synodale s’est révélé être un apprentissage intense d’écoute et de décentrement. Derrière mon écran, je me suis en effet trouvée devant une Europe mosaïque, dans laquelle notre Eglise présente une grande diversité d’idées et de mentalités. Toutes vivent cependant une prise de conscience profonde et bouleversante de leurs fragilités, notamment celles liées aux abus. 

En compagnie des autres participants, je vis chaque jour et en direct un déplacement salutaire, émouvant et parfois révoltant. L’Esprit Saint est invité et plane au centre des réflexions, car un consensus se dégage : il est nécessaire que l’Eglise reconnaisse rapidement la vocation et la dignité de tous les baptisés et de tous les charismes. Sans craindre de se briser, l’Eglise devra désormais avoir le courage de vivre avec une série de tensions nécessaires et inévitables dans notre monde sécularisé pour, telle une fine équilibriste, « être dans le monde sans être du monde ».

Les végétaux connectés

Par Pierre Guillemin | Photo : DR

Cicéron montre que le terme religio (religion) vient de legere (« cueillir, ramasser ») ou encore religere (« recueillir, récolter »). Nature et religion sont donc liées et ne sont rien sans le vivant : les dernières recherches scientifiques sur les végétaux nous indiquent qu’ils possèdent un langage, une communication, qui en fait des êtres vivants à part entière faisant partie intégrante du monde religieux.

Quels sont les éléments principaux du langage des plantes ?

Les couleurs et les formes

Nous savons que les fleurs violettes ou bleues attirent plus facilement les abeilles, car celles-ci perçoivent très bien les couleurs dans cette partie du « spectre visible ». Les fleurs blanches en revanche sont plus visibles la nuit et attirent les papillons de nuit. 

La chimie

Les plantes envoient et reçoivent des signaux souvent au moyen de composés organiques. Il s’agit d’informations destinées à les protéger, elles ou leurs congénères, ou à permettre leur reproduction. Dans le sol, les poils fins des racines des plantes peuvent par exemple reconnaître les signaux chimiques d’autres plantes. Les racines de certaines plantes cessent de croître dans la direction de leurs congénères. Des arbres et d’autres plantes vivent en symbiose avec les champignons : les champignons rendent les aliments difficilement disponibles dans le sol accessibles pour la plante, qui en retour produit dans ses feuilles des composés organiques qu’elle met à disposition des champignons comme nourriture via ses racines. Ce réseau relie même des plantes entre elles. Par exemple, les haricots peuvent avertir leurs congénères s’ils sont attaqués par des pucerons, via le réseau de racines et de filaments de champignons, afin que les haricots sains puissent produire aussi les substances de défense correspondantes.

Les sons

Les racines font des sons en émettant des bruits dans la fréquence des ultrasons. La question que se posent les scientifiques est de comprendre comment les autres végétaux peuvent capter ces signaux sonores. Une telle découverte nous permettra d’enrichir notre approche de la communication entre les êtres vivants en incluant les végétaux. 

Retrouvons le dialogue avec les végétaux : les végétaux nous donnent une leçon d’humilité, nous rappelant que l’être humain n’est pas le sommet du monde vivant, mais une composante de la vie. Comme saint François d’Assise, nous disons : « Loué sois-Tu, mon Seigneur, pour sœur, notre mère la Terre, qui nous soutient et nous gouverne et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe. »

Un symbole de réunification

C’est un pays meurtri par près de 60 ans de guerre civile que le pape François a visité lors de son voyage apostolique, en 2017. Lors d’une rencontre de prière, il a exhorté la Colombie à la réconciliation et a honoré la mémoire de Pedro Maria Ramirez Ramos. Ce prêtre, mort à cause de sa foi, fait partie des huit millions de victimes du conflit.

Portrait de Pedro Maria Ramirez Ramos lors de la célébration de béatification.

Par Myriam Bettens | Photo : Citizenship Word

Pedro Maria Ramirez Ramos n’avait que 49 ans. Le 10 avril 1948, il est trainé sur la place centrale de la ville d’Armero, où il dirige une paroisse. Les insultes des insurgés fusent. Ils ne veulent pas seulement tuer le prêtre, mais réclament pour lui une mort douloureuse et spectaculaire. 

