Une foi adulte à 40 ans?

Par Thierry Schelling
Photo : Jean-Claude Gadmer
Y a-t-il un stade de sa vie de croyant-e où l’on peut se dire adulte dans la foi, comme l’on dirait d’un actif qu’il est professionnel de son métier parce qu’expérimenté ? A fréquenter la variété quasi infinie d’une paroisse populeuse et active, le curé que je suis en douterait parfois devant les questions posées : « A quelle heure est la messe de minuit (sic) ? », ou « Pourquoi y a pas de messe ce matin (Vendredi saint), les prêtres ne sont jamais dispo quand il le faut ! »… et j’en passe des vertes et des pas mûres.

Mûr, justement, ne devient-on jamais adulte dans le domaine de la foi ? E. Erikson, psychologue du comportement (1902-1994), a établi huit stades de la croissance humaine, de la naissance à la mort. Et ce n’est, selon lui, qu’au sixième stade que l’on parvient à une certaine maturité, notamment de sa foi ! Intéressant. Quel est-il ? Celui qui, après les étapes d’apprentissage de l’espoir, de la volonté, de la conviction, de la compétence et de la fidélité, se caractérise comme étant… celle de l’amour, où se résout la question de l’intimité à vivre seul-e ou en duo. Cette sixième étape commence vers 18 ans. Auparavant, le « maturant » a répondu aux questions : qui suis-je et où vais-je ? (12-18 ans), suis-je capable ou pas ? (6-11 ans), suis-je bon ou mauvais ? (3-6 ans), suis-je compétent seul ou dépendant des autres ? (18 mois-3 ans) et, le premier stade (0-18 mois) : puis-je faire confiance à la vie ou pas ? Tout un programme…

Donc, on ne serait adulte dans sa foi que vers la quarantaine, et surtout après avoir répondu personnellement aux questions susmentionnées ! Ce n’est donc pas en fonction d’une tranche d’âge, mais en mesure de ses réponses que sa croissance est avancée…ou pas. Et ce, indépendamment de son âge effectif !

Grâce à Erikson, on peut dès lors se demander si la première des communions ou la confirmation pourraient être proposées, préparées et vécues en fonction de son stade de croissance plutôt que d’un scolaire enchaînement détaché de sa maturation…

A quel âge les sacrements?

A quel âge peut-on recevoir tel ou tel sacrement? Poser la question en terme d’âge est déjà une façon de verrouiller la réponse. Car si notre carte d’identité indique l’âge de nos artères, c’est la profondeur de notre foi et la valeur de nos actes qui indiquent notre maturité chrétienne. Et c’est plutôt de cet âge-ci dont il s’agit quand on parle de limite inférieure de réception des sacrements.

Par Vincent Lafargue
Photos : Jean-Claude Gadmer
Si la question de l’âge de réception est bien fixée canoniquement pour les sacrements de l’engagement (ordre dès 25 ans et mariage dès l’âge autorisé pour le mariage civil dans le pays en question), ainsi que pour les sacrements de guérison (onction des malades dès la naissance en cas de danger, réconciliation dès l’âge dit « de raison » à 7 ans), il n’en va pas de même pour les trois sacrements,  liés, dits de « l’initiation chrétienne » : baptême, eucharistie, confirmation.

Le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg ainsi que le diocèse de Sion ont engagé tous deux une grande réflexion sur le sujet. Les deux visent les mêmes buts :
amener le catéchumène (la personne qui demande l’initiation chrétienne) à rencontrer véritablement le Christ à travers une catéchèse intergénérationnelle d’engendrement et de cheminement. Par voie de conséquence, il s’agit aussi d’arrêter de considérer le sacrement de confirmation comme un certificat de fin de catéchisme mais bien plutôt comme le début d’une vie chrétienne adulte, avec les devoirs que cela suppose.

Le chemin concret sera pourtant très différent selon que l’on se trouvera en Valais ou ailleurs en Suisse romande dans les années à venir.

LGF : êtes-vous prêts ?

Pour le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, la responsable de la catéchèse qu’est Fabienne Gapany repousse d’emblée toute question relative à un âge plancher. « Est-ce que la personne est prête ? » dit-elle. Voilà la vraie question. Cela suppose une tout autre vision de la catéchèse que les vieux manuels de grand-papa en forme de questions-réponses. Il ne s’agit pas d’avoir le maximum de bonnes réponses à une série de questions dogmatiques, mais bien de répondre personnellement à UNE SEULE question : suis-je prêt ? Ai-je envie de recevoir l’initiation chrétienne ? Et si j’ai été baptisé dans ma petite enfance, suis-je prêt à communier à la table du Seigneur ? Est-ce que je comprends, au moins un peu, non pas les concepts compliqués qui tentent d’expliquer la présence réelle dans l’hostie mais bien QUI se trouve dans cet apparent morceau de pain ? Suis-je prêt à la rencontre avec le Christ, en somme ?

Bien plus que la messe

Pour la confirmation, même approche : suis-je prêt à vivre de ma foi chrétienne, à appliquer les préceptes de la lettre de Jacques qui rappelle que la foi sans les actes est morte ? Suis-je prêt, non pas à venir à la messe tous les dimanches tout en recommençant à médire de mon prochain dès ma sortie sur le parvis, mais bien à appliquer les commandements aussi en dehors de la messe dominicale, dans ma vie de tous les jours ? Suis-je prêt à témoigner du Christ par toute ma vie ?

Dès lors, parler d’âge nous emmène déjà dans la mauvaise direction. Il s’agit de parler de maturité. Chacune, chacun pourra alors décider de vivre le cheminement qui le mènera à confirmer son baptême, et les parcours de catéchèse seront aussi variés que les catéchumènes du moment. C’est un vrai défi, relève Fabienne Gapany, notamment pour nos catéchistes qui n’ont plus un seul programme, une seule méthode que l’on pourrait appliquer à tout le monde, mais qui vont devoir apprendre à écouter, à accoucher la foi présente en chaque catéchumène.

Sion : la confirmation comme cadeau pour la route

Mgr Lovey à l’écoute d’une jeune qui reçoit le sacrement du « premier pardon ».
Mgr Lovey à l’écoute d’une jeune qui reçoit le sacrement du « premier pardon ».

Pour l’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey, la confirmation ne doit pas être vue comme l’attestation d’une foi chrétienne adulte, mais bien comme le cadeau que Dieu fait à la personne qui confirme son baptême pour l’aider à cheminer et à devenir, à terme, un chrétien adulte. En ce sens, ce sacrement devrait être offert au plus grand nombre, sans dépendre d’un grand parcours de « vérification » des connaissances.

Aussi le diocèse de Sion proposera-t-il, à partir de la rentrée scolaire de cet automne, le sacrement de la confirmation dès l’âge de 11 ans. Mais ce sacrement sera suivi d’un parcours proposé jusqu’à la majorité et fait d’activités intergénérationnelles au cours desquelles les jeunes auront l’occasion de grandir dans leur foi.

