Le croque-mort devenu curé

Avant de devenir prêtre, Claude Deschenaux a vécu deux carrières. Une dans la banque, l’autre comme croque-mort. De quoi l’aider dans son quotidien actuel. 

Texte et photos par Nicolas MauryClaude Deschenaux observe sa basse-cour. Bien vite, le curé modérateur de l’Unité pastorale Notre-Dame de l’Evi ramène l’ordre. Deux poules sont sorties de leur enclos, sous l’œil goguenard d’un canard. Il rétablit la situation, juste avant que son téléphone ne sonne. Levé tôt, gérant avec ses deux collègues, Pierre Mosur et Fabien Benz, une UP de 15 communautés en Gruyère, Claude Deschenaux est un homme occupé. D’où l’importance de s’offrir un moment matutinal de réflexion. « De prière plutôt, pour confier chaque jour et chaque rencontre que je vais y faire à Dieu. Pour Lui dire qu’on est là pour Lui, qui nous aidera à assumer ce qui arrivera. » 

Après un pointage à 8h avec son secrétariat, Claude et ses collègues se répartissent les messes en paroisses, à la chapelle des Marches ou au Carmel. « Je trouve bien de commencer la journée par l’eucharistie. Après la messe, je partage un café avec les paroissiens. En été, quand c’est un peu plus cool et que les célébrations se déroulent dans nos chapelles, je prépare une tarte à la crème ou amène des tresses. C’est convivial et précieux. » 

Toujours joignable

L’administratif semble moins engageant mais ne lui fait pas peur, grâce à ses expériences précédentes. Car Claude Deschenaux a un parcours particulier. A 52 ans, il a vécu deux carrières préalables : employé de banque pendant quinze ans, puis directeur de pompes funèbres durant neuf ans. Revenant sur cette occupation, il souligne : « Prendre soin des familles en peine était déjà une vocation. ça m’a ouvert les yeux sur un élément : à l’époque, je n’étais pas tendre avec certains prêtres difficiles à atteindre. Je voulais leur faire comprendre que pour une famille en deuil, il était important de joindre rapidement quelqu’un à la paroisse pour fixer l’enterrement. Ce n’était pas toujours le cas… » Du coup, son smartphone est toujours branché. « Si j’ai un empêchement, je m’arrange avec ma secrétaire Anita. C’est une femme de foi qui connaît mieux l’UP que moi ! »

Cette UP, il y est arrivé en janvier 2012. « Petit, j’avais été impressionné par le Père Pierre Flueler et dans mon quartier, je jouais au curé. Puis j’ai vécu ma crise d’adolescence. En 1992, quand j’étais encore banquier, l’ancien vicaire épiscopal Jacques Banderet m’en a parlé de son propre chef : n’as-tu jamais pensé à devenir prêtre ? Cette question n’a cessé de me tarauder. » La réponse tombe dix ans plus tard. « Il me fallait changer de vie, reprendre les études
à 40 ans… J’ai beaucoup prié l’Esprit Saint, franchi le pas. Mes années au séminaire furent les plus belles de ma vie. » 

Ordonné prêtre, il devient vicaire de l’Unité pastorale Saint-Denis en Veveyse en juin 2011. « Je pensais y faire mes armes pendant cinq ans. Mais le 23 décembre à 22h, alors que je me réjouissais de célébrer ma première eucharistie de la Nativité, le vicaire épiscopal Rémy Berchier vient me dire que l’évêque me demande d’aller à Gruyères. Un peu rude, mais, après discussion et une nuit de réflexion, j’ai obéi. Me retrouver en milieu d’année pastorale m’a sauvé. Tout était planifié par l’abbé Jean Glasson, mon prédécesseur. Je me suis fondu dans l’équipe, tout en étant très bien accueilli par les gens de la Gruyère. » Des gens qu’il aime côtoyer. « Je tente d’insuffler un esprit d’unité. Vu la fréquentation des messes, je me dis que l’esprit de clocher se fait de moins en moins sentir. » 

Le curé modérateur s’est très vite intégré en Gruyère.
Le curé modérateur s’est très vite intégré en Gruyère.

Ministère et beaux moments

Une bonne partie de ses après-midi et soirées consiste à discuter avec les familles pour préparer un baptême, des funérailles ou des futurs mariés. « Je ne peux pas donner un sacrement sans connaître les personnes concernées. S’il faut rester debout jusqu’à 2h du matin pour préparer un enterrement, je le fais. » Si, comme il l’avoue lui-même, il n’a pas une soirée de libre dans l’année, cela ne lui pèse pas. « Je rencontre les gens, je mange avec eux, ils deviennent des amis. Du ministère, mais des beaux moments. » Et sa plage de ressourcement, c’est quand il va rendre visite aux pensionnaires des EMS, souvent en fin de semaine. « J’adore les personnes âgées, qui sont souvent très touchantes. Les voir, c’est généralement mon bol d’air ! »

Le Pape et la mort

Par Thierry Schelling
Photo: Jean-Claude GadmerMa sœur la mort
Le souriant pontife François ne cache pas le réalisme de son âge : « Mon pontificat ? ça durera peu de temps. Deux ou trois ans. Et puis, à la Maison du Père ! », confiait-il en 2014, soit une année tout juste après son élection. Une boutade qui s’avère contredite par ses… cinq ans de pontificat fêtés en mars dernier.

Mon amie la vie
Sa mort, comme tout jésuite – appelé à la pondérer pendant les 30 jours de sa retraite de noviciat et, pourquoi pas, en garder l’habitude mensuellement au cours de sa vie active –, devient, au fil du temps, une amie de la vie : « Intérieurement, je cherche à penser à mes péchés, à mes erreurs, pour ne pas m’enorgueillir. » Certes, élu pape à l’âge de 76 ans, il pourrait perdre le sens des proportions devant les tâches accomplies – finances, communication, politique de nominations épiscopales en Italie et ailleurs – et à parachever – pédophilie, cléricalisme, traditionalisme…

Fin de service ?
La mort physique est inéluctable et ne le préoccupe guère ; la fin de son service pétrinien est toute pensée : « Même si ça ne plaît pas à certains théologiens, a-t-il précisé, si un jour je ne me sentais plus capable d’aller de l’avant […], je prierais et ferais de même. Benoît XVI a ouvert une porte qui est institutionnelle. » Il ne serait pas une exception. Et pourquoi pas rentrer ensuite au pays en classe économique, serviette à la main, clergyman « passe-partout », et se terrer dans une banlieue pauvre et vivante de la capitale argentine ou un poblado andin ? Puis serait un jour annoncé : « Padre Jorge Maria Bergoglio, curé de San Ignacio, s’est éteint ce matin après la messe. Veillée de prière demain soir ; messe d’enterrement jeudi prochain. » Avant que les rédactions du monde entier ne se rappellent que… le 266e successeur de Pierre, Sa Sainteté le pape François, celui qui a inscrit dans le Catéchisme universel de l’Eglise catholique une opposition catégorique à la peine de mort (août 2018) n’aura eu aucune peine ni peur de mourir !

