Réponse d’un évêque à Luc Babey

logo_synode4En vue du Synode des jeunes qui se tiendra à l’automne 2018, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.

Par Vincent Lafargue
Photos: LDD, DRluc-babey2Luc Babey, Jurassien de Porrentruy fêtant ses 20 ans en ce mois de mai, a posé plusieurs questions à nos autorités ecclésiales. Mgr Alain de Raemy a retenu celle-ci, à laquelle il souhaite répondre :

« Beaucoup de familles catholiques ou protestantes de ma région ne pratiquent plus et ne donnent pas de suite à la quête de foi de leurs enfants. Pourquoi en arrivons-nous là ? Comment peut-on faire pour ″remotiver″ ou ″réussir″ à amener du monde dans les églises ou lors des activités organisées par la paroisse ? »

L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:

alain-de-raemyCher Luc,

Si tu veux réussir à amener du monde dans les églises, oublie d’essayer d’amener du monde dans les églises… 

Tu sais quelles sont les paroisses les plus vivantes ? Pas celles qui essaient d’organiser un tas de trucs pour attirer du monde, mais celles qui se laissent attirer par Lui. Celles des chrétiens qui célèbrent avec foi et joie la liturgie telle quelle, sans essayer de faire du spécial, mais en accueillant simplement ce que Jésus est et fait dans la Messe, selon ce qui est prévu par l’Eglise aujourd’hui.

Tu sais qui sont les chrétiens les plus vivants ? Pas celles et ceux qui ne veulent surtout pas choquer les autres et cachent leurs convictions, mais celles et ceux qui veulent aimer les autres à fond, à cause de leurs convictions.

Pour attirer, il faut d’abord se laisser attirer par Jésus, tel qu’il est. Plus je serai fidèle à tout ce qu’est et me donne Jésus (messe dominicale, confession régulière, prière quotidienne, projet permanent d’amour de l’autre jusqu’à l’amour de l’ennemi… et pour ce projet : messe dominicale, confession régulière, prière quotidienne…), plus je serai un témoin. C’est un cercle non pas vicieux, mais bienheureux !

Sois avec Lui, et tu seras avec tous, chrétien pour tous. Alors tous sont « quelque part » touchés. Et Dieu se charge de tout le reste. Que veux-tu de mieux ?

+ Alain de Raemy, l’évêque des jeunes

Eglise de Planfayon

Par Pascal Bovet
Photo : Jean-Claude Gadmer
Le village de Planfayon/Plaffeien (FR) avait subi de graves dégâts lors de l’incendie de 1906. Un appel avait été lancé dans les communes du canton de Fribourg afin de venir en aide au village sinistré. 

L’église n’avait pas échappé aux flammes, et décision fut prise d’une construction nouvelle.

Le mouvement appelé Art Nouveau avait fait fureur à l’Exposition universelle de Paris en 1900, et jusqu’en Singine on s’en est souvenu : c’est le style qui a été choisi pour la décoration de la nouvelle construction néo-romane. 

Le style se reconnaît à la tendance à occuper tout le terrain possible, et à représenter les scènes de manière figurative. Ainsi, au centre de l’abside, un cycle est consacré à la Vierge Marie, de l’Annonciation à la Pentecôte. La thématique est donc mariale ; le Christ n’est pas oublié : il est présent à Cana et à l’Apocalypse.

Un savant tour de l’histoire de l’Eglise, universelle et locale, est proposé par les saints représentés sur les bas-côtés. Saint Nicolas de Myre est en bonne compagnie avec saint Amédée, évêque de Lausanne, Alphonse de Ligori, fondateur des Rédemptoristes (car le curé du moment était membre de cette congrégation) mais aussi avec sainte Thérèse d’Avila, saint Vincent de Paul et saint Maurice…

Un peintre de Châtel-Saint-Denis, Oswald Pilloud, a peint le plafond de l’édifice, orné de motifs floraux, avec la méthode du pochoir. Un autre artiste, allemand celui-ci, Otto Haberer-Sinner, a peint les pièces maîtresses de la décoration. Cet artiste est représentatif de l’Ecole allemande de Beuron. Il a laissé des œuvres profanes comme le Schweizerhof de Berne, mais aussi un tableau commémoratif de la Diète de Stans que l’on trouve dans l’église de Guin/Düdingen (FR).

En librairie – mai 2018

Par Nicolas Maury et Sœur Franziska Huber de la librairie Saint-Augustin, Saint-Maurice

Des livres

dieu_est_jeuneDieu est jeune

Donner aux jeunes une place centrale. Tel est le message de François dans « Dieu est jeune ». Répondant aux questions du journaliste et chercheur Thomas Leoncini, le Pape aborde avec force et passion les grands thèmes que sont l’environnement, les extrémismes, la pauvreté, l’amour et les réseaux sociaux. Le tout saupoudré de souvenirs personnels et de considérations prophétiques. 

Robert Laffont

Acheter pour 26.10 CHFbaiser-du-ramadanLe baiser du ramadan

Agée de 33 ans, Myriam Blal vit à Nantes. Quand elle a annoncé son intention d’épouser Maxime, un chrétien, cette journaliste musulmane n’a tout d’abord rencontré qu’incompréhension et refus, en famille comme sur les réseaux sociaux. Dans ce témoignage, elle raconte son combat pour faire accepter leur amour, disant que la « mixité peut être vécue sereinement ». Un livre pour redonner confiance et courage.

Bayard

Acheter pour 25.20 CHFmanuel-spi-du-catho-ruseLe manuel spi du catho rusé

Un ouvrage à ne pas lire d’un trait, que le guide proposé par Sœur Marie-Anne Leroux. Suivant Jésus qui disait « voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups, soyez donc rusés comme des serpents et candides comme des colombes », elle part du principe que l’habileté et le sens pratique sont un devoir pour le chrétien. A savourer par petites gorgées !

Salvator

Acheter pour 29.00 CHFgrand-mere-en-quoi-tu-croisEt toi grand-mère, en quoi tu crois?

C’est un jeu de questions-réponses direct et sans tabou entre une grand-mère et ses petits-enfants âgés de 10 à 25 ans qu’anime Florence Grellety Bosviel. Psychologue avant de devenir journaliste, elle propose des réponses claires à des interrogations telles que « d’où vient Dieu », « quelle est la place de la raison dans la foi » ou encore « pourquoi le mal ». Un ouvrage à la fois ludique et didactique. 

Editions du Cerf

Acheter pour 15.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

Piété et tradition

La foi du charbonnier et celle du théologien ont-elles le même droit de cité dans l’Eglise? La foi s’est toujours exprimée sous des formes marquées par la culture où elle a pris racine, tantôt plus populaires, tantôt plus rationnelles.

