Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur Val d’Hérens (VS), octobre 2021
La paroisse d’Hérémence, qui fut érigée le 11 septembre 1438, va vivre une journée particulière dimanche 31 octobre: ce jour-là marquera les 50 ans, jour pour jour, de la consécration selon le rite catholique de son église, dédiée à saint Nicolas de Myre.
PAR YVAN DELALOYE | PHOTOS : ÉMILE MAYORAZ, YVAN DELALOYE, EVIDENCE PHOTOGRAPHY
L’ancienne église 1
La construction
L’abbé Antoine Clivaz, nommé curé d’Hérémence en 1760, constata rapidement que l’ancienne église était devenue trop petite en raison de l’accroissement important de la population de la commune. Suite au don de Jean-Baptiste Mayoraz, qui légua le champ de Chenevière (culture de chanvre), qui se trouvait en amont à l’ouest de l’édifice existant, la construction de la nouvelle église débuta en 1768 pour se terminer en 1788.
Pour parler de la générosité des paroissiens, qui permit la construction de l’église, l’abbé Clivaz se référa au miracle de la multiplication des pains relaté par l’évangéliste saint Jean, car à la fin de la construction il restait un solde de 1000 écus, montant évalué à 10’560 francs par l’abbé Antoine Gaspoz en 1925.
Le maître-autel
Le chœur de l’église d’autrefois était constitué par la chapelle existante. Lors de la démolition de l’église, en 1967, le maître-autel qui s’y trouvait fut vendu à la paroisse de Stalden qui l’installa dans son église paroissiale après y avoir remplacé la statue de saint Nicolas par une représentation de saint Michel, à qui elle est dédiée.
La nouvelle église
Le projet
Le projet de l’église actuelle remonte à 1960, date à laquelle l’abbé Marius Charbonnet, en charge de la paroisse, s’est vu confier la mission de bâtir un nouveau lieu de culte afin de remplacer l’église paroissiale fragilisée par le tremblement de terre du 25 janvier 1946.
C’est le rapport de l’architecte établi en 1961 qui se trouve aux archives cantonales qui éveilla l’attention des autorités religieuses et civiles d’Hérémence ainsi que celle des paroissiens. Dans celui-ci on pouvait notamment lire que « l’église se trouvait dans un état de vétusté avancée, les cloches ébranlaient un des murs de la nef et même l’arc qui dominait le chœur ».
Un concours est alors lancé et un règlement rédigé le 29 décembre 1961. Quinze projets sont déposés. Le jury choisit celui de l’architecte bâlois Walter Förderer appelé « Eglise » le 10 février 1963.
Pour expliquer son projet, l’architecte dira que, se trouvant face à une cuvette, il a imaginé un rocher qui y serait tombé dans lequel il a sculpté une église en tenant compte de la topographie.
La construction
La première pierre est posée et bénie le 22 septembre 1968. Durant l’hiver 1968-1969, les murs sont bétonnés et la voûte coffrée. Les travaux se poursuivent jusqu’en 1971. La nouvelle église, dédiée à saint Nicolas de Myre, est consacrée le 31 octobre par Mg Nestor Adam, évêque de Sion, en présence du curé, l’abbé Marius Charbonnet, et du vicaire, l’abbé Jean-Claude Favre.
L’ouvrage vu de l’extérieur
L’avis d’un architecte
Par Frédéric Dayer, architecte, Hérémence
« L’ouvrage est classé dans l’inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ISOS) avec comme objectif de sauvegarde » A « , ce qui le désigne comme bâtiment à sauvegarder au niveau national.
L’édifice, qui s’inscrit dans le courant brutaliste, met en exergue l’audace des autorités qui, au vu du contexte historique, social et culturel de l’époque, firent un choix novateur et avant-gardiste.
Le centre paroissial, monumental, constitue une véritable plateforme de distribution qui met en relation, par tout un réseau d’escaliers et d’esplanades, les entités qui l’entourent. Les parcours menant à l’église préparent subtilement les différentes séquences d’entrée qui dévoilent un exceptionnel espace intérieur de culte.
En plus de son aspect sculptural et artistique, il faut souligner la qualité de la construction. La complexité de l’ouvrage relève d’un défi hors norme qui n’aurait pu être relevé sans les aptitudes, les compétences et la synergie entre toutes les personnes investies dans sa réalisation. »
L’ouvrage vu de l’intérieur
L’espace liturgique
L’espace liturgique est conçu pour répondre aux exigences de la nouvelle liturgie dont l’abbé Charbonnet disait : « L’Eglise vivait le concile Vatican II. La réforme liturgique était à l’étude. Elle allait dans le sens d’une participation de l’assemblée à la célébration eucharistique » 2.
La place des fidèles durant les célébrations telle que redéfinie par le concile Vatican II 3 a permis de renforcer leur participation. Les blocs de bancs en bois sont disposés en hémicycle. Ils sont séparés les uns des autres par des allées qui convergent toutes vers le sanctuaire. Au cœur de l’assemblée, un vaste espace où se trouve l’autel, représentation symbolique du divin où s’accomplissent les rites sacrés. L’hémicycle se termine par la place réservée à la chorale : elle permet aux fidèles de voir les chanteurs et à ceux-ci de participer pleinement à la célébration.