L’accompagnement du deuil

Qui dit «accompagnement» dit cheminement dans la durée. Car le travail de deuil prend du temps, parfois beaucoup de temps. Les équipes d’accompagnement lors des funérailles, qui se composent de laïcs bénévoles, agents pastoraux, diacres et prêtres et qui commencent à apparaître dans nos unités pastorales (UP), sont appelées à soutenir les personnes endeuillées.

Par François-Xavier Amherdt
Photos : Jean-Claude Gadmer
Si la communauté ecclésiale dans son ensemble est appelée à entourer les familles endeuillées par toutes sortes de marques de délicatesse (visite, appel téléphonique, carte, présence…), elle confie à des équipes de ministres ordonnés et laïcs le soin d’un accompagnement pastoral à l’image du Christ. 

Une plus-value
Les notes pastorales des différents rituels insistent à cet égard sur la place indispensable des laïcs bénévoles formés, délégués et mandatés, qui peuvent, par leur disponibilité, leurs qualités humaines et relationnelles, étoffer les services offerts par les agents pastoraux. « C’est une plus-value », précise Christophe Salgat, agent pastoral à Moutier. « Ils représentent la communauté paroissiale et ont souvent plus de « portes d’entrée » auprès des familles. » L’enjeu est décisif,
tant la pastorale des funérailles permet de rencontrer des personnes « aux périphéries », en attente de gestes et de paroles qui fassent sens.

Présence rassurante
« Nous avons une bonne collaboration. Chacun a sa place et rencontre celle de l’autre », affirme Marie-France Aeby Pollet, membre de l’équipe pastorale (EP) et de l’équipe d’accompagnement lors des funérailles (EAF) de Bulle (cinq personnes, existant depuis 2007). « Les familles semblent tellement éloignées de l’Eglise, parfois, que la présence d’une laïque est rassurante et elles ressentent une plus grande prise en compte de leurs besoins. »

« L’accueil des gens est très positif du fait que ce sont des mères, grands-mères, veuves, des femmes « normales » quoi, confie le curé modérateur de l’UP Renens-Bussigny Thierry Schelling. En tant que prêtre, je ressens souvent la barrière, plus ou moins épaisse, entre les gens et un état clérical. »

Apprendre une nouvelle vie
Comme Jésus sur la route d’Emmaüs, « nous prenons le temps d’établir des liens avec les proches, ajoute Florence Delachaux, à 30 % coordinatrice de l’EAF de Renens. Nous conduisons l’entière célébration sans eucharistie, nous collaborons avec le prêtre en cas de messe (accueil, rite de la lumière, prière universelle, rite d’adieu). Au cimetière, nous menons l’ensemble. Pour le suivi, nous offrons deux cafés-deuil par année, une invitation à la messe du 2 novembre (un lumignon par famille), une méditation souvenir durant l’Avent, des fiches « Croire ». Après un mois, nous faisons un message (WhatsApp, mail ou téléphone) avec l’envoi d’une belle photo ou d’un texte, de même que pour le premier anniversaire. Si un contact est établi, nous suggérons une lecture ou une rencontre pour aider à apprendre cette nouvelle vie sans la présence du défunt. »

Un guide pastoral: en trois étapes

dans-l-esperance-chretienne-celebration-pour-les-defuntsLe magnifique Guide pastoral Dans l’espérance chrétienne (Paris, Mame, 2008) constitue un outil de travail indispensable pour toute personne engagée dans la pastorale des funérailles.
Il prévoit des textes et des gestes pour les trois « stations » rituelles :
• avant les obsèques : au domicile, au centre funéraire et pour la veillée funèbre ;
• à l’église : pour la célébration des funérailles ;
• au cimetière : pour la mise en terre du corps ou de l’urne.

Tour d’horizon

Dans le Jura pastoral, les membres d’EAF suivent un parcours de discernement, puis cinq journées de formation. A cela s’ajoute un stage pratique supervisé, des rencontres en cellules de vie avec le répondant de l’équipe pastorale et des formations continues. Après une première volée (2018), une deuxième commencera en automne 2019. Actuellement, trois équipes sont en activité (quatre à six personnes). Elles se retrouvent pour des temps de relecture et de ressourcement. Elles peuvent intervenir à toutes les étapes du processus depuis l’annonce du décès : la visite des familles, la veillée de prière, la célébration des funérailles et lors du dépôt d’urne, les messes de septième, trentième (avec remise d’une bougie à la famille) et anniversaire, la Toussaint, le suivi (avec par exemple un repas à la fin octobre). (Renseignements : France Crevoisier)

Dans la partie francophone du diocèse de Sion, une formation similaire a été proposée en 2011-2012 pour des auxiliaires des fu-nérailles et des animateurs de veillées. En 2014, trois personnes ont reçu le mandat pour conduire des funérailles (souvent dans l’intimité). Une nouvelle formation courte pour les responsables des veillées aura lieu début 2019. Les directives diocésaines, promulguées en 2017, abor-dent les questions (préoccupantes) de l’augmentation des funérailles « profanes », notamment dans les locaux des pompes funèbres (PF), et celle de la privatisation de la mort (avec la destination des cendres en cas de crémation). (Valérie Maillard et Pierre-Yves Maillard)

Le canton de Neuchâtel propose une formation cantonale annuelle (initiale et continue) pour les laïcs impliqués dans les funérailles. Ceux-ci sont pour la plupart les agents pastoraux, plus quelques bénévoles (deux actuellement). (Nicolas Blanc)

Le canton de Vaud, après plusieurs formations initiales, organise depuis 2016 une ou deux journées de formation continue. Il existe deux équipes (Renens-Bussigny et UP Notre-Dame), plus des personnes dans les UP qui « dépannent » si besoin les équipes de prêtres. Le nombre de célébrations animées par des célébrants « humanistes » ou des employés des PF au crématoire ne cesse d’augmenter, comme partout ailleurs. (Alain Viret et Béatrice Vaucher)

Le canton de Fribourg a organisé deux cycles de formation pour les bénévoles en 2012 et 2014, suivis de journées cantonales en 2015 et 2016. Une réflexion sur la thématique du suicide sera offerte au premier semestre 2019. La plupart des bénévoles mandatés ont repris l’animation de veillées funèbres (nombreuses dans le canton). Les premières célébrations de la Parole ont vu le jour et sont surtout conduites par les agents pastoraux laïcs engagés dans les EP. Les équipes constituées au moment de la remise des mandats ont évolué de manière différente et fonctionnent selon les réalités pastorales rencontrées et le milieu urbain ou rural. (Claudien Chevrolet)

Dans le canton de Genève, les équipes funérailles sont les plus nombreuses, en principe une par UP, composées de prêtres et de laïcs ayant reçu une formation (deux modules de 8 heures) et le mandat épiscopal, et se répartissant les obsèques. Cette formation est en voie de restructuration. (Anna Bernardo Lucido)

Pastorale du travail

«J’ai un blocage que je n’arrive pas à franchir. On me dit toujours: « Vas-y , cherche du travail! » Ils ne comprennent pas que reconstruire une confiance, cela demande du temps.» (Clémence)

Par Nicole Andreetta
Photo: Brigitte Mesot
Un bel après-midi d’été dans un parc à Genève. Autour d’une table, six ou sept personnes savourent joyeusement une tarte aux pommes. Exceptionnellement, la Pastorale du monde du travail (PMT) tient sa permanence hebdomadaire en plein air. Les conversations vont bon train. Brigitte Mesot, responsable des lieux, accueille chacun chaleureusement. En recherche d’emploi, problèmes AI, harcèlement au travail… les situations évoquées sont variées.