Le tout pourra être ponctué par une profession de foi solennelle, devant la communauté, en fin d’adolescence, une fois le jeune prêt à rendre compte de l’espérance qui l’habite et de l’agir chrétien qui parsème ses journées.

Rencontres intergénérationnelles saisonnières

Mgr Lovey, dans les nouvelles orientations catéchétiques qu’il a promulguées tout récemment, insiste sur la transmission. La catéchèse d’un enfant commence bien avant sa naissance, lors de la préparation au mariage de ses parents.

A l’aide de quatre rencontres intergénérationnelles paroissiales par année, le diocèse de Sion espère que les fidèles prendront conscience que la catéchèse est l’affaire de tous, parents, grands-parents, parrains, marraines, et pas seulement une matière encore peu ou prou abordée à l’école en Valais.

Changer de paradigme

Les deux diocèses romands nous invitent donc à un réel changement de paradigme : ce n’est plus l’âge des artères qui est déterminant, mais bien celui de l’esprit. Et quand bien même, ce n’est pas parce que je ne connais pas forcément le dogme de la transsubstantiation sur le bout des doigts que je n’ai pas droit au cadeau de la grâce de Dieu. Au fond, ce serait faire bien peu de cas de cette grâce que de ne pas croire qu’elle va elle-même être un guide pour éclairer quelqu’un au sujet des mystères de la foi, et que leur totale compréhension préalable ne précède donc pas nécessairement la réception de cette force venue de Dieu.

Une méga-confirmation diocésaine

Suivant le modèle de plusieurs diocèses français, Mgr Jean-Marie Lovey a décidé d’une grande confirmation diocésaine à la Pentecôte 2018, histoire de permettre à celles et ceux qui seraient en parcours vers la confirmation tout en ayant dépassé l’âge de 11 ans  de pouvoir vivre ce sacrement. Ce sont plus de 3000 confirmands qui sont attendus au CERM de Martigny l’an prochain pour un événement qui les marquera au moins autant que la petite croix d’huile que leur front recevra ce jour-là.

En librairie – juin 2017

Par Claude Jenny, avec Sœur Franzisca Huber, libraire à la Librairie St-Augustin de St-Maurice

A lire

une-vie-simple«Une vie simple» dans la communauté d’Enzo Bianchi

Alexis Jenni et Nathalie Sarthou-Lajus retracent la rencontre de deux écrivains avec Enzo Bianchi et la communauté monastique que cette personnalité du christianisme a fondée en Italie. Une rencontre intense qui a marqué les deux auteurs.

Albin Michel, 2017, 200 pages.

Acheter pour 24.90 CHFyves-duteil« Et si la clé était ailleurs ? »

Le chanteur-auteur-compositeur Yves Duteil explique comment la spiritualité guide sa vie, sa quête de sens, ses sentiers intérieurs, ses interrogations fondamentales. Un témoignage de la même richesse que ses chansons, dont la célèbre « Prendre un enfant par la main ».

Médiapaul, collection grands témoins, 2017, 110 pages.

Acheter pour 18.20 CHFcest-un-autre« C’est un autre qui nouera ta ceinture », la foi au risque d’Alzheimer

Un titre tiré de l’Evangile de Jean pour un témoignage poignant: celui de Marie-Thérèse Dressayre, bibliste, qui raconte le long accompagnement de son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. Un livre sur la vie malgré une lutte quotidienne contre le désespoir. A lire par tous ceux qui ont un proche touché par cette maladie.

Salvator, 2016, 190 pages.

Acheter pour 29.30 CHF

A écouter

cd_gregoriensChefs-d’œuvre grégoriens

Pour les amateurs de chant grégorien, toutes les plus grandes pages gravées sur deux CD et interprétées par dix-neuf chorales de moines, moniales, des scholas et des maîtrises. Un chef d’œuvre selon une spécialiste de cet art choral.

Studio SM, D3177, 45 plages, 2 CD, 2017.

Acheter pour 28.10 CHF

A voir

dvd_stpierreSaint Pierre

Le très beau film signé Giulio Base sur le premier apôtre de Jésus vient de sortir en DVD. Avec Omar Sharif dans le rôle principal.

SAJE Distribution, DVD de 2 fois 100 minutes.

 Acheter pour 33.00 CHF

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. +41 24 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, tél. +41 26 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch)

Le baptême à tout âge (Actes 16, 25-40)

Par François-Xavier Amherdt
Photo : Jean-Claude Gadmer
Lorsque le geôlier chargé de surveiller Paul et son compagnon de captivité Silas constate que le Seigneur a miraculeusement délivré ses prisonniers mais que ceux-ci ne se sont pas enfuis, il renonce à se suicider. Il demande alors aux hommes de Dieu ce qu’il doit faire « pour être sauvé » comme eux. Il se voit gratifié d’une catéchèse privée, lui et toute sa maisonnée. Il adhère à la foi, la traduit en actes immédiatement en soignant les deux disciples. Puis, dit le texte des Actes, il reçoit le baptême, « lui et tous les siens » (16, 33).

Dès le début du christianisme, dès les premières conversions au sein de l’Eglise primitive, c’est à tout âge que le baptême a été accueilli, y compris donc par les nouveau-nés, afin de souligner le cadeau de l’Esprit fait gracieusement par le Père.

Ainsi donc, contrairement à ce que prétendent parfois certaines communautés chrétiennes, notamment évangéliques, le Nouveau Testament ne réserve pas le don du baptême aux adultes. Pour le Seigneur, le Royaume appartient aux tout-petits et à ceux qui leur ressemblent (cf. Marc 10, 14). Comment dès lors l’Eglise pourrait-elle priver les bambins, que le Christ se plaît à bénir en leur imposant les mains (cf. Marc 10, 16), de ce signe du salut ?

Comme pour les proches du gardien de prison, dans les Actes des apôtres, c’est portés par la foi d’adultes, parents, parrains et marraines, grands-parents, famille et communauté, que les nourrissons sont associés à la grâce baptismale. La redécouverte progressive du catéchuménat des adultes et des enfants en âge de scolarité, depuis le concile Vatican II, nous montre par ailleurs que ce qui compte d’abord, c’est la démarche même de la demande des sacrements. L’âge est second, la question vient après : avec notre Dieu, c’est toujours « le moment favorable » (2 Corinthiens 6, 2).

La croix

Par Pascal Bovet
Photo : DRLes premiers chrétiens évitaient de se faire remarquer en laissant des signes ; celui du poisson a précédé la croix. Il suffisait de dessiner sommairement un poisson et de penser en grec « Ichtus » et on se reconnaissait dans la profession de foi : « Jésus, Christ, fils de Dieu, sauveur ».

« Par ce signe tu vaincras » : la croix, Constantin ouvre une ère nouvelle de tolérance.

Les orfèvres et les peintres se sont emparés du signe des chrétiens devenu traditionnel.

