Continuant sa méditation sur l’Hymne à l’amour, le pape François nous invite à une attitude de détachement. Celle de celui qui, tout en s’aimant lui-même, recherche plus encore le bien de l’autre. Difficile, mais pas impossible, précise-t-il.
Par Bertrand Georges
Photo: DRL’hymne à la charité affirme que l’amour « ne cherche pas son intérêt », ou « n’est pas égoïste » 1, rappelle le Pape, en précisant que l’on retrouve cette expression dans un autre texte : « Ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. » 2 De fait, poursuit-il, « les mères, chez qui se rencontre le plus grand amour, cherchent plus à aimer qu’à être aimées ». C’est pourquoi l’amour peut aller au-delà de la justice et déborder gratuitement, « sans rien attendre en retour ».3 Ce faisant, elles aiment comme le Christ nous aime. Le Pape prend soin de préciser « qu’une certaine priorité de l’amour de soi-même peut se comprendre comme une condition psychologique, en tant que celui qui est incapable de s’aimer lui-même rencontre des difficultés pour aimer les autres ». Devant une telle exigence, il s’interroge : « Ce détachement qui permet de donner gratuitement, est-il possible ? » Sa réponse, qui nécessite un véritable acte de foi, est d’une simplicité désarmante : « Il est certainement possible, puisque c’est ce que demande l’Evangile. » 4
Nous percevons combien cet amour qui invite à passer de « je te désire comme un bien pour moi » à « je désire ce qui est un bien pour toi » peut être un fondement solide pour le couple et la famille lorsqu’il est vécu dans la réciprocité. Cette manière d’aimer nous libère de l’utilitarisme, de la domination, de l’égoïsme. Une bénédiction nuptiale l’exprime fort bien : « Qu’ils trouvent leur bonheur en se donnant l’un à l’autre. » Cette façon de vivre ne signifie pas pour autant qu’il faille renoncer à ce que l’on est, puisque que, comme nous le rappelle saint François d’Assise, « c’est en se donnant que l’on se retrouve soi-même ».
Et si, dans une époque qui penche vers l’individualisme et le culte du moi, aimer de cette manière était… le monde à l’envers, le cœur à l’endroit ?
1 1 Co 13, 5
2 Ph 2, 4
3 Lc 6, 35
4 Cf. Amoris Laetita, pp. 101-102