Comme un signe

Comme un signe

Faire tomber les barrières qui peuvent séparer les personnes: le credo de la Communauté œcuménique des sourds et malentendants de Genève (COSMG). Par une communication respectueuse des besoins de chacun et un œcuménisme vécu au quotidien, sourds et malentendants des deux confessions font partie intégrante de l’Eglise. Rencontre avec Anna Bernardo, aumônière en charge de cette communauté.

Texte et photos par Myriam BettensLa parole peut être à la fois un espace de liberté, ou parfois vécue comme un enfermement. Anna Bernardo aime le langage et son inépuisable richesse. Elle accompagne dans sa profession de logopédiste ceux pour qui la magie des mots n’a pas opéré. Depuis plus de trente-trois ans, elle offre des clés pour « déverrouiller » une prononciation difficile ou une phobie de la lecture. Cette mission la passionne toujours autant, ainsi lorsqu’elle rencontre Mgr Farine pour concrétiser le souhait de s’engager en Eglise, Anna Bernardo lui demande expressément une fonction lui permettant de continuer à exercer sa profession en parallèle. Elle s’engage en tant qu’aumônière de la communauté des sourds et malentendants de Genève en octobre 2014. « Moi-même entendante, je n’ai que quelques petites notions de langue des signes française (LSF) », avoue-t-elle. La plupart des activités de la COSMG s’adressent à un public composé de sourds et d’entendants réunis. Les célébrations et toutes les activités organisées par la communauté sont toujours bilingues : LSF et français parlé. « En général, un interprète LSF est présent et nous projetons tous les textes de la célébration sur un écran », complète encore Anna Bernardo.

Le murmure du geste

Ces moments de partage et d’œcuménisme ont lieu tous les 3e dimanches du mois à la paroisse protestante de Montbrillant située à quelques encablures de la gare Cornavin, à Genève. Dans les jours précédant la rencontre, Anna Bernardo et sa consœur, la pasteure Katharina Völlmer Mateus, mettent au point le support visuel de la célébration ainsi que le script que recevra l’interprète LSF. Le dimanche matin, les deux femmes se rendent à l’église aux alentours de 8h30 afin de finaliser les préparatifs de la liturgie. Peu avant 10h, les premiers paroissiens pénètrent dans le temple, un lieu à l’architecture moderne devant son nom au Mont Blanc qui lui fait face. « Les cérémonies sont tout sauf silencieuses », glisse l’aumônière. Le lieu de culte bruisse du perpétuel murmure des gestes échangés, « du corps dans son entier entrant en prière ». Les personnes présentes à la cérémonie sont d’ailleurs toujours invitées à s’approprier la langue des signes dans la liturgie. Comme pour joindre le geste à la parole, l’aumônière dévoile quelques-uns des gestes du Notre Père. Elle décrit ensuite le moment de la salutation de paix des célébrations de la COSMG : « Les paroissiens se prennent dans les bras, se serrent la main ou encore s’embrassent. » Un moment d’émotion, qui inclut chacun.

La Parole incarnée

Aujourd’hui, les personnes sourdes sont mieux prises en compte dans la société. Cependant, elles ont été victimes de préjugés divers au cours de l’histoire. La croyance populaire associait, par exemple, la surdité à l’absence de raison. Une assertion qu’Aristote prenait à son compte en affirmant que celui qui ne parle est aussi dénué de pensée. La chrétienté n’a malheureusement pas amélioré le sort des sourds. Un des quatre Pères de l’Eglise latine, saint Augustin, restait persuadé que la personne sourde ne pouvait apprendre à lire puisque la parole lui manquait. Par extension, il estimait donc que la surdité rendait la foi impossible. « Pendant un siècle, les sourds étaient obligés de s’asseoir sur leurs mains. On les obligeait à utiliser la voix comme seul moyen de communication », affirme l’aumônière. Ce n’est que dans les années 1980 que la LSF est admise en tant que langue à part entière. Pour Anna Bernardo, elle offre la possibilité à toute personne qui signe de penser en images, les termes deviennent visibles et donc vivants. « Le corps est valorisé et devient un lieu de communion avec Dieu », décrit-elle. Plus encore, le message biblique « s’incarne dans le corps et le vécu des paroissiens ». La Parole de Dieu devient signe.

Un œcuménisme vécu

→ 8h30
Mise en place de la salle et du matériel à la paroisse protestante de Montbrillant, à Genève

→ 10h
Début de la célébration

→ 11h
Après-culte convivial constitué d’un temps de partage et d’un apéritif

→ 12h
Repas communautaire

→ 14h à 15h30
Rangement de la salle paroissiale

Le règne.
Le pain.
Pardonne-nous.
A…
… men.
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