Communier, toute une démarche!

Communier, toute une démarche!

«Il faudra qu’on régularise cela un jour», avait confié, en 2009 à Nanterre, l’ancien évêque Gérard Daucourt, à la suite de courriers reçus à l’évêché sur… la gestuelle de la communion! «Pincette», «trône», «dans la bouche» ou «sur la langue», on peut communier de diverses façons. Vraiment?

Par Thierry Schelling
Photos : Ciric, Jean-Claude GadmerAu numéro 161 de la présentation du Missel romain de 2002, on lit : « Si la communion est donnée seulement sous l’espèce du pain, le prêtre montre à chacun l’hostie en l’élevant légèrement et dit […] « Le corps du Christ ». Le communiant répond : « Amen » et reçoit le sacrement dans la bouche ou bien, là où cela est autorisé, dans la main, selon son choix. »

Clarté des mots : « selon son choix », dans la bouche ou dans la main. Le reste relève donc de la dévotion personnelle : à genoux, mains jointes, yeux fermés, ou après une génuflexion, ou en s’inclinant avant et après « réception », ou avec un objet pieux dans la paume qui « oblige » à déposer l’hostie dessus… Il y a aussi « la pincette » : on se saisit de l’hostie entre le pouce et l’index pour la porter à sa bouche. Tout est-il possible ?

Clarté des mots : « le communiant reçoit le sacrement dans la bouche… » semble être la norme, alors que l’exception – puisqu’il faut une autorisation de la conférence épiscopale – est de communier dans la main. Si l’Orient orthodoxe (rite byzantin en tous les cas) préfère de loin la communion buccale – étant donné qu’elle se fait toujours sous les deux espèces 1 avec un kochliárion ou cuiller de communion –, le rite romain a permis la communion sous l’une ou l’autre espèce – en règle presque absolue, le pain – pour des raisons pratiques avant tout… Ce qui pourrait être remis en discussion : « J’aime bien la messe de semaine ici car on peut communier au Corps et au Sang du Seigneur par intinction 2 », explique d’une traite Marisa. « Et pourquoi ne le faites-vous pas le dimanche ? » met-elle au défi.

1 On appelle « espèces » le pain et le vin utilisés pour l’eucharistie.
2 Lorsque le communiant trempe le Corps dans le Sang du Christ.

Pas de communion sans matériel adéquat.
Pas de communion sans matériel adéquat.

La pratique

« Ce n’est pas toujours hygiénique ni pratique de devoir ouvrir la bouche et communier de la main du prêtre… qui n’est pas toujours adroit non plus ! » confie une paroissienne. « En temps de grippe, je préfère recevoir le Corps dans le creux de mes mains. » Saint Cyrille d’Alexandrie parlait, dit-on, de former un trône avec ses mains pour y recevoir le Roi… Des sites traditionalistes réfutent cette allégorie en prétendant que son authenticité est douteuse, leur préférent une lecture littérale de certains passages bibliques. C’est dommage de se battre à coup de citations.

Il y a déjà les prêtres qui ne regardent pas les fidèles dans les yeux en leur montrant l’hostie consacrée, mais la distribuent tête-bêche, en marmonnant. Cela n’aide pas à rendre le moment solennel. « C’est vrai qu’à mon âge, me confie un confrère aîné, je dois faire attention à rester audible et correct dans le geste… ce qui n’est pas toujours facile. » Humble sincérité…

Et il y a un lien tellement fort et intime à ce moment-là entre le ou la communiant-e et la Présence réelle 3 que toute remarque devient une agression de la part du clerc sur le laïc (expérience faite !). Sans parler de la possible catégorisation « tradi » ou « moderne » aussi dans la gestuelle.

« Je me suis déplacée d’un rang, raconte Solange, car en suivant cette fidèle, qui fait une génuflexion avant la communion, je risque de m’encoubler sur sa jambe à terre si je la suis de trop près. » Explication d’une gestuelle privée à possible dégât collatéral…

3 Expression traduisant la foi catholique et orthodoxe, selon laquelle dans les espèces consacrées le Seigneur est vraiment présent.

Les vases sacrés purifiés par un diacre.
Les vases sacrés purifiés par un diacre.