Bien que la sobriété soit plus apte à dire la réalité que cache ce signe, des œuvres d’art, marquées de leur époque et de leur origine sociale, font partie des trésors d’églises ou de musées.

Une halte à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard permet d’en voir une collection remarquable dans le Trésor.

Grégory Roth

Propos recueillis par Vincent Lafargue
Photo: DRT’es-qui?
Grégory Roth, 29 ans, marié, j’habite à Fribourg.

 Tu t’engages où? 
Je suis directeur du chœur mixte de Sainte-Thérèse (Fribourg), nouveau responsable des messes radiodiffusées par la RTS, et journaliste RP à cath.ch

 Grégory, l’Eglise de demain sera… ?
Ce que l’on saura construire avec ce qu’elle est aujourd’hui, en étant attentifs aux signes des temps, notamment.

Grégory, tu es journaliste RP depuis le 1er janvier 2017. Une consécration ?
Un début ! J’ai fait un travail d’enquête sur l’immigration, me demandant comment l’Eglise a besoin des étrangers aujourd’hui pour pouvoir vivre et comment le durcissement des lois aux frontières empêcherait l’Eglise de demain de survivre. Pas facile de faire venir des sœurs africaines aujourd’hui, par exemple. Ce sujet m’encourage à réfléchir à beaucoup d’autres sujets qui
intéressent l’Eglise actuelle.

Comment se porte cath.ch ?
Notre rédaction catholique romande est en pleine expansion, avec le multimédia que reflète notre site internet. Une plateforme qui fonctionne de mieux en mieux : nous avons notamment intégré la vidéo avec de petits reportages qui plaisent bien. De plus en plus de gens témoignent de leur intérêt pour notre travail.

Pourtant, l’objectivité du journaliste demeure : tout en étant en lien avec l’Eglise, on n’a aucun compte à lui rendre. En somme, on écrit sur l’Eglise mais pas pour l’Eglise.

Tu viens de reprendre la production des messes radiodiffusées par la RTS. Un défi ?
C’est un petit mandat pour une immense paroisse, la plus grande de Suisse romande, et même au-delà. On est véritablement dans un service public et pastoral pour bien des personnes qui ne peuvent se déplacer. C’est une chance aussi d’avoir la messe à 9h, car beaucoup de personnes écoutent la messe radio avant d’aller à la messe de leur propre communauté.

Et diriger un chœur, cela complète tout cela ?
Cela change du travail journalistique. Mais, paradoxalement, cela empêche parfois de vivre une célébration comme un fidèle. Il y a tout le temps une attention, une anticipation à avoir. Pour moi, il est essentiel que le rôle de directeur de chœur puisse se combiner avec la direction de l’assemblée, ce qui est possible dans la paroisse Sainte-Thérèse à Fribourg.

Pour aller plus loin

A visiter : www.cath.ch

Gaëtan Steiner

Comme tous les mardis, Gaëtan Steiner se rend aujourd’hui à La Castalie à Monthey, un centre médico-éducatif pour enfants et adultes présentant une déficience intellectuelle ou un polyhandicap. Avec lui, nous partons à la découverte de la pastorale spécialisée auprès des personnes en situation de handicap.

Propos recueillis par Véronique Benz
Photos : LDDIl est environ 8h30, Gaëtan arrive à La Castalie. Il se rend à la chapelle de l’institution, qui est le lieu de rassemblement de l’équipe d’animation spirituelle. Elle comprend quatre personnes à temps partiel, plus Gaëtan. Les membres de l’équipe travaillent en général seuls, mais cette année, deux personnes sont en formation et évoluent donc en binôme. Après s’être replongés dans le déroulement de la catéchèse du jour, Gaëtan et sa collègue prennent un court temps de prière. Puis ils partent rejoindre un groupe sur son lieu de vie, ou de travail pour ceux qui sont en atelier.

Dans la salle, six personnes poly­handicapées sont attablées, certaines sont en fauteuil roulant. Gaëtan et sa collègue prennent le temps d’accueillir chaque personne et de se mettre à l’écoute de ce qu’elles vivent au quotidien. Les personnes en situation de handicap ne s’expriment pas toujours clairement, mais les éducateurs et les soignants qui les accompagnent sont là pour aider à la communication et transmettre les informations.

L’équipe présente parfois des personnages bibliques.
L’équipe présente parfois des personnages bibliques.

Gaëtan invite les participants à faire un beau signe de croix, puis le groupe entonne un chant. Le deuxième temps de la rencontre se vit autour de la Parole de Dieu. Cette année, le thème choisi par l’équipe d’animation spirituelle est le chemin. Gaëtan est arrivé dans la salle avec un sac à dos. Il en sort un chemin qui est déposé sur la table, puis une Bible. Les deux animateurs racontent un texte biblique. Pour aider les participants à le comprendre, ils utilisent de petits personnages bibliques. Ils ont aussi parfois recours à des images ou des objets symboliques.

A la fin de la narration, Gaëtan sort de son sac de montagne une bougie, il la dépose sur le chemin et l’allume. « Dieu est présent au milieu de nous. Il vient nous visiter », relève l’animateur. Puis il reprend le texte biblique et essaie de faire des liens entre l’Ecriture et la vie des personnes. Gaëtan m’explique que l’appropriation d’un texte biblique par des personnes en situation de handicap est difficile. « Pour faire le lien entre l’expérimentation et le message, il faut décliner la Parole de Dieu selon les cinq sens. » Les animateurs doivent être inventifs et créatifs pour trouver le moyen par lequel les participants pourront expérimenter la Parole de Dieu avec leur corps. Aujourd’hui, ils utilisent de la pâte à modeler. La rencontre se termine par un moment de prière. Les animateurs prennent la bougie en main et vont vers chaque personne pour un temps de prière personnelle avec elle. Tout ce temps se vit dans un grand respect et dans le silence. Le temps des « au revoir » est aussi important que celui de l’accueil.

La messe tous les 15 jours

Il est 11h15 lorsque les animateurs se retrouvent à la chapelle. Gaëtan m’explique la suite du programme de la journée. « Nous voyons les groupes chaque quinzaine. Tous les 15 jours, nous avons une messe l’après-midi qui reprend le texte biblique qui a été étudié par les groupes. »

A 14h, après la pause repas, les animateurs spirituels sont de retour à la chapelle de La Castalie. Ils s’affairent aux aspects liturgiques et logistiques de la célébration. Il est près de 15h, lorsque Gaëtan accueille un petit groupe de bénévoles. « Les bénévoles sont là pour nous aider à encadrer les personnes en situation de handicap. Ils vont chercher les personnes qui désirent participer à la messe dans leur groupe de vie, soit dans leur atelier de travail. » Ainsi débute à travers toute l’institution un cortège de chaises roulantes qui converge vers la chapelle. « C’est vraiment le royaume de Dieu », s’exclame Gaëtan. A 15h30, la célébration commence. Le prêtre célèbre la messe de manière adaptée aux participants. L’accueil, le rite pénitentiel et la lecture de l’Evangile sont particulièrement soignés. La célébration est très vivante. Les personnes tapent des mains aux sons de la musique. Si une personne a envie de prendre la parole, elle s’exprime. Il n’y a pas de barrières, chacun vient avec tout ce qu’il est. Malgré tout, la messe est recueillie et priante.