Stéphane fréquente la PMT depuis plus d’un an : « Suite à une dépression, j’ai dû quitter mon travail. Je me suis retrouvé au chômage avec un conseiller sans empathie, puis en fin de droit. Devoir demander l’aide sociale est une véritable épreuve. Lorsque l’on ne travaille pas, on n’est plus rien. Je viens régulièrement à la permanence. C’est un lieu bienveillant, à l’écoute de tous. On partage nos peines, mais aussi ce qui fait du bien. Aujourd’hui, je peux même annoncer une bonne nouvelle. Je vais commencer une formation en français commercial ! »

Outre de l’aide pour rédiger CV, lettres de motivation, demandes de stages ou de formations, la PMT propose également des entretiens individuels, des partages bibliques ainsi que des ateliers.

Comme l’explique Brigitte : « Un atelier permet de faire ensemble une activité qui crée des liens et qui donne du sens. Cette année, nous réalisons une icône représentant la croix de San Damiano. »

Depuis le 1er mai, jour de la fête du travail, huit personnes, guidées par Agnès Glichitch, peintre iconographe, se sont mises à l’ouvrage. Le travail est déjà bien avancé, il ne reste plus que quelques finitions à effectuer.

« Au moment où l’on voit les yeux du Christ s’ouvrir, c’est comme si on passait de la souffrance à la libération », témoigne Emilia.

Après un long arrêt maladie, Emilia effectue un temps de réentraînement au travail dans le cadre de la PMT. Petit à petit, elle est devenue le « bras droit » de Brigitte.

Une fois terminée, l’icône sera offerte à la prison de la Brenaz pour accompagner les célébrations religieuses.

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Réalisation de cette année, une icône représentant la croix de San Damiano.
Réalisation de cette année, une icône représentant la croix de San Damiano.

Une maison de l’Alliance

Des petites fraternités, qui désirent vivre la spiritualité du Verbe de Vie au cœur du monde, se réunissent chaque quinzaine pour prier ensemble, partager un repas fraternel et étudier la Parole de Dieu. C’est ce qu’ont choisi de vivre Muriel et François Calame avec quelques amis, à Bussigny.

Par Bertrand Georges
Photo: DRFrançois et Muriel, quelle a été votre motivation pour rejoindre une maison de l’Alliance (MA) ?
Nous cherchions un lieu qui nous permette d’approfondir notre foi par des rencontres fraternelles régulières avec une forte dimension de prière. Il y a 8 ans, nous avons alors rejoint une MA à Gex.

Maintenant, vous vous réunissez chez vous ?
Oui, en janvier 2018, encouragés par la communauté du Verbe de Vie, nous avons commencé chez nous, à Bussigny. Une dizaine de personnes de différentes cultures et états de vie nous ont rejoints. Nous y vivons une belle fraternité riche de ses différences. 

Comment se déroulent les rencontres ?
Nous prenons le temps de bien nous accueillir. Nos enfants, qui font des bisous à tout le monde, participent pleinement à cette dimension. Puis nous nous confions au Seigneur par un chant à l’Esprit Saint et un bon temps de louange auxquels les enfants participent volontiers avant d’aller se coucher. Ensuite vient le temps du parcours biblique, suivi d’un repas fraternel dans l’esprit du Jeudi saint. Ce repas débute par un petit office de table durant lequel nous rendons grâce et intercédons pour l’Eglise. 

Qu’est-ce que les participants y apprécient ?
Nos rencontres sont l’occasion d’un approfondissement de la foi : « Finalement, j’y apprends pas mal de choses », nous disait un participant. La vie fraternelle aussi est appréciée : « Tout le monde devrait venir », s’enthousiasmait une dame. Il est vrai que cela fait du bien de partager la Parole et le repas dans l’allégresse et la simplicité de cœur ! 

L’expérience de Muriel et François, comme celle d’autres groupes qui se réunissent dans des maisons, nous montre que nos familles, « petites Eglises domestiques », peuvent devenir des lieux d’accueil, de compassion, de ressourcement et d’évangélisation. Une bien belle mission !
Comme c’est le cas pour d’autres communautés, des personnes désirent vivre un rapprochement avec le Verbe de Vie. Ils constituent ainsi une « famille spirituelle ». Certains membres des MA peuvent prononcer un engagement manifestant cette proximité à la communauté et une participation à sa mission.1

1 https://leverbedevie.net/les-maisons-de-lalliance/

Réponse d’un évêque à Sylvain Sierro

logo_synode4En vue du Synode des jeunes qui se tiendra à l’automne 2018, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.

Par Vincent Lafargue
Photos: LDD, DRsylvain-sierroSylvain Sierro, 15 ans, habitant Les Prasses (VS), a posé plusieurs questions à nos autorités ecclésiales. Mgr Alain de Raemy a retenu celle-ci à laquelle il souhaite répondre :

De quelle manière pourrait-on inciter les jeunes non pratiquants (ou d’autres religions) à se rapprocher de l’Eglise ?

L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:

alain-de-raemyL’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy, répond ainsi :

Cher Sylvain,

Comment faire pour se faire connaître comme chrétiennes et chrétiens ? Faut-il en parler, ou proposer, ou inviter ? Tu as raison, cher Sylvain, d’employer le verbe « inciter ». Inciter, c’est susciter de l’intérêt pour quelque chose. C’est provoquer de la curiosité. C’est intriguer par nos gestes ou nos paroles, nos comportements ou nos options. Ce n’est ni sermonner ni s’isoler.  

Un chrétien n’est pas celui qui pense et fait nécessairement comme tout le monde. Il pense et fait à partir de ce qu’il comprend de sa vie et de toute la vie grâce à Dieu, grâce à Jésus. A partir de là, il respecte tout être humain et tout l’être humain de sa conception à sa mort naturelle. A partir de là, il sait qu’aimer l’autre concerne vraiment tous les autres, aussi celui ou celle qui pense autrement, et même l’ennemi ou le criminel. A partir de là, il comprend que l’image de Dieu, c’est l’homme et la femme, et pas l’homme sans la femme, ni la femme sans l’homme, et il s’émerveille devant ce couple, seule source de nouvelle vie humaine. A partir de là, il ne supportera jamais la moindre injustice. A partir de là, il fera tout son possible pour que le bonheur de tous soit possible.