Fosse anonyme

Après avoir été lynché, son corps frappé à coups de machette a été laissé sur place jusque tard dans la nuit. Il a ensuite été dépouillé de ses attributs religieux et traîné à l’entrée du cimetière, dans une fosse anonyme : les fidèles ayant été empêchés de lui offrir une sépulture chrétienne.

Le crime du père Ramirez ? Alors que de violents affrontements font rage entre conservateurs et libéraux, déclenchés par la mort du dirigeant libéral Jorge Eliecer Gaitan à Bogota, des émeutes éclatent à Armero. 

Le prêtre est pris à parti par les partisans de Gaitan qui accusent l’Eglise de soutenir les conservateurs aux dépens des libéraux. Le maire de la ville lui avait conseillé de fuir pour préserver sa vie. Pedro Maria Ramirez Ramos refuse d’abandonner ses fidèles et les religieuses d’Armero à leur sort. Il paie ce choix de sa vie et pourtant il pardonne. Avant que ses bourreaux ne l’achèvent, des témoins l’entendent dire : « Père, pardonne-leur… tout pour le Christ. »

Une foi vécue avec « héroïsme »

Les restes de sa dépouille, exhumés un mois plus tard par sa famille, sont aujourd’hui au cimetière de La Plata, son village natal, à environ 400 km d’Armero et devenu un important lieu de pèlerinage. 

En le béatifiant lors de la visite apostolique du pape François, en 2017, l’Eglise a reconnu une foi vécue avec « héroïsme » et une mort en « haine de la foi ». Le pontife a également exhorté à la réconciliation nationale après plus de soixante ans de guerre civile.

La place du mort

Par Nicolas Maury | Photo: Flickr

Maints sont les critères qui peuvent être utilisés pour définir quand est née la première civilisation. Conteuse et thanatologue, Alix-Noble Burnand m’avait expliqué, lors d’une interview réalisée il y a fort longtemps, que d’après elle, le moment clef est survenu lorsque les hommes des cavernes ont commencé à enterrer leurs morts. 

Le sociologue Jean Ziegler * va dans le même sens en prétendant que rien ne détermine mieux une société que la place qu’elle fait à la mort. En ce sens, le Brésil, à travers les rites de l’Umbanda ou du Candomblé, a des années-lumière d’avance sur un Occident qui, depuis le XXe siècle, refoule ses futurs trépassés dans des chambres aseptisées. 

La ritualisation de la mort de l’autre la rend pourtant supportable, permettant à chacun de canaliser son angoisse devant sa propre finitude. Même en voulant l’éviter, on ne pourra pas l’empêcher de nous rattraper… au contour.

Celui qui en parle le mieux, c’est évidemment Pierre Desproges : « Au Paradis, on est assis à la droite de Dieu. Normal, c’est la place du mort ! »

* Ziegler, Jean : Les vivants et la mort, Seuil, 1975.

En librairie – avril 2023

Par Calixte Dubosson et la librairie Saint-Augustin

Des livres

Vivre avec nos morts
Delphine Horvilleur

« Tant de fois je me suis tenue avec des mourants et avec leurs familles. Tant de fois j’ai pris la parole à des enterrements, puis entendu les hommages de fils et de filles endeuillés, de parents dévastés, de conjoints détruits, d’amis anéantis… » A travers ses expériences d’accompagnement des familles de défunts et par le recours aux rites et légendes du judaïsme, D. Horvilleur nous livre une réflexion sur la fin de vie, au-delà des croyances et des religions. Un petit livre précieux à s’offrir à soi ou à une personne chère.

Editions Livre de Poche

Acheter pour 12.80 CHF

La vie après la mort
Max Huot de Longchamp 

« Aller au ciel » : voilà qui résume l’espérance de beaucoup de chrétiens. Depuis deux mille ans, la question de l’au-delà trouve bien des réponses dans la Tradition. Vingt siècles de sainteté ont fourni des milliers de pages traitant ces questions qui se posent à tout homme venant en ce monde, et auxquelles la lumière de Pâques et la foi en Jésus-Christ apportent une solution inédite pour le monde. Le Père Max Huot de Longchamp nous livre ici les plus beaux textes des grands auteurs spirituels sur la vie après la mort.