Gaëtan Steiner avec l’équipe d’animation spirituelle de La Castalie à Monthey.
Gaëtan Steiner avec l’équipe d’animation spirituelle de La Castalie à Monthey.

A la fin de la célébration, l’équipe d’animation spirituelle et les bénévoles reconduisent les personnes dans leur groupe de vie ou dans leur atelier. Puis ils s’activent au rangement. Il est 17h, assis dans la chapelle, les membres de l’équipe d’animation spirituelle font un rapide débriefing de la célébration avant de se dire au revoir.

L’équipe de la pastorale spécialisée accompagne les personnes en situation de handicap dans tout ce qui fait leur vie. « Lorsqu’il y a des personnes qui décèdent, nous prenons également en charge les célébrations. Si la célébration a lieu en paroisse, nous célébrons à La Castalie une messe du souvenir. Cette année, nous avons eu la chance de préparer six enfants de La Castalie à la première communion. Ils l’ont vécue le 30 avril lors d’une magnifique célébration. »

Biographie

Gaëtan Steiner vit à Vétroz. Marié, il est papa de deux petites filles, son épouse attend leur 3e enfant. Animateur pastoral dans le diocèse de Sion, il a terminé sa formation à l’Institut romand de formation aux ministères (IFM) en 2013. Il travaille à 50% pour la pastorale des jeunes et à 50% pour la pastorale auprès des personnes en situation de handicap.

Une belle amitié

Joseph et Jacqueline sont d’ici, Schecho et Amina, sont kurdes syriens. Ils se rencontrent, échangent, s’entraident et s’enrichissent de leurs différences.

Par Bertrand Georges
Photo: J. Kocher
Joseph et Jacqueline, comment avez-vous connu Schecho, Amina et leurs enfants ?Schecho et Amina, pourtant de confession musulmane, ont souhaité que leurs enfants suivent le catéchisme afin de connaître la religion de leur pays d’accueil. Ça a été un premier contact. Notre relation s’est aussi approfondie au travers d’un engagement dans l’association Providence qui recueille les invendus d’une grande surface pour les redistribuer à des personnes nécessiteuses. Cette famille se montrait toujours très reconnaissante et s’est même engagée pour aider l’association.

De là une amitié est née ?
Oui. Il y a eu des invitations réciproques, ce qui leur a permis, entre autres, d’améliorer leur français. Nous avons aussi été heureux de découvrir toutes les richesses de leur culture notamment autour de la table, toujours accueillante. Au fil des rencontres, cette amitié a grandi au point que nous nous considérons aujourd’hui comme frères et sœurs et qu’entre nous, les services rendus font quasiment partie du quotidien.

Qu’avez-vous découvert de leur histoire ?
En Syrie, ils jouissaient d’une bonne situation. Mais les rivalités et la guerre ont tout anéanti. Ils souffrent évidemment de la destruction de leur pays, mais ne s’en plaignent jamais, sauf si on leur demande d’en parler. Quant à leur foi, ils la vivent de façon très ouverte, mettant surtout l’accent sur la bonté et le partage. Il leur arrive aussi de participer à des célébrations chrétiennes lors de circonstances particulières comme la sépulture de ma maman ou la fête de Noël qui les a beaucoup marqués.

Au fond, quelles sont les attitudes qui ont édifié cette belle relation ?
De notre côté, une volonté de répondre à l’appel de Dieu qui nous demande d’aller à la rencontre du pauvre, de l’étranger. Du leur, un désir de s’intégrer en surmontant les difficultés de la langue et la timidité. Nous avons aussi été touchés par leur douceur et leur hospitalité. Il ne faut pas avoir peur de la rencontre, elle est une richesse pour tous.

Communiquer l’espérance

Par Dominique-Anne PuenzieuxmediensonntagGrâce aux nouvelles technologies, nous pouvons partager instantanément l’information et la diffuser largement. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, vraie ou fausse. Le pape François, dans son message annuel, à l’occasion de la 51e Journée mondiale des communications sociales, rappelle à tous les communicants qu’ils sont responsables de ce qu’ils diffusent et les invite à communiquer l’espérance et la confiance en notre temps.

Quel beau programme ! A nous, journalistes ou rédacteurs d’un jour, de « briser le cercle vicieux de l’anxiété et d’endiguer la spirale de la peur ». Sans tomber dans un « optimisme naïf », naturellement. Laissons de la place pour les beaux récits et les témoignages encourageants de chrétiens engagés et bien dans leurs baskets.

Dans nos paroisses se vivent tous les jours de bonnes nouvelles ! « Le Royaume de Dieu est déjà parmi nous, comme une graine cachée à un regard superficiel
et dont la croissance se fait en silence », nous rappelle le Pape. A nous de les mettre en évidence dans L’Essentiel, Votre magazine paroissial, sur nos blogs, nos pages Facebook ou nos murs Instagram. Afin de partir confiants à la rencontre du plus grand nombre et d’offrir un vaste horizon à l’Esprit.

Les Prix Nobel de la paix

Par Olivier Roduit
Infographie: Régine Bindé

Le Prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ». Huit personnalités religieuses ont reçu ce prestigieux prix.

En librairie – mai 2017

Par Claude Jenny, avec Sœur Franzisca Huber, libraire à la Librairie St-Augustin de St-Maurice

A lire

la-source-que-je-cherche«La Source que je cherche»

Après « Aimer sans dévorer » et « Oser la bienveillance », Lytta Basset vient de publier « La Source que je cherche». Dans ce nouvel essai, qui exige une lecture attentive, la théologienne vaudoise renverse pas mal d’idées reçues sur la perception du divin, en livrant son propre parcours, semé de surprises. Elle narre plusieurs rencontres lumineuses avec le divin mais dit aussi que sa quête est son pain quotidien.

« La Source que je cherche », éditions Albin Michel, 300 pages, février 2017.

 

au_bord_du-mystere«Au bord du mystère»

Une nouvelle bouffée d’oxygène que nous livre Timothy Radcliffe. Le célèbre dominicain invite les catholiques à sortir de leurs chapelles pour proclamer l’Evangile dans toute sa fraîcheur, en renonçant aux sermons défraîchis pour offrir une spiritualité joyeuse.

« Au bord du mystère – croire en temps d’incertitude », éditons du Cerf, 200 pages, mars 2017

 

fatima« Les grandes heures de Fatima »

Un pavé d’un auteur plein de ferveur pour Notre-Dame de Fatima, célèbre lieu de pèlerinage où le pape François se rendra à la mi-mai. Pour le centenaire des apparitions, cet auteur livre une somme d’explications autour de ce mystère. Un livre d’historien truffé de références.