Par Pascal Bovet
Photos: Jean-Claude Gadmer
Les fidèles en procession de la Fête-Dieu ou le professeur de théologie proclamant « la vérité » du haut de son pupitre ont en commun la confiance, ou la foi, et l’attachement à une personne qu’ils nomment parfois Dieu et parfois l’Autre.

Dans un même passage biblique, une femme cherche à toucher la frange du manteau de Jésus… et un chef de la synagogue fait venir Jésus au chevet de sa fille : les deux sont exaucés. (Matthieu 8, 18-26)

Rogations et petits pains

Dans une tradition proche de la terre, il y avait l’intercession des fidèles pour un temps clément et pour des récoltes favorables. Et pour l’exprimer, les fidèles prenaient le chemin des champs, s’arrêtaient à une croix, priaient le rosaire, faisaient mémoire des défunts : un rite symbolique avec le cosmos, Dieu et les défunts. Et cela, suivant les paroisses, durant les trois jours précédant l’Ascension. Beaucoup de contemporains n’ont pas connu cette pratique, impensable en milieu urbain. Aujourd’hui, les rogations ne remplissent plus les greniers !

Le mois de février était riche en rites populaires : à la sainte Agathe, les petits pains rappelaient le martyr de la Vierge et devenaient assurance contre l’incendie. Toute proche, la Saint-Blaise vous protégeait des maux de gorge peu après avoir goûté aux crêpes de la Chandeleur.

Le carnaval signifiait la fin des festivités et l’entrée en austérité. Certains y voient des pratiques obscures alors que d’autres re­grettent ces expressions de piété populaire. 

De quel droit pouvons-nous juger de la foi d’autrui ? Depuis que l’homme est humain, il a pensé pouvoir compter sur une protection contre la nature qui peut lui être hostile, sur la nourriture dont il a besoin et sur les fêtes qui marquent les saisons et les évé­nements. Et il se tourne vers ce qu’il perçoit comme un salut, en un mot Dieu : le pèlerin en marchant, ce qui n’empêche pas de réfléchir, le professeur en enseignant, ce qui ne doit pas l’empêcher de marcher.

Religion populaire: come-back?

Les effets de la Réforme protestante, l’évolution des sciences peuvent pousser à croire à la vanité de certaines pratiques douteuses. L’argument ne manque pas de pertinence : ce ne sont pas les sacrifices que je veux, mais la volonté de mon Père… Si tu es Fils de Dieu, change ces pierres en pain…

On peut se demander parfois jus­qu’où va cette foi, tant son expression surprend ou s’attache à des éléments étranges, soupçonnés de pouvoirs magiques, de visions et de miracles. L’expression populaire n’est pas à l’abri des excès et de déformations. « Regardée avec méfiance pendant un temps, elle a été l’objet d’une revalorisation dans les décennies postérieures au Concile Vatican II. » (Pape François, La joie de l’Evangile,
no 123)

Une succession de papes

D’origine sud-américaine, le pape François a grandi dans un climat de religion populaire avant de se pencher plus intellectuellement sur la foi. Sa fibre communicative est d’abord expression extérieure qui traduit un intérieur. Pour lui, la piété populaire est la porte de la foi, la première entrée possible et praticable, transmise souvent par tradition plus que par conviction, où les sens jouent un rôle important. 

Mais déjà ses prédécesseurs, de Paul VI à Benoît XVI, ont re­connu la valeur de la piété populaire qui peut jaillir du cœur des simples en toute vérité. La Nouvelle Evangélisation, chère au pape Jean-Paul II s’est fondée sur la piété populaire. Le Droit canonique spécifie les devoirs et limites à respecter dans le culte, les sacrements, la vénération des saints et les bénédictions. 

L’expression n’est pas encore courante lors du Concile Vatican II. On se méfie encore de ce qui peut porter ombrage à une foi pure, sans compromission avec la magie. On doit au pape Paul VI, par son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, d’avoir mentionné positivement la piété populaire comme une expressions de l’Esprit Saint pour la mission de l’Eglise. « Elle traduit une soif de Dieu que les humbles et les pauvres peuvent connaître. » (Evangelii Nuntiandi, no 48) Le pape François va jusqu’à écrire : « On peut dire que le peuple s’évangélise continuellement lui-même. D’où l’importance de la piété populaire, expression authentique de l’action missionnaire spontanée du Peuple de Dieu. Il s’agit d’une réalité d’un développement permanent où l’Esprit Saint est l’agent premier. » (La joie de l’Evangile, no 122)

Pourquoi des réserves ?

Une certaine ambiguïté subsiste : mouvement autorisé, inspiré par l’Esprit, mais spontané… donc sujet aux menées partisanes ou intéressées toujours possibles. 

Durant plusieurs siècles, ce sont les fidèles qui vénéraient un personnage, quitte à le canoniser ensuite. Devant les abus, l’Eglise s’est réservé ce droit. On peut faire mémoire de la prudence de  l’Eglise lors des apparitions de Lourdes au XIXe siècle : arbitrer un conflit entre foi, science et politique.

De nos jours, une situation est  peu claire : Medjugorgje (Bosnie-Herzégovine). Ce lieu de pèlerinage ne bénéficie pas de reconnaissance officielle, faute d’éléments probants sur la nature des apparitions, mais aussi en réaction aux tentations de récupération politique des prises de parole (messages) de la Vierge Marie. Ce qui ajoute le charme du défi aux nombreux pèlerins qui prennent régulièrement la route  dans cette direction. 
L’Eglise a trois missions essentielles : enseigner, guider et sanctifier. Elle les remplit par des actions précises, entre autres par les sacrements qu’elle reconnaît conformes à l’Evangile.

Puis il y a les sacramentaux : sans avoir le statut de sacrements, des rites ont une reconnaissance officielle: bénédiction, consécrations…

Enfin, la piété populaire.

Pour résumer le CEC termine ainsi le chapitre sur les sacramentaux (Catéchisme de l’Eglise catholique, 1992, no 1679) : « En plus de la liturgie, la vie chrétienne se nourrit des formes variées de la piété populaire, enracinée dans diverses cultures. Tout en veillant à les éclairer par la lumière de la foi, l’Eglise favorise les formes de piété populaire qui expriment un instinct évangélique et une sagesse humaine et qui enrichit la vie chrétienne. » 

Que mettons-nous sous le mot piété populaire?

Deux francs à saint Antoine, bénir des animaux, accomplir des peines douloureuses, bénir une médaille, vénérer les reliques, fêter la Saint-Valentin, une neuvaine à sainte Rita, brûler un cierge à l’église ou au cimetière, porter la médaille de saint Christophe dans sa voiture…

Chacun aura sa manière de classer ces pratiques. Quand certains y voient un acte de foi ou de confiance, d’autres reconnaissent un acte magique. De plus certains gestes ont été cultivés dans les rites officiels.