Editions Artège

Acheter pour 26.20 CHF

Visitation(s)
Raphaël Buyse – Chantal Lavoillotte

Avec pour toile de fond l’évangile de la Visitation, Chantal Lavoillotte et Raphaël Buyse rendent compte de leur mission : accompagner des personnes marquées par la maladie, la fragilité ou la vieillesse. A ces récits sur le quotidien d’une aide chrétienne en milieu hospitalier répondent divers témoignages de malades ou de professionnels de la santé. Ils font apparaître au fil des pages, tel un fin murmure, cette présence mystérieuse du Christ qui ne s’impose pas mais qui, discrètement, vient encourager, fortifier, relever.

Editions Salvator

Acheter pour 24.60 CHF

Pour te parler de la mortet de la résurrection
Sophie Furlaud – Charlotte Roederer

Comment parler de la vie, de la mort et de la Résurrection aux petits ? Comment leur parler de ces grands mystères de la vie et de la foi chrétienne ? Voici un livret, très proche des sensations et émotions des enfants, qui aidera les parents à aborder avec douceur et tact, l’espérance d’une vie après la mort.

Editions Bayard Jeunesse

Acheter pour 16.90 CHF

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Mortellement vôtre

Parler de la mort est peu plaisant. Tellement peu qu’elle a été reléguée en marge et confiée à des personnes qui savent s’en occuper sans trop faire de bruit. Le Covid l’a ramenée sur le devant de la scène et avec fracas. Ne serait-il pas temps de lui redonner sa place au sein de notre société. Au sein de la vie ?

Par Myriam Bettens | Photos : Flickr, Pxabay, DR

La mort est abstraite. Elle incarne l’altérité radicale, l’expérience qu’il n’est jamais possible de vivre à la première personne. Pourtant, que la mort puisse difficilement se penser ne signifie pas que l’Homme en soit réduit à son ignorance. Elle est au contraire sa marque distinctive : l’humain est le seul animal qui sait qu’il va mourir. Il y a là une irréductible singularité et une unicité de l’expérience humaine. Or, dans une société obsédée par le besoin de maîtrise, « se retrouver face à la mort, c’est accepter l’échec », glisse Rachel Wicht. L’aumônière aux HUG, maintenant retraitée, poursuit : « Dans un hôpital, tout est fait pour que tu ne croises jamais la mort. » Un paradoxe d’autant plus flagrant au vu de la dernière pandémie. Philosophe et éthicien, Stève Bobillier nuance néanmoins cette trompeuse contradiction : « Elle est restée virtuelle, immatérielle. Nous nous trouvions dans une sorte d’administration de la mort pour protéger la société. » Une manière de l’intellectualiser pour mieux la gommer ? Rachel Wicht et Stève Bobillier s’accordent à dire que le tabou entourant la mort persiste encore fortement et que, même présenté comme un mécanisme de protection légitime, il est plus délétère qu’autre chose. 

C’est le passage à trépas que les gens redoutent le plus, comme le montre cette sculpture de Rodin intitulée « le Cri ».

De vie à trépas

« Nous avons une bonne représentation de ce procédé avec les enfants. Croyant les protéger, nous enrobons le tragique de la mort avec des métaphores qui produisent l’effet contraire de celui recherché », affirme Franziska Bobillier. La psychologue donne notamment l’exemple d’enfants terrorisés par le fait de devoir dormir, car on leur avait expliqué que « grand-maman s’était endormie pour toujours ». D’où la nécessité « d’impliquer l’enfant dans le processus de deuil tout en restant le plus clair et factuel possible ». Qu’est-ce qui finalement angoisse nos contemporains au travers de ce blasphème suprême qu’est la mort ? Rachel Wicht indique que c’est le passage de vie à trépas que les gens redoutent le plus et que de nombreuses « légendes » entourent ce moment, lui donnant un caractère encore plus effrayant. « Le mourant va-t-il hurler ou se redresser d’un coup au moment du trépas, sont certaines des questions qu’on m’a posées. » Pour sa part, Stève Bobillier pointe en premier lieu les acceptions du terme et le vocabulaire utilisé pour la qualifier. « Le français reste en définitive très vague sur ce qu’est la mort. On sait difficilement la définir. » Insaisissable par le vocabulaire et la pensée, la mort se soustrait, encore une fois, à notre maîtrise. 