Si cette manière d’être du chrétien et de la chrétienne, à partir de Dieu, à partir de Jésus, se voit, et si ceux et celles qui la vivent ensemble ne pensent pas être meilleurs que les autres, et ne ferment leur porte à personne, alors on peut intriguer… et inciter à se rapprocher de l’Eglise.

On a du pain sur la planche, n’est-ce pas ? Heureusement qu’on a aussi le Pain de Vie sur l’autel. Il nous nourrit et nous empêche de nous décourager quand on a plus éloigné que rapproché les autres… Car rien n’est impossible à Dieu.

+ Alain de Raemy, l’évêque des jeunes

En librairie – octobre 2018

Par Nicolas Maury et Sœur Gabriella Enasoae de la librairie Saint-Augustin, Saint-Maurice

Des livres

dieu_nest_pas_mortDieu n’est pas mort

Le professeur de philosophie Radisson, citant de nombreux grands auteurs, demande à ses étudiants d’attester par écrit que Dieu est mort. L’un d’entre eux, Josh, s’y refuse. Son professeur le met alors au défi de prouver le contraire, à lui et à ses camarades. Ce film de Harold Cronk avec Kevin Sorbo (connu pour la série Hercules) a fait 60 millions de dollars de recette lors de sa sortie aux Etats-Unis.

Saje Distribution

Acheter pour 30.00 CHFvan_thuanVan Thuan, libre derrière les barreaux

Le 15 août 1975, le père François Xavier Nguyen Van Thuan est emmené en prison sans jugement. Au Vietnam, où le récit se situe, l’oppression communiste semble avoir triomphé. Mais, alors même qu’il est derrière les barreaux, le destin de cet homme va dépasser la logique humaine et bouleverser tout un peuple. Jusqu’aux oppresseurs. C’est son histoire que raconte Teresa Gutiérrez de Cabiedes. 

Nouvelle Cité

Acheter pour 34.00 CHFbilalBilal, la voie de la révolte

Historien et professeur à l’Institut catholique d’arts et métiers, Nour-Eddine Séoudi propose, avec ce roman jeunesse, un récit où l’aventure, la poésie et la magie transportent le lecteur vers la Palestine au XIIe siècle. Sous l’ombre de la forteresse d’Alamut, alors que la chrétienté et l’islam s’affrontent, ce monde est aussi celui où l’esprit s’élève au-delà des dogmes. 

Fidélité

Acheter pour 22.40 CHFhopenHopen, que la louange éclate

Sur leur enfance dans une famille catholique ouverte sur le monde à leur rencontre avec le pape François, Antoine, Camille, Armand et Charles Auclair se livrent sans réserve. L’occasion de découvrir, sous la plume de Joseph Challier, qui sont les quatre frangins d’Hopen, groupe de pop-louange qui a conquis jusqu’à la scène de l’Olympia. 

Editions Emmanuel

Acheter pour 18.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. +41 24 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, +41 26 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

La spiritualité des enfants

Certains se demandent parfois si la vie spirituelle est accessible aux enfants. Un psaume nous répond : « Par la bouche des tout-petits, la splendeur de Dieu
est chantée »
1. Reste à savoir comment éveiller en eux le don de Dieu. Esquisses de pistes où se conjuguent le rôle de la famille et celui de l’institution ecclésiale.

1 Ps 8, 2

Par Bertrand et Françoise Georges
Photos: pixabay.com, Catherine Roduit, 
Bertrand et Françoise GeorgesL’homme, nous disent les Pères de l’Eglise, est « capax Dei » : capable d’une vie spirituelle, de connaître Dieu et d’accueillir le don qu’Il fait de lui-même. Mais à partir de quel âge ? Certains suggèrent que dans ce domaine, le petit est plus ouvert que l’adulte parfois freiné par toutes sortes de mécanismes de défense. 

A une catéchiste qui déplorait le peu qu’il restait parfois aux enfants après tant d’années de catéchisme, un enseignant a répondu : « Rassure-toi, j’ai le même problème avec l’allemand. Sauf s’ils le pratiquent en famille ! » De même, comment la proposition de la foi faite aux enfants pourrait-elle prendre racine en eux, comment le Christ pourrait-il transformer leur être et leur agir, s’ils ne le fréquentent pas régulièrement ? 

Il apparaît donc que si la transmission est importante, l’imprégnation l’est tout autant. Une mère qui endort son petit en chantant un cantique le familiarise avec la présence de Dieu. De même si les parents sont dans l’action de grâce pour les événements heureux et confient à Dieu leurs soucis, ou s’ils ont l’habitude de bénir le repas… Bien sûr, il n’y a pas de recette qui marche à tous les coups, tant il est vrai que chacun reste libre d’adhérer ou non à l’appel de Dieu. Néanmoins, lorsque l’enfant vit dans un milieu où Jésus fait partie de la famille, la relation avec Dieu lui apparaîtra comme naturelle. C’est l’expérience que font Pierre et Marie-Claire 2 avec leurs quatre enfants. Pour eux, il est essentiel de favoriser une rencontre intime avec le Christ dès la plus tendre enfance, tout en veillant à ce que cette initiation soit adaptée à l’âge et à la personnalité de chacun. C’est principalement par une vie quotidienne imprégnée de la présence de Dieu que s’opère cet éveil à la vie spirituelle : prière en famille (parfois un peu « sport » avec des petits enfants), lecture de BD chrétiennes, apprentissage de valeurs évangéliques… 

2 Prénoms d’emprunt

Le rôle des grands-parents

« Les grands-parents sont un trésor dans la famille. S’il vous plaît, aimez-les et faites en sorte qu’ils parlent avec les enfants ! » disait le pape François dans un tweet. L’abbé Thierry Schelling, curé de Renens, une paroisse riche d’une grande diversité culturelle, relève qu’il y a souvent un beau lien entre les nonni, grands-parents, et les nipoti, petits-enfants, de telle sorte que ceux-là apprennent les premiers gestes et les premières prières à ceux-ci lorsqu’ils en ont la garde. 

Selon le pape François, les grands-parents sont un trésor dans la famille.
Selon le pape François, les grands-parents sont un trésor dans la famille.