Petit fait divers

« Oui, je viens pour régler mes comptes… Avec qui ? Dieu bien sûr…

J’ai perdu mon mari il y a deux ans. Je n’ai pas supporté : pourquoi Dieu m’a fait ça ? J’ai tout laissé tomber, la messe, etc. Quelquefois un cierge à la Madone… 

Puis j’ai eu mon accident, une brûlure grave, un peu de ma faute, cette fois-ci… Et vous voyez, il n‘en reste pas trop de dégâts…

Alors j’ai pensé que c’était le moment de faire la paix… Inscrivez trois messes :
une pour mon mari, une en action de grâce à Marie et l’autre… pour qui vous voulez… »

Piété populaire

Par Thierry Schelling
Photo: pixabay.comTout jésuite qu’il est, François n’en demeure pas moins latino-américain et donc empreint de piété populaire, ce « trésor de l’Eglise », comme il la décrivait aux confraternités reçues en mai 2013 pour leur jubilé lors de l’Année de la foi.

« Une spiritualité, une mystique, un espace de rencontre avec Jésus-Christ », selon le CELAM 1, ces piétés, comme expression du cœur des fidèles, sont multiformes : autels fleuris lors du Señor de los milagros péruvien, bénédiction des cous à la Saint-Alexis, rosaire et processions à Fátima, dévotion aux saints et saintes de campagne – Padre Pio en tête ! – sans compter les centaines de sanctuaires mariaux aux noms évocateurs : Notre-Dame des nœuds, Notre-Dame des Sept Douleurs, etc.

Si elles sont « une manière légitime de vivre la foi, une façon de se sentir partie prenante de l’Eglise », comme l’a précisé le CELAM, les papes aiment les recadrer un tant soit peu : pour Benoît XVI, le critère de base de toute piété est sa conformité à l’Evangile, et son ecclésialité : telle ou telle piété est légitime si elle est vécue en profonde unité avec les pasteurs locaux, évêques et prêtres. François ajoute le critère de sa missionarité : « Garde vivant le rapport entre la foi et les cultures des peuples auxquels vous appartenez », explique-t-il. Et que ces actes de piété soient vécus en familles, conclut-il, qui sont ainsi évangélisées et à leur tour évangélisent en témoignant de leur foi.

A noter qu’en 2001, Jean-Paul II avait signé un directoire sur la piété populaire et la liturgie, où s’articulent comme complémentaires la messe et les actes de piété populaire. Il y est notamment recommandé de ne pas seulement perpétuer cette piété populaire, mais de l’alimenter par la réflexion sur ses racines, son but évangélisateur et d’en tirer les fruits pour la vie chrétienne active au quotidien.

1 CELAM, Conférence des épiscopats latino-américains.

Pierre Pistoletti, l’info catho à chaud !

Trentenaire, Pierre Pistoletti est le futur rédacteur en chef de cath.ch. Son quotidien: faire vivre le portail catholique romand, entre actualité et dossiers de fond. Rencontre.

Par Nicolas Maury
Photos: Nicolas Maury, Maurice Page

But de Pierre Pistoletti : aller au-delà des faits.
But de Pierre Pistoletti : aller au-delà des faits.

Un jeudi matin à Lausanne. Il est presque 9h. Pierre Pistoletti pousse la porte du numéro 5 de l’avenue de la Gare. Le bâtiment abrite la rédaction de cath.ch. Quelques dizaines de minutes plus tôt, il a pris le train à Yverdon, où il vit avec son épouse. 

La demi-heure passée sur les rails, il l’a mise à profit. « Cette semaine je ne suis pas sur le terrain. Avec deux collègues, j’alimente en continu notre site web. Alors, sur ma tablette, je suis à l’affût des infos qui méritent d’être traitées pour en parler à la séance de rédaction. »

Sur le terrain et au bureau

La séance de rédaction lance la journée.
La séance de rédaction lance la journée.

Celle-ci est sur le point de débuter. Dans la salle de réunion le rejoignent le directeur, Bernard Litzler, ainsi que Maurice Page et Jacques Berset. Les thèmes du jour sont évoqués, décortiqués et anglés. Au cours de la discussion, Pierre s’efforce sans cesse de recentrer les débats.

Occupant encore pour l’heure un poste de journaliste, il deviendra, dès juillet, rédacteur en chef du portail catholique. Une ascension fulgurante. Même s’il fut auréolé du deuxième prix de la volée romande des stagiaires, il n’a fini sa formation qu’en juin 2016. 

Quand il évoque ses futures responsabilités, il ne pratique pas la langue de bois. « Je ne serai pas un “réd chef ” avec énormément de bouteille, avoue-t-il d’emblée, par contre, je dispose de qualités organisationnelles certaines. C’est là que je pourrai apporter un plus. »

Les dossiers du jour répartis et ceux au long cours rediscutés, chaque journaliste retrouve sa place de travail. Priorité de Pierre : mettre en ligne une vidéo et préparer un sujet sur la bibliothèque de Saint-Gall qui accueille une exposition étonnante. « Notre but est de nous muer en un portail qui soit à la fois une agence de presse et un magazine, relève le Valaisan d’origine. Dans notre configuration actuelle de six journalistes, c’est jouable si on attribue les bonnes forces aux bons endroits. » 

Un scoop papal

Au-delà de l’équipe basée en Suisse, cath.ch dispose d’un réseau de correspondants à Rome, en Afrique et en Amérique du Sud. Par e-mail principalement, ceux-ci transmettent des infos que Pierre contribue à traiter les unes après les autres. « De la sorte, nous pouvons proposer un travail d’agence assez complet sans accaparer toute la rédaction. »

Ce réseau a été mis à contribution lorsque cath.ch fut le premier à annoncer la future visite du pape François à Genève. « Notre système a bien fonctionné. Nous avons pu vérifier la véracité de l’information et la transmettre tous azimuts. Même si nous n’avons pas la même pression qu’un quotidien régional, nous tâchons d’être réactifs 365 jours par année. » La venue du Saint-Père est perçue comme une aubaine. « Elle dépasse de loin le cadre romand, voire helvétique. François est une personnalité mondiale. »

Une réflexion à nourrir

Au programme du jour figure aussi la tâche de faire évoluer la première page du site. « C’est une porte d’entrée, mais pas la seule. Un sujet qui ne fait pas la “une” mais qui est bien référencé par les moteurs de recherche sera peut-être énormément lu. L’enjeu est de fidéliser le public qui vient pour une nouvelle plutôt que pour notre média proprement dit. Pour cela, il faut offrir des contenus susceptibles d’intéresser notre lectorat et de nourrir sa réflexion. » 

Alors que le Dimanche des médias approche, Pierre jette aussi un œil à la contribution que va y apporter cath.ch. « Il s’agit d’un portrait de Vincent Lafargue, qui a à la fois un pied dans l’Eglise et un sur le web (ndlr, il est aussi membre de la rédaction romande de
L’Essentiel). En tant que support lié à l’Eglise, nous évoluons dans une sorte de niche. Nous nous efforçons de proposer un focus précis dans un univers immense. Comme un prisme inspiré par le pontificat actuel qui parle de solidarité, de migrants, d’écologie. »

