
Pendule, médiumnité, magie… L’ésotérisme fascine et sa pratique attire de plus en plus d’adeptes. Le père Jean-Christophe Thibaut a lui-même été séduit par ces trompeuses lumières. Ancien luciférien converti, il est aujourd’hui investi dans l’accueil et l’accompagnement des personnes ayant eu recours à des pratiques occultes.
Par Myriam Bettens | Photos : DR
Aujourd’hui on a tendance à imputer toutes les manifestations démoniaques à des troubles mentaux. Comment discerne-t-on la nature maléfique (ou non) de ces phénomènes ?
Nous sommes dans un domaine proche de celui de la psychologie, la vie spirituelle reposant aussi sur la vie psychique des individus. L’Eglise s’est donc donné un certain nombre de critères de discernement. La plainte doit être précise et, après avoir éliminé les causes naturelles, les phénomènes décrits doivent sortir de l’ordinaire. Les « manifestations » doivent avoir un début clairement identifié. Il y a toujours un événement déclencheur qu’il faut repérer, tels que tirage de cartes, magnétisme, mais aussi une retraite spirituelle ou un événement spirituel fort. Le dernier critère concerne le déséquilibre émotionnel que cela crée, comme la peur ou l’impossibilité de prier.
Le Démon a parfois bon dos lorsqu’il s’agit d’expliquer des événements que l’on ne comprend pas…
On a du mal aujourd’hui à reconnaître sa propre responsabilité dans les événements qui adviennent. On cherche un coupable, en se demandant ce qu’on a fait au bon Dieu ou au Diable pour vivre cela. Toutefois, le prêtre est bien souvent la dernière personne que l’on vient voir, car il y a toujours cette hantise d’être pris pour un fou, jugé, voire moqué, alors que la parole reste la première forme d’exorcisme en formulant le trouble que l’on vit.
En parlant d’exorcisme, ces ministères de délivrance n’ont pas si bonne presse et tendent à disparaître. Est-ce à dire que l’Eglise elle-même s’emploierait à rationaliser ces manifestations ?
Je crois au contraire que c’est un ministère en plein développement ou plutôt redéveloppement. Simplement parce que les demandes sont nombreuses et qu’il faut pouvoir les prendre en compte. Cela nécessite d’être formé, de ne pas avoir de tabous sur ces sujets-là et de reconnaître que ce monde invisible existe réellement. Sur ce dernier point, la position de l’Eglise n’a jamais varié. Néanmoins, l’apport de la psychologie nous aide à bien discerner ce qui relève effectivement du spirituel. D’où l’importance d’être entouré et d’avoir des relais dans d’autres spécialités sans minimiser la réalité de ces phénomènes.
La Bible et l’Eglise ont toujours mis en garde contre la tentation des pratiques occultes et, vous ne cessez de le rappeler, elles ont un prix…
Les pratiques occultes rendent débiteurs, car elles finissent toujours par lier la personne dans sa liberté. Lorsqu’on cherche à obtenir quelque chose dans le cadre du spiritisme, de la sorcellerie, du chamanisme, de la voyance, de la médiumnité ou encore du secret, les esprits du monde invisible vont intervenir dans nos vies, au point d’en prendre le contrôle. On abdique tout ce qui est de l’ordre de notre libre arbitre en laissant des forces extérieures nous diriger.
Lorsqu’on devient débiteur, comment fait-on pour solder sa créance ? D’ailleurs, peut-on vraiment s’en débarrasser ?
La bonne nouvelle, c’est que oui ! On invite premièrement la personne à une démarche de vérité pour mettre en lumière ce qui a été fait, sciemment ou de bonne foi. Le sacrement de réconciliation, des actes de renonciation et les prières de délivrance sont les autres instruments de libération que l’Eglise nous donne. Or, nous sommes dans une époque de mentalité magique où toutes les réponses doivent être rapides. Les gens veulent une petite prière qui n’implique pas trop et sans effets secondaires, alors que tout l’enjeu est de se mettre en chemin.
Bio express
Le père Jean-Christophe Thibaut (65 ans) est prêtre de paroisse dans le diocèse de Metz, aumônier d’un centre hospitalier en Moselle et historien des religions. Il se consacre depuis plus de trente ans à l’étude des phénomènes ésotériques et des thérapies alternatives. Il est d’ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. Avec le soutien de son évêque qui l’encourage dans ce ministère, depuis son ordination en 1992, il sillonne la France, parfois les pays voisins, pour aller à la rencontre des paroissiens lors de conférences, « le défi étant d’expliquer l’enjeu spirituel qu’il y a derrière ces pratiques sans que les personnes se sentent accusées ou jugées ».