Un deuil soumis à résultats

Son confrère Thierry Collaud, éthicien et médecin, se demande si le tabou de la mort n’est pas en fin de compte un refus du tragique. « La société a tendance à vouloir effacer les manifestations de chagrin et de douleur, car finalement notre souffrance dérange les autres. » De là à dire qu’il faudrait mourir sans faire de bruit, il n’y a qu’un pas. Rachel Wicht acquiesce : « Aujourd’hui, la perte d’un proche ne « nécessite » que trois jours de congé. Implicitement, cela signifie qu’on peut être triste, mais pas trop longtemps. » Experte des questions de deuil, Franziska Bobillier parle même d’une obligation de résultats. « On ressort systématiquement le schéma des étapes du deuil, comme des échelons à gravir pour nécessairement aller mieux. Or, l’ordre des étapes n’a pas pu être confirmé par les études scientifiques. Le processus est fait d’innombrables allers-retours qui prennent du temps. » Cela souligne aussi la propension de nos sociétés à faire disparaitre les difficultés et « il est urgent qu’elles réapprennent à vivre avec des échecs et des recommencements, car c’est bien cela que la mort nous enseigne : à vivre « malgré » », développe Thierry Collaud. En outre, ce qui freine l’acceptation pleine et entière de notre finitude réside peut-être « dans le désir originel d’immortalité de l’être humain », précise Fiorenza Gamba, chercheuse dans le domaine de la Digital Death (mort numérique, ndlr.) à l’Université de Genève. De ce point de vue, la toile répond à une part de cette attente. En effet, « notre double numérique » continue d’exister, même après le décès.

Le désir d’immortalité freine l’acceptation pleine et entière de notre finitude.

Un cimetière dans la poche

« Nous avons un cimetière dans la poche » lance Stève Bobillier avec un geste éloquent à son smartphone. En effet, « dans cinquante ans et avec la croissance actuelle, Facebook comptera plus de comptes utilisateurs de morts que de vivants ». Pour Stéphane Koch, spécialiste des questions numériques, « notre relation à la mort a énormément évolué. Les réseaux sociaux sont devenus les médiums privilégiés pour annoncer un décès, mais aussi pour perpétuer la mémoire des défunts par des pseudos anniversaires. C’est comme si le rituel ne prend jamais fin ». A cela, Fiorenza Gamba réplique que le Net a ouvert « un espace incroyable pour inventer des manières différentes et personnelles de ritualiser la mort ». Dans ces sphères numériques, les endeuillés peuvent partager leur chagrin et « vivre ce deuil à leur rythme ». Par ailleurs, même si le numérique nous laisse effleurer l’idée d’immortalité et rend la frontière entre monde des vivants et des morts de plus en plus poreuse, Thierry Collaud se demande si, en définitive, la mort ne se laissera jamais apprivoiser.

Eternité numérique

« Il y a une vraie réflexion à mener de son vivant concernant la trace que l’on désire laisser sur le Net », pointe Stéphane Koch. Malgré le décès, l’empreinte numérique continue d’exister. C’est pourquoi le consultant conseille de se pencher sur ces questions de son vivant, par des dispositions testamentaires. Il note aussi la possibilité de se tourner vers des services tiers, tels que tooyoo.ch, permettant de gérer les questions liées aux réseaux sociaux, comptes e-mail et nettoyage des référencements sur les moteurs de recherche après le décès. Au sujet de la « mort numérique » et ses implications, la fondation TA-SWISS publiera en septembre 2023 les résultats d’une vaste étude sur « l’influence des technologies numériques dans la prévoyance funéraire, la gestion des données numériques d’un-e défunt-e et le travail de deuil. Elle tirera des conclusions et, si possible, des recommandations à l’intention des parlementaires, des juristes, des professionnels du domaine funéraire et de la population sur la manière d’aborder cette question ». A suivre sur www.ta-swiss.ch/fr/mort-a-l-ere-numerique

Malgré le décès, l’empreinte numérique continue d’exister.

