A sa sortie en 2015, le texte du pape François sur l’écologie intégrale a connu un large écho. Son appel à œuvrer pour la sauvegarde de la Création a-t-il été entendu en terre romande? Cinq ans après, tour d’horizon sur ce qui a germé dans nos communautés.
Par Pascal Ortelli
Photos: Ccrfe, Oeco, Pxhere, DR, Pasaj, CiricSi la plupart des acteurs ecclésiaux s’éveillent à la transition écologique, beaucoup peinent encore à passer à l’action par des initiatives concrètes. L’association « œco Eglise et environnement », l’organe de consultation de la Conférence des évêques suisses sur ces questions, le constate à propos des labellisations « vertes » : elles rencontrent encore peu de succès en Romandie.
Bientôt un Coq vert au Jura…
Fabien Vallat, le secrétaire-caissier de la paroisse de Beurnevésin (JU), est le seul coach à s’être formé outre-Sarine pour amener celle-ci à entrer dans le processus de labellisation Coq vert. « Aujourd’hui après plus d’une année de travail, nous sommes au milieu de la démarche, confie-t-il. Notre petite taille rend les choses plus faciles, l’idée étant ensuite de l’exporter à notre unité pastorale. » La mayonnaise prend, car il est maintenant appelé à donner des conseils ailleurs, aussi chez les réformés de Delémont.
Cette action entre dans la visée de Laudato si’. L’encyclique insiste sur le fait que « la conversion écologique requise pour créer un dynamisme de changement durable est aussi une conversion communautaire ». (LS n° 219)
… et une Eglise verte à Martigny »
Le secteur paroissial de Martigny vient de s’engager dans un tel processus : « L’équipe pastorale s’est réunie en week-end au vert à Bourg-Saint-Pierre pour appréhender ces aspects par nos tripes », précise le diacre Pascal Tornay. Plusieurs engagements ont été pris autour du label Eglise verte et des sept rendez-vous de Carême sur la joie de la simplicité, en intégrant des partenaires locaux comme par exemple Moret Fruits pour y donner une conférence sur Laudato si’.
Non aux placements toxiques
L’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg a également donné le ton : il n’investit pas dans les énergies fossiles depuis l’arrivée de Mgr Morerod en 2012. Bien que symbolique, en raison de son faible poids économique, cette mesure permet d’être solidaire avec la campagne mondiale de désinvestissement des énergies fossiles qui fait pression sur les 200 entreprises cotées en bourse possédant les plus grandes réserves de CO2.
« Tout est lié »
Attention, la mise en œuvre de Laudato si’ ne se réduit pas au développement durable. Comme le relève Alain Viret, théologien formateur au Centre catholique romand de formations en Eglise, à la suite d’un colloque sur l’écologie intégrale, le leitmotiv « tout est lié » a sa source dans les mystères de la Trinité et de l’Incarnation : « L’encyclique nous pousse à penser théologiquement des notions comme le péché écologique et la justice climatique, pour les faire entrer de plein fouet dans le corpus de la Doctrine sociale de l’Eglise. » Promouvoir une écologie intégrale, c’est aussi reconnaître qu’« une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale ». (LS n° 49)
Il importe de travailler sur les résistances qui nous empêchent de passer à l’action. Michel Maxime Egger, auteur de plusieurs livres sur l’écospiritualité, anime le laboratoire pour la transition intérieure à Pain pour le prochain où il cultive une nouvelle forme d’engagement : celle du « méditant-militant ». Son but : allier contemplation et action dans une restauration des liens nourriciers à soi, aux autres, à la Terre et au Vivant. Laudato si’ met en lumière la synergie qui existe entre ces quatre relations constitutives de la personne. Tout est lié : telle est la force de son message, encore largement sous-exploité.
Des jeunes préoccupés
C’est le constat que fait Roberto de Col, responsable de la pastorale jeunesse (PASAJ) dans l’Eglise catholique vaudoise : « Nous n’avons pas encore pris conscience de toute la richesse de ce texte. Comme chrétiens, nous avons un rôle clé à jouer, car il s’agit d’une préoccupation centrale pour les jeunes. » Mieux les informer pour passer à l’action, tel est son but. Un groupe de travail a démarré pour produire entre autres un guide des bonnes pratiques à l’usage des animateurs.
En janvier, les aumôniers du gymnase, de la Haute Ecole et du Centre professionnel d’Yverdon ont créé avec leurs étudiants une exposition qui met en avant des solutions durables en s’inspirant de Laudato si’. Certains ont aussi accompagné leurs élèves durant les grèves pour le climat. Roberto de Col pousse son staff à se former dans ce sens. A l’EPFL, l’aumônerie anime des conversations carbone, une méthode pour réduire ses émissions de CO2 qui corrèle les aspects techniques aux résonances comportementales.
Des écogestes qui font la différence
A Genève, les membres de l’association Cotmec, retraités pour la plupart, ont pris au mot l’appel du Pape à adopter un style de vie plus sobre pour « exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir ». (LS n° 206) Leur brochure Des germes d’espérance pour la vie sur la planète fait le lien entre la manière dont se posait – ou pas ! – la question de l’écologie durant leur jeunesse. Elle répertorie les petits gestes écolos du quotidien ainsi que des initiatives alternatives.
Agir ensemble
Le Pape rappelle que « toutes les communautés chrétiennes ont un rôle important à jouer ». (LS n° 214) Travailler en réseau devient une urgence. A Lausanne, François Périllon, coordinateur du projet Eco Eglise, réfléchit avec d’autres partenaires à proposer prochainement un parcours ad hoc pour mieux accompagner les processus de transition en paroisse.
En ce sens, la synodalité mise en avant dans le récent document du pape François sur l’Amazonie n’est plus une option. Le diocèse de Saint-Gall démarre cet été un processus synodal à partir des thèmes de Laudato si’. L’écologie intégrale pousse nos communautés à revoir leur dynamique de fonctionnement au prisme de ce paradigme. Chacune à son rythme…
Et dans les monastères ?
L’Abbaye cistercienne d’Hauterive participe au réseau communion Laudato si’ – Des communautés en chemin de conversion écologique. Avec d’autres religieux, ils réfléchissent en compagnie d’Elena Lasida, professeure d’économie à l’Institut catholique de Paris, aux impacts de l’encyclique sur leur vie communautaire. Pour son abbé Dom Marc, « tous les paramètres de la conversion écologique se reflètent dans la vie monastique ». Leur domaine de 19 hectares est passé entièrement en bio en 2015. Toutes les décisions sont prises aujourd’hui à la lumière de l’éco-logie intégrale.