Jeanne 3 est la grand-maman des enfants de Pierre et Marie-Claire. Son divorce a été l’occasion d’une grande remise en question. C’est dans ce contexte qu’elle rencontre le Seigneur. Sachant que leurs parents le font eux-mêmes, Jeanne parle relativement peu de sa foi à ses petits-enfants. Sa manière à elle, c’est de s’intéresser à eux, de leur être disponible. Les enfants savent qu’elle vit une profonde relation avec Dieu, et comprennent qu’elle y trouve la source de l’amour qu’elle leur manifeste. Du coup, une grande confiance s’est établie, et ils lui demandent volontiers de prier pour eux. Jeanne nous révèle aussi avoir découvert la fécondité de l’offrande de ses souffrances, en communion avec le Seigneur.

3 Prénom d’emprunt

La communauté pour approfondir la vie spirituelle

Mais la foi ne se vit pas qu’en famille : la paroisse et les communautés complètent la dimension d’Eglise domestique. Pierre et Marie-Claire disent volontiers combien ce qu’ils vivent au sein de leur foyer est enrichi par les Eucharisties, les montées vers Pâques ou des rassemblements de familles. Les apports des animateurs et les temps partagés avec d’autres sont très motivants pour les enfants. 

La dimension souvent joyeuse et festive de ces temps forts laisse à chacun une empreinte positive. Ces expériences fortes aident à tenir bon dans les moments plus arides de la vie spirituelle. 

Comment la liturgie peut-elle s’adapter aux enfants ? C’est une question que se posent souvent ceux qui président et animent des célébrations. L’abbé Christophe Godel, vicaire épiscopal pour le canton de Vaud, nous parle de la situation de parents qui souhaitaient voir leur fille faire sa première communion. Celle-ci résiste, car, dit-elle, « quand je vais à la messe, je ne comprends pas. Si je comprenais, je la ferai sûrement ». De telles situations nous invitent à certaines adaptations qui favorisent une participation consciente et active des enfants. Le « Directoire pour les messes avec des enfants » nous donne de précieuses indications pour le faire. 

L’apprentissage des premiers gestes est capital.
L’apprentissage des premiers gestes est capital.

Enfants adorateurs

A Fully, comme dans bien d’autres endroits en Suisse romande, un groupe d’enfants adorateurs se réunit une fois par mois. Et ça dure depuis 25 ans ! Le temps devant le Saint Sacrement, le silence, la prière spontanée, le partage de la Parole, le bricolage, le goûter constituent une vraie école de vie spirituelle, nous dit Catherine Roduit qui anime ces temps forts. Les parents, dont certains étaient enfants adorateurs dans les premières années, sont confiants dans le bien-fondé de la démarche : « Nous les emmenons devant le Seigneur, et Lui s’en occupe et les rejoint. » Et les enfants n’y vont pas que pour faire plaisir à leurs parents : « L’adoration, c’est important, il faut pas qu’on la loupe. »

La mission d’éveiller les enfants à la spiritualité revient donc à la communauté et à l’entourage, notamment aux parents. A partir de là une question se pose parfois à ceux-ci : est-ce que j’y crois vraiment ? Cette interpellation peut conduire à se lancer dans l’aventure de la foi dont les enfants ne seront pas les seuls bénéficiaires. Il y a des (re)commençants de tous âges sur les chemins de la vie spirituelle !

Les étapes de la vie spirituelle des tout-petits :

– Nouveau-né : imprégnation durant la prière des parents ;
– 15 mois : prière formulée, mais courte, à répéter après les parents, puis avec eux ;
– 2 ans : prier pour tous ceux qu’on aime, dire merci, petit temps de silence ;
– 3 ans : développer les facultés d’admiration, dire merci, pardon, s’il te plaît ;
– 4-5 ans : écouter des histoires de la Bible adaptées aux petits.

Tiré de « Parler avec Dieu », brochure cantonale œcuménique pour l’Eveil à la foi du canton de Vaud.
De nombreux outils contribuent à éveiller les enfants à la vie spirituelle. Le livret «Vivre la prière en famille» vient d’être publié. Anne-Claire Rivollet, de la pastorale familiale à Genève, précise que cet ouvrage est complété par un site internet qui sera régulièrement mis à jour.  www.prierenfamille.ch

Jeunesse papale!

Par Thierry Schelling
Photo : Jean-Claude Gadmer

Les réponses de François aux petits sont loin d’être des enfantillages.
Les réponses de François aux petits sont loin d’être des enfantillages.

Loin d’être des enfantillages, les réponses du pape François à trente enfants du monde entier – sur les 250 recueillis par les jésuites dans leurs institutions, paroisses et centres de jeunesse – éveillent un sourire, esquissent un soupir, permettent une émotion franche et directe, comme le ton des missives-réponses. Extraordinaire kaléidoscope que ce Cher Pape François, aux Editions Mame pour la version française !

Questions-réponses
On y lit, dans sa version originale, la question de l’enfant, avec son portrait, sa plume et son pays, ainsi que la traduction en français, bien sûr ; et, en vis-à-vis, la réponse du pape, dactylographiée pour une lecture plus sûre, peut-être. Et on y découvre que les enfants d’aujourd’hui comme ceux d’hier ont les mêmes grands et petits soucis : la guerre, le mal, la mort, mais aussi la paix, l’union des cœurs, et Jésus tout de même ! 

François prend plaisir à donner sa réponse, une réponse, dit-il, sans aucune infaillibilité ! Mais une vérité qui fait du bien, des mots abordables pour des questions difficiles. On y apprend que le Pape voulait être… boucher parce qu’il semblait que ce métier rendait très riche, qu’il a vu plein de miracles non spectaculaires mais dans sa vie quotidienne, qu’il n’a jamais pu comprendre la souffrance des enfants – « je n’ai pas peur de pleurer », confesse-t-il volontiers à William, 7 ans –, qu’il encourage Nastya, 10 ans, à donner son témoignage de chrétienne « là où tu vis, avec ta famille, parmi tes amis, et dans ta ville ».

Du tac au tac
Il ose aussi les «gros» mots : foi, espérance, charité, pardon, liberté, sans ambages philosophiques, mais presque du tac au tac, comme le font les enfants !

Jean-Paul Ier s’était prêté à l’exercice de catéchèses orales pour enfants, et Jean-Paul II leur avait écrit à la veille de Noël 1994, puis ouvert et conclu le jubilé de l’An 2000 avec eux. Des pontifes qui usent du « je », partagent leurs expériences d’enfants chrétiens, recourant à leurs souvenirs personnels pour les illustrer…

En cette ère de tardive dénonciation de l’abominable crime qu’est la pédophilie au sein même du clergé catholique, il est consolant de voir des papes prendre les enfants au sérieux, les écouter et leur répondre non pas en pérorant, mais juste en prenant leur plume pour aligner quelques mots justes et vrais.

La pastorale du baptême

« Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. »
(
Math 18, 20)

Par Nicole Andreetta
Photo: DRLe baptême est une démarche qui concerne, en général, de tout petits enfants. Il représente l’entrée dans la communauté chrétienne. Il arrive régulièrement que des jeunes gens ou des adultes demandent également à recevoir ce sacrement. Et parfois même des enfants en âge de scolarité expriment eux-mêmes le souhait d’être baptisés. Ces derniers suivent alors un parcours de catéchèse adapté à leur situation.