Une proposition pour découvrir des personnalités inspirantes

Inspirées et inspirantes ! Nous avons tous à l’esprit au moins une de ces personnes que nous qualifions volontiers d’icône ou de modèle. Elles sont de celles qui poussent à avancer, nous donnent du souffle et de l’énergie. Nous vous proposons de découvrir ci-dessous trois d’entre-elles au travers de biopics originaux.

Par Myriam Bettens | Photos : DR

Une rose à Auschwitz

Le biopic dont la sortie est programmée pour le 21 avril en DVD et VOD retrace l’histoire vraie d’Edith Stein. Cette philosophe et féministe juive allemande s’est convertie au christianisme et est devenue religieuse. Morte à Auschwitz, elle a été élevée au rang de sainte et martyre, puis est devenue la patronne de l’Europe avec le nom de Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix.

Faustine, apôtre de la miséricorde

Ce film biographique se déroule dans les années 1930 et suit les traces de sœur Faustine. Celle-ci reçoit des révélations privées au cours de nombreuses apparitions du Christ. Ce dernier la charge de diffuser au monde entier le message de sa Miséricorde Divine, une mission que poursuivra le Père Michel Sopocko, son confesseur, après la mort de Faustine.

Le métis de Dieu

Exceptionnel destin que celui de Jean-Marie Lustiger, le juif qui devint cardinal. En pleine Occupation, le jeune garçon de 14 ans se convertit au catholicisme contre l’avis de ses parents. Il perd sa mère en déportation et se déchire avec son père, qui n’accepte pas son choix. Devenu curé, il se hisse soudain au sommet de la hiérarchie ecclésiastique grâce à Jean Paul II, auquel il se lie d’amitié. En 1985, un couvent de carmélites polonaises s’installe dans les murs d’Auschwitz, à l’endroit même où la mère de Jean-Marie a été gazée. L’évènement déclenche une des crises les plus importantes entre juifs et chrétiens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et c’est à ce juif devenu catholique qu’il incombe de trouver une issue au conflit qui le bouleverse lui-même intimement.

A découvrir en DVD et VOD sur sajeplus.fr

« Vivre et mourir pour le Seigneur »

Le Christ a accompli sa trajectoire d’humanité jusqu’au bout.  Dans la mort et dans l’amour. 

Par François-Xavier Amherdt | Photo : DR

« Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Donc, dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur. » (Romains 14, 8) Que voilà une parole qui contraste avec nos farouches revendications d’autonomie et d’indépendance, comme si l’être humain pouvait se couper de son Créateur et s’autogérer sans en référer à la Transcendance ! Sans cette interpellation de Paul aux Romains, nous tombons dans le « transhumanisme ».

D’abord, sous le regard de Dieu, vie et mort sont inséparables. Nous savons que nous mourrons inéluctablement, mais c’est afin de rejoindre le Christ Vivant. Si Jésus est mort et ressuscité, c’est pour nous faire vivre en plénitude : « Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance. » (Jean 10, 10) Tout dépend de Jésus-Christ. Lui seul a accompli sa trajectoire d’humanité jusqu’au bout, dans l’amour. Lui appartenir dans la mort, vivre les derniers temps de notre existence terrestre en nous « lâchant » sur son cœur et en le laissant disposer de notre souffle, c’est nous livrer à cette seigneurie d’amour qui nous veut vivants. Dans la toute-faiblesse de notre mortalité, nous expérimentons ainsi la toute-puissance de notre seul Maître.

Il nous a donné l’être, au premier moment de notre conception, il est là pour accueillir notre dernier souffle, à l’heure que nous ne choisissons pas. Toute notre vie dépend du Dieu Sauveur. Elle est un cadeau dont nous ne disposons pas. Et cela est très libérateur ! « Mourir dans la dignité », c’est nous abandonner dans les bras du Père, avec le moins de souffrance possible, en toute confiance.

En outre, « Nul d’entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même. » (Romains 14, 7) Ni notre existence ni notre trépas ne peuvent être cachés. Ce que nous expérimentons de beau ou de rude a des incidences sur la communauté à laquelle nous appartenons. Sinon, nous dépéririons. Car dans le Seigneur, notre existence et notre décès concernent aussi nos proches et nos amis. Pâques, c’est partager notre vie et notre mort, sans
retenue.

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