Soin et sobriété

Tous les communiants réguliers sont conscients de la solennité du moment : à observer le soin avec lequel beaucoup prennent l’hostie – il y a des mini-gestes et mini-signes que chacun-e opère juste à ce moment-là –, on découvre, en grande majorité, une dévotion, un respect, une dignité que le célébrant serait bien en mal de juger excessifs ou insuffisants ! Tant que la base – recevoir le Corps du Christ dans la bouche ou dans la main puisque c’est autorisé en Suisse – est respectée.

Le soin porté dans la préparation à la première communion est un lieu à la fois de « démystification » et de sobre enseignement d’un… mystère. « Démystification », car les enfants veulent absolument goûter ce pain plat… et sont déçus de son absence de goût – quand cela ne leur rappelle pas le dessous du calisson 4 ! Alors on peut enseigner un tant soit peu le sens de la démarche de communion : « Ce sont les yeux de la foi qui font voir dans cette hostie consacrée la présence de Jésus », comme le souligne la catéchiste. Et cela prend du temps, d’entrer dans ce mystère…

4 Pâtisserie d’Aix-en-Provence posée sur du pain azyme. D’où le choix, comme dans l’UP Renens-Bussigny, de faire goûter l’hostie non consacrée avant, ou de faire faire du pain sans levain ni sel (communauté italienne) lors de la retraite des communiants, pour qu’au moment de la première des communions, grimaces, maladresses et empressement soient évités, et recueillement et simplicité dans le geste et l’attitude favorisés.

Donner la communion

« J’adore donner la communion à la messe, car je m’y prépare toute la journée intérieurement, et me lave les mains avant le début de la messe, rapporte André, de la communauté portugaise de Renens. J’ai l’impression que tout le dimanche où je suis auxiliaire de l’eucharistie, je pense à ce que je vais faire… »

Jadis un peu pour seconder le prêtre, aujourd’hui par vocation, des laïcs des deux sexes se forment à devenir « auxiliaires de l’eucharistie » ou « ministres extraordinaires de l’eucharistie ». Titres un peu ronflants par rapport au vécu des concernés. « J’aime bien auxiliaire car du temps où notre prêtre, malade, devenait plus âgé, il avait vraiment besoin d’une aide concrète pour la communion. » Rachel se réjouit qu’une fois le prêtre changé, elle a eu plaisir à continuer modestement. « Mais pas extraordinaire », non, je ne vois pas le sens ! » 

Le prêtre est le ministre ordinaire, régulier, habituel, de la communion ; le ou la laïc-que engagé-e vient donc en plus, en extra, d’où extraordinaire. Ce qui n’a donc rien à voir avec féérique ou hyper génial ! 

Tout célébrant peut appeler, le cas échéant, un ou une fidèle qu’il connaît pour le seconder au moment de la communion ; d’aucuns s’avancent de fait, aux célébrations de semaine. « Tous ensemble nous prenons soin de communier, dit Xavier, et depuis le Concile Vatican II, je me suis senti responsabilisé par nos curés à contribuer, au nom de mon baptême, à ce que la liturgie soit celle de et pour tout le Peuple de Dieu. »

Des laïcs se forment à devenir auxiliaires d’eucharistie.
Des laïcs se forment à devenir auxiliaires d’eucharistie.

Une session pour les auxiliaires de l’eucharistie

Le Centre romand de pastorale liturgique organise annuellement une session à La Pelouse pour des paroissien-ne-s qui n’ont pas reçu le mandat épiscopal comme auxiliaires de l’eucharistie. A noter que c’est l’évêque qui mandate les concernés, sur inscription du curé de la paroisse ; que tout paroissien habitué est « appelable » ; que le mandat à l’auxiliaire consiste à donner la communion non seulement aux célébrations ordinaires, mais à domicile, en EMS, à l’hôpital. Le SEFA (Service de formation et accompagnement de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud) propose, lui, des soirées de « relecture de nos pratiques » ainsi qu’un « approfondissement d’un aspect du mystère de l’eucharistie » (cf.www.cath-vd.ch/formations/servir-en-eglise-benevolat/). Un ministère bénévole, à toujours alimenter…

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