Le temps des miracles?

Le temps des miracles?
Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Aigle (VD), mai-juin 2020

Texte et photo par Tarcisio Ferrari

Ce dernier voyage veut être différent, prendre le temps d’une escapade d’un week-end non loin de chez nous, en Suisse. Il se présente comme inespéré, parce qu’il a été réalisé juste quelques jours avant la pandémie que nous vivons tous à présent. Traverser la Suisse par les routes de campagne nous fait découvrir notre territoire et ses magnifiques paysages, nous recentrer sur notre propre réalité ; pas besoin de prendre l’avion ou parcourir des milliers de kilomètres. Je veux voir « l’Essentiel », me tourner vers notre passé et son histoire et réfléchir au futur.

Après la Gruyère et Berne, on bifurque vers l’Emmental et sa splendide campagne où les imposantes fermes dominent les vertes prairies. Ici, tout semble idyllique. Mais n’oublions pas le labeur, la peine et le temps consacrés, n’oublions pas non plus la difficulté et la rudesse de la vie paysanne.

On poursuit par l’Entlebuch ; ici la campagne est moins riche et je pense que la vie y est plus difficile. Nous arrivons à la périphérie de Lucerne, à Emmenbrücke, où un entrecroisement presque inextricable de routes, d’autoroutes, de ponts et de voies ferrées nous amène à la réalité brutale d’aujourd’hui. Le calme s’achève.

On continue par Rotkreuz et sa moderne zone industrielle vers Schwyz, pour atteindre enfin la paisible et étroite vallée du Muotathal. La première vraie étape est la découverte de Schwyz qui, grâce à ses musées, nous fait revivre l’histoire, un peu oubliée, de l’origine de la Suisse à partir du XIIIe siècle, de la création de la Confédération par les trois premiers cantons et de son développement par l’agrégation d’autres cantons. Une visite bien idyllique dans sa présentation. Dans la réalité, en lisant un peu les livres d’histoire, on découvre combien de luttes externes à la Confédération ou entre les cantons ont attaqué l’esprit de paix et d’unité du pacte de 1291. Non loin de Schwyz, le détour par l’Abbaye d’Einsiedeln s’impose.

L’abbaye bénédictine d’Einsiedeln
Sa fondation remonte au moine ermite Meinrad qui, venant du monastère de Reichenau, vécut dans ce lieu jusqu’à sa mort en 861. Le nom Einsiedler en allemand signifie d’ailleurs « ermite ». La première pierre fut posée en 934 et l’abbaye bénédictine consacrée en 938. Après plusieurs incendies, la construction d’un immense monastère baroque débute en 1704. La chapelle Notre-Dame, de marbre noir, conservée à l’intérieur de l’abbatiale, est l’endroit où saint Meinrad bâtit son premier ermitage. Elle est célèbre, car elle conserve une sculpture en bois de poirier de la Vierge noire. Elle a miraculeusement échappé à de nombreux incendies, tandis que sa célèbre couleur noire est due à la restauration de 1803. Einsiedeln est aujourd’hui un lieu très prisé où se rendent pèlerins et touristes du monde entier. La richesse de la bibliothèque est le fidèle reflet de la vie intellectuelle de l’abbaye : 1200 manuscrits, 1100 incunables, 230000 volumes imprimés du XVIe au XXe siècle. 

Le miracle espéré
La visite à l’abbaye d’Einsiedeln, réalisée dans une période encore très calme, non submergée par les pèlerins et les touristes, mais brusquement abrégée par la pandémie, me fait réfléchir. 

Nous vivons actuellement une période très particulière ; des pays entiers sont à l’arrêt. Les gens se retrouvent confinés, chez eux ou, pour les moins chanceux, dans un établissement hospitalier, éloignés de leurs proches. Tout tourne au ralenti. Par la force des choses, on se recentre sur l’essentiel et on voit se développer une solidarité magnifique ; dans les hôpitaux, des miracles sont réalisés. La situation dans le monde entier et dans certains pays est dramatique, mais comment sera le futur à la reprise de la vie dite « normale » ?

Cette période servira-t-elle vraiment à une grande réflexion ? De grandes décisions seront-elles prises par les gouvernements, les politiciens et par chacun d’entre nous ? Serons-nous capables de définir l’essentiel ? Penser d’abord aux autres, à ses proches, au respect de la nature, aux défis climatiques, travailler avec engagement dans une ambiance saine, consommer de manière raisonnée et raisonnable. Continuera-t-on à aider nos proches, dans un élan de solidarité, la crise passée ? Abandonnera-t-on le superflu, les produits miracles et bon marché ? La liste de ces interrogations peut, bien sûr, s’allonger. Mon espérance, c’est que le temps des miracles est vraiment venu ; mais sommes-nous prêts à nous y engager ?

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