Elisabeth Beaud est responsable de la pastorale du baptême pour les enfants en âge de scolarité dans l’UP Notre-Dame à Fribourg : « Pour notre UP, cela représente, en moyenne, huit enfants par année. A Fribourg, les cours de catéchèse ont lieu dans le cadre de l’école. Il est possible d’y assister sans avoir reçu le baptême. C’est souvent au moment où ses camarades se préparent à la première communion que, tout à coup, l’enfant demande lui-même à être baptisé. Il ressent le besoin d’appartenir à un groupe, une communauté. Il en parle d’abord à ses parents et son catéchiste me contacte ensuite. »

Les enfants suivent un temps de préparation durant une année, à raison d’une rencontre une fois par mois. 

« Les enfants sont très assidus, souligne Elisabeth. Nous leur faisons signer une sorte de contrat qui les engage. Pour différentes raisons, les parents n’ont pas fait baptiser leur enfant, cela peut aussi réveiller quelque chose en eux. Certains assistent aux rencontres, on les sent présents. »

Et Elisabeth termine par cette jolie histoire : « Il y avait dans une classe un jeune garçon, appelons-le Sébastien, assez bagarreur qui n’était pas très aimé de ses camarades. Un de ses copains, voulant mettre en pratique ce qu’on lui avait dit sur l’amour du prochain, lui fait la proposition de venir au cours de catéchèse. Sébastien accepte. Il assiste à une première rencontre, puis à la suivante… et finit par intégrer le groupe. Un jour, il décide de demander le baptême. Ses parents n’imaginaient pas qu’il ferait cette démarche, mais soutiennent sa demande. Certains de ses amis du cours de catéchèse étaient présents lors de la célébration. Depuis, Sébastien est également devenu servant de messe. »

Les modèles du Royaume (Marc 10, 13-16)

Par François-Xavier Amherdt
Photo: pixabay.com
Non seulement Jésus laisse venir à lui les petits enfants qu’on lui amène : il les embrasse, les bénit et leur impose les mains (Marc 10, 16) ; il provoque ce faisant la réaction courroucée et outragée des disciples (« ils le rabrouèrent », v. 13b) qui ne comprennent pas qu’on vienne importuner le Maître avec des êtres non encore admis officiellement dans la communauté (la majorité religieuse était à 12 ans pour les filles et à 13 ans pour les garçons). Mais en plus, le Christ se fâche contre les apôtres et fait des petits les modèles de ceux qui désirent entrer dans le Royaume.

La spiritualité des enfants se fonde aussi sur cette double dimension : ils ont libre accès au Père qui reconnaît leur profonde dignité, notamment par la renaissance du baptême. « Tu es mon fils, ma fille bien-aimé(e). En toi je mets tout mon amour », dit la voix venue du ciel sur chaque nouveau baptisé, comme pour Jésus au Jourdain (Marc 1, 11). La grâce surnaturelle jointe à la constitution naturelle « ontologique » des petits, les révèle comme « capables de Dieu » (capax Dei, en latin), c’est-à-dire aptes spontanément à s’ouvrir à la Transcendance, à percevoir la profondeur de la réalité au-delà des apparences, et à habiter la sphère spirituelle de l’Esprit. Leurs anges gardiens, leurs saints patrons, leurs parrains et marraines et leurs familles y veillent.

D’autre part, les petits montrent aux adultes le chemin à suivre par leur attitude et leur manière d’être profonde. Comme Jésus le proclame : « Quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant n’y entrera pas. » (v. 15) C’est ce que la petite Thérèse de Lisieux appelle « la petite voie de l’amour et de l’enfance spirituelle ».

Le Royaume ne se gagne pas à coups de mérites ni de performances, fussent-elles religieuses. Il se reçoit dans l’abandon, à l’exemple d’un bambin qui se laisse prendre sur le cœur de ses parents. Pour aller au ciel, dit Thérèse, mon ascenseur, ce sont les bras de Jésus. Il ne s’agit pas de faire des œuvres POUR Dieu, mais de se laisser faire PAR Dieu.

Il sert à quoi, Dieu?

Par Nicole Andreetta
Dessin : Françoise Georges

L’initiation doit être adaptée à l’âge de chacun.
L’initiation doit être adaptée à l’âge de chacun.

C’était la première année que j’enseignais le catéchisme. J’avais devant moi un groupe d’enfants d’une dizaine d’années. Nous étions plongés dans la lecture d’un récit tiré du livre de l’Exode, la traversée de la mer Rouge par les Hébreux.

Je m’appliquais à suivre à la lettre le déroulement du cours proposé par le programme de catéchèse. Je m’étais lancée dans une explication un peu scientifique de ce fameux miracle, mais qui m’apparaissait cohérente et rationnelle, lorsqu’un jeune garçon m’interrompit :« Mais alors, il sert à quoi, Dieu, si tu expliques tout ? »

Sa question m’interpella fortement. Je venais de recevoir une belle leçon. Quel que soit notre désir de bien faire et de chercher à résoudre des problèmes, il ne faut jamais oublier de laisser de la place pour l’inexplicable. Voilà un enseignement que je n’ai jamais oublié !

J’ai, depuis, suivi différentes formations bibliques et théologiques.

Je travaille depuis 15 ans comme aumônière auprès des demandeurs d’asile.

J’ai toujours gardé au fond de mon cœur les paroles de cet enfant. Face aux nombreuses situations que je rencontre où je me sens bien impuissante, elles représentent pour moi une belle source d’espérance.

Vocation et communication

Spécialiste en communication, Claire Jonard a intégré la communauté du Saint-Bernard. Elle gère notamment la Pastorale jeunesse en Suisse romande.

Par Nicolas Maury
Photos: François Perraudin, Nicolas Maury« Ici le Christ est adoré et nourri. » Ces paroles résonnent de manière particulière aux oreilles de Claire Jonard. Vierge consacrée, la quadragénaire belge a guidé pendant une dizaine d’années nombre de ses compatriotes sur le chemin du col du Saint-Bernard. « Il y a vingt ans, j’ai senti que Dieu m’appelait. Découvrant ma vocation grâce à mon évêque, j’y ai répondu. Dieu est venu la confirmer. » Ce moment décisif s’est déroulé à 2473 mètres d’altitude. « Quand je venais à l’hospice animer des retraites et des vacances, j’ai compris le charisme du lieu. Cela a complété ce que je vivais en Belgique. Le Seigneur m’a conduite à rejoindre la communauté du Saint-Bernard. » 

Aujourd’hui, Claire vit dans la maison que la communauté possède à Martigny. « Arrivée en Suisse début 2017, je suis encore en train de chercher la forme exacte de l’appartenance et du cheminement que cela pourrait prendre. C’est à conjuguer avec ma vocation de vierge consacrée », avoue-t-elle. Ce qui ne l’a pas empêchée de rapidement assumer des responsabilités, en Valais et au-delà. Son quotidien, elle le partage entre sa fonction de chargée de projet pour la Pastorale jeunesse en Suisse romande et de coordinatrice du Centre romand des vocations d’une part, et d’animatrice pastorale à Bagnes avec rayonnement sur Martigny et Orsières d’autre part. 