La déontologie avant tout

Travailler dans un cadre religieux modifie-t-il l’approche professionnelle ? « Les règles déontologiques sont les mêmes que pour tous les journalistes. Je viens de travailler durant plusieurs semaines sur un dossier lié aux abus sexuels dans l’Eglise. J’ai cherché à aller au-delà des faits, en ciblant les causes structurelles qui peuvent conduire à ce type de comportement. C’est sans doute cette acuité qui fait la spécificité de notre travail de journaliste à cath.ch »

Alors qu’approche la fin de l’après-midi, Pierre prépare le mail récapitulatif qui sera envoyé à tous les journaux potentiellement repreneurs d’articles. « Notre identité consiste à connaître le terrain dans lequel on travaille. Et, au-delà, notre curiosité doit rester catholique au sens étymologique du terme : universelle. »

Toucher Jésus

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR
L’épisode de la femme atteinte de pertes de sang, présent dans les trois évangiles synoptiques (Matthieu 8, 18-26 ; Marc 5, 25-34 ; Luc 8, 40-56), peut constituer comme une « icône » de la piété populaire bien conçue. Il est englobé dans la narration de la résurrection de la fille de Jaïre, un chef de la synagogue, et offre lui aussi un récit de salut.

La femme hémoroïsse veut « toucher » le manteau de Jésus, comme certains aujourd’hui recherchent un « guérisseur », y compris dans le cadre ecclésial, après avoir épuisé toutes les possibilités de la médecine. Mais elle désire en réalité bien plus : elle veut être « sauvée » (Marc 5, 28). Au-delà de la guérison, elle aspire au salut dont elle pressent que Jésus est porteur.

– Comment le Christ évangélise-t-il cette religiosité familière ? Il lance un appel personnel : « Qui a touché mes vêtements ? » Il invite ainsi la femme à faire toute la vérité et à se dévoiler (v. 33).

– Celle-ci, après avoir « connu » et éprouvé sa guérison dans son corps (v. 29), « re-connaît » celui qui l’a sauvée. Elle entre ainsi en relation interpersonnelle avec lui, elle se jette à ses pieds (v. 33).

– On pourrait ajouter qu’en quel­que sorte, elle « évangélise » à sa manière Jésus. Elle lui permet de libérer la puissance divine qui l’habite et d’en réaliser l’efficacité : « Jésus eut conscience de la force qui était sortie de lui. » (v. 30)

– Ainsi, étonnamment, la « foi populaire » de la femme fait que le Christ se laisse toucher par elle, qu’il expérimente dans sa propre chair l’action de Dieu qui passe par lui et qu’il mesure encore mieux son identité de Fils du Père.

– C’est alors qu’il pose la déclaration conclusive de ce processus de guérison, de libération et d’incarnation : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. » (v. 34)

Toute inculturation « populaire » de l’Evangile, individuelle et communautaire, passe donc par l’inscription dans notre pâte humaine de notre adhésion au Fils de Dieu, qui y répond par son offre de grâce et nous libère.

Moment privilégié

Par Nicole Andreetta
Photo : DRMardi, 12h10, Université de la Miséricorde à Fribourg.

Comme chaque semaine, la chapelle se remplit de fidèles venus assister à la messe, célébrée par le Père Leszek Woroniecki, aumônier de l’Université. Etudiants des différentes facultés, auditeurs libres, quelques professeurs, des habitants du quartier… tous les sièges, une cinquantaine, sont occupés. Plusieurs personnes restent debout, appuyées contre le mur du fond. Les jeunes de l’Institut Philanthropos représentent la plus grande partie de l’assemblée, ils sont partie prenante pour  l’animation musicale. 

« Cette messe est vraiment particulière ! explique une étudiante en droit de première année. Au premier abord, j’avais trouvé cette chapelle un peu bizarre et son architecture plutôt froide. Mais avec la ferveur qui se dégage lors de la célébration, elle se réchauffe. Portés par les prières, on apprend à l’aimer. Homme de rigueur, le Père Leszek nous accueille chaque fois avec bienveillance. Il commence toujours la messe en demandant comment nous allons. On ne se sent pas jugé. »

Une de ses camarades de cours poursuit : « Je viens du canton de Vaud où études et religion se vivent séparément. Lorsque j’ai entendu parler de la possibilité d’assister à une messe à l’université, j’ai tout de suite pensé que c’était une opportunité à saisir. Même si j’imaginais que j’irais en traînant les pieds.

Les études c’est difficile ! On nous demande beaucoup de travail. Si le droit est un outil extraordinaire, quand on est croyant on en réalise vite les limites. J’ai découvert que se recueillir permettait de reprendre courage et énergie. 

Cette messe est vraiment un moment privilégié qui permet de se poser au milieu de la semaine pour mieux repartir ensuite. C’est une chance de pouvoir vivre cela entre étudiants ! »

Une messe célébrée en latin, accompagnée de chant grégorien, a lieu chaque mercredi à midi. Elle connaît également une forte fréquentation.

www.unifr.ch/aumonerie/fr

La mission en mutation

L’activité missionnaire de l’Eglise se réalise de multiples façons: nous avons connu les missionnaires qui partaient au loin proclamer l’Evangile, il s’agissait alors de «la mission au loin».

Par Pascal Bovet
Photos : Jean-Claude Gadmer, Federico Battista, Ciric
Tout près de nous, dans les diocèses et paroisses, une activité missionnaire a pour but de dire l’Evangile dans notre contexte historique et culturel. Sans nier les vertus de la mission « au loin », nous présentons ici la mission proche, locale. Ces deux dimensions répondent à la demande du Christ : Allez enseigner toutes les nations, c’est-à-dire celles disséminées sur toute la terre, comme celles qui constituent des périphéries dans nos cultures traditionnelles.

L’Eglise redit le besoin de la mission « chez soi ». Ici des frères franciscain et capucin à la rencontre de la population.
L’Eglise redit le besoin de la mission « chez soi ». Ici des frères franciscain et capucin à la rencontre de la population.

Exemple

L’Ecole des missions du Bouveret, tenue par les Missionnaires du Saint-Esprit (spiritains), ferme ses portes après un siècle d’activité missionnaire. L’école proprement dite qui formait les futurs spiritains avait déjà abandonné son activité il y a vingt ans.

Que devient la maison ? Une approche, présentée à la presse, manifeste une autre manière d’envisager la mission. Faute de pouvoir envoyer des missionnaires au loin, proposition est faite d’œuvrer dans une visée missionnaire locale. Comment ? Un devoir est dû aux missionnaires retraités rentrés au pays : ils y trouveront un gîte et une communauté des pères dans l’une des maisons.

