Annoncer l’Evangile

Annoncer l’Evangile

Par Marc Passera
Photo: DR« Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile. » (1 Cor 9, 16) Le mot malheur est à prendre au sérieux ! Il revient souvent dans le NT et résonne comme une interjection : « aïe ! » (οὐαὶ)  Par quatre fois, Luc l’oppose aux béatitudes (cf. Lc 6, 24-26).

S’il y a un malheur à ne pas annoncer l’Evangile, c’est qu’il y a du bonheur à l’annoncer ! Et c’est certainement l’expérience de Paul qui, même au milieu des difficultés qu’il rencontre, connaît la joie : « on nous croit tristes, et nous sommes toujours joyeux. » (2 Cor 6, 10) Plus encore, les souffrances elles-mêmes deviennent paradoxalement pour lui un lieu de fécondité : « Ainsi la mort fait son œuvre en nous, et la vie en vous. » (2 Cor 4, 12)

Le pape François évoque cette expérience dans sa lettre sur la joie de l’Evangile : « Une annonce renouvelée donne aux croyants, même à ceux qui sont tièdes ou qui ne pratiquent pas, une nouvelle joie dans la foi et une fécondité évangélisatrice. » (EG 11)

Mais que signifie « annoncer l’Evangile » ? L’expression n’a de sens que si la Bonne Nouvelle a été d’abord accueillie et qu’elle donne le ton à toute l’existence. C’est la rencontre du Christ et la nouvelle vie qui en suit qui fait de Paul un apôtre, un envoyé, un homme qui annonce l’Evangile. Il ne cherche pas à convaincre, mais il dit de manière essentielle : « L’amour du Christ nous presse. » (2 Cor  5, 14)

Cette expérience traverse l’histoire de l’Eglise dans laquelle la foi d’hommes et de femmes se communique comme par contagion. Etre chrétien, c’est tout naturellement, être missionnaire.

Mais le terme a ses ambiguïtés. Si l’histoire des « missions » est témoignage d’une extraordinaire générosité et d’un certain héroïsme, elle a aussi été ces dernières décennies un lieu de relecture critique et salutaire.

Annoncer l’Evangile dans la rencontre d’autres cultures (au loin ou dans notre monde pluraliste) oblige à ne pas perdre de vue l’essentiel. Un travail d’inculturation est toujours nécessaire. S’inscrire dans l’élan de la Mission ne veut pas dire imposer une manière de voir les choses qui serait bonne simplement parce que c’est la nôtre ! Pour le dire crûment, il ne s’agit pas de rechercher des clients. Seule la vérité d’un témoignage vécu personnellement et en Eglise peut devenir une proposition de la foi qui rejoint la liberté de ceux vers qui l’on est envoyé.

Nous nous souvenons du titre provocateur d’un petit livre paru en 1943 : « France, pays de mission ». Il faisait le constat que la « fille aînée de l’Eglise » ne montrait plus beaucoup de signe de foi chrétienne.

De nos jours, le défi reste entier, il est même devenu plus exigeant. Les évidences et les points de repère ne sont plus les mêmes. On a le sentiment de vivre une rupture dans la transmission. Et pourtant, « Jésus-Christ est le même, hier, et aujourd’hui, et pour l’éternité » (He 13, 8). Comment annoncer l’Evangile aux générations qui viennent ? En le vivant ! Et peut-être aussi en faisant le deuil de ce qui nous a aidés à l’accueillir et que nous avons apprécié. Et puis, ne l’oublions jamais : la foi n’est pas avant-tout un ensemble d’idées dont nous voudrions convaincre, mais un don de Dieu à vivre dans la relation avec lui et à partager. Ce n’est qu’ainsi que peut se construire une culture chrétienne dont les expressions sont toujours nouvelles et souvent étonnantes…

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