Depuis l’automne 2022, le Jura pastoral a changé de modèle de gouvernance en nommant à sa tête une théologienne et un diacre. Après presque deux ans en tant que représentants de l’évêque, retour d’impressions avec Marie-Andrée Beuret et Didier Berret.
Par Myriam Bettens
Photos : Jura Pastoral (pôle communication)
Quel bilan pouvez-vous dresser après deux ans d’exercice ?
Marie-Andrée Beuret : Question un peu abrupte… La phase de transition qui se passe au niveau de la société dans laquelle on se trouve se manifeste aussi dans l’Eglise. Je ressens très fort cet état instable qui se manifeste partout. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles nous sommes directement interpelés, mais nous devons les penser ensemble. Certains espéreraient presque que nous décidions à leur place. Or, ce n’est sain(t), ni avec N ni avec T ! Il y a une grosse question en lien avec les responsabilités et la manière de les porter ensemble. Chacun est responsable pour soi en tant qu’individu, mais nous avons des responsabilités communes et il n’est pas possible de repasser aux autres cette part-là. D’où le défi de rechercher des chemins ensemble.
Didier Berret : Partager cette responsabilité est bon et même nécessaire pour ne pas porter les choses seul. Pouvoir partager avec quelqu’un qui a un autre point de vue pour prendre les décisions est essentiel, à la fois pour les raisons qu’elle vient d’évoquer, et aussi parce que s’il faut dessiner des lignes directrices pour l’avenir d’une Eglise, personne ne sait exactement où l’on va. J’ai appris à donner aux évènements l’importance qu’ils ont et à ne pas se laisser submerger par des choses qui ne nous concernent pas directement. Finalement, il importe de se redire que Jésus ce n’est pas nous (rires).
Quel a été l’écho de la base concernant ce nouveau modèle de gouvernance ?
D. B. : Certains sont perturbés par le fait que cela ne soit plus un prêtre. Majoritairement, les échos sont positifs. Beaucoup de personnes me disent : « enfin ! »
M.-A. B. : Je partage aussi cette impression. A l’usage, il pourrait être intéressant d’imaginer une équipe pastorale pour un vicariat ou une région diocésaine.
Exporter le « label » de théologien en pastorale 1 ailleurs en Romandie permettrait-il de nommer plus de laïcs et de femmes à des postes à responsabilités ?
M.-A. B. : Il est important d’avoir des équipes diversifiées, quel que soit le modèle, avec une complémentarité de personnes, de ministères et de formations. Par contre, le danger serait de s’ouvrir aux laïques et aux femmes seulement parce qu’il n’y a plus de prêtres, de se servir des théologiens en pastorale comme des bouche-trous. De plus, si l’on reste dans le modèle actuel, on court le risque de maintenir les communautés dans un système de service où les baptisés se retirent au profit des professionnels. Et à partir du moment où l’on a uniquement des professionnels face à la communauté des baptisés, qui n’est pas « professionnelle », il se forme une espèce de limite. Le risque serait de simplement remplacer le prêtre qui était mis sur un piédestal par une autre figure. Le problème n’est pas celui de la personne qu’on y met, mais bien le piédestal !
1 Un « label » d’appellation d’origine pastorale (AOP) pour le Jura. Début août 2020, le Jura pastoral (partie francophone du diocèse de Bâle) a institué le titre de « théologien en pastorale » pour ses agents pastoraux dotés d’un diplôme universitaire en théologie. Fruit d’une longue réflexion diocésaine, ce changement permet de reconnaitre le statut et le travail des agents pastoraux que le terme « assistant » rendait parfois ambigu.
Bio express
Marie-Andrée Beuret est une théologienne en pastorale, née en 1972. Elle a achevé une formation en théologie à Fribourg et à Lucerne (1999-2004) et un doctorat à Lucerne (2007). Elle a été instituée au service permanent du diocèse de Bâle en juin 2009. Elle est aussi membre de l’équipe de l’espace pastoral Ajoie-Clos du Doubs.
Didier Berret est né le 9 mars 1966. Marié et père de cinq enfants, il a mené des études en théologie à Fribourg et à Jérusalem (Dormition) de 1985 à 1990, puis institué assistant pastoral en juin 1991. Ordonné diacre en juillet 2000, il a été responsable de communauté durant dix ans pour l’Unité pastorale des Franches-Montagnes (Saignelégier).
Les deux Jurassiens ont été installés comme délégués épiscopaux de l’évêque de Bâle, Mgr Felix Gmür, pour le Jura pastoral, le 1er septembre 2022, lors d’une célébration eucharistique à l’église Saint-Marcel de Delémont.