Tibériade, la maison qui a servi d’accueil, sera entièrement modifiée intérieurement avec trois orientations : un atelier pour former des réfugiés en recherche d’emploi, un accueil des adolescents en difficulté scolaire ; ces deux finalités nécessitent un engagement de la part de l’Etat. Enfin un espace important avec services communs est réservé aux  groupes pastoraux des Eglises.

La mission de l’Eglise locale n’est donc pas négligée mais réorientée vers deux périphéries qui demandent une attention particulière et les rencontres pastorales ne sont pas déshéritées.

Abandon ou mutation ?

Ce changement de cap peut faire penser à un aveu d’échec, à une forme de désaveu du passé ou tout simplement à l’incapacité de poursuivre la mission dans sa forme actuelle.

Des causes internes à l’Eglise l’ont menée à redire le besoin de la mission « chez soi ». La décolonisation a montré les limites d’une mission trop calquée sur la politique. Le Concile Vatican II a pris en compte autant l’évolution des pensées que les réalités politiques : la mission est partie intégrante de l’Eglise, appelée à sortir d’elle-même pour livrer un message de salut. Mais les destinataires sont autant au loin dans le monde que chez nous où la foi et l’Eglise deviennent étrangères à beaucoup.

Le Père Maurice Tornay est mort en mission au Tibet en 1949.
Le Père Maurice Tornay est mort en mission au Tibet en 1949.

Traditionnellement, des missionnaires de chez nous partis « au loin » témoignent d’un zèle évangélique certain, parfois même dans des zones dangereuses, comme en a témoigné le Père Tornay de l’Abbaye de Saint-Maurice mort en mission au Tibet en 1949.

Plus récemment, on a vu le reflux de l’effort missionnaire dans la présence de prêtres ou de religieuses « de couleur » dans nos forces pastorales. Mais leur présence bienvenue ne dispense pas nos Eglises locales de tout faire pour susciter les vocations nécessaires… A long terme, que signifierait une Eglise qui n’a plus les forces de son expansion vers l’extérieur, ni celles du maintien de son niveau de vie ? En Suisse romande, nous connaissons surtout des prêtres d’origine africaine, polonaise ou vietnamienne ; le diocèse voisin d’Annecy bénéficie de prêtres venant de l’Inde et de la famille de saint François de Sales.

Visiblement, l’engagement de l’Eglise catholique va dans le sens d’une collaboration de type social, qui se dit aussi diaconie.  Les nombreux agents pastoraux actuellement engagés dans différents milieux profanes en témoignent (voir les rapports annuels de nos Eglises et leurs comptes). Leur engagement témoigne d’un déplacement de la mission. Déplacement géographique, certes, mais déplacement social, vers les périphéries, comme dirait un certain pape François.

Une communauté tibétaine bien vivante qu’avait visitée Maurice Tornay au XXe siècle.
Une communauté tibétaine bien vivante qu’avait visitée Maurice Tornay au XXe siècle.

Conséquences pour les congrégations et communautés

Les ordres religieux missionnaires ont connu leur temps de développement en harmonie avec la découverte d’un monde plus vaste que nos frontières. « Allez évangéliser », cela signifiait chez les autres, car chez nous, c’était mission accomplie. Ils ont actuellement un double devoir de fidélité : leurs membres âgés à soutenir et, quand ils sont encore en mission, préparer le temps de leur absence, une fois rentrés chez eux.

C’est aussi l’occasion pour les régions évangélisées d’apporter à leur tour leur contribution à la mission ailleurs.

Enfin, la prise en charge des zones périphériques si chères au pape François permet ou nécessite l’engagement de fidèles  bénévoles ou salariés. L’Eglise n’en est que mieux signifiée par des acteurs plus diversifiés, tous participant à la mission de l’Eglise sortant dans la rue pour apporter une Bonne Nouvelle.

Les prêtres de couleur incarnent le reflux de l’effort missionnaire.
Les prêtres de couleur incarnent le reflux de l’effort missionnaire.

Par le Père Claude Maillard, Père Blanc, Fribourg

_09w8077Le souffle de la mission demeure présent. Au Sud, la relève est bien présente avec des engagements nouveaux chaque année. Au Nord, la relève semble tarie. On s’engage alors sur les terrains nouveaux de la diaconie et autres services pastoraux.

Par le Père Pariat, supérieur des Spiritains, Fribourg

_09w8064« … Non, nous ne vivons pas un repli de la mission comme si les baptisés-missionnaires devaient témoigner de leur foi uniquement là où ils ont toujours vécu. ″Au loin″ et ″ici″ se réfèrent à des lieux géographiques. Des générations de missionnaires sont partis de leur pays, pensant que leur société était évangélisée. Un esprit quelque peu ″théocratique″ fusionnait leur identité civile et la foi chrétienne.

… Et nous, en Suisse, ne sommes-nous pas aujourd’hui un carrefour des nations ? Notre engagement missionnaire est le même soit en restant en Suisse, soit en répondant à l’appel de vivre notre baptême ailleurs. »

Réponse d’un évêque à Aline Jacquier

logo_synode4En vue du Synode des jeunes qui se tiendra à l’automne 2018, le Pape invite nos jeunes à poser les questions qui les habitent.

Par Vincent Lafargue
Photos: LDD, DRaline-jaquier2Aline Jacquier, 28 ans, habite le canton du Valais. Parmi les nombreuses questions qu’Aline a posées à nos évêques, Mgr Alain de Raemy a retenu celle-ci à laquelle il souhaite répondre :

– Assistance au suicide, acharnement thérapeutique, avortement, transhumanisme, PMA-GPA (procréation médicalement assistée et gestation pour autrui), eugénisme… quand l’homme se prend pour Dieu, quelles limites ? 

L’évêque des jeunes, Mgr Alain de Raemy répond ainsi:

alain-de-raemyChère Aline,

Toutes ces possibilités, si diverses, semblent faire reculer toutes nos limites. L’être humain semble pouvoir décider de tout. Ce dont j’ai envie (concevoir ou stopper un enfant, vivre plus longtemps, mourir maintenant) semble à portée de main. Si je le veux, je le peux. Le pouvoir de tout choisir.

Pourtant, qu’est-ce qui nous rend le plus heureux ? Tout faire, quand je veux, comme je veux ? Qui donc est plus en paix ? Celui qui a toutes les possibilités ou celui qui accepte de ne pas tout décider ?

Si je crois être livré à des forces anonymes, qui n’ont aucun sens, mais dont je suis simplement victime, alors oui, j’essaie de m’en délivrer et je veux tout, absolument tout pouvoir décider.

