Générosité et altruisme sont considérés comme des valeurs cardinales dans le christianisme. Alors que la philanthropie peut parfois sembler un «passe-temps» de riches, n’est-elle qu’une alternative laïque à la charité chrétienne ? Guylaine Antille aborde la question de la «grande philanthropie» au sein de l’Eglise catholique romaine-Genève (ECR).
Par Myriam Bettens | Photo :Jean-Claude Gadmer
L’Eglise catholique romaine-Genève (ECR) possède un service dédié à la « grande philanthropie ». Quel est son rôle ?
Le budget de l’ECR est constitué à cinquante pour cent par des dons et des contributions. La grande partie des donateurs fait des dons réguliers, essentiels et nécessaires, mais moins élevés en termes de montant. L’autre part de ces mécènes contribue financièrement de manière très importante ; ils sont considérés comme de « grands donateurs ». Ce sont des personnes, autant physiques que morales [ndlr. des entreprises], qui font des dons à hauteur de cinq mille francs et au-delà. Le service est donc dédié à la relation que nous entretenons avec ces grands donateurs et à l’offre qui va avec.
Qu’entendez-vous par : « l’offre qui va avec » ?
Nous souhaitons entretenir des relations privilégiées avec ces mécènes en leur proposant par exemple une rencontre avec l’évêque ou notre secrétaire général. Nous avons organisé dernièrement notre soirée de soutien en présence de Mgr Morerod et de Mgr Farine. Nous avons exposé très simplement à ces grands donateurs nos besoins et le rôle essentiel des prêtres et agents pastoraux sur le terrain. Ces personnes comprennent ainsi qu’ils donnent pour assurer la mission de l’Eglise.
La philanthropie parfois dépeinte comme un « passe-temps » de riches…
Au contraire, les raisons pour lesquelles les gens donnent sont souvent très profondes et en lien direct avec leur foi.
Est-ce une forme de charité laïcisée ?
Philanthropie ou charité, cela participe du même élan de générosité. La charité est une notion théologique. Mais on voit que certains donateurs ont besoin de s’appuyer sur d’autres notions, d’autres éléments pour donner. Toutefois les valeurs qui sous-tendent l’acte de donner restent les mêmes et la volonté d’une pérennisation de la mission de l’Eglise demeure également.
On constate pourtant une évolution du comportement des grands philanthropes, où le don s’apparente presque plus à un investissement. Constatez-vous cette tendance ?
Un investissement en termes de valeur ajoutée plutôt qu’en matière de profit. C’est un investissement par rapport à leur foi, avec la nécessité que le message de l’Evangile continue à se transmettre aujourd’hui à Genève. Toutefois, nous nous rendons compte que les appels de dons pour des projets concrets atteignent plus les donateurs que quand il s’agit du budget général de l’Eglise.
Justement, la Suisse constitue un terrain favorable à la philanthropie, mais cela va aussi de pair avec une concurrence accrue. Comment tirez-vous votre épingle du jeu ?
A nouveau, les gens donnent en raison de leur foi. De notre côté, il est vraiment important de souligner que notre mission s’articule toujours à la suite de celle du Christ.
Et comment encourage-t-on la culture du don ?
Cette culture participe à l’envie de laisser une empreinte, à Genève ou sur la terre, autre que la recherche du profit à tout prix. De notre côté, nous travaillons afin de montrer à nos donateurs que peu importe le montant, leurs contributions ont une très grande influence.
La philanthropie s’enseigne
La Suisse est un terreau propice pour la philanthropie. En vingt ans, le nombre de fondations philanthropiques a doublé et une nouvelle entité est créée chaque jour. Le pays possède l’une des plus fortes concentrations au monde de telles structures, car elles jouissent d’une image positive et d’une législation favorable. Pour répondre aux nouveaux enjeux et besoins du secteur, des formations spécifiques se sont développées, à l’image de celles proposées par le Centre en philanthropie de l’Université de Genève.
Bio express
Guylaine Antille est responsable du service Développement et Communication, et Recherche de fonds de l’Eglise catholique romaine-Genève (ECR). Licenciée en Sciences politiques et communication de l’Université de Genève, elle est mère de trois enfants adultes. Elle a été engagée à l’ECR entre 2008 et 2017 puis, à nouveau depuis 2023.
