A qui la faute?

A qui la faute?
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur pastoral des Coteaux du Soleil (VS), mai 2020

Par Isabelle Vogt

La pandémie du COVID-19 a réveillé chez certain-e-s de vieilles peurs ancestrales qu’on croyait disparues au XXIe siècle : la maladie comme punition divine parce que nous avons péché. Voyons ce qu’en pense Jésus en personne…Commencez par lire le chapitre 9 de l’évangile selon saint Jean en observant les différents acteurs et les étapes du récit. Y a-t-il des passages qui évoquent pour vous un lien avec l’Ancien Testament ? Des mots qui vous dérangent ?

Qui a péché ?
Le premier verset est déjà intéressant. D’habitude, les malades s’approchent de Jésus pour qu’il les guérisse. Pas cette fois. L’aveugle qui mendie au bord du chemin n’a rien vu, rien demandé. C’est Jésus qui le voit, « en passant » précise l’auteur. Et il semble que ce soit la question des disciples qui va déclencher la suite des événements : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, qu’il soit né aveugle ? 1 » (v. 2). Qui a péché, l’éternelle interrogation… si je suis malade, c’est forcément que j’ai péché et que Dieu me punit. Ah bon ? Vraiment ? Que répond Jésus ? « Ni lui n’a péché, ni ses parents : mais c’est pour que soient manifestées les œuvres de Dieu en lui. » (v. 3).

De la Genèse à l’évangile
Admirez le quiproquo, ou si vous préférez le glissement du « pourquoi » des disciples au « pour quoi » de Jésus. Jésus ne condamne pas l’aveugle, il ne le punit pas non plus. Au contraire, il va le guérir ! Il dit à ses disciples, et il nous dit par la même occasion : « Je suis la lumière du monde. » (v. 5).

La boue qu’il utilise pour enduire les yeux de l’aveugle nous rappelle la création du premier homme en Gn 2, 7. La boue est source de vie, d’humanité, de lumière. L’aveugle voit et témoigne, alors que les Pharisiens, manifestement, n’y voient rien d’autre qu’une infraction à la Loi, la Torah. Car Jésus a opéré une guérison durant le Shabbat. Notez aussi l’évolution dans les réponses de l’aveugle dont il a « ouvert les yeux » face aux Pharisiens qui le questionnent : de « l’homme appelé Jésus » au v. 11, il passe à « C’est un prophète » au  v. 17, puis à « Si celui-ci n’était pas Dieu, il n’aurait rien pu faire » (v. 33). Son histoire se termine par un magnifique acte de foi lorsqu’il rencontre à nouveau Jésus : « Je crois, Seigneur » et il se prosterne devant lui (v. 38). Il ne s’agit plus d’une simple guérison physique. Ce que Jésus a offert à cet homme, c’est le salut.

Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir
Quant aux Pharisiens, leur vision limitée à la stricte application de la Loi au mépris de l’humain en fait des aveugles. Il y a voir et voir, un autre quiproquo. Il y a rester à la surface des choses, comme la question des disciples au début, et sonder les cœurs, comme Jésus.

Posons-nous la question : non pas « pourquoi ce virus si ravageur ? », mais « pour quoi ce virus ? », qu’est-ce que je peux voir sous la surface, qu’est-ce qui peut changer en moi et autour de moi aujourd’hui et pour demain ?

Laissons le mot de la fin à Marion Muller-Colard 2 dans le hors-texte ci-dessous.

«Prendre une chose pour une autre
un échec pour une chance
une nuit pour l’amorce d’un matin
un vide pour la place d’accueillir
une blessure pour une peau bientôt neuve
Prendre un ennemi pour un allié
qui m’enseigne l’art de ma défense
Prendre le temps pour la patience
Prendre le large pour un voyage
et la mort pour une espérance
Et toi, te prendre pour qui tu es :
Celui qui a ressuscité un sens à chaque mot de ma vie.»

1 Toutes les citations bibliques sont extraites de la TOB, édition intégrale, Paris, Cerf, 2004.
2 Marion Muller-Colard, Eclats d’évangile, Bayard/Labor et Fides, 2002, p. 249.

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