Mais si je vis dans la confiance en Quelqu’un qui non seulement tient mon destin mais le tient par amour et le conduit à l’amour pour toujours, et si je crois ne pas être le fruit du hasard, mais bien celui d’une volonté toute-puissante qui m’a donné la vie pour m’aimer à vie et à vie éternelle, alors je ne suis plus obsédé par ce que je veux ou ce que je peux, mais au contraire émerveillé, défié et porté par un amour qui peut habiter tout ce que je vis, même ce dont je manque et même ce que je perds.

Le livre de la Genèse nous décrit la volonté originelle de l’homme et de la femme d’être comme des dieux (voir chapitre 3). Ah, si seulement nous avions soif d’être plutôt comme Dieu, et non pas comme des dieux ! A son image, pas à nos images. Libres d’aimer quoi qu’il arrive. Libres de donner quoi qu’on perde. Libres de pardonner, quoi qu’on nous fasse. Libres de vivre, quelle que soit l’épreuve. Libres de mourir, quel que soit le moment. Comme Jésus.

Il nous faut demander, non pas de tout pouvoir choisir (inévitablement, ce ne sera pas toujours le cas), mais de toujours pouvoir choisir… d’aimer. Et quand on se sait divinement aimé, ça aide… un peu, beaucoup, passionnément et pour toujours !

+ Alain de Raemy, l’évêque des jeunes

L’Agneau pascal

Par Pascal Bovet
Photos: Madeline DienerLe baptistère de l’abbaye se Saint-Maurice est une catéchèse en image : les principales étapes de notre histoire du salut y sont représentées. L’artiste, Madeline Diener, a utilisé un espace en forme de grotte à l’entrée de la basilique ; pour y pénétrer, il faut se faire petit car nous plongeons, comme au baptême, dans notre histoire sainte. En ces temps de Pâques, arrêt sur une image pascale : l’Agneau de Dieu, invoqué dans l’eucharistie au moment de la communion.

Il est glorieux et douloureux, « cet agneau si doux », laissant échapper le sang et l’eau, comme à la croix : don de la vie qui purifie.

17_madeline025L’Agneau est placé sur un fond représentant le temple de Jérusalem. Le nouveau Temple, reconstruit en trois jours, c’est l’Agneau. L’eau qui en sort en abondance rappelle la vision d’Ezéchiel (ch. 47) où l’eau s’échappe du temple et donne vie aux arbres et aux plantes : les arbres donnant leur fruit et les feuilles servant de médecine. On y ajoute le sang de la Passion et toute la vie donnée est figurée.

L’Agneau est le nouveau Temple dont on peut attendre les bienfaits ; un temple non réservé à un peuple élu, mais à tout homme et toute femme qui veut bien le contempler, lui, la victime sacrifiée, marquée d’une plaie au cou, mais dominant la croix glorieuse.

Madeline Diener, artiste suisse née à Zurich (1930-2000), a vécu en Suisse romande. Formation en Italie, France, Suisse. Elle a laissé des œuvres à Notre-Dame de Paris, l’abbaye de Saint-Maurice et en plus de 60 églises.

Faire ensemble

Le refus de la misère, c’est l’affaire de tous et c’est tous les jours!

Texte et photo par Nicole Andreetta ATD Quart Monde (Agir tous pour la dignité) est un mouvement fondé par le Père Wresinsky, il y a 60 ans.
Son but : permettre aux personnes vivant dans la précarité de s’exprimer et valoriser leur expérience de vie pour chercher, avec l’aide d’amis ou d’alliés, des solutions pour s’en sortir.
Les moyens utilisés : universités populaires, bibliothèques de rue… et tout projet créatif permettant d’établir des liens là où ils n’existaient pas.

En Suisse, ATD est présent à Bâle, Fribourg et Genève.

Esther, 23 ans vient de Nantes. Elle termine des études en travail social à l’université de Fribourg. Comme expérience de terrain pour son master, elle a choisi ATD. Emballée par la démarche, elle envisage de s’engager sur le long terme en tant que volontaire permanente.
« Ce qui m’a le plus interpellée, c’est qu’ici, les personnes en situation précaire ou d’exclusion sont appelées des militants. Leur parole est entièrement prise en compte. Ailleurs on parle d’eux comme des bénéficiaires de l’aide sociale. C’est dire le changement de regard ! »
D’origine haïtienne, Agnès a rejoint ATD d’abord en tant qu’alliée.
« Les alliés sont des personnes qui s’engagent autour des militants, là où ils vivent, agissent et travaillent. Ils suscitent d’autres engagements. C’était mon cas,
lorsque je travaillais pour Village SOS Enfants à Haïti. Au­-jourd’hui, en Suisse, je suis devenue volontaire permanente. Je trouve vraiment très difficile de se confronter à la misère des pays développés. Comment peut-on trouver des personnes si pauvres ici ? »

C’est par les bibliothèques de rue que Jean-Robert a connu le mouvement.
« Je fréquente ATD comme militant depuis 30 ans. Lors de ma première séance, j’avais très peur. Mais quand j’ai vu les personnes qui étaient présentes, j’ai pensé : c’est les mêmes que moi ! Et je me suis senti à ma place. Ici tout le monde est libre de dire ce qu’il a à dire et personne ne va le juger. »

La transmission est assurée. Les initiatives des plus jeunes sont vivement appréciées, telle la vidéo de Vincent Verzat : https://www.youtube.com/watch?v=GFD7lkfBYq0

https://www.quart-monde.ch

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Les nouvelles missions

Par Thierry Schelling
Photo: DR

 « Allez serrer des mains, Monsieur le Curé, me lançait un municipal lors de la croisière des aînés, ça ramènera du monde à l’église ! » Tout ce que je déteste : électoraliste et harangueur, pour remplir comme jadis nos parfois trop grands édifices religieux ? Très peu pour moi : je préfère dix convaincus à cent contraints.

Le pape François est clair : « C’est l’attractivité et le témoignage qui évangélisent, pas le prosélytisme ! » C’est vrai qu’on connaît ces fidèles qui choisissent leur prêtre, leur horaire de messe, voire leur église, par goût et parce qu’ils sont nourris ici et pas là. La réciproque pour le curé va aussi : mettre plus de présence où il en faut davantage – formule ignatienne ! – est gage de mission selon l’esprit de l’Evangile : quatre terrains ensemencés, mais un seul donnera du fruit !

A relire, le chapitre 6 de Jean, sur le pain de vie (vv. 22-71) ; très missionnaire, Jésus enseigne, assène presque, le sens eucharistique de sa vie. Et des disciples réagissent mal (v. 66) ; et Jésus ? Il les laisse aller… Quelle mission ?

En librairie – avril 2018

Par Nicolas Maury et Sœur Franziska Huber de la librairie Saint-Augustin, Saint-Maurice

Des livres

courage-livreLe courage d’être soi-même

Supérieur du séminaire de Sion, le Père Joël Pralong s’intéresse aux voies spirituelles qui aident l’humain à grandir et à devenir lui-même. A travers cet ouvrage, c’est à l’analyse des relations avec les autres qu’il s’attelle. En commençant par constater qu’elles sont souvent dépendantes des mécanismes de défense qui modèlent la perception de la réalité et font souvent dramatiser les situations. En leur attribuant des noms humoristiques – du « Monsieur je sais tout » au « Caméléon » – il démontre leur fonctionnement et propose des pistes pour les contrecarrer.