Le Synode en point d’orgue

« Ma journée commence à 7h15 par la prière des laudes, suivie du petit déjeuner avec la communauté. Ce moment est l’occasion de prendre des nouvelles de chacun. Nous ne sommes pas tous présents en permanence dans la maison de Martigny », sourit la jeune femme. Qui s’attache ensuite à répondre à son double mandat professionnel. Ses instruments : son ordinateur et son téléphone portable. « Mes deux temps partiels, je les conjugue plutôt sur la durée que sur 24 heures. En général, le matin est réservé à faire avancer les dossiers. »

De courriels en téléphones, le Synode des jeunes l’occupe en priorité cet automne. Forte de sa précédente expérience professionnelle – elle fut responsable des services de communication des vicariats de Bruxelles et du Brabant wallon ainsi que porte-parole de la Conférence épiscopale en Belgique –, elle supervise la campagne de prière liée à cet événement. Sans oublier la réalisation de clips vidéos liés aux vocations. « Ce synode est un événement extraordinaire. Il n’y en a jamais eu sur un thème liant jeunesse, foi et discernement qui tient très à cœur au Saint-Père. Je ne pense pas que quelque chose de similaire se reproduise ces cent prochaines années. La particularité, c’est que les jeunes sont appelés à être protagonistes, comme durant la phase de préparation. Tout cela donnera une ligne pour la pastorale des 30 à 40 ans à venir. Sans oublier que l’Esprit Saint va souffler sur le Synode. Participer à tout ça, c’est avoir le cœur qui bat au rythme de la mission de l’Eglise mondiale. »

En parallèle, elle tourne une partie de son attention vers janvier 2019 et les JMJ de Panama.  « C’est tout soudain ! Je prends des contacts avec le diocèse de Bocas del Toro où les Suisses se rendront. Je serai aussi de la partie. »

L’après-midi, Claire Jonard le consacre davantage aux rencontres et rendez-vous. « A Bagnes, nous tentons de cibler les besoins, les rêves et les appels plutôt que de nous limiter à remplir le cahier des charges administratif. Tout ça dans une ambiance ouverte et informelle. »

Son travail met souvent Claire en contact avec la jeunesse, notamment en vue des JMJ de 2019 à Panama.
Son travail met souvent Claire en contact avec la jeunesse, notamment en vue des JMJ de 2019 à Panama.

Missionnaire du XXIe siècle

Sa passion pour la communication, elle la fait vivre via les réseaux sociaux. « C’est en montant des projets avec les jeunes que j’ai appris à être efficace pour eux. Il est important que les chrétiens soient présents sur ce type de médias. Ce n’est pas parce qu’on est catholique qu’on doit faire des choses de manière amateure. » Entre l’établissement d’un calendrier de publication, la planification à moyen et à long terme et la génération de buzz, Claire sait exactement quelles sont les méthodes à adopter : « Les missionnaires qui partaient en Afrique devaient apprendre le langage et la culture locale avant de mener à bien leur tâche. Ici, c’est pareil. Il faut d’abord donner le goût aux jeunes de rejoindre l’une ou l’autre activité d’Eglise. Ce n’est pas à travers les réseaux sociaux que l’on explique comment approfondir un Evangile, mais c’est là qu’on peut dire : Venez et Voyez. »

Notre Dame de Compassion

Par Pascal Bovet
Photo: Jean-Claude Gadmer

Un chef-d’œuvre de style baroque, attribué à Pierre Ardieu de Bulle, vers 1670.
Un chef-d’œuvre de style baroque, attribué à Pierre Ardieu de Bulle, vers 1670.

La dévotion à Marie est aussi ancienne que l’Eglise ; ses douleurs annoncées par le prophète Siméon ont été rapidement mises en évidence, d’où parfois un culte marial doloriste.

Appelée également Notre Dame de miséricorde, ou encore Notre Dame de grâce, elle a été honorée en Suisse romande sous ces vocables, à côté de titres plus glorieux comme Notre Dame de l’Assomption.

En l’église des Augustins, aujour­d’hui paroisse Saint-Maurice en basse-ville de Fribourg, on peut admirer un chef-d’œuvre de style baroque, un temps où on ne se privait pas d’exprimer ses sentiments, joyeux ou peinés. La statue sculptée en bois polychrome représente Marie portant sur ses genoux non plus le « petit Jésus » mais le Seigneur et Sauveur après sa mort. Et avant la résurrection. Malgré le côté dramatique de la scène souligné par les sept épées transperçant le cœur de Marie, les visages restent empreints de dignité. C’est un Christ pacifié que Marie reçoit en retour de son oui, un oui qui va jusque-là. 

Premier avatar : ce que nous en voyons aujourd’hui n’est qu’une moitié de l’œuvre ; la Madone  originale était encadrée de deux personnages qui ont été détachés et qui ornent maintenant une chapelle de la Singine.

L’auteur est disputé : certains l’attribuent au sculpteur Jean-François Reyff, grand artiste baroque à l’œuvre à Fribourg. Mais l’histoire nous fait faire un détour par Bulle, en lien avec la chapelle des Capucins, dédiée à la même Notre Dame de Compassion. Et de là on soutient que l’auteur en est un sculpteur bullois, Pierre Ardieu (vers 1670). Le déménagement de Bulle à Fribourg semble être l’effet d’un don de la part du préfet de Bulle, originaire de la basse-ville de Fribourg, après avoir installé les Capucins à Bulle.

Qu’est-il arrivé à la statue pour qu’elle ait perdu ses deux personnages accompagnant Marie ? L’histoire est trop longue et incertaine pour être ici racontée.

A la croisée des chemins

Par Pascal Bovet
Photo: Jean-Pierre Coutaz
A l’entrée de Saint-Maurice, en provenance de Martigny, à peine avez-vous quitté l’autoroute qu’un giratoire vous oblige à contourner la grande croix qui en occupe le centre.

Créée par l’artiste agaunois Jean-Pierre Coutaz, une croix découpée en quatre parties, couvrant ainsi les quatre points cardinaux, étend ses bras en signe d’accueil.

Une croix un peu particulière, on l’a dit, tréflée car ses quatre bras égaux se terminent par un découpage en forme de trèfle évoquant à son tour une croix.

On fait remonter cette forme de croix à celle que portaient les chevaliers de Saint-Maurice au Moyen Age. Elle rappelle la croix de Jérusalem, carrée et portant également à ses extrémités un élément décoratif, dit « béquille » ou « tau ».