« Les grandes heures de FatimaDu pape Benoît XV à François – Le centenaire : 1916-2017 », Editions du Parvis, 700 pages, décembre 2016

A voir

13e_jourLe film « Le 13e jour »

Sur Fatima, à signaler également la sortie en DVD du film « Le 13e jour », documentaire qui a reçu à sa sortie de nombreuses distinctions et qui narre le récit déroutant des multiples apparitions de la Vierge à Fatima.

« Le 13e jour », film de Ian et Dominic Higgins, sorti en 2016, 85 minutes.

A écouter

pianetta« Pianetta » d’I Muvrini

Un bijou de CD signé par le groupe corse I Muvrini qui a une nouvelle fois fait salle comble lors de son récent passage en Romandie. Avec « Pianetta », il nous livre seize chansons qui s’adressent en priorité aux enfants.  Un hymne à la planète dans toute la fidélité du message de fraternité de Jean-François Bernardini. Un CD à faire écouter à toutes les jeunes oreilles !

« Pianetta », I Muvrini, seize titres inédits dans un super livre-album, 2016.

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch)

L’amour rend service

Poursuivant sa méditation de l’Hymne à la charité (1 Co 13), le pape François invite à un amour qui rend service. Une belle attitude mariale pour le joli mois de mai !

Par Bertrand Georges
Photo: pixabay.com

 Pour le Pape, l’amour n’est pas une attitude passive mais se traduit par une activité, une réaction dynamique et créative face aux autres. C’est pourquoi la charité est serviable. 1

Il faut bien le dire, le service n’a pas vraiment la cote. On préfère être servi. Pourtant, dans la Bible, servir est un honneur. Le Seigneur nomme « mon serviteur » celui qu’Il appelle à collaborer à son dessein. Jésus dit de lui-même qu’il « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie ». 2

François insiste sur le fait « que l’amour n’est pas seulement un sentiment, mais qu’il doit se comprendre dans le sens du verbe « aimer » en hébreu : « faire le bien ».[…] Il peut montrer ainsi toute sa fécondité, et il nous permet d’expérimenter le bonheur de donner, sans mesurer, gratuitement, pour le seul plaisir de donner et de servir ». 3

Travailler fait partie de la condition humaine et coûte parfois. La question est de savoir dans quel état d’esprit nous réalisons notre travail. Avec amour ou seulement par contrainte ? Que ce soit dans les tâches de la vie domestique, professionnelle, ou même dans nos engagements, on fait parfois les choses parce qu’on est obligé de les faire, dans une attitude plus servile que servante. Tout en faisant de son mieux pour le bien de tous, le chrétien est appelé à travailler dans un esprit de service. Il entre ainsi dans une autre dimension de son agir, dans une charité effective. Accomplir son travail pour Dieu et pour les autres, c’est peut-être cela, le service.

Qui, mieux que Marie, l’humble servante du Seigneur a aimé ainsi ? En ce mois de mai, elle veut nous conduire sur les chemins joyeux du service.

1 Cf. Amoris Laetitia (AL) no 93
2 Mc 10, 43
3 AL no 94
Qu’est-ce que vous faites ? demande un homme à des ouvriers affairés sur un chantier.

– J’entasse des pierres, dit le premier.

– Je monte un mur, dit le deuxième.

– Je bâtis une cathédrale, dit le troisième.

Même travail, regards différents. Ça ne change rien mais ça change tout !

Pascal Ortelli

Propos recueillis par Vincent Lafargue
Photo: Pierre PistolettiT’es-qui?
Pascal Ortelli, 29 ans, marié à Mélanie, futur papa, habitant Fribourg.
Tu t’engages où?
J’enseigne la religion à l’école secondaire Sainte-Ursule de Fribourg et je coordonne la plateforme « Dignité et Développement », tout en terminant un master en théologie morale.
Pascal, pour toi, l’Eglise de demain sera… ?
Comme aujourd’hui, l’Epouse du Christ ! Une Eglise où l’action pastorale recueille vraiment le meilleur de chacun, sans activismes stériles, ni excès de réunionites…

Qu’est-ce que cette plateforme «Dignité et Développement»?
Un processus voulu par Mgr Morerod ; un horizon d’analyse, de prospective, de formation et de discernement des enjeux sociétaux à la lumière de l’enseignement social chrétien. Dans un esprit œcuménique de subsidiarité, l’idée est de faire interagir les multiples diaconies d’abord entre elles et avec les balises de sagesse, contenues dans des textes comme Laudato Si’.

A l’école Sainte-Ursule, quelle est ta mission ?
En témoin reconnaissant de l’Evangile, je rends compte de ma foi à des adolescents. Aujourd’hui, il me paraît essentiel de dispenser un enseignement religieux cohérent et confessant, qui articule harmonieusement la foi et la raison, sans les opposer, à partir de l’Ecriture sainte. Je suis frappé de la soif de vie et d’absolu qui habite mes élèves. Si au bout du chemin, ils perçoivent Dieu un peu comme la réponse ultime et décisive à leur quête de bonheur, alors ma mission n’aura pas été vaine…

Quel fut le dernier beau moment vécu avec eux ?
Notre retraite de trois jours avec les 11H à l’hospice du Simplon. Nous avons fait sept heures de marche, gravi un sommet et célébré dans la nature. Personne n’a râlé ! La montagne me parle par son silence, sa rudesse et son absolu. Face à elle, soit tu es vrai, soit tu meurs. Pour moi, toute spiritualité qui se respecte, passe par les pieds. Mes bla-bla brossés en classe ont ainsi un créneau pour prendre chair, dans l’audace et l’adoration…

Pour aller plus loin

Le site internet de l’école Sainte-Ursule : www.ecole.ste-ursule.org

Le site internet de la plateforme Dignité et Développement : www.dignitedeveloppement.ch

Pascal est aussi sur Facebook

Notre-Dame de l’Assomption

Par Pascal Bovet
Photo : Jean-Claude Gadmer
L’Eglise Notre-Dame du Valentin est consacrée à Notre-Dame de l’Assomption. Rien d’étonnant donc à donner ce nom à l’église que les catholiques de Lausanne ont construite au XIXe siècle.

Et au XXe siècle, ils l’ont enrichie. Des travaux imposants ont été faits dans les années 1930 sous la conduite de l’architecte Fernand Dumas. Lui-même a fait appel
à un artiste à la mode, Gino Severini.

C’est lui qui a créé la fresque qui habille le chœur, en s’inspirant d’une église de Rome : une couronne de disciples (les apôtres et évangélistes), répartis de chaque côté de la Vierge majestueuse. Elle est le centre et domine une scène de crucifixion.Elle porte tendrement l’enfant à hauteur de son visage, comme pour le montrer au monde. Certains soupçonnent l’artiste d’avoir donné à l’enfant les traits d’un personnage historique qui a marqué les années 30 à 45…

Mais le plus étonnant est le choix de la couleur verte pour le vêtement de Notre-Dame. Inhabituel !

