La maison de l’autre

Effectuer une visite à domicile est en réalité «entrer dans la maison de l’autre». Voilà brièvement exprimé une constatation essentielle faite à la suite de… visites à domicile.

Par Jean-François Bobillier
Photo: DR
J’avais une conviction profonde : face au fléau de la solitude, l’Eglise doit être plus présente chez les personnes, dans leur lieu de vie. En somme l’intuition est sans doute bonne et ne fait d’ailleurs que réactualiser une préoccupation déjà présente dans notre secteur pastoral. Cependant, au moment d’écrire ces quelques lignes, je prends conscience, une fois de plus, d’une conversion à laquelle sont invitées mes évidences. Oui, aujourd’hui mon regard a changé sur ma posture de visiteur ou d’accompagnant. Je m’explique. 

Particulièrement sensible aux cris sourds de tant d’existences, au regard de celui qui s’exclame « Ça va super et toi ? » tout en étant habité d’une détresse à peine camouflée, aux personnes souffrant en silence d’un puissant sentiment de solitude, je me suis dit : « Mon gars, t’es engagé en Eglise, c’est là que tu dois te diriger. Va, rends visite et écoute ces personnes. » Aujourd’hui je me le dis encore avec davantage d’élan et de foi. 

Là où la conversion a eu lieu, c’est dans la compréhension du mouvement. Le domicile n’est pas un simple appartement, avec tel ou tel mobilier, mais il est « Quelqu’un ». Il est le « Chez-Soi », le lieu de tant de partages et d’Amour, imprégné de la Présence de l’être aimé et disparu. Et je me sentais (idiot que je suis !) investi d’une mission sublime : apporter un peu de Dieu. Quelle absurdité ! Par les paroles échangées, le respect établi, les regards dénués de vains mots, j’ai découvert avec joie que Dieu est là et que je n’ai donc pas à l’amener mais à l’accueillir. Maurice Zundel disait qu’« on ne peut rencontrer le vrai Dieu si l’on ne devient l’espace où tout homme se sent accueilli, en respirant la présence de Dieu à travers la nôtre ». C’est sublime ! Mais pourquoi donc ai-je toujours entendu cette parole en m’identifiant au « on » (benêt que je suis !) ? N’est-ce pas l’autre qui me permet la rencontre avec Dieu, en m’accueillant et me permettant ainsi d’humer la présence divine ?

Je franchis désormais les seuils non pas les poches pleines de munitions divines et la tête droite, mais les mains vides et le cœur incliné.

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