Le découpage et la perspective changeante font apparaître progressivement l’ensemble de la croix, suivant votre point de vue que vous n’avez pas le temps d’apprécier… vous roulez !

Image donc fugace, sur la voie publique, mais qui invite à prendre plus de temps dans un des lieux plus propices à la prière.

Etat et conscience (Romains 13, 1-7)

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR
D’un côté, l’apôtre Paul exhorte les chrétiens à participer à la vie de la cité (la « polis », en grec), et donc à la « politique » au sens noble (Romains 13, 1). La foi est « politique » et nous pousse à faire de la « politique », contrairement à ce que préconisent certains partis et penseurs qui aimeraient en cantonner l’exercice dans la sphère privée et individuelle. L’Evangile a des incidences communautaires essentielles, dans le domaine de la justice sociale, de la solidarité, du bien commun et de la subsidiarité.

Que les baptisés s’engagent donc en politique, au nom de leur foi, soit en tant que citoyens en participant à la démocratie et à toutes les votations-élections, soit en assumant une responsabilité ou une charge ! Il s’agit ainsi de respecter les lois et les autorités en faisant le bien, dans la mesure où les gouvernements authentiques ne s’attribuent pas à eux-mêmes le pouvoir, mais le reçoivent du peuple, et en fin de compte de Dieu lui-même qui veut le bonheur de tous.

Cependant, si les responsables politiques ne jouent pas leur rôle et cherchent leurs intérêts propres plutôt que celui de la population, comme c’est trop souvent le cas dans les multiples régimes autoritaires, totalitaires ou gangrenés par la corruption, les chrétiens citoyens sont, « par motif de conscience » (verset 5), tenus de s’élever contre les législations et les pratiques injustes qui oppriment les minorités et ne respectent pas la « loi naturelle » inscrite par Dieu en tout être. Car les baptisés sont citoyens des cieux et appelés à obéir à Dieu, qui parle dans le sanctuaire de leur cœur, plutôt qu’aux instances étatiques, quand les deux perspectives entrent en conflit (Philippiens 3, 20-21).

La « laïcité ouverte », inspirée du Nouveau Testament et du Magistère ecclésial, est là pour garantir le droit de chaque communauté religieuse de vivre selon ses convictions, en paix avec les autres au sein de l’espace public.

Les Cercles de silence

« Dans le silence, nous nous préparons intérieurement à nous engager plus à fond pour le respect des êtres humains. Notre silence veut rejoindre les personnes en situation irrégulière, ceux qui font la loi et ceux qui la font appliquer. »

Texte et photo par Nicole AndreettaLes Cercles de silence s’élèvent contre les atteintes à l’humanité des étrangers en situation irrégulière, particulièrement contre leur enfermement dans des centres de détention administrative.

Le premier Cercle s’est formé à Toulouse en automne 2007, sur l’initiative du frère franciscain Alain Richard. Depuis, dans plus d’une centaine de villes françaises, une fois par mois, des personnes de tous horizons se rassemblent en cercle dans un espace public et gardent le silence pendant une heure. Des pancartes renseignent les passants sur le but de cette démarche. Deux ou trois personnes distribuent des flyers avec des informations supplémentaires.

En Suisse, les Cercles de silence ont fait leur apparition en 2011. Celui de Genève se réunit 5 à 6 fois par an. 

Agnès, alerte octogénaire y participe été comme hiver : « L’accueil en Europe n’est pas du tout à la mesure de ce que nous pourrions offrir. Je suis révoltée contre les personnes qui, se justifiant derrière les lois, ne cherchent pas à comprendre ce que signifie fuir un pays en guerre. Quand je  pense à tous les morts engloutis dans les flots de la Méditerranée, je me dis que participer au Cercle, c’est vraiment peu de chose ! Mais c’est au moins quelque chose que je peux faire. » 

Se mettre à l’écoute
Le silence donne la possibilité de se mettre à l’écoute de sa propre conscience : « Que faisons-nous subir à nos semblables ? Quelle part de responsabilité nous appartient ? Jusqu’où va notre désir de justice ? »

Le silence unit les personnes au-delà des idéologies ou des croyances. Vécu ainsi collectivement, il permet de réaliser que tous partagent la même humanité et que son non-respect porte atteinte à chacun et chacune.

Selon une des organisatrices : « En six ans, la situation ne s’est pas améliorée. C’est vraiment un engagement sur le long terme. Les réactions positives des passants, leurs questions et leurs paroles de soutien nous encouragent à poursuivre cette démarche. »
Le prochain Cercle de silence de Genève se déroulera le samedi 13 octobre 2018 entre 12h et 13h à Plainpalais, arrêt Cirque, tram 15

Liberté religieuse

Par Thierry Schelling
Photo: DRL’histoire de l’Eglise est une très bonne catéchèse, on l’oublie souvent ! Par exemple, à étudier les écrits des papes sur tel ou tel sujet, au fil du temps, on y découvre des changements, parfois radicaux, de prise de position qui témoignent du souffle de l’e / Esprit… C’est le cas pour la liberté religieuse ! Certes, il y a toujours un contexte ; mais pas seulement : on s’appuye sur le même Evangile pour étayer les propos pontificaux parfois des plus contrastés !

En cent ans…
Pie IX, dans son Syllabus (chapitre 3), dénonce comme anathème quiconque déclare qu’ « il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il aura réputée vraie d’après la lumière de la raison ». Dignitatis humanae (Concile Vatican II) affirmera « que la personne humaine a droit à la liberté religieuse », un droit à reconnaître « de telle manière qu’il constitue un droit civil ».

Et François n’en démord pas : son discours devant l’Independance Mall à Philadelphie (septembre 2015), intitulé « Rencontre pour la liberté religieuse avec la communauté hispanique et d’autres immigrés », réaffirme que la liberté religieuse est « un droit fondamental qui forge la façon dont nous interagissons socialement et personnellement avec nos voisins qui ont des croyances religieuses différentes de la nôtre. L’idéal du dialogue interreligieux, où tous les hommes et toutes les femmes de différentes traditions religieuses peuvent dialoguer sans se quereller, cela, la liberté religieuse l’assure. » 

Un risque
Mais avec un risque : au nom des droits humains, des formes modernes de colonisations idéologiques se voient instaurées, celles des plus forts et des plus riches sur les plus faibles et les plus pauvres. François, par background, formation et parce que jésuite sud-américain, ne pouvait éviter de le répéter dans chaque pays visité aux périphéries du monde : Turquie, Albanie, Corée, Sri-Lanka… Fondamentalisme et laïcisme (y) sont les deux expressions erronées qui trahissent la liberté religieuse comme droit à l’égalité dans le respect de la diversité. « Ma liberté s’arrête où commence la tienne », reprendrait-il certainement, mais en y ajoutant « et ensemble, comme dans un polyèdre, tenons-nous la main pour agir mieux et plus… librement ! »

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