Vert comme l’espérance ?

On peut opter pour l’espérance devant le monde de l’époque représenté autour du Marie : Rome et ses bâtiments civils et religieux, mais aussi Lausanne, avec sa cathédrale, et Mgr Besson présentant la maquette de la basilique. Des anges « cosmonautes » remplissent le ciel de leurs ailes déployées.

La violence dans les Psaumes

Par François-Xavier Amherdt
Photo : DR
Il peut paraître étonnant, voire extrêmement dérangeant, que la Parole de Dieu nous invite à demander au Seigneur, dans notre prière des Psaumes, qu’il s’en prenne à nos ennemis. Les éditeurs de la Prière du temps présent ne s’y sont pas trompés : ils mettent pudiquement entre crochets (dans la version en quatre volumes) ou suppriment (dans celle en un seul volume) les versets apparemment problématiques.

Ainsi, les déportés chantent au cœur de leur exil (Psaume 137[136]) : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux peupliers d’alentour, nous avions pendu nos harpes », car ils ne se sentent plus le cœur à entonner un cantique. Ils finissent d’ailleurs leur plainte par ce cri extrêmement violent : « Fille de Babel, qui doit périr, heureux qui te revaudra les maux que tu nous as valus, heureux qui saisira et brisera tes petits contre le roc ! » (Versets 8-9)

Choquante, terrible, terrorisante invocation ! La Bible manie-t-elle, malgré le divin visage de miséricorde, le langage de la vengeance ? Le problème est complexe et demeure mystérieux. Sans doute de tels passages, pas totalement absents non plus dans le Nouveau Testament, visent-ils à « exorciser » la violence qui, de fait, se tapit au fond de chacun(e) de nous. Les « Psaumes d’imprécation », comme on les appelle, nous amènent d’une part à reconnaître ces zones d’ombre de notre inconscient, dont personne n’est exempt, et qui ont vite fait de ressurgir à la surface avec une frénésie inconcevable, au volant ou au stade.

D’autre part, ils nous donnent l’occasion, lorsque nous les prononçons, d’extérioriser le mal qui gît en nos profondeurs et ainsi de le surmonter, en le confiant au Maître du monde. Enfin, lorsque dans des invocations au Messie comme le Psaume 110(109), prévu pour les vêpres de tous les dimanches, nous chantons : « A ta droite Seigneur, le Messie abat les rois au jour de sa colère ; il fait justice des nations, entassant des cadavres, il abat des têtes sur l’immensité de la terre » (versets 5-6), c’est une manière d’exprimer notre foi en la maîtrise de l’histoire par notre Dieu. Malgré les apparences, les puissants et les dictateurs n’auront pas le dernier mot. C’est l’amour et la vie qui finalement l’emporteront.

Le Pape et la violence

Par Thierry Schelling
Photo : DR
« C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent (toutes sortes de maux). » (Mc 7, 23) Le Christ ne s’y est pas trompé : voulant apporter la paix, c’est le glaive qu’il tendit (cf. Mt 10, 34)… et qui a été brandi en son nom ! Et gare à qui résiste : « Veux-tu que nous commandions le feu du ciel pour qu’il les consume ? » (Lc 9, 54), n’hésiteront pas à dire les apôtres d’hier… et d’aujourd’hui ! Parce qu’elle est au cœur de nos cultures, la religion se sert du meilleur comme du pire dans l’être humain. Et peut donc aussi conduire à la violence 1… en toute bonne foi ! En tout cas, elle va chercher à la canaliser : en l’apaisant, par les sacrifices d’animaux, et parfois d’humains 2, en la jugulant, en développant le concept de guerre juste, ou en l’excitant comme dans le djihadisme – et pas seulement islamique !

Le pape François renchérit : « Je crois qu’il y a presque toujours dans toutes les religions un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons… » Et d’élargir le débat : « Je vois tous les jours tellement de violence en feuilletant les journaux, même en Italie : celui qui tue sa fiancée, tel autre sa belle-mère et ce sont des catholiques baptisés ! » 3 A quoi sert donc la foi chrétienne dans ce cas ?

Oui, le Christ a renversé la vapeur : « Bienheureux si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on vous calomnie à cause de moi. » (Mt 5, 12) Ou encore : « Œil pour œil, dent pour dent ? Non, moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour eux. » (Mt 5, 43-44) Tendre l’autre joue ? Que dire aux victimes, souvent des minorités : femmes, Noirs, gays, enfants, handicapés, albinos… ? Travailler en amont, sûrement.

Dixit le pape François : « Nous sommes en temps de guerre, éclatée, mais de guerre mondiale, et tout a commencé dans le cœur de l’homme. Pourquoi parle-t-on si fort dans la rue, en famille, dès qu’on n’est pas d’accord ? A cause de la frénésie de la vie, on n’a plus le temps pour le dialogue ! » 4

Un poncif, le dialogue ? Non, la seule arme constructive de ce monde ! Relire Ecclesiam suam, de Paul VI : « Dieu est dialogue… l’Eglise est dialogue… » Et moi ?

1 Cf. T. Römer, Dieu obscur. Cruauté, sexe et violence dans l’Ancien Testament, Essais bibliques 27, nouvelle édition augmentée, Genève, Labor et Fides, 2009.
2 Qu’on pense au concept de bouc émissaire, explicité par Paul Ricœur.
3 Propos rapportés lors de son entrevue avec les journalistes de retour des JMJ de Pologne, août 2016.
4 Propos libres lors de sa visite à l’Université Roma-Tre, samedi 7 février 2017 (soulignés par l’auteur).

Parole et violence

Des centaines de « Espèce de *** », ou « Grosse *** » proférés par WhatsApp, sur Facebook et autre Instagram. Et c’est le suicide d’Emilie, Marion, Bethany, adolescentes et victimes de harcèlement par leurs coreligionnaires. « T’es c.. ! » à sa meilleure amie est affectueux, à sa professeure, injurieux, et à sa mère plus qu’insolant. La violence des mots engendre des maux parfois irrévocables. Même le Pape, à Milan, samedi 25 mars, a demandé aux quatre-vingt mille confirmands : mai più bullismo ! Plus de bullying (harcèlement) d’aucune sorte… 

Par Thierry Schelling
Photos: DR, Ciric
La violence exprimée
Le propre de l’humain, parler, est, comme le dit Salomon, une arme : « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue. » (Pr 18, 21) Un adage très actuel : qu’on pense au point Godwin 1, à la télé-réalité 2, au harcèlement à l’école, dans le couple, dans la rue 3… Violence du verbe. Qui souvent précède celle des coups.

Le Centre d’accueil Malley-Prairie écoute les victimes de violences conjugales, et démontre que l’antidote est… la parole. Paradoxalement. Celle qui anéantissait a besoin d’être relâchée par la victime : mettre ses mots4  pour littéralement contredire l’effet mortifère de leur déchaînement par le bourreau. En somme, redonner sens – c’est-à-dire contenu et direction – à sa dignité, par l’expression verbale. Pour reprendre confiance en soi. Comme à l’association Violence Que faire ? qui travaille en amont à la prévention 5.