Editions des Béatitudes

Acheter pour 20.40 CHFamePrenez soin de votre âme

C’est un petit traité d’écologie intérieure qu’a concocté le psychanalyste et biologiste Jean-Guilem Xerri. Partant du constat que les psychothérapies et la pharmacologie ne permettent pas de guérir la souffrance de l’âme, il note qu’elles renvoient à des tensions intérieures que les plus grandes traditions spirituelles de l’humanité ont identifiées. Ainsi, les Pères du désert, dès les premiers siècles du christianisme, ont développé une véritable médecine de l’âme. Celle-ci apparaît aujourd’hui d’une troublante actualité et d’une grande pertinence.

Editions du Cerf

Acheter pour 30.00 CHFcommentComment répondre aux questions brûlantes sur l’Eglise…

De l’embryon à l’euthanasie en passant par le mariage, le préservatif ou l’immigration, l’Eglise intervient sur les sujets de société qu’elle juge déterminants. Thème après thème, le journaliste anglais Austen Ivereigh et la blogueuse Natalia Trouiller offrent des pistes pertinentes et documentées aux catholiques pouvant être pris à partie pour expliquer certaines positions sur ces sujets brûlants. Ou comment établir un dialogue respectueux et fructueux plutôt que d’entrer dans une polémique stérile…

Editions de l’Emmanuel

Acheter pour 27.00 CHFeo_luminescencesLuminescences

Une publication originale, mais très belle, que ces « Luminescences ». Pour chaque semaine de l’année, le pasteur Pierre Boismorand de Martigny propose un texte poétique, méditatif ou protestataire, disposé en regard d’une peinture, d’une gravure ou d’une lithographie de l’artiste Jacques Perrenoud. Mgr Lovey signe la préface de ce livre qui se parcourt comme une traversée.

Editions Ouverture

Acheter pour 33.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch) aussi disponible sur librairie.saint-augustin.ch

S’aimer dans le grand âge

Toujours dure longtemps! Surtout à notre époque où la vie joue les prolongations! Quand le grand âge et ses inévitables dépouillements survient, l’amour est alors purifié, conduit à des profondeurs insoupçonnées. Témoignages.

Par Bertrand Georges
Photos: pixabay.com people-2583943_1920Geneviève et Yves, comme bien des couples, ont expérimenté trois étapes dans leur amour : celle de la romance-fusion, qui est suivie par une phase de désillusion. Ce passage qui permet de redevenir qui nous sommes, prépare à ce qu’ils appellent la décision d’aimer. Tendre vers cette attitude permet de construire un amour qui respecte ce que l’on est. Geneviève relève qu’au fil du temps, elle a intériorisé qu’il est utopique de vouloir changer l’autre. Notre responsabilité est au contraire de nous (laisser) transformer nous-même pour mieux accueillir le conjoint. Si les deux entrent dans cette dynamique, on avance ensemble dans un véritable chemin de croissance en intégrant les changements qui n’empêchent en rien de vivre ensemble.

L’expérience de Jean-Benoît et Denise leur a montré que les épreuves ou la maladie peuvent aussi être vécues comme une chance dans le domaine de l’amour. Benoît relève que ces situations génèrent parfois une irritabilité qui demande un travail sur soi pour ne pas faire « peser » sur l’autre ce que l’on vit. Le handicap momentané ou durable invite à un amour qui se dépasse, qui se donne, qui prend le visage de l’entraide réciproque. Les limites liées à l’âge invitent aussi à un lâcher prise et à un amour plus gratuit, à l’acceptation du réel. Jean-Benoît et Denise soulignent volontiers combien la foi leur a été d’un grand secours. Ils aiment aussi rendre grâce pour ce qui est bon et beau.

Aujourd’hui, de nombreux jeunes, souvent marqués par des ruptures de leurs proches, craignent de s’engager pour toujours. Nos deux couples comprennent facilement cela, mais ils nous livrent leur secret : le mariage durable est composé d’une multitude de « chaque jour ». C’est donc au quotidien que l’amour nous donne rendez-vous.

Comme sur ces horloges
Les mêmes aiguilles, jour et nuit
S’en retournent l’une vers l’autre
Moi comme tu vois
Je retourne vers celle que j’aime depuis toujours
Pour seulement lui dire
Pour longtemps encore

Francis Cabrel

Roberto Simona, un homme de terrain

De retour du Niger, Roberto Simona, responsable pour la Suisse romande et italienne de l’Aide à l’Eglise en détresse (AED), évoque son séjour à Zinder, l’une des plus importantes villes du pays, où la petite communauté chrétienne a subi de lourdes persécutions. Pour ce fin connaisseur des minorités chrétiennes en pays musulmans, les dynamiques de violence et les questionnements sur la foi ne sont pas si différents de ce que nous connaissons en Suisse.

Par Pascal Ortelli
Photos: Roberto Simona« Je ne suis pas un super-héros », affirme-t-il d’emblée. Cet ancien de la Croix-Rouge travaille depuis 2003 pour l’AED, une œuvre catholique internationale qui vient en aide aux chrétiens persécutés. Lorsqu’on lui demande s’il lui faut une bonne dose de courage pour se rendre au cœur des zones de conflit, il répond avec naturel qu’il ne fait que son travail et que c’est son charisme. « L’important, ajoute-t-il, est que chacun vive à fond sa vocation, peu importe que ce soit en Suisse ou dans un pays en guerre. » Le ton est donné par ce père de famille qui se rend plusieurs fois par an à l’étranger, sur le terrain, pour suivre l’évolution des projets soutenus et se faire une idée concrète de ce qui se passe.

Roberto Simona à l’écoute de la jeune population locale.
Roberto Simona à l’écoute de la jeune population locale.

Embarquement immédiat

24 janvier 2018, 17h, heure lo­cale : atterrissage à l’aéroport de Niamey. Départ à 5h le lendemain pour seize heures de route ; arrivée à 21h à Zinder où enfin son travail peut commencer. Roberto Simona y rencontre d’abord la communauté chrétienne locale, à peine quelques centaines d’âmes sur plus de 300’000 habitants. L’état des lieux de la paroisse est sans appel : toutes les infrastructures ont été détruites ou abandonnées. En 2012, l’église a été incendiée suite à la diffusion du film polémique Le Prophète, puis il y a eu plusieurs morts à l’issue des manifestations anti-Charlie Hebdo, sans compter l’attaque de l’école catholique, prise à coups de pierre par des enfants. Il importe d’investir dans la réparation de l’église, même si une telle mésaventure peut se reproduire et que se pose la question de la gestion future de l’édifice. L’église reste, pour ces chrétiens, leur principal lieu de rassemblement d’où ils peuvent rayonner. Roberto Simona poursuit ensuite son travail par une visite de la ville et de ses environs. Il noue des contacts avec la population locale musulmane, qui lui permettent de mieux saisir la manière dont la minorité chrétienne est perçue. Il s’agit de précieuses informations pour son bilan qui, à terme, aidera à calibrer le soutien apporté par son organisation et à mieux mesurer l’impact d’une poignée de chrétiens en terre musulmane.