La symbolique
Chaque église matérialise la maison de Dieu. Ici, les éléments qui l’agencent ont chacun leur symbolique, à l’image des statues qui ont été disposées de façon à garder un lien avec l’église précédente. En plus du Christ et de la Vierge, on y trouve les statues de saint Théodule, de saint Nicolas, des évangélistes et des protecteurs des chapelles.
La croix du Christ
Le Christ roman du XIe siècle présente la particularité de ne pas être mort, car il a les yeux ouverts. Inséré dans le mur même de l’édifice, il représente Jésus pierre angulaire de l’Eglise. Un chapitre du livre des Actes des Apôtres l’évoque d’ailleurs de la manière suivante : « Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes qui puisse nous sauver. »
La colonne de la Vierge
Soutenant le grand plafond, la colonne de la Vierge symbolise l’aide de Marie. Elle est « celle qui, dans l’Eglise, tient la place la plus élevée auprès du Christ et est en même temps la plus proche de nous » 4. Son emplacement actuel ainsi que l’inscription « Hérémence est l’alleu (terre) de Notre Dame », qui figurait sur son socle dans l’ancien édifice, prouve bien la dévotion des paroissiens envers Marie.
Le témoignage d’une visiteuse de passage
Par Géraldine Kobel, Charmoille (JU)
« Bien sûr que dans mon Jura natal, j’avais entendu parler de cette église particulière, spéciale, bizarre. Bien sûr que j’en avais vu des photographies prises sous plusieurs angles. Mais quand j’ai eu la chance, par une fin de journée du mois d’août 2020, de visiter l’église Saint-Nicolas d’Hérémence, j’ai été impressionnée par cet énorme rectangle qui semble en décalage avec son environnement.
Un bâtiment moderne en béton, style « monolithe » – on m’a dit que c’était voulu –, érigé au milieu d’un charmant village plutôt escarpé. Quelle audace et quelle ingéniosité ! Je me suis sentie minuscule au pied de cette église, mais également protégée.
L’intérieur m’a touchée par sa grandeur et sa simplicité. Tout y est à sa place, il n’y a ni trop ni trop peu de statues, de décorations,… La luminosité invite au recueillement. L’idée de disposer les bancs en arc de cercle me rappelle la souplesse et tous les arrondis que nous sommes invités à appliquer tout au long de notre vie en général et dans notre vie chrétienne. Dans la sacristie, j’ai découvert un beau message qui depuis lors m’accompagne : » Un reflet de Dieu est présent dans chaque visage que tu vois. » »
En guise de conclusion
« Espace concret de la mise en relation entre le monde visible qu’on appelle la Terre et le monde invisible qu’on appelle le Ciel » 5, l’église d’Hérémence, et plus particulièrement son espace liturgique, est véritablement à considérer comme l’instrument de la relation privilégiée que nous entretenons avec Dieu en étant un espace structuré pour la vivre activement.
L’église d’Hérémence, qu’il appelait sa « cathédrale » 6, est une œuvre à part dans la carrière de l’architecte. Cette cité de Dieu nous incite à la méditation grâce à l’eau qui coule goutte à goutte de la fontaine baptismale, rythmant le temps; et à l’extériorisation par la puissance de la voûte, construite de la main de l’homme, qui évoque la voûte céleste racontant la gloire de Dieu.
Chef-d’œuvre de l’architecture contemporaine, l’église est dotée d’un son et lumière qui permet aux visiteurs de comprendre les symboles qui y sont intégrés.
Une église tout entière espace liturgique
Par Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion
Ecrasé par le béton lors de ma première visite, touristique, je me suis retrouvé dans l’église d’Hérémence à concélébrer un ensevelissement qui avait attiré tous les habitants. De l’autel où je me trouvais, j’ai eu l’impression d’être élevé jusqu’aux occupants des galeries. Cette aspiration quasi physique élève l’âme jusqu’au ciel. De l’espace liturgique, l’assemblée peut être rejointe d’un regard et ramenée autour de l’autel, car en fait, c’est bien elle qui célèbre.
Notes
1 « Hérémence, Notices d’archives et souvenirs ».
2 « L’église d’Hérémence en Valais », témoignage de notre siècle, Marius Charbonnet.
3 « Présentation générale du Missel romain » publiée en 1970.
4 « Lumen gentium », constitution dogmatique sur l’Eglise de Vatican II.
5 « Espace et liturgie », Jean-Marie Duthilleul.
6 « L’église Saint Nicolas d’Hérémence », Guides d’art et d’histoire de la Suisse, octobre 2021.
Programme du 50e anniversaire
Samedi 30 octobre: vernissage du nouveau guide de la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS)
15h Réception des invités et de la population. Début de la partie officielle
15h50 Concert d’orgue et chœur
16h30 Apéritif offert par la commune d’Hérémence et visites guidées de l’église
18h30 Clôture de la partie officielle
Dimanche 31 octobre: fête du jubilé
9h15 Réception des invités à la chapelle Saint-Quentin
9h30 Procession depuis la chapelle Saint-Quentin
10h Messe solennelle présidée par Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion
11h30 Apéritif offert par la commune d’Hérémence
13h Banquet officiel
17h Fin avec temps de prière et chants.