Mgr Morerod en discussion avec l’une des victimes des religieux de l’Institut Marini, à Montet / FR.
Mgr Morerod en discussion avec l’une des victimes des religieux de l’Institut Marini, à Montet / FR.

Et dans l’Eglise aussi (et enfin !) : Mgr Charles Morerod rend public, le 26 janvier dernier, le rapport sur les enfants placés à l’Institut Marini de Montet 6. Le prélat salue le courage des victimes à parler, alors qu’on le leur avait interdit jadis, et ce de façon traumatisante. Et l’évêque de conclure : « Essayons par tous les moyens de prévenir [ces actes] autant que possible, et s’ils se produisent, d’en parler. » Prévention et expression.

Même attitude sur le terrain : « Je suis comme un catalyseur », confie Jean de Dieu Rudacogora, coordinateur de la diaconie dans l’Ouest lausannois. « Ma présence sur la place du Marché de Renens est à la fois provocante et apaisante pour les gens qui la squattent. S’ils voient en moi l’institution Eglise, alors d’aucuns parfois m’agressent verbalement : « Qu’est-ce que tu fous là ? » Mais un thé chaud à la main, je ne leur offre rien que ma présence. Et ils me remercient, du coup. Et je suis toujours agent pastoral ! »

Une autre « arme » privilégiée par les chrétiens est cette parole, parfois cri, parfois murmure, qui s’élève vers Dieu : la prière. L’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) en a fait son modus procedendi : « Parce qu’elle exclut la haine, la prière fait barrage au déni, à la spirale de la vengeance, à l’oubli », écrit Angela Stival, coanimatrice du groupe œcuménique ACAT à Chavannes-près-Renens. Incluant l’intercession pour les bourreaux autant que pour les victimes, elle évite le clivage et ramène à l’essentiel : « Tous créés à l’image de Dieu, tous ayant la même dignité qui trouve son origine en son créateur. » Et de conclure : « Prier ensemble donne un témoignage crédible à notre suivance du Christ, qui a, ne l’oublions pas, commandé l’amour des ennemis ! »

Parler, prévenir, prier, c’est donc agir non violemment et chrétiennement : « La non-violence, c’est choisir d’aimer, c’est devenir l’égal/e de toute personne. Dieu a voulu cela par Son Incarnation. Et c’est passer au crible chacune de mes décisions en vue d’aimer », résume Sœur Bibianne Cattin, auteure de Pour que la vie l’emporte7 où elle confie les dix dernières années de sa vie missionnaire à panser (et penser !) les femmes victimes de viol selon la méthode IFHIM.8

1 Probabilité qu’une discussion qui dure et s’échauffe finisse par mentionner les nazis ou Adolf Hitler.
2 L’émission « You’re fired ! » par exemple.
3 Sujets d’au moins un Temps Présent par trimestre !
4 www.ciao.ch par exemple.
5 www.violencequefaire.ch
6 Cf. J. Berset, cath.ch du 26 janvier 2016.
7 Editions Carte Blanche, 2017.
8 www.ifhim.ca

Violence silencieuse

Mais « il y a aussi une forme de violence silencieuse que l’on qualifie parfois de structurelle », explique Jean-Claude Huot, responsable de POMET 9 dans l’Ouest lausannois. « Elle est le fait de structures et de comportements qui oppriment et excluent certaines catégories de la population. Le cercle vicieux qui pérennise la prostitution, la traite des femmes ou des enfants, le mobbying, la pédophilie, l’homophobie, la ségrégation raciale, est aussi possible parce qu’on se tait. » Et de rappeler : « Toute institution court le risque de se rigidifier et d’exclure ou d’opprimer. Mais là aussi résident les forces de résistance, et la capacité de résilience. »10

Dès lors, il est juste de lutter contre la violence, mais par des paroles et des actes non violents qui respectent la dignité de l’autre et qui promeuvent le seul moyen constructif de changement : le dialogue. « Et l’art du compromis », ajoute Jean-Claude Huot. « Ne pas oublier que le conflit fait partie de la vie, qu’il n’est pas à évacuer mais à transformer. Il réclame l’attitude pédagogique du dialogue entre les parties adverses. En démocratie, l’adversaire politique n’est pas un ennemi mais un partenaire de débat ! »

9 Pastorale œcuménique dans le monde du travail.
10 Cf. le travail du Ceras des Jésuites de la Province de France. www.ceras-projet

Violence légitime?

L’Eglise a d’ailleurs considéré une forme de violence comme acceptable dans certains cas bien précis : en dernier recours, face à une injustice objective et interminable ! En 1968, un document est adopté par le CELAM 11 qui exige « des transformations globales, audacieuses, urgentes » sur le continent sud-américain, concluant que cette urgence nourrit une « tentation de la violence compréhensible » de la part d’un peuple abusé pendant trop longtemps.12 Depuis, c’est l’Eglise tout entière qui a recueilli cette expérience et ces réflexions, dans ses grands textes du magistère que sont Gaudium et Spes ou Evangelii nuntiandi et, plus systématiquement, dans son Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise.

« La violence est un mensonge car elle va à l’encontre de la vérité de notre foi, de la vérité de notre humanité. »13 Y renoncer peut avoir avoir un prix : celui de sa vie ! Car la non-violence de Gandhi, Martin Luther King ou Oscar Romero, dans leur constance à dénoncer et à protester, leur a valu… d’être assassinés ! La parole faite chère, le verbe fait chair…

11 Conférence des évêques latino-américains.
12 Informations résumées à partir de M. Löwy, Religion, politique et violence : le cas de la théologie de la libération, éd. Hazan, 1995, pp. 195-204 (consulté dans www.cairns.info le 11 février 2017).
13 N496 in : Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, Conseil pontifical Justice et Paix, 2005.

20479928Selon Hannah Arendt (philosophe, 1906-1975), exprimer de la violence, sous toutes ses formes, c’est refuser de penser ! Or penser nous rend humains ; exprimer la violence envers autrui ou soi-même, c’est agir en sous-humain. Voilà en substance l’argument puissant de cette fameuse politologue et journaliste allemande. Elle rend légitime l’urgence de la prévention et d’une éducation au dialogue, et insiste sur l’obligation pour les victimes de parler, tôt ou tard.14 « La violence commence là où la parole s’arrête. »

14 Voir le film Hannah Arendt, par M. von Trotta, sorti en 2012.

Encarnación Berger-Lobato

La rue des Alpes à Fribourg, une petite rue étroite à sens unique, bordée de maisons anciennes qui se blottissent les unes contre les autres. Avant que la rue
ne descende vers le bourg et la cathédrale Saint-Nicolas, je m’arrête au numéro 6: le secrétariat de la Conférence des évêques suisses (CES). Encarnación Berger-Lobato m’accueille dans son bureau au 3e étage de la maison.