Etre chrétien au Niger, c’est vivre le désastre…

« C’est savoir que tu appartiens à une minorité insignifiante », déplore Roberto. Car le Nigérien chrétien est le plus souvent un converti qui subit inévitablement le rejet de son entourage. De plus, il n’est pas reconnu comme un citoyen véritable. Même s’il est tout à fait possible d’entretenir de bonnes relations avec son voisinage musulman, la situation peut très vite se détériorer, comme en témoignent les violences récentes. Celles-ci sont dues essentiellement à la prolifération de groupes criminels associés à Boko Haram ou Al-Qaïda, entrés par les frontières nigériane et malienne. Au Niger, pays parmi les plus pauvres, ils trouvent un terrain propice pour le recrutement et pour la diffusion d’un islam extrémiste qui ne correspond pourtant pas à l’ancrage local. On s’en prend alors aux chrétiens.

… mais aussi s’ouvrir au miracle

A ce sujet, une chrétienne de Zinder lui a raconté qu’un millier de jeunes embrigadés étaient arrivés à la paroisse pour casser tout ce qui « puait le chrétien ». Avec plusieurs autres, elle a réussi à se cacher dans une vieille chambre. Alors que les forcenés cherchaient à s’introduire pour les tuer, elle a tenu seule la poignée de la porte et senti comme une force extraordinaire… Puis, les jeunes ont dû s’enfuir, car un incendie venait de se déclarer ! Miser sur l’éducation, assure Roberto, reste la voie royale pour combattre la radicalisation. Et d’ajouter qu’un chrétien pourrait tout autant y succomber. Les défis, bien qu’ici mieux cachés en apparence, sont absolument les mêmes pour nos jeunes.

Tout en se posant les mêmes questions que nous !

Tout au long de son périple, il est escorté par Philippe, un chrétien de 40 ans qui lui partage ses doutes sur sa foi. Son frère prêtre, maintenant mort de maladie, a également vécu une profonde crise. « Ce qui m’a frappé, souligne Roberto, c’est qu’ils se posent exactement le même genre de questions que nous. » Comme quoi, du Nord au Sud, nous sommes vraiment tous confrontés aux mêmes défis. Et de conclure sur une note d’espérance : « Se rendre présent sur le terrain ouvre des perspectives insoupçonnées – et pas seulement financières. Souvent, pris par la détresse du quotidien, les gens que je rencontre ont le nez dans le guidon. J’essaie alors de leur communiquer mon regard extérieur, et ensemble, nous trouvons des pistes pour construire un avenir meilleur. »

Le Pape (com)missionne!

Par Thierry Schelling
Photo: DRIl y avait Les missions : convertir les païens, et pour cela, les papes, dès le IVe siècle, développent ressources, stratégies et personnel, aux quatre points cardinaux ! Le summum ? Pie XI, le pape des missions : le premier à bénir urbi et orbi la Ville et le monde ; pionnier de l’apostolat des laïcs – et non plus seulement des prêtres et des religieux – pour l’évangélisation de la société (Action catholique) ; le premier à ériger plus de 250 circonscriptions ecclésiastiques en Afrique et en Asie et à donner une ampleur réelle à la Congrégation Propaganda Fide, qui organise la vie de centaines de diocèses dans le monde.

Puis ce fut Jean-Paul II, grand « metteur en scène » du Concile Vatican II ; on parle alors de la mission : de chacun, dans sa vie spirituelle, sociétale, familiale, ecclésiale. Naissent de nombreux mouvements d’Eglise avec un point commun : une forte identité catholique, au service du Magistère officiel. Reformulation : la nouvelle évangélisation. Un dicastère de la curie est même créé à cet effet par Benoît XVI.

Arrive François, et son « Eglise en sortie », notamment son non à l’acédie égoïste : « La pastorale en termes missionnaires exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. » (Evangelii gaudium, no 33) Avec une sanglante con­clusion : « Je préfère une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Eglise préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper, j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée… » (no 49)

Quel élan missionnaire !

Osera-t-on ?

«Malheur à moi si je n’évangélise pas!»

Par François-Xavier Amherdt
Photo: DR
Les envois en mission sont nombreux dans les Evangiles, comme pour cette année liturgique dans la finale de Marc (16, 48). Le relativisme interreligieux ambiant peut nous faire penser : « A quoi bon annoncer la Bonne Nouvelle ? Laissons chaque être dans ses convictions personnelles, puisque toutes les religions se valent. »

C’est alors que retentissent les cris de Paul : « Malheur à moi si je n’évangélise pas ! » (1 Corinthiens 9, 16b) Proclamer l’Evangile ne constitue pas pour lui un titre de gloire, dont il aurait l’initiative. C’est bien plutôt une nécessité interne qui s’impose à lui : il a été retourné par le Christ sur le chemin de Damas. Sa vie a basculé. Il ne peut pas garder pour lui un tel trésor (vv. 16-17).

Sa récompense ? Recevoir en retour, de la part du Christ et des destinataires, mille fois plus que ce qu’il peut leur offrir. S’il agit gratuitement, il sera comblé en plénitude (v. 18). Comment procède-t-il ? En ne faisant acception de personne, en se tournant vers chaque être sans exception, en « se faisant tout à tous », tel le serviteur de tous, comme l’a fait Jésus-Christ lui-même (vv. 19-23). Ainsi recevra-t-il la couronne qui ne flétrit pas, bien plus précieuse que toutes les récompenses olympiques, une couronne qui nous est promise également si nous courons à la suite du Maître (vv. 24-27).

« Passer » la Bonne Nouvelle conduit donc au bonheur, clame Jean-Paul II dans son encyclique La mission du Rédempteur. Elle n’est pas facultative. Si l’Eglise n’évangélise pas, elle dépérit, elle se meurt. L’évangélisation est source de joie infinie, renchérit le pape François dans son exhortation La joie de l’Evangile. Le Père lui-même nous envoie à la suite du Fils, par l’Esprit. Dans toutes les périphéries, géographiques et existentielles, dans les marges et auprès des désespérés. Si nous ne témoignons pas à d’autres du mystère pascal de la mort et de la Résurrection du Christ, notre foi et notre joie s’étiolent, ajoute encore l’apôtre des nations dans la même Epître (15, 14-19).

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