Propos recueillis par Véronique Benz
Photos : CESDe la fenêtre de son bureau, Encarnación Berger-Lobato a une magnifique vue sur la vieille ville de Fribourg. Mais la nouvelle responsable du secteur marketing et communication de la CES ne passe pas toutes ses journées à Fribourg. « Je suis tantôt à mon bureau, tantôt dans le reste de la Suisse. Hier j’étais à Saint-Gall à l’Institut suisse de sociologie pastorale. Chaque journée est différente. »

Au-delà des médias

« Mon travail est de conseiller les évêques sur les questions de communication. Je soutiens également les différentes commissions de la CES dans leur tâche de communication. » Encarnación Berger-Lobato insiste sur le fait que la communication ne se résume pas aux médias. « La communication est bien plus importante, les médias ne sont que la partie émergée de l’iceberg. » Elle s’est fixé comme tâche de développer une conscience sur l’importance des aspects de la communication qui ne sont pas les médias. « Dans la communication, il est nécessaire de bien faire les choses. Si on fait les choses rapidement, sans réflexion, cela n’aboutit à rien ou à quelque chose de négatif. On pense toujours que la communication vient à la fin, lorsque tout est décidé. Il faut s’habituer au fait que la communication fait partie du processus de décision, il faut anticiper, préparer la communication. J’aimerais que dans cinq ans, nous en voyions les résultats. En attendant, il faut comprendre pourquoi les choses se font ainsi et convaincre les personnes de changer leurs habitudes, de revoir les processus. C’est parfois un lourd travail de conviction. »

Une des tâches de la nouvelle responsable est d’établir un concept de communication à l’interne. « Par exemple, j’essaie de faire en sorte que les prises de position de la CES soient plus claires et plus unifiées. Ce n’est pas une chose aisée. Il y a un important processus à mettre en place. »

Encarnación Berger-Lobato est également secrétaire de la Commission pour la communication et les relations publiques, une des nombreuses commissions
que compte la CES. Dans ce cadre, le dossier qu’elle est en train de préparer est celui de la communication avec les jeunes. « Qu’est-ce que l’Eglise catholique fait pour communiquer avec les jeunes ? Quelle est la manière dont les jeunes utilisent les médias ? » Une question essentielle qui a été discutée au mois d’avril lors d’une journée spéciale par la commission. Y étaient présents les deux évêques des jeunes, Mgr Alain de Raemy et Mgr Marian Eleganti, et plusieurs experts.

Théâtre et communication

Durant ses études, Encarnación Berger-Lobato a fait du théâtre. « Le théâtre est une communication spéciale. Ce qui m’intéressait dans le théâtre, c’était l’homme. L’être humain est tellement différent, en jouant différents rôles on comprend pourquoi des personnes réagissent de manière différente devant la même situation. Le théâtre est un lieu de connaissance de l’homme. »

Selon Encarnación Berger-Lobato, l’Eglise a inventé beaucoup de choses que nous retrouvons dans la communication. « Qu’est-ce que la publicité sinon quelqu’un qui donne sa parole que le produit qu’il présente est bon ? Les apôtres n’ont-ils pas fait la même chose avec l’Evangile ? Le sponsoring n’est-il pas la suite de ces mécènes de l’Eglise qui mettaient leurs armoiries au bas des œuvres d’art ? Naturellement, certaines choses ne sont pas identiques, mais le marketing trouve ses origines dans l’histoire de l’Eglise. » La communication et l’Eglise : un binôme qui a encore un grand avenir !

La CES

La Conférence des évêques suisses (CES) a été fondée en 1863. Elle a été la première assemblée d’évêques à se réunir régulièrement, avec une structure juridique propre et une fonction de direction ecclésiale.
Plus d’informations sur www.eveques.ch

Biographie

Née à Berne de parents espagnols, Encarnación Berger-Lobato est mariée et maman d’une fille. Après des études à Bologne, elle a travaillé à l’Office fédéral de la culture. Elle a dirigé durant 15 ans le secteur « Marketing et Communication » de la Caisse fédérale de pensions PUBLICA et du Berner Bildungszentrum Pflege. Depuis août 2016, elle est la responsable du nouveau secteur « Marketing et Communication » de la Conférence des évêques suisses.

En librairie – avril 2017

Par Claude Jenny

A lire…

mon-pere« Mon Père, je vous pardonne »

Véritable phénomène médiatique depuis sa sortie en février, le livre-confession du Fribourgeois Daniel Pittet relate, avec moult détails, les viols qu’un capucin lui a fait subir alors qu’il était enfant. Un demi-siècle après les faits, ce livre ambitionne de permettre aux autres victimes d’actes de pédophilie, de libérer leur parole. Une démarche incitative, encouragée par l’évêque du diocèse. Un livre coup de poing, longuement préfacé par le pape et complété par une intéressante interview du violeur, réalisée conjointement par Micheline Repond et Mgr Morerod.

ame_du_violon«L’Âme du Violon»

Thierry Lenoir est un auteur prolixe. Mais cet écrivain à succès nous surprend cette fois en laissant parler le violoniste qu’il est aussi. Le résultat ? « L’âme du violon – pour que chante la vie ». L’auteur voit l’instrument comme un miroir, une porte d’accès au monde invisible. Un outil pour atteindre l’« être spirituel » et une recherche de la beauté par la symbolique du violon. Superbe !

chemin«Chemin de croix»

Un chemin de croix écrit pour l’hebdomadaire Pèlerin par Dominique Quinio, ancienne directrice de La Croix. Une belle méditation due à la plume d’une femme qui a toujours mis en lumière une actualité souvent sombre. Un ouvrage superbement illustré par Corentin Fohlen, photographe renommé.

fabrique« La fabrique des prêtres »

Un pavé de l’historien tessinois Lorenzo Planzi : « recrutement, séminaire, identité du clergé catholique en Suisse romande – 1945/1990 »). Une thèse pertinente pour comprendre les mutations survenues dans le clergé durant presque un demi-siècle : les changements enregistrés depuis le recrutement jusqu’à l’expérience du ministère, en passant par les années de séminaire. Sociologiquement intéressant et fouillé.

bernadetteLa collection « Petite Vie », publiée désormais sous le label Artège Poche, sort en ce début mars une première série d’ouvrages consacrée à de grandes figures de l’Eglise. A commencer par sainte Bernadette de Lourdes, mais aussi saint Vincent de Paul, saint François d’Assise, le curé d’Ars, ou encore Joseph Wresinski, combattant infatigable d’ATD Quart Monde. D’autres parutions de cette collection sont annoncées pour juillet.

Infos

Ouvrages disponibles notamment dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice (avenue de la Gare, tél. 024 486 05 50, librairievs@staugustin.ch) ou de Fribourg (rue de Lausanne 88, 026 322 36 82, librairiefr@staugustin.ch)

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